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Travail à la chaleur

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Évaluer les risques liés au travail à la chaleur

La démarche d’évaluation des risques doit inclure les dangers liés à la chaleur. Plusieurs paramètres sont à prendre en compte, qu’il s’agisse de travail en extérieur ou à l’intérieur de locaux. Ils peuvent être liés non seulement à la température (extérieure ou générée par un procédé de travail) mais aussi aux caractéristiques de l’environnement de travail (présence de rayonnement, vitesse et humidité de l’air) et à la tâche à effectuer, à l’organisation du travail, à l’aménagement des locaux. Certains facteurs individuels sont aussi à considérer.

Le bilan thermique

La situation d’un individu dans une ambiance thermique donnée va être influencée notamment par les caractéristiques physiques de l’environnement (la température, la vitesse et l’humidité relative de l’air et la présence de surfaces rayonnantes…), la production de chaleur corporelle (métabolisme et travail) et les propriétés thermiques des vêtements qu’il porte. Des indices dits de « confort thermique » ou de « contraintes thermiques » permettent de caractériser la situation d’un individu dans une ambiance donnée en intégrant l’ensemble de ces facteurs. L’indice le plus utilisé est l’indice de sudation requise désigné sous l’acronyme « ATP » pour « astreinte thermique prévisible ». Cet indice est basé sur le bilan thermique du corps au poste de travail. Ce bilan est le résultat de l’équilibre du corps dans un environnement donné. Vont entrer en compte les différents mécanismes d’échange thermiques entre le corps et l’air (convection, conduction et rayonnement), mais aussi les mécanismes propres au corps que sont la sudation et la respiration. Cette méthode d’évaluation ne s’applique que dans des situations de travail jugées « permanentes », soit de plusieurs heures, pour lesquelles le corps a eu le temps d’établir un équilibre avec son environnement.

Ambiance chaude : quelles mesures ?

  • Température de l’air : à l’aide d’un simple thermomètre (placé à l’ombre si travail à l’extérieur) ; utilisation possible de sondes à résistance ou de couples thermoélectriques ; utilisation possible d’un psychromètre, qui permet de mesurer à la fois la température sèche et la température humide de l’air
  • Humidité relative de l’air : hygromètres, appareils de mesure disponibles dans le commerce
  • Rayonnement : à l’aide d’un globe noir
  • Vitesse : anémomètre ou sonde à fil ou boule chaude

Le travail en fonderie nécessite l’établissement d’un bilan thermique par des intervenants spécialisés

Dans certaines situations de travail exposant à la chaleur (sidérurgie, verrerie…), il est indispensable d’établir un bilan thermique précis. Pour cela, il faut avoir recours à des méthodes d’évaluation plus complexes et plus difficiles à mettre en œuvre par des non-spécialistes. Ces méthodes sont étroitement liées à la réponse du corps humain face à la chaleur. Outre la température ambiante et le taux d’humidité, elles prennent en compte d’autres paramètres intervenant dans la sensation de chaleur (présence d’objets chauds dans l’environnement, mouvements de l’air, apport solaire, transpiration…). Les centres de mesures physiques des Carsat peuvent aider pour déterminer l’astreinte thermique prévisible.

Facteurs inhérents au poste de travail ou à la tâche à exécuter

Tout travail implique une dépense d’énergie et donc une production de chaleur. Plus la charge physique est lourde, plus un travail pénible dure et plus la chaleur est difficile à supporter. Il faut donc prêter une attention particulière aux personnes amenées à effectuer des travaux physiques pénibles (lourds et très lourds dans l’encadré ci-dessous).

Classification à 4 niveaux de la charge physique, avec exemples
Classe

Exemples

Repos Repos assis ou debout
Travail léger
  • Travail de secrétariat
  • Travail assis manuel léger (taper sur un clavier, écrire, dessiner, coudre, faire de la comptabilité)
  • Travail assis avec de petits outils, inspection, assemblage ou triage de matériaux légers Travail des bras et des jambes (conduite de véhicule dans des conditions normales, manœuvre d’un interrupteur à pied ou à pédales)
  • Travail debout (fraisage, forage, polissage, usinage léger de petites pièces) Utilisation de petites machines à main Marche occasionnelle lente (inférieure à 3,5 km/h)
Travail moyen
  • Travail soutenu des mains et des bras (cloutage, vissage, limage…)
  • Travail des bras et des jambes (manœuvre sur chantiers d’engins : tracteurs, camions…)
  • Travail des bras et du tronc, travail au marteau pneumatique, plâtrage, sarclage, binage, cueillette de fruits et de légumes
  • Manutention manuelle occasionnelle d’objets moyennement lourds
  • Marche plus rapide (3,5 à 5,5 km/h), ou marche avec charge de 10 kg
Travail lourd
  • Travail intense des bras et du tronc Manutention manuelle d’objets lourds, de matériaux de construction
  • Travail au marteau
  • Pelletage, sciage à main, rabotage
  • Marche rapide (5,5 à 7 km/h), ou marche de 4 km/h avec charge de 30 kg
  • Pousser ou tirer des chariots, des brouettes lourdement chargées
  • Pose de blocs de béton
Travail très lourd
  • Travail très intense et rapide (par exemple déchargement d'objets lourds)
  • Travail au marteau à deux mains ou à la hache (4,4 kg, 15 coups/minute)
  • Pelletage lourd, creusage de tranchée
  • Montée d'escaliers ou d'échelles
  • Marche rapide, course (supérieure à 7 km/h)

Légende : D’après la norme ISO 8996

Les efforts physiques importants augmentent les risques liés à la chaleur

La notion de durée du travail est importante : monter des escaliers est un travail très lourd s’il est effectué pendant 8 heures en continu, mais peut être considéré comme un travail léger s’il dure 30 secondes.
La nature des vêtements de travail ou de protection doit également être prise en compte dans l’évaluation des risques. Certains équipements peuvent en effet gêner l’évacuation de la chaleur corporelle.

Facteurs liés à l’organisation ou à l’aménagement des locaux

Certains paramètres organisationnels ou liés à l’aménagement de l’environnement de travail peuvent constituer des facteurs de risques pour les salariés exposés à la chaleur, notamment :

  • travail à proximité de sources de chaleur (four, procédé ou équipement de travail dégageant de la chaleur) ;
  • travail en plein soleil et sur des surfaces réverbérant la chaleur (toitures…) ;
  • temps de pause ou de récupération insuffisants ;
  • climatisation ou aération insuffisante ;
  • absence d’accès à des boissons fraîches ;
  • équipements de protection gênant les mouvements ;
  • vêtements de travail inadaptés empêchant l’évacuation de la transpiration.

Facteurs individuels

Certaines caractéristiques individuelles peuvent augmenter les risques liés au travail à la chaleur. Si certaines données sont accessibles à l’employeur (habitude de la tâche, acclimatation, âge), d’autres sont confidentielles et ne peuvent être prises en compte que par le médecin du travail. Celui-ci joue donc un rôle essentiel dans l’évaluation du risque à l’échelle de chaque individu.

Principaux facteurs de risques individuels lors d’expositions à la chaleur

  • Absence d’acclimatation : l’acclimatation est généralement obtenue en 8 à 12 jours. Transitoire, elle disparaît en 8 jours.
  • Condition physique : l’entraînement sportif améliore la performance à l’effort. Le manque d’habitude dans l’exécution des tâches physiques astreignantes constitue un facteur de risque.
  • Pathologies chroniques : maladies du système cardiovasculaire ou des voies respiratoires, troubles neuropsychiques, diabète, hyperthyroïdie, insuffisance rénale…
  • Prise de médicaments : diurétiques, antihypertenseurs, antihistaminiques, antiparkinsoniens, phénothiazines, antidépresseurs tricycliques, IMAO, neuroleptiques…
  • Prise d’alcool ou de drogues (amphétamines, cocaïne, LSD…)
  • Grossesse
  • Âge : en avançant en âge, les capacités face aux contraintes thermiques diminuent
  • Obésité ou dénutritio

Outre la prise de conseils auprès de leur médecin traitant, les travailleurs présentant ces facteurs de risque peuvent bénéficier d’une visite à leur demande auprès du médecin du travail (article R. 4624-34 du Code du travail) . En cas de besoin, un aménagement du poste de travail sera proposé.

Exposition à la chaleur d’un cueilleur dans une cristallerie

Dans l’industrie du verre, le cueilleur a pour mission de récupérer une boule de verre en fusion à une température avoisinant 1 100 °C à l’aide de son ferret, longue canne qu’il fait pivoter entre ses doigts lui assurant un mouvement de rotation continu. Cette boule de verre servira à façonner un objet : bouteille, flacon, boule de verre... De par cette activité, le cueilleur est continuellement devant un four à pot. Dans ces conditions, une évaluation du risque lié à l’exposition à la chaleur a été conduite sur le poste de cueilleur d’une cristallerie artisanale.

L’étude de l’activité du salarié (240 W) et de sa tenue vestimentaire (isolement vestimentaire de 0,54 Clo) associée aux mesures environnementales ont mené à la détermination des grandeurs qui rentrent en considération dans l’estimation de l’indice d’astreinte thermique prévisible (ATP) :

  • température de l’air ambiant : 35,4 °C ;
  • température moyenne de rayonnement : 71 °C,
  • humidité relative de l’air : 20,5 % ;
  • vitesses de l’air : 0,2 m/s.

Dans le cas de ce cueilleur de verre, les conditions de travail devant un four de verre en fusion ont conduit à une limitation de sa durée de travail à 51 minutes car il s’agit d’une situation de travail évaluée très contraignante en application de l’indice ATP. Une modification de l’organisation du travail des cueilleurs est proposée : alternance plus fréquente des temps de pause et de travail, rotation de poste sur plusieurs salariés par exemple. Étant donné que la température de rayonnement est très importante (plus de 70 °C devant un four), il a été préconisé de mettre en œuvre des écrans devant les fours, écrans pouvant être amovibles le temps de la cueillette de verre. En outre, il a été conseillé au salarié de porter des tabliers réfléchissants pour limiter le rayonnement reçu.

Exposition à la chaleur de deux postes de soudage

Dans une entreprise de fabrication de conduits métalliques pour l’industrie pétrolière, deux types d’activité de soudage sont pratiquées : le soudage manuel et le soudage automatique. Lorsque les dimensions des pièces le permettent, le soudage se fait de façon automatique. Dans ce cas, les salariés sont amenés à effectuer des contrôles de procédé ou de qualité sur des pièces chauffées entre 180 à 300 °C. Pour les pièces spéciales ou de très grandes dimensions, le soudage doit s’effectuer manuellement. Les salariés pratiquent eux-mêmes les soudures sur les pièces chauffées. Une évaluation du risque lié à l’exposition à la chaleur de ces deux types d’activité de soudage a été menée dans cette entreprise.
Les études des deux postes de travail, et notamment de l’activité des salarié (190 W pour le soudage automatique et 280 W pour le soudage manuel), de leur tenue vestimentaire (isolement vestimentaire de 0,85 Clo dans les deux cas) et les mesures des caractéristiques environnementales ont mené à la détermination des grandeurs qui rentrent en considération dans l’estimation de l’indice d’astreinte thermique prévisible (ATP) :

 

 

 

POSTE DE SOUDAGE AUTOMATIQUE

POSTE DE SOUDAGE MANUEL

Température de l’air ambiant

30,7 °C

33,7 °C

Température moyenne de rayonnement

34,2 °C

50 °C

Humidité relative de l’air 

49 %

38,5 %

Vitesses de l’air

0,1 m/s

0,3 m/s

 

  • Activité de soudage automatique

  • Activité de soudage manuel

Dans ces conditions, l’application de l’indice ATP permet de définir ou pas des durées limites d’exposition associées à ces deux astreintes.
Dans cet exemple, il apparaît que l’activité au poste de soudage automatique ne conduit pas à une augmentation de la température centrale des salariés ni à une perte hydrique jugées excessives, c’est pourquoi l’indice ATP ne conduit pas à une durée limite d’exposition. En revanche, pour le poste de soudage manuel, une durée de travail réduite à 265 minutes est préconisée. La situation est jugée contraignante à long terme avec gêne et risque de déshydratation.
Dans le cadre de cette activité, les préconisations ont été de mieux organiser les temps de récupération et d’en augmenter la fréquence, de climatiser les espaces de repos, d’améliorer l’accessibilité à l’eau des salariés et de leur fournir plus de vêtements de rechange de façon à ne pas limiter le mécanisme de sudation par des vêtements qui pourraient rapidement être saturés en sueur.

L’astreinte thermique au poste de travail

Dans certains contextes, les indices thermiques environnementaux ne peuvent pas être utilisés. Il s’agit des situations à risque telles que des expositions brèves à des contraintes thermiques élevées, non stables ou lors du port de tenues étanches. Dans ces cas, seuls des indices physiologiques simples d’utilisation peuvent déterminer s’il existe un risque pour les travailleurs : fréquence cardiaque, températures buccale et cutanée, sudation (perte de masse corporelle) et données subjectives.

Astreintes physiologiques et subjectives en sécherie de papeterie

Les données physiologiques et subjectives de 15 salariés expérimentés sont enregistrées lors d’une activité de maintenance dans une papèterie. Au cours de sa fabrication, la feuille de papier casse occasionnellement dans la sécherie de la machine à papier et les salariés doivent agir rapidement pour dégager le papier déchiré. Les durées d'intervention sont de l'ordre de 6 minutes et les salariés sont exposés à une température ambiante sèche de 40 °C et humide de 30 °C. Dans ce contexte d’exposition à des températures fortes et brèves, seuls les enregistrements physiologiques et les données subjectives permettent de déterminer si les salariés sont exposés ou non à une astreinte thermique.

La fréquence cardiaque et la température buccale sont enregistrées et des échelles de jugement subjectifs renseignent sur la gêne respiratoire, le niveau de température, de sudation et de charge physique.

La fréquence cardiaque par le calcul d’un coût cardiaque moyen de 69 ± 15 bpm (battements par minute) permet de montrer que ces interventions occasionnelles et brèves ont une charge physique « élevée », ce qui prouve la présence d’une astreinte cardiaque forte. Les extrapulsations cardiaques thermiques (EPCT) qui correspondent à la variation de la fréquence cardiaque de repos entre le début et la fin de l’exposition à l’ambiance chaude sont de 14 ± 5 bpm. La valeur seuil de 30 bpm n’est pas atteinte, aussi les salariés ne sont-ils pas exposés à une astreinte thermique. Les mesures de température buccale relevées avant et après intervention permettent de déterminer une augmentation moyenne de variation de température buccale de 0,4 ± 0,2 °C. La valeur seuil de 1 °C n’est pas atteinte, ce qui atteste que les salariés ne subissent pas d’astreinte thermique. Les évaluations subjectives confirment l’importance de l’astreinte cardiaque globale avec un travail physique jugé « dur ». Deux tiers des salariés considèrent que l’ambiance était très chaude voire insupportable, la moitié ressent parfois des difficultés respiratoires et la majorité déclare transpirer « nettement » ou « énormément ». 

Dans ce contexte où le salarié déterminait lui-même la durée idéale d’intervention, sans dépasser 10 minutes, en s’octroyant des pauses de quelques minutes, les salariés ne subissent pas d’astreinte thermique. Du fait des conditions environnementales, de la charge physique et du ressenti des salariés, le service de prévention et de santé au travail peut être sollicité pour d’éventuelles préconisations : améliorations techniques, modifications dans l’organisation…

Pour en savoir plus
Mis à jour le 25/04/2024