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Nitrite de sodium

Fiche toxicologique n° 169

Sommaire de la fiche

Édition : Juillet 2021

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme

    Bien qu'il n'y ait pas d'information directe sur l'absorption des nitrites chez l'homme, l'augmentation du taux de méthémoglobine sanguine, après exposition orale ou cutanée, peut en être une preuve.

    Surveillance Biologique de l'exposition

    La méthémoglobinémie en fin d’exposition ou fin de poste est un indicateur non spécifique de l’exposition à des agents méthémoglobinisants dont le nitrite de sodium (indicateur d’effet biologique). Aucune relation n’a été établie entre l’exposition au nitrite de sodium spécifiquement et le taux de méthémoglobine. Par ailleurs, la méthémoglobinémie ne rend pas compte d’autres effets pouvant être liés à l’exposition au nitrite de sodium.

    Une valeur biologique d’interprétation de 5 % pour la méthémoglobinémie pendant ou en fin de poste a été proposée par l’ACGIH (valeur BEI). Cette valeur correspond à un taux auquel aucun symptôme en lien avec la méthémoglobinémie n’est attendu.

    Chez les sujets non exposés, la méthémoglobinémie est généralement inférieure à 1,5 %. Une méthémoglobinémie supérieure à 1,5 % suggère une exposition à un agent méthémoglobinisant.

    De nombreuses substances peuvent induire une méthémoglobinémie : composés aromatiques aminés ou nitrés (aniline, nitrobenzène) dont des médicaments (benzocaïne, dapsone), nitrites, nitrates, suppléments alimentaires, colorants, engrais… Elle peut également être observée dans certaines affections comme les méthémoglobinémies congénitales.

    Un transport rapide du prélèvement est essentiel puisque le taux de méthémoglobine peut augmenter ou diminuer, en fonction de l’agent méthémoglobinisant, lors de la conservation (délai de moins d’une heure entre le prélèvement et l’analyse).

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë [20-23]

    Les effets aigus sont proportionnellement liés à la conversion de l’hémoglobine en méthémoglobine, avec une atteinte neurologique pouvant entrainer la mort des animaux par anoxie tissulaire. Le nitrite de sodium est un irritant faible pour la peau et modéré pour l’œil.

    La DL50 orale est de 85 - 200 mg/kg chez le rat, 175 - 214 mg/kg chez la souris, et 186 mg/kg chez le lapin. Par inhalation la CL50 est de 5,5 mg/m3/4h chez le rat.

    Si la conversion de l'hémoglobine en méthé­moglobine, sous l'action du nitrite de sodium, est assez complète les animaux peuvent mou­rir d'anoxie tissulaire ; les signes cliniques (principalement cyanose, avec peu ou pas d'hémolyse) sont observables à partir de 20 % d'hémoglobine convertie et empirent avec
    l'augmentation du taux de méthémoglobine : à 60 %, les animaux sont désorientés et abattus, au-delà de 70 %, apparaissent ataxie, hypersa­livation, arrêt cardiaque, arythmie et mort.

    Chez le lapin, le nitrite de sodium est peu ou pas irritant pour la peau et modérément irritant pour l'œil (surtout la conjonctive). Il n'y a pas de test de sensibilisation disponible.

    Toxicité subchronique, chronique [20, 23]

    Les effets observés sont liés aux effets hématologiques. Des atteintes hépatiques, spléniques et du pré-estomac sont également notées chez le rat et la souris après exposition par voie orale.

    La survie des rats et des souris, exposés à long terme au nitrite de sodium, n'est pas affectée. Les animaux présentent une baisse de poids et une réduction de la prise de poids, liées dans les premières semaines à une baisse de la consommation d'eau ou de nourriture.

    Chez le rat (600 à 10 000 ppm dans l'eau de boisson ou 0,2 à 0,5 % dans la nourriture, jusqu'à 2 ans), les signes cliniques, cyanose et coloration brunâtre des membranes muqueuses et de la peau, sont essentiellement dus aux effets hématologiques :

    • diminution du nombre des érythrocytes pendant 8 semaines sans relation dose-effet, stabilisation pendant 28 semaines puis retour lent à la normale, atteinte après an d'exposition ;
    • diminution concomitante du taux d'hémo­globine, du volume globulaire moyen et de l'hématocrite ;
    • augmentation en fonction de la dose, du taux de méthémoglobine, plus importante chez les femelles que chez les mâles, sans atteindre un niveau létal ;
    • augmentation de la concentration globulai­re moyenne en hémoglobine qui pourrait être due à une réticulocytose.

    Chez la souris (600 à 5000 ppm dans l'eau de boisson, jusqu'à 2 ans), la cyanose et la colora­tion brunâtre de la peau et des muqueuses ne sont pas observées ; le taux de méthémoglobi­ne réductase, plus élevé chez la souris que chez le rat, pourrait en partie expliquer cette différence. Cependant, on note, chez la souris, une augmentation du poids relatif de la rate et de l'hématopoïèse extramédullaire splénique, une dégénérescence et une nécrose des hépa­tocytes, et un dépôt d'hémosidérine dans le foie et la rate.

    L'exposition au nitrite de sodium dans l'eau de boisson induit une augmentation du taux d'hyperplasie de l'épithélium du pré-estomac chez les rats mâles et femelles et de l'estomac glandulaire chez les souris mâles.

    Effets génotoxiques [23]

    Certains tests de génotoxicité réalisés in vitro et in vivo sont positifs.

    In vitro, le nitrite de sodium donne des résul­tats variables :

    • dans le test d'Ames : ils sont positifs, avec et sans activation métabolique, avec les souches TA92, TA94, TA100, TA1530, TA1535 de S. typhimurium et avec E. Coli, ambigus avec les souches TA98 et TA1537 de S. typhi­murium et négatifs avec les souches TA97, TA1536 et TA1538 de S. typhimurium ;
    • dans les tests de lésion de l'ADN : ils sont positifs avec S. cerevisiae, douteux avec les cellules de lymphome de souris et négatifs avec les cellules V79 de hamster ;
    • les tests de mutagenèse et de cytogéné­tique (aberrations chromosomiques, échanges entre chromatides sœurs) sont positifs avec les cellules de mammifères ;
    • les cellules embryonnaires de hamster syrien sont transformées à partir d'une dose de 3 mg/l.

    Certains tests ont été réalisés par exposi­tion transplacentaire chez le hamster. Les cel­lules embryonnaires en culture ne présentent pas d'aberration chromosomique mais les tests de mutagenèse et de micronoyaux sont positifs quand les mères sont exposées par gavage à des doses supérieures ou égales à 70 mg/kg et 125 mg/kg respectivement.

    In vivo, le nitrite de sodium provoque des aberrations chromosomiques dans la moelle osseuse de souris (à partir de 500 ppm dans la nourriture), de rat (300 mg/kg) et de lapin (1,7 à 46,7 mg/kg/j dans l'eau de boisson, 3 mois). Administré dans l'eau de boisson de rates gestantes (1,25 g/l, 5e au 18e jour de gestation) ou non gestantes, il induit des aberrations chromosomiques dans la moelle osseuse des adultes et dans le foie des embryons ; l'effet est plus important dans les cellules hépatiques embryonnaires que dans les cellules médul­laires adultes [24]. Par voie intra-péritonéale, il provoque des échanges entre chromatides sœurs dans la moelle osseuse de souris (25-200 mg/kg).

    Le test de mutation létale récessive liée au sexe chez la drosophile est positif pour une dose de 0,02 M dans la nourriture.

    L'exposition des souris par gavage (150 mg/kg) entraîne l'apparition de micronoyaux dans les érythrocytes alors que ce test est négatif par voie intra-péritonéale (200 mg/kg).

    En revanche, il n'occasionne ni translocation héritable, malgré l'induction d'anomalies de la tête spermatique, ni létalité dominante, ni synthèse non programmée de l'ADN, chez la souris.

    Effets cancérogènes [22, 23]

    Le nitrite de sodium provoque des tumeurs dont le site et la nature varient selon l'espèce et le sexe (pré-estomac, foie, glande mammaire). Il agit  également comme promoteur de cancérogénèse avec développement de tumeurs du pré-estomac chez le rat et la souris et diminue la survenue de certains cancers chez le rat.

    Le nitrite de sodium est un cancérogène faible chez le rat, nécessitant une période d'ex­position supérieure à 2 ans. Il n'y a pas d'indi­cations de cancérogénicité chez le rat mâle, exposés à des doses allant jusqu'à 3 g/l dans l'eau de boisson ou 5 % dans la nourriture pen­dant 2 ans ; si le traitement est prolongé, on note, chez les rats femelles, une augmenta­tion du taux de papillomes squameux du pré-­estomac, de néoplasmes hépatocellulaires ou de fibroadénomes de la glande mammaire.

    Chez la souris mâle (0,75 à 3 g/l dans l'eau de boisson pendant 2 ans), il n'y a pas de dévelop­pement tumoral ; en revanche, la souris femel­le développe des papillomes à cellules squa­meuses ou des carcinomes du pré-estomac.

    De plus, on observe une augmentation du taux d'hyperplasie épithéliale du pré-estomac (souris mâles et femelles) et de l'estomac glandulaire (souris mâles uniquement).

    En présence de substances cancérogènes (à des doses non actives), le nitrite de sodium se comporte comme promoteur de cancéroge­nèse avec développement de néoplasmes du pré-estomac chez le rat et la souris. Dans l'es­tomac, le nitrite de sodium serait transformé par les sucs gastriques en HNO2 qui se dimé­riserait en N2O3, intermédiaire réactif se liant aux amines et amides secondaires pour former des composés N-nitroso cancérogènes [25].

    Une réduction du taux spontané des lym­phomes, leucémies et tumeurs des cellules interstitielles testiculaires, accompagnée d'une augmentation du temps de latence et d'une hyperplasie testiculaire interstitielle, est significative, chez le rat, à partir de 0,5 % de nitrite de sodium dans la nourriture.

    Effets sur la reproduction [18, 20]

    Le nitrite de sodium traverse la barrière placentaire chez l'animal. L’administration sous cutanée provoque des avortements spontanés. Il est également fœtotoxique lors d’expositions pré et post-natales.

    Le nitrite de sodium n'a pas d'effet sur la fer­tilité du rat mâle. Il y a de légères modifications testiculaires à l'observation histopathologique sans liaison directe avec l'exposition.

    Chez les femelles, la mesure de la fertilité, de la taille moyenne des portées vivantes, du poids des petits et de leur viabilité, des para­mètres du cycle œstral après la mise bas, et de l'histopathologie des ovaires et de l'utérus ne permet pas la mise en évidence d'un effet sur la reproduction. En revanche, le nitrite de sodium pourrait affecter la production de lait ; cette baisse de production est liée à une réduc­tion de la prise de poids post natale, quand les mères sont exposées à 245 mg/kg/j pendant la gestation et la lactation.

    Le nitrite de sodium traverse la barrière pla­centaire chez le rat ; le taux sanguin augmente chez le fœtus avec une latence de 20 minutes après celui des mères. L'augmentation de la concentration sanguine de nitrite est suivie d'une augmentation du taux de méthémoglobi­ne avec une cinétique identique chez les mères et les fœtus. La dose seuil pour le passage transplacentaire est 2,5 mg/kg. Les rats et les souris gestantes sont plus sensibles aux effets des nitrites après exposition aiguë ou chro­nique (100 % létalité à 60 mg/kg) que les ani­maux non gestants qui survivent à cette dose. Le nitrite de sodium ne passe pas dans le lait maternel.

    Chez la souris, après traitement pendant toute la période d'organogenèse, avec des doses orales allant de 20 à 243 mg/kg/j, il n'y a pas d'indication d'effets toxiques selon les mesures de viabilité fœtale, de poids, du sex-ratio, des fréquences de malformations externes ou squelettiques, et des paramètres de croissance ou de viabilité postnatale.

    Chez le cobaye déficient en acide ascor­bique, l'administration de nitrite de sodium par voie sous-cutanée (45 mg/kg, dernière semaine de gestation), induit des avortements sponta­nés sans anomalie macroscopique des fœtus.

    Chez le rat il n'y a pas d'études menées après des expositions prénatales uniquement. Suite à une exposition pré- et postnatale, on observe une augmentation de la létalité post­natale et une diminution de la croissance et de l'activité motrice, une baisse des paramètres hématologiques (taux d'hémoglobine, nombre d'érythrocytes et volume globulaire moyen) en relation avec la dose et une modification du comportement social et du taux de corticostérone libérée en réponse au stress. L'effet d'un déficit en fer a été objectivé par le développe­ment d'une anémie microcytaire, durant la 2e semaine après la mise bas. Un apport de fer diminue ou supprime toutes les modifications postnatales.

    Les nouveau-nés sont particulièrement sensibles à la méthémoglobinémie étant donné que le taux de cytochrome-b5 réductase éry­throcytaire est considérablement réduit à la naissance (environ 50 %) et n'atteint sa valeur normale que très lentement [19].

  • Toxicité sur l’Homme

    Les intoxications aiguës, liées à la méthémoglobinémie, sont d'importance variable allant de la simple sensation d'ébriété à l'intoxication grave associant une dépression du système nerveux, un coma convulsif et des troubles cardio-vasculaires (vasodilatation) pouvant être mortels. Les effets chroniques ont été peu étudiés. L’augmentation de tumeurs de l’œsophage et de l’estomac est décrite dans le cadre d’une exposition environnementale. Aucune donnée n’est disponible chez l’homme pour les effets génotoxiques ou sur la reproduction.

    Toxicité aiguë [20, 26, 27]

    Certaines propriétés du nitrite de sodium ont été employées en thérapeutique humaine ; il s'agit de son pouvoir vasodilatateur et sur­tout de sa capacité à induire une méthémoglo­binémie (utilisée dans le traitement des intoxi­cations cyanhydriques). Ces effets parfois recherchés expliquent en majeure partie les signes de l'intoxication aiguë. On a décrit des cas après ingestion (par exemple accidentelle de boissons ou d'aliments pollués), inhalation ou contact cutané ou muqueux.

    Les signes cliniques associent à des degrés divers : nausée, vomissement, douleur abdomi­nale, ébriété, céphalée et dyspnée. On peut observer une cyanose ainsi qu'une vasodilata­tion responsable d'hypotension avec tachycar­die et de syncopes. Dans les cas graves sur­viennent un coma, un collapsus cardiovascu­laire et des convulsions. De nombreux cas mor­tels sont rapportés.

    Les examens complémentaires mettent en évidence une méthémoglobinémie parfois supérieure à 50 % (cf § « métabolisme »).

    Toxicité chronique

    Il existe peu de données chez l'homme indi­quant les effets chroniques du nitrite de sodium. Des ouvriers, amenés à manipuler des pièces imprégnées d'un électrolyte contenant du nitrite de sodium, ont présenté une colora­tion de la paume des mains. Celle ci pourrait être liée à une réaction du nitrite de sodium avec certaines protéines cutanées[28].

    Un article déjà ancien relate l'augmentation de tumeurs de l'œsophage et de l'estomac dans certaines provinces du Chili ; l'auteur envisage une relation avec une teneur élevée des sols de ces provinces en nitrite de sodium et sa transformation en nitrosamines dans le tube digestif [29]. Aucune étude n'est dispo­nible quant au risque éventuel d'une exposition professionnelle.

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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