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  4. Bruit et substances chimiques (rubrique sélectionnée)

Bruit et substances chimiques

 

Si le bruit reste la nuisance la plus importante pour l'audition, l’exposition à certaines substances chimiques peut altérer l’oreille interne des salariés. Les dommages sur l’oreille interne peuvent porter sur deux fonctions : l’audition ou l’équilibre. Ces substances chimiques, appelées agents ototoxiques, peuvent également potentialiser les effets du bruit et augmenter les risques d’atteintes auditives liées au travail. C’est le cas de certains agents toxiques professionnels comme les solvants aromatiques, le monoxyde de carbone et l’acide cyanhydrique, ou extraprofessionnels comme certains médicaments (antibiotiques, diurétiques, salicylates et antitumoraux). Or, les limites réglementaires à l’exposition au bruit ont été établies pour des sujets sains ne présentant pas de fragilité de l’oreille interne et sans tenir compte d’une éventuelle coexposition à des substances ototoxiques. Une oreille exposée à un agent ototoxique peut se révéler plus vulnérable à une agression sonore qu'une oreille exposée uniquement au bruit.

Les mesures de prévention sont donc à mettre en place à la fois par l’employeur et les chargés de prévention dans l’entreprise, mais aussi par les services de prévention et de santé au travail qui suivent les salariés.

Effets, mécanismes

 

Des études toxicologiques et épidémiologiques ont démontré les effets de plusieurs substances chimiques sur l’oreille interne. Il peut s’agir de substances utilisées en milieu professionnel (solvants, métaux…), mais également de médicaments pris par les salariés.

Agents ototoxiques professionnels

Solvants aromatiques

 

Les solvants aromatiques comptent parmi les produits chimiques les plus utilisés dans l'industrie. Que ce soit le toluène, qui entre dans la composition de peintures, vernis, encres et agents dégraissants, le styrène, très utile dans le processus de fabrication des composites polyesters stratifiés, sans oublier le xylène et l'éthylbenzène, tous ces solvants organiques sont très volatils et peuvent être toxiques pour les salariés qui les inhalent.

En France, 74 400 personnes travaillent dans des industries produisant ou utilisant des résines de polyester, et 24 800 personnes sont directement exposées au styrène, auxquelles on se doit d'ajouter les populations exposées au toluène (148 800 personnes), au xylène et à l'éthylbenzène (selon les données de l’enquête déclarative Sumer 2017).

De nombreuses études épidémiologiques ont déjà souligné le caractère ototoxique de ces solvants aromatiques.

Il y a un large consensus scientifique pour dire qu’il existe un risque réel de potentialisation des effets du bruit par les solvants. Les déficits auditifs mesurés suite à une exposition combinée pouvant être, dans certaines conditions, supérieurs à la somme des déficits provoqués par le bruit et de ceux induits par les solvants (voir « Différents types d’interactions toxicologiques »). 

  • Cochlée saine et cochlée endommagée par un solvant

  • Cochlée saine et cochlée endommagée par un solvant

  • Vue au microscope électronique à balayage de cellules ciliées de rat (cellules sensorielles recouvrant la surface de la cochlée), dont les stéréocils ont été endommagés (au premier plan) par une coexposition au disulfure de carbone et au bruit

Métaux

 

Les métaux et leurs composés sont utilisés dans de nombreux secteurs industriels : métallurgie, fabrication de composants électriques et électroniques, de pigments, d’accumulateurs, de polymères (catalyseur) ou de panneaux solaires Suffisamment d’études toxicologiques démontrent l’effet toxique pour l’audition de certains métaux et de leurs dérivés.

Le niveau de preuve d’une ototoxicité apparaît élevé pour le plomb, le mercure, l’arsenic, et modéré pour le cadmium, le manganèse, le triméthylétain, le dioxyde de germanium, le cobalt

Monoxyde de carbone et cyanure d'hydrogène

 

Le monoxyde de carbone [CO] et le cyanure d’hydrogène [HCN] comptent parmi les gaz les plus dangereux en milieu professionnel. De plus, il est suspecté qu’une exposition sonore non traumatisante peut le devenir lorsque du monoxyde de carbone ou du cyanure d’hydrogène est présent concomitamment à l’exposition au bruit.

Agents ototoxiques extraprofessionnels

 

Bien que ces produits ne soient pas utilisés en milieu professionnel, ils peuvent avoir un impact sur la santé des opérateurs s’ils sont combinés à des nuisances présentes sur le lieu de travail. Pour cette raison, les services de santé au travail doivent les prendre en compte comme indiqué au chapitre « Démarche de prévention des risques ototoxiques »

Antibiotiques

 

Parmi les différentes classes d'antibiotiques, seuls les antibiotiques aminoglycosidiques (AA), antibiotiques utilisés dans des infections sévères, seront évoqués en raison de leur ototoxicité.

Il existe une synergie entre les effets ototoxiques des aminoglycosidique et ceux du bruit, d’où un risque ototoxique pour les personnes qui, après avoir été traitées avec des AA, reprennent leur travail dans un environnement bruyant. Ce risque est d’autant plus grand que les AA peuvent persister plusieurs semaines dans les liquides de l’oreille interne.

Diurétiques

 

Le furosémide, l'acide éthacrynique, le bumétanide sont trois diurétiques connus pour leurs effets ototoxiques temporaires.

La surdité apparaît quelques minutes seulement après l'administration ou l'ingestion du diurétique. À la différence de celle induite par les aminoglycosides (AA), elle régresse parallèlement à l’élimination des diurétiques et cesse à l’élimination totale du produit par l’organisme.

Les diurétiques perturbent les équilibres ioniques existant entre le sang et les liquides de l’oreille interne, entraînant ainsi une baisse des performances auditives. Les personnes sous traitement doivent donc être informées des risques encourus. Il existe une synergie entre les effets ototoxiques des antibiotiques et ceux des diurétiques. De plus, une étude révèle la potentialisation des effets ototoxiques de certains métaux lourds, comme le cadmium, par le furosémide.

Salicylates

 

L'acide acétylsalicylique, ou aspirine, est un des médicaments les plus couramment consommés. Lors d’un traitement, des déficits auditifs partiels et temporaires peuvent apparaître lorsque la concentration sanguine en aspirine est de l’ordre de 10-15 mg pour 100 mL. Lorsque la concentration sanguine atteint 19,6 mg pour 100 mL, des sifflements de l'oreille ou acouphènes peuvent survenir. Comme les diurétiques, l'aspirine agit en modifiant les équilibres ioniques entre le sang et les liquides de l’oreille interne. Elle modifie le comportement des cellules ciliées externes provoquant ainsi une hypoacousie (baisse de l’audition) et des acouphènes.

Antitumoraux

 

Le cisplatine, l’oxaliplatine et le carboplatine sont des anticancéreux employés en chimiothérapie. Leur utilisation est susceptible de modifier la composition électrochimique des liquides de l’oreille interne et de détruire des cellules ciliées. Ils ont des effets cochléotoxiques permanents.

Quant aux effets conjugués du bruit et ces antitumoraux, un risque accru de déficit auditif à l’exposition au bruit a été mis en évidence par des études toxicologiques. De plus, le ciplastine peut persister plusieurs mois dans la cochlée. Un travailleur pourra donc se trouver en situation de coexposition même plusieurs mois après la fin du traitement en cas d’exposition au bruit.

Circonstances d’exposition au bruit et aux substances chimiques

 

L’enquête Sumer 2017 montre que plus de 2 millions de salariés déclarent être exposés à des nuisances sonores pouvant entraîner des surdités professionnelles, malgré l’existence d’une réglementation relative à la prévention des risques d’exposition au bruit.

Les dernières statistiques indiquent pourtant que 517 cas d’atteintes auditives ont été reconnus en maladie professionnelle en 2019 au titre du tableau 42 du régime général.

Rappelons que lorsque la protection collective ne permet pas de réduire suffisamment le niveau de bruit, une protection individuelle doit être mise à disposition des personnes exposées à un bruit continu équivalent supérieur à 80 dB(A) pendant 8 heures, ou à un bruit impulsionnel supérieur à 135 dB(C).

Définitions de unités dB(A) et dB(C)

  • dB(A) : unité définie à partir de l’échelle de décibel (dB) utilisant une pondération fréquentielle (appelée pondération A) pour prendre en compte la sensibilité de l'oreille humaine pour les niveaux de bruit faibles et modérés.
  • dB(C) : unité définie à partir de l’échelle de décibel (dB) utilisant une pondération fréquentielle (appelée pondération C) pour prendre en compte la sensibilité de l'oreille  humaine pour les niveaux de bruit élevés (et notamment les bruits impulsionnels comme les chocs ou les détonations).

S’il est clair que le bruit demeure le risque professionnel le plus nocif pour l’audition, certaines substances chimiques peuvent également provoquer des surdités en agissant directement sur l’organe sensoriel de l’audition, la cochlée, ou en potentialisant les effets du bruit.

  • Certains composés chimiques, comme les solvants aromatiques ou certains médicaments, ont un effet toxique sur la cochlée, l’organe de l’audition. Ils peuvent ainsi augmenter les risques professionnels liés au bruit.

  • Certains composés chimiques, comme les solvants aromatiques ou certains médicaments, ont un effet toxique sur la cochlée, l’organe de l’audition. Ils peuvent ainsi augmenter les risques professionnels liés au bruit.

  • Certains composés chimiques, comme les solvants aromatiques ou certains médicaments, ont un effet toxique sur la cochlée, l’organe de l’audition. Ils peuvent ainsi augmenter les risques professionnels liés au bruit.

Ces agents chimiques ototoxiques (toxiques pour la cochlée) peuvent avoir une origine professionnelle, comme certains solvants, ou extra-professionnelle, comme certains antibiotiques, ou anti-tumoraux, pour ne citer que les principaux. A noter qu’il existe également des cas où les travailleurs sont exposés dans un cadre professionnel à des actifs médicamenteux (antibiotiques, anti-tumoraux). Cela peut être le cas par exemple d’infirmières en service d’oncologie ou des préparateurs dans les pharmacie centrales d’hôpitaux.

Démarche de prévention en cas de coexposition bruit et agents ototoxiques

Dans un premier temps, les mesures de prévention classiques doivent être mises en place pour supprimer ou limiter le bruit et les expositions aux agents chimiques (dont les agents ototoxiques). Elles permettent de supprimer ou limiter les risques des polyexpositions bruit et substances chimiques. 

En se basant sur les connaissances disponibles actuelles, on ne sait pas aujourd’hui définir de seuil d’exposition en dessous duquel cette coexposition n’a pas d’effets. Il est cependant recommandé de réduire les niveaux d’exposition aux niveaux les plus bas techniquement possibles, que cela soit pour le bruit ou pour les substances chimiques concernées. 

Il est également nécessaire de prévoir les mesures de prévention suivantes : 

  • L’employeur ou le chargé de prévention de l’entreprise doit informer les salariés coexposés au bruit et à des ototoxiques des risques accrus liés à cette coexposition. Ces ototoxiques peuvent être des substances chimiques professionnelles (comme les solvants aromatiques) ou des médicaments (comme le cisplatine, le carboplatine, les aminoglycosiques…). Il est également recommandé de fournir aux salariés des équipements de protection individuelle, de les former à leur utilisation et de veiller à leur bonne utilisation, et ce avant l’atteinte des seuils réglementaires qui les rendrait obligatoires.
  • Les services de santé au travail peuvent proposer une adaptation du poste ou préconiser le port d’EPI si le risque ou les conséquences sont avérés. Ils doivent également prendre en compte les effets ototoxiques potentiels lors du suivi en santé au travail des salariés. Une attention particulière sera notamment portée au suivi de l’audition dans ces situations de polyexposition (bruit/substances chimiques). 
    Ils peuvent également informer les salariés des risques d’hypoacousie consécutifs à la prise de certains diurétiques, mais surtout informer sur les risques encourus par une prise combinée de ces diurétiques en même temps que d’autres médicaments ototoxiques (comme certains antibiotiques), ou lors de l’exposition à de certains métaux lourds.
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Mis à jour le 14/11/2022