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Morpholine

Fiche toxicologique n° 265

Sommaire de la fiche

Édition : 2007

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme

    La morpholine est bien absorbée par toutes les voies, distri­buée principalement vers le foie et les reins et éliminée essentiel­lement dans les urines, sous forme inchangée.

    Chez l'animal
    Absorption

    La morpholine est bien absorbée par voies orale, respira­toire et cutanée.

    Distribution

    Chez le rat, 2 h après administration orale ou intravei­neuse (iv), respectivement 29 ou 19 % des molécules mar­quées sont dans l’intestin et 26 ou 27 % dans les muscles.

    Chez le lapin, après injection intraveineuse de 14C-morpholine, les plus fortes concentrations sont retrouvées, après 30 mn, dans les reins, puis les poumons, le foie et le sang ; la morpholine ne se fixe pas aux protéines sériques. Après exposition par inhalation (905 mg/m3 pendant 5 h), les plus fortes concentrations sont mesurées dans les reins et les urines.

    Métabolisme

    La quasi-totalité de la morpholine absorbée est excrétée sous forme inchangée chez le rat, la souris, le hamster et le lapin, quelle que soit la voie d’administration. En revan­che, chez le cobaye, un métabolite urinaire, représentant environ 20 % de la dose administrée par injection intrapé­ritonéale, a été identifié, le N-méthylmorpholine-N-oxyde; il résulte d’une N-méthylation de la morpholine suivie d’une N-oxydation.

    En présence de nitrites, 0,5 à 12 % de la dose de morpho­line est transformé en N-nitrosomorpholine (NMOR), can­cérogène, qui est éliminée dans l’urine sous forme de N-nitroso-(2-hydroxyéthyl)glycine.

    Excrétion

    L’élimination plasmatique est biphasique chez l’animal (administration intrapéritonéale, ip), avec une demi-vie pour la 1re phase de 115-120 mn chez le rat et le hamster, et 300 mn chez le cobaye.

    La voie majeure d’excrétion est l’urine : 85-88 % d’une dose orale, ip ou iv, chez le rat sont éliminés en 24 h, 5 % sup­plémentaires dans les 3 jours suivants. Le chien excrète 70-80 % de la dose par cette voie. La vitesse d’excrétion varie avec l’espèce (quantité éliminée dans les 6 premières heures : hamster > rat > cobaye > lapin) et le pH (l’excré­tion augmente si la molécule est neutralisée avant expo­sition par addition d’acide).

    Chez le rat, 0,5 % de la dose ip est éliminé dans l’air expiré sous forme de CO2 et 1,7 % dans les fèces. 

    Chez l'Homme

    Les principales voies d’absorption sont cutanée (parfois prépondérante) mais aussi respiratoire voire digestive (par le biais de mains souillées) et oculaire [13, 16].

    Le métabolisme de la morpholine n’est pas connu chez l’homme ; il semble que la morpholine soit très peu métabolisée et éliminée sous forme inchangée dans les urines [3].

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale [2]
    Toxicité aiguë

    La morpholine est nocive par toutes les voies d’administra­tion ; elle est irritante et corrosive pour la peau, les yeux et le tractus respiratoire.

    La morpholine, par son alcalinité, est irritante et corrosive :

    • administrée par voie orale sous forme alcaline, elle pro­voque des hémorragies gastro-intestinales et nasales ainsi que des diarrhées chez le rat et le cobaye. En revan­che, à pH 7, elle n’induit aucune létalité chez le rat jusqu’à 1000 mg/kg ;
    • par inhalation, elle provoque une irritation du nez, de la bouche et des yeux avec hémorragie, spasmes et tremble­ments. À forte concentration, l’hémorragie s’étend aux poumons ;
    • par voie cutanée, sous forme pure, elle déclenche, chez le lapin, une nécrose locale ; en solution, l’irritation est immédiate à 40 % et retardée de 72 h à 2 % ;
    • dans l’œil de lapin, 1 goutte non diluée déposée 2 fois à 5 mn d’intervalle, déclenche un œdème, une opacité cornéenne, un staphylome et une corrosion des muqueuses dans les 24 h. En solution (10-20 %), l’irritation est réduite après neutralisation de la morpholine (en milieu acide) ; aucun effet n’est observé après application continue pen­dant 10 mn d’une solution à 0,2 % environ.

    La morpholine (2 % dans du pétrole) n’est pas sensibili­sante pour le cobaye.

     

    Voie

    Espèce

    DL50/CL50

    Orale

    Rat

    1050-1900 mg/kg

    Souris

    525 mg/kg

    Cobaye

    900 mg/kg

    Inhalatoire

    Rat

    8 000 ppm/8 h

    Souris

    1320 ppm/2 h

    4900-6900 ppm/8 h

    Cutanée

    Lapin

    0,5 mL/kg

    Tableau I. Toxicité aiguë de la morpholine [2, 10]

    Toxicité subchronique, chronique

    En exposition prolongée, la morpholine est irritante et toxique pour les reins et le foie.

    Une exposition prolongée par gavage pendant 30 jours induit, chez le rat (1600-8000 mg/kg/j) et le cobaye (90 ­450 mg/kg/j), des lésions sévères des tubules rénaux, une dégénérescence graisseuse du foie et une nécrose de l’épi­thélium glandulaire de l’estomac.

    Par inhalation, des rats exposés à 65 200 mg/m3 (18 000 ppm), 8 h/j meurent en 5 jours ; ils présentent des hémorragies pulmonaires, des lésions des tubules rénaux et une dégénérescence graisseuse du foie. Lors d’une exposition prolongée (6 h/j, 5 j/sem, 0-25-100-250 ppm (0-90-360-900 mg/m3), 13 sem ou 0-36-181-543 mg/m3, 104 sem)), seules une perte de poids et une irritation du nez et des yeux sont notées à la plus forte concentration (inflammation de la cornée, inflammation et métaplasie squameuse de l’épithélium des turbinates et nécrose dans la cavité nasale) chez les rats.

    Effets génotoxiques [10]

    L’effet génotoxique de la morpholine est faible in vitro et douteux in vivo ; il augmente en présence de nitrite de sodium.

    In vitro, la morpholine n’est pas mutagène pour les bacté­ries, avec ou sans activateurs métaboliques, ou les levures. Elle augmente légèrement le taux de mutants dans les cellules de lymphome de souris sans activateur métabo­lique mais n’induit pas de synthèse non programmée de l’ADN dans les hépatocytes de rat en culture. Elle est fai­blement clastogène (augmentation faible des échanges entre chromatides sœurs) pour les cellules ovariennes de hamster chinois et augmente, à la condition de ne pas être neutralisée, le nombre de foyers de cellules Balb/3T3 transformées.

    In vivo, dans une étude peu documentée, une augmenta­tion du nombre d’aberrations chromosomiques a été observée dans la moelle osseuse du rat et du cobaye expo­sés pendant 4 mois à 8 ou 70 mg/m3. Chez la souris, la morpholine (600 mg/kg, voie orale) administrée seule, n’augmente pas le taux de lésions de l’ADN (test des comètes négatif) quel que soit l’organe ; en revanche, en présence de nitrite de sodium (100 mg/kg, voie orale) et de l’acidité du suc gastrique, il y a formation endogène d’une nitrosamine. Cette dernière serait responsable de l’augmentation des lésions de l’ADN observée au niveau du foie uniquement [11].

    Effets cancérogènes [21]

    La morpholine est classée dans le groupe 3 (agents inclas­sables quant à leur cancérogénicité pour l’homme) par le CIRC et elle n’est pas classée par l’U.E. Elle n’est pas cancé­rogène mais le devient en présence de nitrites.

    Par voie orale, la morpholine n’est pas cancérogène pour la souris (env. 900 mg/kg/j dans la nourriture pendant 28 semaines) et le hamster (1000 mg/kg/j sur 1 génération) ; chez le rat (5-50-1000 mg/kg/j pendant toute la durée de la vie sur 2 générations), elle provoque 2 à 3 % de carcino­mes hépatiques, d’angiosarcomes pulmonaires et de glio­mes malins.

    Par inhalation, elle n’induit pas la formation de tumeurs chez le rat (0-36-181-543 mg/m3, 6 h/j, 5 j/sem pendant 104 sem).

    En présence d’un mélange morpholine + nitrite de sodium (5 g/kg de chaque dans la nourriture pendant 12 sem), les animaux développent des tumeurs hépatiques. Il faut rap­peler que la N-nitrosomorpholine, formée par la morpho­line en présence de nitrite de sodium, est cancérogène par voie orale pour le foie, les poumons, les reins, et les vais­seaux sanguins chez le rat, la souris et le hamster. Cette molécule peut se trouver sous forme d’impureté dans la morpholine.

  • Toxicité sur l’Homme

    Les principaux effets aigus décrits avec la morpholine sont des effets irritants de la peau, des muqueuses nasales et oculaires et des voies respiratoires.Les effets de l’exposition chronique à la morpholine sont peu documentés; il s'agit principalement de symptômes d’irritation ocu­laire, respiratoire et rhinopharyngée ainsi qu’une vision bleutée décrits lors d’exposition à de fortes concentrations ou lorsque le produit est chauffé. Dans une étude, il n'a pas été retrouvé d’augmentation significative du nombre d’aberrations chromosomiques dans les lym­phocytes circulants chez des travailleurs exposés à la morpholine. Aucune donnée n’a été publiée concernant de possibles effets cancérogènes ou reprotoxiques chez lhomme.

    Toxicité aiguë [2, 3, 6, 14-17]

    La morpholine est un produit corrosif [16]. En milieu professionnel, les sujets sont principalement exposés par voies cutanée et respiratoire. Le seuil olfactif est de 0,01 ppm ; à 4,4 ppm (soit environ 16 mg/m), la morpholine est perçue comme désagréable [15, 16].

    Une exposition volontaire d’un sujet à 12 000 ppm de morpholine (43 000 mg/m3, soit 600 fois la Valeur Limite Court Terme (VLCT) de 20 ppm) pendant 1,5 minute a entraîné une irritation nasale et oculaire suivie de toux [3, 2, 15].

    Lors d’exposition professionnelle à la morpholine à des concentrations n’entraînant pas de symptômes d’incon­fort (concentration et durée d’exposition non connues), ont été décrits une vision bleutée avec vue trouble et « halo » autour de la lumière (liés à un œdème cornéen transitoire) apparaissant 30 minutes à 1 heure après le début de l’exposition, pouvant persister jusque 4 à 6 heu­res après arrêt de l’exposition [2, 14, 17] ; si l’exposition est plus importante, peuvent s’y associer des irritations de la peau, des muqueuses nasales et oculaires et des voies respiratoires voire des nausées et des céphalées [2, 17].

    Par contact cutané, la morpholine provoque, après un temps de latence de quelques heures, un érythème cutané avec œdème, brûlure et parfois phlyctène ; elle est encore légèrement irritante en solution diluée à 2 % [2, 6]. Des signes d’intoxication systémique sont possibles à type d’asthénie, tremblements, hypersalivation et lar­moiements[14].

    Les projections oculaires ou l’exposition à des vapeurs peuvent entraîner des signes d’irritation oculaire intense à type de larmoiements, rougeurs, douleurs oculaires; des atteintes graves de la cornée, avec œdème transitoire sont également décrites. Une cécité est possible après une brû­lure sévère [3, 6].

    Toxicité chronique [3]

    Les effets de l’exposition chronique à la morpholine sont peu documentés. Ce sont principalement des symptômes d’irritations ocu­laire, respiratoire et rhinopharyngée ainsi qu’une vision bleutée qui ont été décrits lors d’exposition à de fortes concentrations ou lorsque le produit est chauffé.

    Effets génotoxiques [2, 6]

    Une étude ne retrouve pas d’augmentation significative du nombre d’aberrations chromosomiques dans les lym­phocytes circulants de 24 travailleurs exposés à la morpholine pendant 3 à 10 ans, comparés à des témoins; les niveaux d’exposition étaient de l’ordre de 0,54 à 0,93 mg/m3 [6].

    Effets cancérogènes [12, 16]

    Aucune donnée n’a été publiée concernant de possibles effets cancérogènes chez l’homme.

    À noter cependant que la morpholine peut être transfor­mée en N-nitrosomorpholine au cours du process dans l’industrie du caoutchouc, et qu’un excès de cancers chez les travailleurs de l’industrie du caoutchouc a été observé avec cette nitrosamine dans une étude (Fajen 1999 cité dans [16]).

    Effets sur la reproduction

    Aucune donnée n’a été publiée concernant des effets sur la reproduction chez l’homme.

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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