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[Recherche] Un lien établi entre sinistralité et performance économique de l’entreprise

La prévention des risques professionnels a pour objectif d’éviter la survenue d’accidents du travail ou de maladies professionnelles. Une étude de l’INRS a analysé les données de 1,9 million d’entreprises françaises sur une période de 15 ans. Les résultats montrent qu’une fréquence plus forte des accidents de travail est associée à une baisse de la performance économique de l’entreprise. Éclairages de Bertrand Delecroix, coauteur de ce travail.

Pourquoi s’intéresser au lien potentiel entre performance économique de l’entreprise et engagement en faveur de la prévention ?

Depuis une vingtaine d’années, différentes approches d’évaluation des politiques de prévention en lien avec des données économiques sont étudiées. Je pourrais citer des travaux sur l’analyse du coût de la sinistralité et des facteurs de perturbation associés : coûts sociaux mais également administratifs, matériels ou de production. D’autres approches s’attachent à mesurer un « retour sur investissement » de la prévention et mobilisent l’analyse coût/bénéfice comme argument pour inciter les entreprises à s’engager en prévention des risques professionnels.

 

Les travaux poursuivis dans cette étude de l’INRS ne s’inscrivent pas dans ces registres, mais adoptent une méthodologie économétrique. Il s’agissait d’étudier le lien statistique entre des indicateurs de performance économique des entreprises et leur fréquence d’accidents du travail. Ce travail visait à répondre aux préoccupations de l’ensemble des acteurs de la santé et sécurité au travail (Assurance maladie - Risques professionnels, services de prévention et de santé au travail…) souhaitant disposer d’arguments complémentaires pour inciter les entreprises à prendre davantage de mesures de prévention.

 

L’objectif de cette étude était de mener une évaluation statistique, de grande envergure, tous secteurs d’activité confondus, afin d’apporter des preuves scientifiques quant à l’existence et l’importance du lien entre la sinistralité des entreprises et leur performance économique. Et in fine de répondre à la question : « Peut-on affirmer que plus une entreprise consacre des ressources en prévention des risques professionnels, plus elle est économiquement performante ? ».
 

Une évaluation statistique de grande envergure… Pouvez-vous nous préciser quel a été le périmètre de votre étude ? 

L’atout de ce travail repose sur le large panel d’entreprises suivies et la durée étudiée, assez inédits. Issues des bases de l’Insee et de la Cnam, les données exploitées ont en effet concerné 1,977 million d’entreprises françaises dépendant du régime général, appartenant à 83 branches professionnelles, suivies sur l’intégralité ou sur une partie de la période de 2003 à 2017, soit 15 ans. Au total, ce sont plus de 14 millions d’observations qui ont été analysées.

 

Le modèle mobilisé par l’équipe de l’INRS reliait, pour chaque entreprise, des indicateurs de performance économique (productivité, profit) à des facteurs de production (capital, travail). L’apport scientifique dans cette étude est d’avoir intégré à ce modèle des variables de sinistralité (fréquence et gravité des accidents de travail).

Que vous a appris l’analyse de ces données ? 

L’enseignement majeur est que la sinistralité et la performance économique de l’entreprise sont négativement et significativement liées. Une augmentation de 10 % de la fréquence d’accidents du travail (AT) diminue la productivité de l’entreprise de 0,12 % et son profit de 0,11 % au cours de la même année. Et cet effet est encore très présent l’année suivante.


Un deuxième enseignement est que l’importance de cet effet est très dépendant de la taille des entreprises. Pour les entreprises de moins de 20 salariés, cette augmentation de 10 % de la fréquence des AT conduit à une diminution de 0,38 % de la productivité et 0,24 % du profit. Quelle que soit la taille de l’entreprise, un AT vient perturber la production et par là réduire la productivité. Cet effet est d’autant plus important pour les petites entreprises qui sont plus contraintes en personnel et matériel pour faire rapidement face à la désorganisation provoquée par l’AT. 

 

Des tests complémentaires effectués sur des entreprises de plus 150 salariés (qui peuvent disposer de moyens plus importants pour investir en prévention) mettent en évidence le fait que leur profit est même affecté sur deux à trois années.

 

Ces résultats apportent pour la première fois une validation scientifique de l’existence et de l’importance du lien entre sinistralité et performance économique de l’entreprise. « Plus la sinistralité est faible, plus la performance économique est élevée. »

 

Au-delà de l’obligation réglementaire de l’employeur de préserver la santé et la sécurité des travailleurs, cette étude apporte un argument en faveur de la mise en place de mesures de prévention des risques professionnels en entreprise.
 

 

Des outils pour agir

L’INRS met à la disposition des entreprises du régime général de la Sécurité sociale de nombreux outils pour agir en prévention des risques professionnels comme par exemple :

Pour en savoir plus

 

Mis à jour le 12/10/2023