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Mercure et composés minéraux

Fiche toxicologique n° 55

Sommaire de la fiche

Édition : Septembre 2023

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [5, 18]

    Le mercure et ses composés minéraux sont majoritaire­ment absorbés par voie pulmonaire ; l’absorption par voie orale est faible mais variable selon le composé. Après absorption, le mercure présent dans le sang est distribué dans l’organisme, principalement dans le cerveau, mais aussi au niveau de l’appareil digestif et des poumons. Le mercure traverse les barrières hémato-encéphalique et placentaire. Il subit des réactions d’oxydoréduction dans les milieux biologiques et est éliminé majoritairement dans les urines et l’air expiré.

    Chez l'animal
    Absorption

    Le mercure élémentaire et ses composés minéraux sont principalement absorbés par voie pulmonaire : chez le chien, le taux d'absorption du mercure inorganique diva­lent est estimé à 45 %.

    Le taux d'absorption par voie orale varie en fonction de l'âge des animaux et de leur nourriture. Seulement 1 à 2 % du chlorure mercurique administré aux souris par voie orale est absorbé. Chez le rat, le taux d'absorption n'excède pas 10 % à la suite d'administrations allant jusqu'à 20 mg/kg de chlorure mercurique.

    L'application d'un onguent à base de chlorure mercureux, pendant 2 ou 4 semaines, entraîne une accumulation du mercure dans les reins et une excrétion par les urines, signe d'une absorption percutanée [29]. Toutefois, aucune mesure quantitative n'est disponible.

    Distribution

    Le mercure élémentaire, absorbé par voie pulmonaire, est transporté par voie sanguine avant d'être distribué dans tout l'organisme. Il s'accumule principalement dans le cerveau mais également au niveau des reins, du foie, des poumons ou de l'intestin [30]. Après une exposition répétée pendant 5 semaines à 1 mg/m3 de vapeurs de mercure, des taux élevés sont détectés dans le cerveau des rats, essentiellement au niveau du néocortex et du cervelet. Cette accumulation est plus élevée chez les jeunes rongeurs que chez les adultes, expliquant, chez les jeunes, un effet neurotoxique plus important des vapeurs de mercure.

    Après absorption par voie orale, les distributions du mer­cure élémentaire et des composés inorganiques sont similaires. Chez la souris, à la suite d'une exposition unique à des doses comprises entre 0,2 et 20 mg/kg de chlorure mercurique, les concentrations les plus élevées de mercure sont retrouvées dans le foie et les reins. Il a également été montré une accumulation au niveau de neurones de rats exposés à du chlorure de mercure via l'eau de boisson.

    Chez le rat, le mercure élémentaire franchit la barrière pla­centaire et s'accumule chez le fœtus [31]. De par sa plus faible liposolubilité, la quantité de mercure inorganique pouvant traverser les barrières hémato-encéphalique et placentaire est inférieure à celle de mercure élémentaire. Chez la souris, les niveaux de mercure mesurés chez les fœtus sont approximativement 4 fois plus élevés après une exposition à des vapeurs de mercure élémentaire qu'à la suite d'une exposition à du chlorure mercurique ; chez les fœtus de rats, ils sont 10 à 40 fois plus élevés.

    Métabolisme

    Le mercure inorganique divalent est oxydé puis réduit partiellement en mercure élémentaire.

    Au niveau pulmonaire, le mercure élémentaire entre rapi­dement dans la circulation sanguine où il va être oxydé en une forme inorganique divalente par la voie de l'hydro­gène peroxyde-catalase. Cette oxydation s'effectue prin­cipalement dans le cerveau, le foie (adulte et fœtal), les poumons et probablement dans d'autres tissus dans une moindre mesure.

    Excrétion

    Les données concernant l'élimination du mercure élé­mentaire et du mercure inorganique sont limitées. Après inhalation, 10 à 20 % du mercure est retrouvé dans l'air expiré ; il est aussi détecté dans le lait maternel [32]. L'âge est un facteur important dans le processus d'élimination du mercure inorganique : la rétention chez les jeunes rats est plus importante que chez les rats plus âgés.

    Le mercure et ses composés mercureux, absorbés par voies orale et percutanée, sont principalement éliminés dans les urines [29].

    Chez l'Homme

    L'absorption du mercure métallique par voie orale est très faible (< 0,01 %). Par voie cutanée, son absorption peut être significative si le métal est à l'état très divisé. L'absorption des vapeurs de mercure est marquée par voie pulmonaire, principalement dans les membranes alvéo­laires qui, en raison de la grande diffusibilité du produit et de sa liposolubilité notable, en retiennent 80 %. Le pas­sage dans le sang et la distribution dans les organes sont très rapides : 10 minutes après la fin de l'exposition, 30 % seulement du mercure retenu restent dans le poumon. L'accumulation se fait surtout dans les reins, le foie, mais aussi dans le cerveau. Après une exposition courte, 7 % du mercure retenu sont éliminés dans l'air expiré, 2,5 % sont excrétés dans l'urine et 9 % dans les fèces dans les 3 jours qui suivent. Après une exposition prolongée, l'excrétion urinaire égale l'excrétion fécale. La demi-vie biologique a été mesurée chez des volontaires : elle est de 58 jours pour l'ensemble de l'organisme, de 1,7 jour dans les poumons, 3,3 jours dans le sang, 21 jours pour l'ensemble de la tête et 64 jours dans les reins ; au niveau du cerveau, elle est de plusieurs années [33,34].

    Le mercure élémentaire passe très facilement à travers toutes les barrières membranaires (pulmonaire, érythro­cytaire, cérébrale, placentaire...). À l'intérieur des cellules, il est oxydé en ion mercurique Hg2+ sous l'action de la catalase ; au niveau de l'intestin, les sels mercuriques Hg2+ peuvent être méthylés par la flore microbienne. En raison de leur grande affinité pour les groupements thiols, les ions Hg2+ se fixent d'abord sur les protéines, puis sur la cystéine et le glutathion intracellulaires.

    Pour les composés minéraux mercuriques administrés par voie orale, l'absorption peut atteindre 10 à 15 % ; après transport dans le sang (1/4 dans les hématies, 3/4 dans le plasma), le mercure se distribue majoritairement dans les reins (surtout les tubes proximaux) ; la quantité fixée dans le cerveau est très faible. Leur demi-vie biologique est plus courte chez la femme (29 à 41 jours) que chez l'homme (32 à 60 jours).

    Le mécanisme de l'action toxique du mercure repose sur l'inhibition des enzymes thiol-dépendantes et sur la per­turbation du système de transport des tubules rénaux. Il faut noter enfin que des doses répétées de mercure induisent la synthèse d'une métallothionéine, protéine impliquée dans la détoxication du métal ; on assiste ainsi au développement d'une tolérance au produit.

    Surveillance Biologique de l'exposition

    Le dosage du mercure inorganique sanguin en fin de poste et fin de semaine de travail est un indicateur de l'exposi­tion de la semaine précédente au mercure inorganique.

    Le dosage du mercure inorganique total urinaire, au mieux le matin avant la prise de poste, permet d'appré­cier l'exposition ancienne (de plus de 3 mois) au mercure inorganique.

    Ces deux paramètres sont corrélés aux concentrations atmosphériques de mercure inorganique et aux effets sur la santé ; ils sont surtout intéressants au niveau collectif. Des valeurs biologiques de référence pour la population professionnellement exposée ont été établies pour le mercure sanguin et urinaire (voir Recommandations § Au point de vue médical) [64].

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë

    Les effets du mercure élémentaire par inhalation se mani­festent principalement dans les poumons, le système nerveux, le foie et les reins. Par voies orale et cutanée, les composés mercuriques et mercureux sont à l’origine d’effets, plus ou moins sévères, au niveau gastro-intestinal, neurologique et cardio-vasculaire.

    Le mercure liquide peut entraîner une conjonctivite légère, alors que des solutions concentrées de chlorure mercurique induisent des lésions sévères de la cornée. Aucune donnée n’est disponible pour la peau.

    Aucune donnée quantitative n'est disponible concer­nant la toxicité chez l'animal du mercure élémentaire par voie orale ou par voie cutanée. Cinquante pourcents des rats exposés à 27 mg/m3 de mercure pendant 2 heures meurent dans les 5 jours suivant l'exposition [5]. Les effets respiratoires suivants sont rapportés : dyspnée, œdème, nécrose de l'épithélium alvéolaire, et occasionnellement une fibrose pulmonaire [17, 33]. Chez les lapins exposés à la concentration de 29 mg/m3, l'autopsie a révélé des lésions cérébrales, hépatiques, rénales, cardiaques et pul­monaires, sévères (nécroses) lorsque l'exposition dépasse les 4 heures [5]. À la suite d'une exposition à 500 µg/m3 de vapeurs de mercure métallique, pendant 4 heures, des dépôts de mercure sont observés dans le cytoplasme des neurones moteurs situés dans la moelle épinière des sou­ris exposées ; une diminution de la force de préhension est rapportée chez ces animaux, ainsi qu'une atrophie des axones [35].

    Pour les composés minéraux mercuriques (oxyde, chlo­rure, nitrate, sulfate), la DL 50 chez la souris ou le rat est comprise entre 10 et 40 mg/kg par voie orale, entre 40 et 600 mg/kg par voie cutanée. Les symptômes observés sont essentiellement des troubles gastro-intestinaux sévères, une néphropathie tubulaire aiguë et un collapsus cardio-vasculaire [34].

    La toxicité des composés minéraux mercureux est sensi­blement plus faible : DL 50 comprise entre 150 et 200 mg/kg par voie orale, entre 1200 et 2300 mg/kg par voie cutanée [18].

    Irritation, sensibilisation cutanées [5]

    Le contact de mercure liquide avec la conjonctive du lapin n'entraîne aucun signe clinique de conjonctivite ; une réaction inflammatoire peut toutefois être démontrée histologiquement. Les solutions concentrées (> 0,5 %) de chlorure mercurique provoquent, chez le lapin, des lésions sévères de la cornée.

    Toxicité subchronique, chronique

    L’exposition chronique au mercure par voie pulmonaire induit des lésions neurologiques, respiratoires et hépa­tiques, dont la sévérité augmente avec la durée et la concentration d’exposition. Par voie orale, les sels mer­curiques sont à l’origine d’effets gastro-intestinaux, car­diaques et immunologiques.

    À la suite d'expositions répétées au mercure, les effets sui­vants sont rapportés chez les rats ou lapins[5] :

    • 1 mg/m3, 100 heures/semaine, 6 semaines en continu : congestion pulmonaire ;
    • 3 - 4 mg/m3, 5 j/semaine, 12 à 42 semaines : aucun effet au niveau des poumons et du foie, légère dégénérescence de l'épithélium tubulaire, légers tremblements et agressi­vité accrue (réversible en 12 semaines) ;
    • 6 mg/m3, 5 j/semaine, 6 à 11 semaines : dégénéres­cences cellulaires hépatiques de plus en plus marquées, avec quelques foyers nécrotiques ;
    • 29 mg/m3, exposition subchronique : nécrose hépatique sévère.

    Par voie orale, l'organe cible est le rein. L'administration continue à des rats, pendant 2 ans, d'un sel mercurique (acétate) dans leur nourriture affecte leur croissance cor­porelle, lorsque la dose dépasse 100 ppm, et provoque des lésions rénales (augmentation du poids relatif, hypertro­phie des tubules proximaux, fibrose corticale, atrophie et fibrose des glomérules) dès la dose de 40 ppm ; une inflammation du caecum est aussi rapportée [36].

    Une inflammation et une nécrose sont observées au niveau de l'épithélium glandulaire stomacal, chez des souris recevant 59 mg/kg/j de chlorure mercurique, 5 jours par semaine, pendant 2 semaines [36]. Des effets cardiaques (diminution de la contractilité cardiaque et augmentation de la pression sanguine) sont aussi rappor­tés [37, 38]. Enfin, un dépôt d'anticorps IgG, notamment au niveau glomérulaire, est rapporté dans les reins de rats exposés entre 200 et 300 µg/kg/j de chlorure mercurique, dans la nourriture, pendant 60 jours[5].

    Effets génotoxiques [18, 32]

    Les dérivés minéraux solubles du mercure exercent une action mutagène dans plusieurs systèmes expérimentaux in vitro et in vivo .

    • In vitro, les composés minéraux du mercure induisent notamment :
      • des aberrations chromosomiques dans des lympho­cytes humains et dans des cellules d'embryons de souris en culture ;
      • une synthèse non programmée d’ADN par des cellules tumorales de souris ;
      • des échanges de chromatides sœurs dans des lympho­cytes de souris ou des cellules de hamster chinois.

    Ils augmentent d'autre part la fréquence des transforma­tions de cellules embryonnaires de hamster syrien.

     

    • In vivo, le chlorure mercurique est mutagène dans le test de dominance létale chez le rat et accroît la fréquence des aberrations chromosomiques dans les cellules de la moelle osseuse de hamster. Il faut noter que, dans la plupart de ces systèmes, les dérivés minéraux du mercure sont nette­ment moins actifs que ses dérivés organiques.
    Effets cancérogènes [17]

    Très peu d’informations sont disponibles concernant le potentiel cancérogène du mercure et de ses composés. Quelques tumeurs bénignes et malignes sont rapportées au niveau des reins, à la suite d’expositions au chlorure mercurique.

    À ce jour, aucune donnée n'est disponible sur un éventuel effet cancérogène du mercure élémentaire. Une seule étude, menée chez le rat et la souris, exposés pendant 2 ans par gavage au chlorure mercurique, met en évi­dence à partir de 1,9 mg/kg/j :

    • chez la souris mâle, quelques adénomes et adénocarci­nomes rénaux ;
    • chez le rat femelle, quelques adénocarcinomes rénaux. Chez le rat, une augmentation de l'incidence des papillomes malpighiens de l'estomac antérieur est obser­vée chez les mâles ; une hyperplasie dose-dépendante de cet organe est rapportée pour les deux sexes [36].
    Effets sur la reproduction

    Les vapeurs de mercure sont à l’origine d’effets au niveau des appareils reproducteurs mâle et femelle, diminuant la fertilité. Au niveau du développement, des effets embryo­toxiques et fœtotoxiques sont rapportés ; malformations, modifications du comportement et immunomodulation sont aussi observées. Par voie orale, les sels de mercure touchent aussi les appa­reils reproducteurs mâle et femelle ; des effets embryo­toxiques et fœtotoxiques sont aussi rapportés mais pour des doses supérieures à celles de mercure élémentaire.

    Fertilité

    L'exposition de rats mâles à des vapeurs de mercure perturbe la spermatogénèse et réduit leur fertilité (aug­mentation de la mortalité post-implantation) [39]. Un allongement des cycles œstraux est observé chez les femelles exposées à 2,5 mg/m3, 6 heures par jour, 5 jours par semaine, pendant 21 jours [32].

    Des rats mâles exposés à 1 ou 2 mg/kg/j de chlorure mercurique, pendant 60 jours, présentent une augmentation du délai de fécondation des femelles, une diminution du taux de testostérone testiculaire et du nombre de sperma­tozoïdes dans la tête et le corps de l'épididyme [40]. Chez des femelles exposées aux mêmes concentrations pen­dant 60 jours, une diminution du nombre des implanta­tions et une augmentation des implantations non-viables sont rapportées à la plus forte dose ; parallèlement, une baisse du taux de progestérone et une hausse du taux d'hormone lutéinisante sont mesurées [41].

    Développement

    Des effets embryotoxiques et fœtotoxiques ont été constatés lorsque des femelles de rats et de hamsters ont, en cours de gestation, été exposées à de faibles concentra­tions de vapeurs de mercure ou ont reçu, par voie orale, des doses sublétales de chlorure ou d'oxyde mercurique [39].

    L'administration de vapeurs métalliques de mercure, 2 heures par jour à des concentrations de 0 - 1 - 2 - 4 ou 8 mg/m3 entre le 6ième et le 15ième jour de gestation, a provoqué une augmentation des résorptions fœtales, une diminu­tion de la taille des portées ainsi qu'une modification du poids des nouveau-nés, uniquement chez les rates expo­sées à 8 mg/m3, dose fortement toxique pour les mères [31]. Des rates ont été exposées à des concentrations de 0,1 - 0,5 ou 1 mg/m3 de mercure élémentaire, soit pen­dant toute la période de gestation (j1 à j20), soit pen­dant la période de l'organogenèse (j10 à j15) : les auteurs observent une augmentation du nombre de résorptions aux concentrations de 0,5 et 1 mg/m3 pendant l'organo­genèse. Deux cas d'anomalies crâniennes (sur 115 fœtus) sont notés lors des expositions à 0,5 mg/m3 pendant la gestation, ainsi qu'une diminution du poids des femelles et des fœtus à 1 mg/m3. La concentration de 0,1 mg/m3 ne provoque aucun effet [42]. L'inhalation de mercure métal­lique (1,8 mg/m3, 1 h ou 3 h par jour) pendant la gestation, et plus particulièrement entre le 11ième et le 14ième jour et entre le 17ième et le 20ième jour de gestation, provoque des modifica­tions comportementales à 3 mois : effets sur les déplace­ments, l'apprentissage et l'activité[43]. L'exposition de rats ou souris nouveau-nés à des vapeurs de mercure élémen­taire (0,05 mg/m3 jusqu'au 20ième jour post-natal - période correspondant à une forte croissance du cerveau) est à l'origine de retards du développement comportemental, respectivement à l'âge de 4, 6 mois et 15 mois [44, 45].

    Chez la souris d'une souche sensible à l'auto-immunité due au mercure, l'administration via l'eau de boisson de 50 µmol/l de chlorure mercurique du 8ième jour de gestation au 21ième jour post-natal induit chez les nouveau-nés âgés de 21 jours une augmentation des IgG dans le sérum et dans le cerveau, et des cytokines dans le cerveau (en quanti­tés supérieures chez les femelles). À l'âge de 70 jours, ces niveaux sont revenus à la normale mais une diminution de la sociabilité est observée chez ces animaux, plus mar­quée chez les femelles. Ces anomalies ne sont pas retrou­vées sur des souches non sensibles à l'auto-immunisation par le mercure [46].

  • Toxicité sur l’Homme

    L’inhalation de vapeurs de mercure provoque principale­ment une irritation respiratoire et des troubles neurolo­giques graves. L’ingestion de sels mercuriques induit des troubles digestifs et une atteinte tubulaire rénale. Le mer­cure sous forme métallique n’est pas irritant pour la peau et les yeux alors que les solutions concentrées de sels mercuriques le sont. 

    L’exposition chronique au mercure entraîne des troubles neurologiques progressifs aboutissant à une encéphalopa­thie (troubles de l’humeur et de la motricité...), une neuro­pathie périphérique et une possible atteinte rénale.

    Les études épidémiologiques conduites chez les salariés exposés au mercure ne sont pas en faveur d’un effet can­cérogène.

    L’exposition professionnelle au mercure ou à ses composés inorganiques pourrait induire des risques pour la fertilité chez l’homme et la femme ainsi qu’une augmentation du nombre d’avortements.

    Toxicité aiguë [47, 48, 49, 60, 62]

    Avec le mercure élémentaire, deux types d'intoxication peuvent survenir avec des conséquences différentes :

    • Par inhalation de vapeurs, on observe une irritation des voies respiratoires (pneumopathie diffuse avec œdème interstitiel), une encéphalopathie parfois grave (coma, convulsions), des troubles digestifs (nausées, vomisse­ments, diarrhée), une stomatite et une atteinte tubu­laire rénale modérée. Ces signes peuvent s'accompagner d'un érythème scarlatiniforme. Ils apparaissent, en cas d'exposition de quelques heures, pour des concentrations atmosphériques de 1 à 3 mg/m3.
    • Par effraction cutanée de mercure liquide venant souiller des plaies, on observe des signes inflammatoires locaux importants et récidivants si le métal n'est pas enlevé ; en revanche, les signes d'intoxication générale sont rares. En cas de passage intraveineux, le métal peut se répandre dans l'organisme et y causer des lésions nécrotiques, en particulier par embolie artérielle.
    • En cas d'ingestion, le mercure n'entraîne pas d'intoxica­tion systémique du fait de sa très faible absorption diges­tive.

    L'ingestion accidentelle de sels mercuriques, au contraire, entraîne immédiatement une inflammation de l'en­semble du tractus gastro-intestinal (douleurs abdomi­nales, vomissements et diarrhées souvent sanglants) ; une insuffisance rénale aiguë anurique par néphrite tubulaire interstitielle apparaît dans les 24 premières heures, suivie le 2ième ou le 3ième jour par une stomatite (élimination salivaire de mercure) ; on note parfois une éruption cutanée. L'anu­rie peut se prolonger pendant une quinzaine de jours en cas d'intoxication massive.

    L'intoxication est d'autant plus sévère que le dérivé en cause est plus soluble.

    Les gouttes de mercure ayant pu accidentellement péné­trer dans l'épithélium cornéen en sont éliminées rapide­ment, sans réaction importante. Les solutions concentrées de la plupart des dérivés minéraux - particulièrement du chlorure et du nitrate mercuriques - sont en revanche irri­tantes pour les yeux et pour la peau[50].

    Toxicité chronique [32, 47, 49, 60, 62]

    L'hydrargyrisme professionnel est la conséquence d'une intoxication chronique due, le plus souvent, à une exposi­tion prolongée à des vapeurs de mercure et/ou à des pous­sières de dérivés mercuriels. Sa manifestation principale est une encéphalopathie dont les premiers signes sont discrets et peu spécifiques (irritabilité, émotivité, anxiété, insomnie) ; à la phase d'état apparaissent des tremble­ments des doigts et de la face (paupières, lèvres, langue), le signe le plus caractéristique étant un tremblement intentionnel qui rend difficiles les mouvements précis. Ces troubles peuvent s'aggraver progressivement jusqu'à devenir quasi permanents et réaliser une ataxie cérébel­leuse. Des modifications du comportement sont possibles (hyperexcitabilité, dépression). Une stomatite est généra­lement associée à l'encéphalopathie ; des chutes de dents peuvent survenir dans des intoxications sévères. L'atteinte neurologique périphérique (polynévrite sensitivomotrice distale) est assez fréquente. En revanche, les symptômes d'un syndrome néphrotique (manifestations tubulaires ou glomérulaires) sont assez rares.

    Pour une exposition continue 8 heures/jour, tous les jours ouvrés pendant une année, le seuil d'action se situerait vers la concentration de 0,06 à 0,1 mg/m3 pour les symp­tômes non spécifiques, de 0,1 à 0,2 mg/m3 pour les trem­blements. Les études épidémiologiques réalisées aux États-Unis et au Canada ont mis en évidence une bonne corrélation entre la concentration du mercure dans l'at­mosphère et sa concentration dans le sang des travailleurs exposés, ainsi qu'entre ces concentrations et l'importance des symptômes observés : la corrélation est hautement significative pour la perte de poids, l'inappétence, l'in­somnie et les tremblements ; les signes neurologiques apparaissent pour des concentrations plasmatiques de l'ordre de 200 à 500 µg/L.

    Si l'exposition est interrompue dès l'apparition des pre­miers symptômes, la récupération peut être totale ; si elle est prolongée, des séquelles organiques peuvent persister. Le contact prolongé ou répété avec le mercure ou ses déri­vés peut entraîner, de façon assez rare, une sensibilisation qui se traduit notamment par des dermatoses eczématiformes.

    L'exposition prolongée ou répétée aux vapeurs de mer­cure induit une décoloration caractéristique du cristallin (mercurialentis) ; celle-ci se produit également en cas d'intoxication systémique, quelles que soient la voie d'in­toxication (respiratoire, gastro-intestinale, cutanée) et la nature du composé mercuriel ; elle peut même être obser­vée en absence d'autres signes cliniques [50].

    Effets génotoxiques

    Un nombre anormalement élevé d'aberrations chromoso­miques a été observé chez des travailleurs ayant des taux élevés de mercure urinaire (> 800 µg/L) [51], alors que des résultats négatifs ont été notés pour des taux inférieurs à 100 µg/L [52].

    Effets cancérogènes

    Un certain nombre d'études épidémiologiques ont été conduites pour évaluer la mortalité par cancer chez des salariés exposés aux vapeurs de mercure élémentaire. Les résultats ne sont pas en faveur d'un effet cancérogène du mercure :

    • Une étude de cohorte menée dans une usine de fabrica­tion d'armes n'a pas mis en évidence de différence signifi­cative concernant le risque de cancer du poumon entre les salariés exposés et les salariés non exposés [56].
    • Barregard et al. (1990) montrent un excès de risque de cancer du poumon dans une usine de fabrication de chlore ; cet excès pourrait être lié à une exposition anté­rieure à l'amiante dans cette usine. Aucune autre aug­mentation significative n'a été notée[54].
    • Des risques significatifs de cancer du cerveau auraient été mis en évidence dans une usine de fabrication de chlore en Norvège, les résultats complets de cette étude n'ont toutefois pas été publiés [57].
    • Une étude réalisée sur 3998 mineurs exposés au mer­cure dans une mine en Espagne n'a pas montré d'aug­mentation de cancers. Il est difficile de savoir si le suivi a tenu compte des perdus de vue [58].

    Aucune étude épidémiologique n'a été réalisée sur l'effet cancérogène du mercure inorganique.

    Effets sur la reproduction

    Une augmentation de l'incidence des avortements spon­tanés et des mastopathies a été signalée chez des femmes exposées à des vapeurs de mercure dans une fonderie (concentration atmosphérique maximale : 0,08 mg/m3) [59]. Des cas d'oligospermie et de stérilité ont été obser­vés chez des travailleurs exposés à l'oxyde mercurique dans une fabrique de batteries [47]. Le taux de fertilité de travailleurs ayant des concentrations urinaires de mer­cure comprises entre 5 et 271 µg/L n'est pas modifié [60].

    Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) rapporte plusieurs études des années 1980 menées chez les dentistes et leur personnel, au Danemark, aux États-Unis, en Pologne, en Suède et en Italie ; en Pologne, les auteurs décrivent une augmentation du nombre d'avor­tements spontanés chez les dentistes et assistantes dentaires comparé aux témoins (24 % contre 11 %) ainsi que 5 cas de spina bifida ; en Italie, une augmentation du taux d'anomalies de la hanche est notée (peut-être liées à des facteurs géographiques), les autres études ne montrent pas d'anomalie [53]. Dans une étude épidé­miologique, réalisée également chez des assistantes den­taires, les auteurs ont montré que la fécondabilité des femmes exposées à de fortes concentrations en mercure (via les amalgames dentaires) est de 63 % par rapport aux femmes non exposées aux amalgames contenant du mercure [61]. De même, une étude plus récente a pu montrer que les femmes exposées à des vapeurs de mercure au travail (0,001 - 0,200 mg/m3) présentent des douleurs abdominales et des dysménorrhées comparati­vement aux femmes non exposées [63].

    L'étude de Cordier et al. (1991) a mis en évidence un risque d'avortement spontané doublé (2,26, IC 0,99 - 5,23) chez les femmes de salariés exposés au mercure élémentaire, si la concentration de mercure dans les urines des sala­riés est supérieure à 50 µg/L. Cependant, il existe d'autres expositions de ces salariés en relation avec des taux d'avortements élevés [55].

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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