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Méthylisobutylcétone

Fiche toxicologique n° 56

Sommaire de la fiche

Édition : Juin 2023

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [2, 22, 23]

    La méthylisobutylcétone (MIBK) est absorbée essentiellement par inhalation et son absorption est suspectée pour les voies orale et cutanée. Elle se distribue largement dans tous les tissus et particulièrement dans ceux qui sont riches en lipides (cerveau par exemple) et peut traverser la barrière placentaire. Elle est éliminée dans les urines et l’air exhalé.

    Chez l'animal
    Absorption

    Chez le rat, les concentrations plasmatiques de MIBK indiquent une absorption respiratoire rapide et fonction de la concentration d'exposition ; l'absorption gastrointestinale n'est pas quantifiée, mais les effets systémiques observés en sont une preuve.

    La vitesse maximale d’absorption cutanée chez le cobaye est de 2,2 µmol/cm2/min, elle est atteinte 30 minutes après le début de l’exposition.

    Distribution

    La MIBK est distribuée dans l’organisme par la voie sanguine ; chez le rat, elle se partage entre les globules rouges et le plasma où elle est essentiellement fixée aux protéines [24].

    Les concentrations de MIBK et de ses métabolites dans le plasma et le foie du rat sont fonction de l'exposition, après, au minimum, 3 jours d'exposition orale ou inhalatoire. Du fait de sa forte lipophilie, la MIBK possède une affinité importante pour les tissus riches en lipides comme le système nerveux ; elle s'accumule dans le cerveau de souris, avec un maximum atteint 30 minutes après une exposition par voie intrapéritonéale (5 mmol/kg) et un retour à la normale après 90 minutes. Elle est aussi retrouvée dans le foie, les poumons, les tissus adipeux et les reins.

    La toxicité fœtale observée indique que la MIBK peut traverser la barrière placentaire.

    Métabolisme

    La MIBK est rapidement métabolisée. Chez le cobaye, la MIBK est transformée en 2 métabolites principaux : le 4-méthyl-2-pentanol (MP) et la 4-hydroxy-4-méthyl-2-pentanone (HMP) (cf. Fig. 1).

    Chez le rat et le lapin (mais pas la souris), une induction enzymatique suggère une transformation hépatique de la MIBK.

    Schéma métabolique

    Excrétion

    Chez le cobaye (450 mg/kg, ip), la demi-vie d’élimination plasmatique de la MIBK est de 66 minutes ; la HMP atteint son maximum dans le sang en 60 minutes et est complètement éliminée du compartiment sanguin en 16 heures. Seules quelques traces de MP sont détectées dans le sang.

    Chez l'Homme

    Chez l'Homme (exposition à 10 et à 200 mg/m3 pendant 2 heures, exercice léger), la MIBK est absorbée à environ 60 % par le système respiratoire, quelle que soit la dose. L'absorption par voie orale et cutanée est supposée mais n’a pas fait l’objet d’étude [25].

    Comme chez l’animal, la MIBK est largement distribuée dans l’organisme, principalement dans les organes et tissus riches en lipides, et peut traverser la barrière placentaire [2].

    Très peu d’informations sont disponibles concernant le métabolisme de la MIBK : de faibles quantités de 4-méthyl-2-pentanol ont été détectées dans les urines de volontaires exposés par inhalation.

    Son élimination est biphasique avec des demi-vies d'élimination plasmatique de 11 à 13 minutes pour la phase rapide (de 0 à 30 min après l'exposition) et 59 à 74 minutes pour la phase plus lente (de 60 à 180 min après l'exposition). Moins de 0,1 % est éliminé dans les urines sous forme inchangée dans les 3 heures qui suivent l'exposition et environ 5 % dans l'air expiré sous forme inchangée.

    L'élimination urinaire est aussi biphasique : phase rapide avec une demi-vie d’excrétion de 1 heure et phase lente avec une demi-vie de 7 heures.

    Surveillance Biologique de l'exposition

    La MIBK urinaire en fin d’exposition ou fin de poste de travail (dans l’heure) est proposée pour la surveillance biologique de l’exposition à la MIBK. Elle est bien corrélée à l'intensité de l'exposition.

    Des valeurs biologiques d’interprétation (VBI) professionnelles ont été établies par l’ACGIH et la Commission allemande MAK pour cet indicateur sur la base de la corrélation avec les concentrations atmosphériques de MIBK observée dans des études de terrain.

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë [22, 23]

    La MIBK possède une faible toxicité ; aux fortes concentrations, sa principale cible est le système nerveux central. Elle est faiblement irritante pour l’œil et la peau, qu’elle dessèche lors d’applications répétées.

    La cible principale est le système nerveux central. L'exposition de rats et de souris (3000 ppm, 6 h/j, 10 j pendant la gestation) provoque perte de coordination, paralysie partielle, hypoactivité et ataxie [27, 28].

    Les cobayes exposés à 16800 et 28000 ppm pendant 24 heures présentent immédiatement des signes d'irritation des yeux et du nez suivis de salivation, larmoiements, ataxie, narcose progressive et mort ; à 28000 ppm, la moitié des animaux meurent en 45 minutes [28]. Les autopsies réalisées sur certains animaux ont révélé une congestion du cerveau, des poumons et de la rate, ainsi qu'une dégénérescence graisseuse du foie.

    Une exposition en continu pendant 2 semaines induit, chez le rat, une augmentation du poids relatif et absolu des reins (100 ppm) et du foie (200 ppm) ainsi qu'une néphrose toxique des tubes proximaux ; une exposition identique n'a aucun effet chez le chien ou le singe Rhésus [9]. À des concentrations plus élevées (500 ou 2000 ppm), l'autopsie a révélé, dans les reins du rat mâle uniquement, un épithélium régénératif et des gouttelettes hyalines [29].

      DL50/CL50 chez différentes espèces.

     

    Irritation, sensibilisation [5]

    Une application cutanée de MIBK pure (0,5 ml de MIBK pure pendant 4 heures, sous pansement semi-occlusif) n’engendre aucune réaction sur la peau du lapin. Des applications journalières de 10 ml pendant 7 jours induisent le dessèchement et la desquamation de la surface cutanée. Chez le cobaye, la MIBK non diluée (5 ou 10 ml) sous occlusion, en contact pendant 24 heures, entraine une irritation légère.

    Son instillation dans l'œil du lapin (0,1 ml de MIBK pure) provoque une faible irritation de la conjonctive, une légère inflammation avec gonflement de la conjonctive et un exsudat dans les 4 heures suivant l’instillation ; ces effets sont réversibles en 24 heures.

    Une étude de sensibilisation cutanée (maximisation chez le cobaye - GPMT) a donné des résultats négatifs.

    Toxicité subchronique, chronique

    La MIBK, en exposition subchronique à des concentrations relativement élevées, a pour cibles le foie, les reins et le système nerveux central des animaux.

    Des rats exposés par voie orale (gavage, 0, 50, 250 ou 1000 mg/kg/j pendant 90 j) présentent, à la plus forte dose, une baisse de poids corporel en absence de baisse de prise de nourriture, un état léthargique, une augmentation de poids du foie, sans lésion histologique, ainsi qu'une toxicité rénale caractérisée par une augmentation du poids des reins et de l'incidence des néphropathies. Ces effets apparaissent à un degré moindre à la dose de 250 mg/kg/j ; la NOAEL est de 50 mg/kg/j [28].

    Des rats et des souris exposés par inhalation (0, 50, 250 ou 1000 ppm, 6 h/j, 5 j/sem pendant 90 j) ne présentent pas de signe clinique de toxicité ; seule une augmentation du poids relatif et absolu du foie (dès 250 ppm pour la souris, 1000 ppm pour le rat), sans lésion histologique, est observée chez les animaux mâles. Les rats mâles, exposés à 250 et 1000 ppm, développent une néphropathie à gouttelettes hyalines liée à la présence d'α2µ-globuline spécifique du rat mâle et non extrapolable à l’homme (les quantités d'α2µ-globuline produites chez l’homme sont non significatives). La NOEL est de 50 ppm [29].

    Dans une étude plus récente, des rats et des souris des 2 sexes ont été exposés à la MIBK pendant 2 ans (corps entier, 0-450-900 ou 1800 ppm, 6 h/j, 5 j/sem) [30]. Les effets suivants sont rapportés :

    • chez la souris femelle, augmentation de l’incidence de foyers éosinophiles dans le foie à 450 et 1800 ppm ;
    • chez les rats,
      • augmentation de l’incidence et/ou la sévérité de néphropathies chroniques progressives, en lien avec la concentration, chez les mâles et les femelles,
      • chez les mâles uniquement, une hyperplasie des tubules rénaux et dépôts de minéraux dans les papilles rénales à toutes les concentrations ; à 1800 ppm, hyperplasie de la médullo-surrénale et mortalité accrue.

    A 1800 ppm, le développement d’une néphropathie chronique progressive chez tous les rats mâles et chez 70 à 88 % des femelles est le signe de l’implication de mécanismes autres que celui lié à l’α2µ-globuline, spécifique du rat mâle.

    Par voie cutanée, la MIBK (application de 5940 mg/kg/j, 5 j/sem, 31 sem) induit, chez le cobaye au site d'application, une desquamation légère à modérée de la peau.

    Concernant la neurotoxicité de la MIBK, les résultats des différentes études divergent et ne permettent pas de conclure ; en revanche, cette substance favorise la neurotoxicité périphérique induite par les hydrocarbures comme le n-hexane [31].

    Effets génotoxiques

    La MIBK ne présente pas de potentiel génotoxique dans les tests effectués in vitro et in vivo.

    In vitro

    Une batterie de tests, effectués in vitro, donne des résultats négatifs :

    • test d'Ames sur S. typhimurium (TA98, TA100, TA1535, TA1537 et TA1538) et E. coli en présence ou en absence d'induction métabolique ;
    • test de conversion génique mitotique sur S. cerevisiæ avec et sans activation ;
    • mutation des cellules de lymphome de souris en présence d'activation métabolique (résultat équivoque en absence d'activation) ;
    • synthèse non programmée de l'ADN dans les hépatocytes primaires de rat ;
    • transformation morphologique sur cellules embryonnaires de souris, avec ou sans activation métabolique (résultats positifs seulement à la plus forte dose sans activation) ;
    • aberrations chromosomiques dans les cellules hépatiques de rat en culture.

     

    In vivo

    Le test du micronoyau dans la moelle osseuse de souris est négatif pour une dose de 0,73 ml/kg par voie intrapéritonéale [32, 33].

    Effets cancérogènes [30]

    La MIBK est à l’origine de tumeurs rénales chez le rat et hépatiques chez la souris.

    Des rats et des souris des 2 sexes exposés à la MIBK pendant 2 ans (corps entier, 0-450-900 ou 1800 ppm, 6 h/j, 5 j/sem) présentent les effets suivants :

    • chez les rats
      • mâles uniquement, augmentation de l’incidence des adénomes et adénomes/carcinomes combinés au niveau des tubules rénaux à 1800 ppm (continuum de la néphropathie progressive chronique), tendance à la hausse concernant les phéochromocytomes bénins et malins,
      • femelles, tumeurs mésenchymateuses rénales (tumeurs rares, non présentes chez les témoins historiques),

    ​​​​​​​

    • chez les souris mâles et femelles :
      • augmentation de l’incidence des adénomes et des adénomes/carcinomes combinés au niveau du foie à 1800 ppm.

    A partir de ces données, le Centre international de recherche sur le cancer [34] a classé la MIBK comme cancérogène possible pour l'homme (groupe 2B), probablement par un mécanisme non génotoxique.

    Effets sur la reproduction

    La MIBK n’induit aucun effet sur la fertilité ; en revanche, elle est fœtotoxique à des concentrations entraînant une toxicité maternelle.

    Fertilité

    Dans une étude sur 2 générations chez le rat (exposition corps entier, 0-500-1000 ou 2000 ppm, 6 h/j, 7 j/sem, avant l’accouplement jusqu’à la lactation), aucune atteinte spermatique ni effet sur certains paramètres de reproduction ne sont observés (nombre de nouveau-nés vivants par portée et proportion de nouveau-nés vivants) [35].

    Dans une étude de toxicité subchronique (rat et souris, 0 – 50 - 250 - 1000 ppm, 6 h/j, 5 j/sem pendant 14 semaines), les testicules (histopathologie ou poids) ne sont pas impactés [2].

    Développement

    Une étude sur 2 générations chez le rat (exposition à des concentrations allant jusqu'à 2000 ppm (0- 500-1000-2000 ppm), 6 h/j, 7 j/sem, avant l’accouplement jusqu’à la lactation) n'a pas montré d'effet sur le nombre de petits malformés, la néomortalité, le poids des nouveau-nés ou leur survie [35].

    Une exposition pendant la gestation (rat ou souris, 300 - 1000 - 3000 ppm, 6 h/j, du 6e au 15e jour de gestation) induit une toxicité maternelle à la plus forte concentration testée (chez le rat, diminution du poids corporel, du gain de poids et de la consommation de nourriture et augmentation du poids relatif des reins ; chez la souris, augmentation de la mortalité et du poids du foie). A cette même concentration, un retard d'ossification et une diminution du poids fœtal par portée sont observés chez les rats ; à ces effets, s’ajoute une augmentation de l'incidence de mortalité fœtale chez les souris. Aucune augmentation de l'incidence des malformations externes, viscérales, squelettiques ou totales n’est détectée [27]. La NOAEL est de 1000 ppm pour la toxicité maternelle et fœtale et supérieure à 3000 ppm pour la tératogenèse.

  • Toxicité sur l’Homme

    Chez l’Homme, la toxicité de la MIBK se résume aux propriétés communes des solvants organiques : irritation cutanéo-muqueuse et dépression du système nerveux central en aigu, syndrome psycho-organique en cas d’exposition chronique.

    Toxicité aiguë

    La substance et ses vapeurs sont irritantes pour la peau et les muqueuses [6].

    Des observations en milieu industriel ou chez des volontaires exposés rapportent les effets irritants de la MIBK sur les muqueuses, à des niveaux et pour des temps d'exposition très variables.  Une étude chez des volontaires exposés pendant 2 heures suggère que l’irritation nasale ou oculaire pourrait survenir dès la concentration de 2,4 ppm (10 mg/m3) [36].

    L’exposition à la MIBK par inhalation peut engendrer une dépression du système nerveux central se traduisant par des céphalées, une asthénie, des nausées et des vertiges, voire des vomissements. L’exposition à une forte concentration peut être fatale, en raison de ses effets narcotiques.

    En cas d’ingestion de MIBK, une pneumopathie d’inhalation pourrait survenir [2].

    Toxicité chronique

    La MIBK appartient à la famille des cétones. Celles-ci dissolvent le film lipidique cutané et sont responsables de dermites irritatives avec sécheresse cutanée et paresthésies localisées lors de contacts répétés sans protection.

    Comme pour la plupart des solvants, l’inhalation chronique des cétones peut engendrer un syndrome psycho-organique (asthénie, céphalées, troubles du sommeil, diminution de la libido, irritabilité, dépression, perte de mémoire, etc.) voire une encéphalopathie avec détérioration intellectuelle, troubles psychiatriques, syndrome cérébelleux [37].

    Ainsi, une étude rapporte l’observation d'un employé de 44 ans exposé pendant 6 ans à des concentrations élevées de MIBK : plus de 100 ppm, 8 heures par jour. De plus, s’ajoutaient des épisodes fréquents d'exposition supplémentaire par voie cutanée, semblant impliquer une surface cutanée importante. Au cours de certains de ces épisodes, il a perdu connaissance. Il ne semble pas y avoir eu d'exposition à d'autres produits chimiques durant cette période, à l'issue de laquelle il a dû cesser son travail du fait de difficultés de concentration et de pertes de mémoire. Pendant les dix années qui ont suivi cette exposition, les troubles ont persisté. Des tests neuropsychologiques standards et des explorations cérébrales par IRM ont régulièrement été effectués. Ils ont permis de constater une légère atrophie cérébrale diffuse, ainsi qu'une diminution de la vascularisation des lobes frontaux.

    Aucune origine organique ou toxique autre que l'exposition à la MIBK n'a été retrouvée [38].

    En ce qui concerne une éventuelle neurotoxicité périphérique, un article rapporte le cas d’un jeune homme souffrant de neuropathie périphérique des 4 membres apparue une semaine après qu’il ait peint son cyclomoteur dans une pièce non ventilée. La peinture en aérosol contenait de la MIBK, mais aussi d’autres solvants. Il n’est donc pas possible de déterminer si cette neuropathie peut être attribuée à la MIBK [39]Depuis ce rapport de cas, il n’a pas été retrouvé de nouvelle publication dans le sens d’une neurotoxicité périphérique de la MIBK seule. Les données du métabolisme de la MIBK ne sont pas en faveur d’une telle hypothèse car il n’aboutit pas à la formation de gamma-dicétones susceptibles d’entraîner une axonopathie.

    Effets génotoxiques

    Aucune étude de génotoxicité chez des travailleurs n’a été identifiée à la date de publication de cette fiche.

    Effets cancérogènes

    Aucune étude de cancérogénicité chez des travailleurs n’a été identifiée à la date de publication de cette fiche.

    Effets sur la reproduction

    Aucune étude de toxicité pour la reproduction chez des travailleurs exposés à la MIBK n’a été identifiée à la date de publication de cette fiche.

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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