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Polyexpositions

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Mélanges de substances chimiques

Le point sur les polyexpositions chimiques ou expositions professionnelles à plusieurs agents chimiques : secteurs concernés, effets sur la santé et démarche de prévention.

La polyexposition chimique : une réalité dans les entreprises

 

De nombreux produits chimiques sont utilisés dans les entreprises : solvants, peintures, colles, produits de nettoyage, réactifs de laboratoires, carburants, métaux, cosmétiques… Même dans une petite entreprise, de quelques dizaines à quelques centaines de produits chimiques différents peuvent être utilisés. Généralement, les produits chimiques sont composés de plusieurs substances qui engendrent une polyexposition des utilisateurs de ces mélanges. Les salariés se trouvent aussi exposés à des sous-produits émis par des procédés, comme le soudage ou l’usinage, ou par d’autres activités (produits de dégradation, brouillards, poussières…) et à des déchets. Par ailleurs, d’autres sources d’exposition aux produits chimiques extraprofessionnelles existent aussi, comme l’alimentation ou l’environnement ou la prise de médicaments.

Part des salariés se déclarant concernés par les polyexpositions aux agents chimiques (enquête Sumer 2017)

  • 33 % des salariés du secteur privé exposés à au moins une substance chimique la semaine précédant l’enquête
  • 15 % des salariés exposés à au moins trois substances chimiques
  • 10 % des salariés exposés à au moins un produit cancérogène

Un panorama des situations de travail qui ont généré des polyexpositions aux agents chimiques entre 2005 et 2014 permet d’identifier en particulier les situations mal contrôlées vis-à-vis des polyexpositions :

  • à titre d'exemple, dans le secteur de la santé, 38 % de ces situations exposent les opérateurs à un mélange de xylène / éthylbenzène / cyclohexane / 1-méthoxypropane-2-ol ;
  • un autre exemple est le secteur des déchets où 68 % de ces situations exposent les opérateurs à un mélange de métaux tels que l’aluminium, le cobalt et le baryum, et à des poussières inhalables ;
  • de la même manière, dans le secteur de l’imprimerie, 39 % de ces situations exposent les opérateurs à un mélange de toluène / 1,2-dichloroéthane / méthyléthylcétone /4-méthylpentane-2-one.

Les principaux résultats de ce panorama sont présentés dans le tableau ci-dessous.

Secteur

Mélange de substances fréquemment identifié

BTP

  • Cristobalite
  • Quartz
  • Tridymite

Déchets

  • Aluminium
  • Baryum
  • Cuivre

Usinage

  • Cobalt
  • Nickel

Santé

  • 1-méthoxypropane-2-ol
  • Cyclohéxanone
  • Éthylbenzène
  • Xylène

Imprimerie

  • 4-méthylpentane-2-one
  • Méthyléthylcétone
  • 1,2-dichloroethane
  • Toluène

Formulation

  • 2-phenylpropéne
  • Butyle acrylate
  • Méthacrylate de méthyle
  • Acétone
  • Styrène

 

À noter que de nombreuses autres situations de travail peuvent conduire à des polyexpositions des salariés à des mélanges de substances chimiques.

Effets, mécanismes

 

Les pathologies professionnelles développées par les salariés polyexposés peuvent résulter de mécanismes toxicologiques différents de ceux, mieux connus, de la monoexposition. Les effets des substances peuvent s’additionner, s’inhiber, entrer en synergie ou se potentialiser.

Différents types d’interactions toxicologiques

Effets toxicologiques des mélanges de produits chimiques

Type d’interaction

Définition

Commentaires

Additivité (addition)

1 + 2 = 3

 

Réponse égale à la somme des réponses des substances prises individuellement.

Hypothèse prise le plus souvent par défaut, en l’absence de connaissance sur l’interaction.

Infra-additivité

(antagonisme)

1 + 3 = 2

 

Réponse inférieure à la somme des réponses des substances prises individuellement. Ce type d’interaction, que l’on peut qualifier de bénéfique à court terme, peut être mis à profit dans le traitement de certaines intoxications.  

Exemple : administration d’éthanol à un patient lors d’une intoxication au méthanol. L’acide formique et les formiates sont les métabolites toxiques du méthanol, formé via l’alcool déshydrogénase, enzyme également impliquée dans le métabolisme de l’éthanol. Cette enzyme est non spécifique et possède une plus grande affinité pour l’éthanol. En cas de concentration suffisante d’éthanol, l’alcool déshydrogénase va métaboliser en premier lieu l’éthanol ; le méthanol n’est plus transformé en acide formique et formiates, sa toxicité diminue.

 

Supra-additivité (synergie)

1 + 2 = 5

 

Réponse supérieure à la somme des réponses des substances prises individuellement.

 

Exemple : Le n-hexane et la méthylbutylcétone peuvent être responsables du développement d’une polynévrite toxique. La coexposition avec la méthyléthylcétone (MEK) a un effet potentialisateur. Une autre situation est la coexposition à des métaux (cadmium, plomb, arsenic…)  et à des hydrocarbures halogènes ou à des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) responsable d’une altération hépatique enzymatique.

 

Supra-additivité (potentialisation)

0 + 3 = 5

 

Augmentation de la toxicité d’une substance par une autre substance ayant peu ou pas de toxicité.

Exemple : coexposition solvants cétonés (comme la méthyléthylcétone  (MEK), non hépatotoxique) et solvants halogénés (comme le chloroforme, hépatotoxique) : effets exacerbés sur le foie via une induction enzymatique.

 

 

Les mécanismes déterminants la synergie et l’antagonisme sont complexes et, de fait, s’avèrent difficiles à appréhender.

Cinétique des effets

 

La polyexposition chimique n’implique pas nécessairement une exposition simultanée à plusieurs substances. En effet, chaque substance chimique a une durée de vie (clairance) variable. Elle peut persister dans l’organisme pendant quelques heures (méthyléthylcétone) ou parfois pendant une vie entière (béryllium, polychlorobiphényles). Les expositions séquentielles, à des jours différents de la semaine, sont potentiellement problématiques lorsque les substances concernées possèdent des demi-vies biologiques (temps nécessaire à une substance pour perdre 50 % de son activité physiologique) supérieures à 24 heures. Dans ce dernier cas, un travailleur qui serait exposé à une substance A pendant les trois premiers jours de la semaine, et, à partir du milieu de semaine à une substance B interagissant avec la première, serait sujet à des risques inhérents aux polyexpositions.

Cette problématique se pose aussi lorsque le salarié se retrouve exposé en dehors de son environnement professionnel à des substances chimiques (médicaments de demi-vie longue par exemple) pouvant interagir avec des substances professionnelles. Lors d’une reprise du travail après une maladie, en cas de traitement pour une affection chronique, les médicaments absorbés sont présents dans l’organisme du salarié exposé à des substances/agents chimiques sur le lieu de travail.

Démarche de prévention et outils

 

La démarche de prévention des polyexpositions aux agents chimiques s’intègre dans la démarche « classique » d’évaluation et de prévention des risques chimiques. Néanmoins, elle requiert une expertise particulière dans la prévention des risques chimiques.

Cette démarche se déroule en quatre étapes :

  • identification des dangers en repérant les produits et en inventoriant leurs dangers ;
  • évaluation des risques en analysant les modalités de mise en œuvre de ces produits pour évaluer l’exposition (produits de départ, produits émis…) et identifier les situations de polyexpositions ;
  • hiérarchiser les risques pour prioriser les actions de prévention à mener ;
  • élaborer et suivre un plan d’actions.

L’analyse des risques cumulés et des synergies possibles liées aux polyexpositions permet de modifier la hiérarchie des risques et prioriser les mesures de prévention adaptées à ce contexte.

Pour faciliter cette démarche, l’INRS met à disposition trois outils d’évaluation des risques chimiques :

  • Seirich pour dérouler la démarche d’évaluation des risques chimiques jusqu’à l’élaboration du plan d’action ;
  • Mixie pour évaluer les effets potentiels sur des salariés exposés à des mélanges de substances chimiques ;
  • Altrex Chimie pour définir une stratégie de contrôle et interpréter les résultats de mesures dans l’air de cocktails de substances chimiques.

Suite à cette évaluation, les mesures de prévention classiques du risque chimique peuvent être mises en place et renforcées, par exemple :

  • en priorité substituer ce qui est dangereux par ce qui l’est moins ou travailler en circuit fermé ;
  • mettre en œuvre des dispositifs de captage à la source ou adapter (en général augmenter) leurs débits et le renouvellement de l’air ;
  • choisir des équipements de protection individuelle efficaces contre les différents produits chimiques contribuant à la polyexposition (en vérifiant que les types des filtres des appareils de protection respiratoire sont adaptés et que les matériaux des gants de protection sont imperméables aux différentes substances présentes).

D’autre part, des mesures spécifiques de prévention des polyexpositions chimiques sont aussi conseillées comme :

  • l'information des salariés sur les risques liés aux polyexpositions, simultanées ou séquentielles ;
  • la prise en compte par le médecin du travail des effets potentiels des polyexpositions lorsqu’il organise le suivi de l’état de santé des salariés concernés (organes à surveiller particulièrement, prise en compte des effets de certains traitements…).
Pour en savoir plus
Mis à jour le 14/11/2022