Face aux urgences climatiques et environnementales, les entreprises à mission améliorent-elles le bien-être des travailleurs ou accroissent-elles les tensions au travail ?

Les ministères des finances et de l’écologie français sont à la base de la création d’un nouveau modèle d’entreprise appelé « société à mission ». En sus des objectifs traditionnels de toute entreprise inscrite dans une société libérale occidentale, les entreprises qui souscrivent volontairement à ce modèle inscrivent dans leurs statuts une raison d’être et des objectifs environnementaux et éventuellement sociaux. Parmi les entreprises visibles au niveau international qui ont adopté ce modèle, on peut citer la poste française, la banque postale et Danone. Actuellement, le cap des 1000 entreprises françaises a été franchi ; il s’agit principalement des petites structures et du secteur tertiaire. Du point de vue des risques professionnels et principalement des risques psychosociaux, on a pu émettre l’hypothèse positive que le modèle favorisait le sens au travail et qu’il était susceptible de réduire des dissonances éthiques chez les salariés. A l’inverse, on peut craindre une montée des antagonismes entre objectifs ciblés sur l’efficacité économique et les autres objectifs, antagonismes le cas échéant portés par des personnes qui peuvent les vivre comme des conflits du travail. Enfin, en terme de modalités de fonctionnement interne, si, comme les partisans du modèle l’envisage, les objectifs socialement valorisés sont pris comme « la boussole stratégique consensuelle et commune » de l’entreprise, ils peuvent servir de référence dans les décisions structurantes de l’activité, qu’elles soient prises au niveau des directions ou dans les équipes. À l’inverse, un certain nombre d’analystes met en garde contre un «purpose washing» susceptible de heurter les salariés séduits par un discours que la réalité des pratiques démentirait, ce qui constituerait pour eux une rupture du contrat psychologique qui les lie à l’entreprise(Zhao, Wayne, Glibkowski, & Bravo, 2007). Dans une phase préliminaire d’une étude sur les conséquences en matière de condition de travail et de SST de ce modèle, nous avons analysé les déclarations d’objectifs d’un échantillon de 50 entreprises et interrogé quatre experts concernés à un titre ou à un autre par cette évolution du cadre proposé aux entreprises. La communication présentera le résultat de cette analyse des intentions affichées par les entreprise et les points de vigilances, les espoirs et les craintes mis en avant par ce panel d’experts.