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Phosphore

Fiche toxicologique n° 100

Sommaire de la fiche

Édition : Août 2018

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [9]

    La toxicocinétique du phosphore est peu étudiée chez l'homme et compliquée par la présence de phosphore naturel. Chez l'animal, seule l'exposition par voie orale a été abordée : le phosphore blanc est absorbé avant ou après transformation au niveau de l'intestin, distribué lar­gement, surtout dans le foie et les reins, et excrété rapide­ment dans l'urine et les fèces principalement sous forme de phosphates.

    Chez l'animal
    Absorption

    Le phosphore blanc est liposoluble, il peut être absorbé par inhalation, ingestion ou passage cutané.

    Cependant, sa forte réactivité en présence d’oxygène fait qu’une grande proportion est rapidement transformée en phosphate, peroxyde de phosphore ou orthophosphate, au niveau de la peau, des surfaces humides de la bouche et des poumons ou de l’intestin [4, 9].

    Le phosphore alimentaire est absorbé de façon plus importante au niveau de l’intestin grêle supérieur ; cette absorption varie beaucoup en fonction de l’alimentation, en particulier elle est diminuée par de fortes quantités de calcium, magnésium ou fer, qui forment des phos­phates insolubles dans l’intestin, ou par une déficience en vitamine D.

    L’absorption de phosphore blanc radiomarqué (ou d’un de ses produits de dégradation) est très rapide après exposi­tion orale :

    • après 15 min, les molécules radiomarquées sont détec­tées dans le sang et le foie (< 5 % de la dose) ;
    • après 2-3 h, elles sont mesurées dans le foie (65-70 %), le sang (12 %), les reins (4 %), la rate (0,4 %), le pancréas (0,4 %) et le cerveau (0,4 %). L’absorption totale correspond alors à 82-87 % de la dose.
    Distribution

    La distribution du phosphore blanc est similaire chez le rat, la souris et le lapin. Il est surtout retenu dans le foie, les cortex rénal et surrénalien, le pancréas, la muqueuse intestinale et les follicules pileux; viennent ensuite les ovaires, la rate, les zones médullaires du rein et des sur­rénales, l’endomètre, le myocarde, le thymus et les poumons.

    Métabolisme

    La formation des métabolites du phosphore est probable­ment limitée par la dissociation aqueuse inorganique.

    Après dissociation (soit avant l’absorption, soit dans les fluides corporels), les atomes de phosphore sont proba­blement incorporés d’abord dans des phosphates puis dans une grande variété de molécules biochimiques.

    Le phosphore blanc est la forme la plus réactive du phosphore élémentaire, s’oxydant spontanément en pré­sence d’oxygène pour former P4O10 et P4O6 qui, à leur tour, sont hydratés pour former des acides oxo-phosphoriques dont le plus important dans le sang est l’acide orthophosphorique H3PO4.

    Dans le sérum humain, l’orthophosphate est sous deux formes: monobasique H2PO4- et dibasique HPO42- en rapport 4:1. D’autres oxoacides existent comme les pyro­phosphates et les polyphosphates ainsi que les phos­phates et les polyphosphates cycliques; ils sont formés dans des conditions de pH fortement alcalin (dans le jéju­num par exemple).

    Excrétion

    Les études animales indiquent une excrétion rapide, uri­naire et fécale, du phosphore blanc et de ses métabolites après administration orale. L’excrétion urinaire atteint son maximum après 4 heures, l’excrétion fécale augmente entre 4 heures et 5 jours. Après 5 jours, l’excrétion totale est d’environ 80 % de la dose administrée.

    Le phosphore excrété (urine + fèces) existe sous deux formes: phosphate inorganique (> 96 %) et phosphate organique (phosphoprotéines, nucléoprotéines, nucléo­tides et phospholipides).

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë [9]

    Le phosphore blanc est très toxique par inhalation, inges­tion ou après absorption à travers les surfaces cutanées, brûlées lors d'un contact. Il est irritant pour le tractus gastro-intestinal et les voies respiratoires, hépatotoxique, néphrotoxique et induit des modifications cardio­vasculaires.

    La DL50 du phosphore blanc par voie orale est de 3,03-3,76 mg/kg chez le rat, mâle et femelle respective­ment, et 4,8 mg/kg chez la souris.

    Par inhalation, les fumées de phosphore générées lors de la combustion du phosphore blanc, et composées de pro­duits d’oxydation et d’hydrolyse du phosphore, sont léta­les à partir de 1794 mg/m3 pour le rat, 428 mg/m3 pour la souris et 264 mg/m3 pour le cobaye (valeurs exprimées en équivalents d’acide orthophosphorique).

    Les principaux symptômes observés sont :

    • une irritation du tractus gastro-intestinal, chez le rat ou le chien, après exposition orale à de fortes doses : vomis­sements, érosion et hémorragies de l’œsophage et de l’estomac ; aucune modification n’est observée chez le rat à faible dose (0,075 mg/kg) ;
    • une irritation du tractus respiratoire du rat et de la sou­ris après exposition à des fumées de phosphore blanc ou des aérosols de phosphore rouge : à forte concentration, congestion, œdème et hémorragies dans les poumons ; à plus faible concentration, inflammation du larynx et de la trachée ;
    • des modifications hépatiques, quelle que soit la voie d’exposition: dilatation, augmentation de poids du foie, augmentation des taux d’aspartate et d’alanine transférases sériques et de triglycérides hépatiques, dégénéres­cence graisseuse et nécrose périportale. Ces effets apparaissent, par inhalation, chez le rat et la souris, à forte concentration (1615 mg/m3 et 649 mg/m3 respective­ment pendant 1 h), par voie orale, dès la 3e heure après exposition à des doses > 6 mg/kg chez le rat et > 5 mg/kg chez la souris, ou, par voie cutanée (brûlures), à partir de 29 mg/kg chez le rat ;
    • des modifications rénales: dilatation, chez le rat et la souris, après inhalation de fortes concentrations, infiltra­tion graisseuse dans le néphron et hémorragies sous- capsulaires chez le chien après exposition par voie orale, et modifications histologiques sévères après brûlure cuta­née chez le rat (nécrose et dégénérescence vasculaire du tube proximal ainsi que des modifications ischémiques dans le glomérule), associées à une augmentation du taux d’urée sanguine, une diurèse excessive, une oligurie et une baisse de la clairance de la créatinine. Il n’y a pas d’ef­fet chez le cobaye même à des concentrations létales ;
    • des modifications cardiovasculaires chez le rat: modifi­cation de l’électrocardiogramme, lésions des parois vascu­laires, augmentation de la perméabilité des parois capillaires et diminution de la microcirculation dans la bouche.

    Le phosphore blanc est nécrosant pour la peau du rat à partir de 29 mg/kg. Il n’est pas irritant pour l’œil du rat après exposition par inhalation ou pour l’œil du lapin après instillation d’une solution très diluée à 0,1 % dans l’huile d’arachide.

    Toxicité subchronique, chronique [9]

    Les symptômes observés après exposition répétée au phosphore blanc sont semblables à ceux d'une exposition aiguë.

    On remarque :

    • une létalité: chez le rat, 30-45 % à 0,075 mg/kg/j, 145-204 j et 35-60 % à 1742 mg/m3 en équivalents acide orthophosphorique, 15 min/j, 5 j/sem, 13 sem;
    • une irritation respiratoire: chez le rat, laryngite et tra­chéite légères (884 mg/m3 en équivalents acide orthophosphorique, 15 min/j, 5 j/sem pendant 6 à 13 semaines) ou respiration sifflante, dyspnée, laryngite et trachéite modérées à sévères, pneumonie interstitielle (> 1742 mg/ m3 en équivalents acide orthophosphorique) ;
    • une hépatotoxicité après exposition par voie orale : pré­sence de granules éosinophiles (0,25 mg/kg/j cobaye et lapin), infiltration graisseuse (cobaye seul 0,75 mg/kg/j) et cirrhose (0,66 mg/kg/j cobaye et lapin) ;
    • une calcification rénale après exposition orale chez le rat (femelle 0,6 % dans la nourriture pendant 28 jours, mâle 1,5 % dans la nourriture pendant 21 jours): aug­mentation de poids des reins, excrétion urinaire d’albu­mine en corrélation avec la concentration rénale de calcium [10,11] ;
    • des signes d’atteinte neurologique après exposition orale à une dose létale : convulsions, salivation et faiblesse musculaire chez le chat, tremblements chez la rate gestante ;
    • une atteinte osseuse des membres chez le rat exposé par inhalation (150-160 mg/m3 de phosphore élémen­taire, 30 min/j, 60 j) ou par voie orale (0,2-1,6 mg/kg/j pen­dant 420 jours) : ossification retardée, élargissement de l’épiphyse et développement axial anormal.

    Des rats exposés pendant 14 mois à l’atmosphère générée dans une chambre de combustion du phosphore blanc présentent une dégénérescence progressive de la langue et de la muqueuse orale, des modifications de l’épithé­lium, dès le premier mois d’exposition, entraînant un épaississement et une hyperkératose de la muqueuse qui augmentent avec le temps et aboutissent à des modifica­tions histologiques du tissu conjonctif subépithélial.

    Ces effets sont considérés comme des effets locaux, résul­tant d’un contact direct du phosphore blanc avec la cavité orale.

    Mode d'action

    L’exposition au phosphore blanc provoque, dans les hépa­tocytes, des lésions du réticulum endoplasmique et la désagrégation des polyribosomes avec, pour consé­quence, une baisse de la synthèse protéique, en particulier d’une lipoprotéine de faible densité (VLDL : very low den­sity lipoprotein) nécessaire au transport des triglycérides.

    Le résultat de ces modifications ultrastructurelles est une accumulation de triglycérides dans le foie avec, pour conséquence, une stéatose et une fibrose hépatiques.

    Les effets du phosphore blanc, administré par voie orale, sur la croissance des os longs ont été décrits chez l’animal jeune : il diminuerait l’adsorption de la matrice osseuse sur les ostéoclastes dans la région du cartilage de croissance.

    L’administration de phosphore provoque sur les os des bandes de densité et d’épaisseur différentes, visibles macroscopiquement.

    Effets génotoxiques [12]

    In vitro, le phosphore blanc solubilisé dans l’eau donne un résultat négatif dans le test d’Ames sur S. typhimurium TA98, TA100, TA1535, TA1537, TA1539, avec ou sans acti­vation métabolique.

    Effets sur la reproduction [9]

    Le phosphore blanc n'est pas toxique pour la fertilité ou le développement de l'animal ; seule une létalité augmentée des mères en fin de gestation et un effet sur la croissance pendant la lactation peuvent lui être attribués.

    Aucun effet sur les organes reproducteurs ou la reproduc­tion n’a pu être mis en évidence dans un test de létalité dominante, après accouplement de rats mâles exposés à des fumées de phosphore blanc (1742 mg en équivalents acide orthophosphorique/m3,15 min/j, 5 j/sem, 10 sem), et de femelles, exposées ou non, à une concentration identique pendant 3 semaines.

    Aucun effet n’est observé chez des animaux exposés par voie orale (0,075 mg/kg/j par gavage) pendant une génération.

    Il n’y a pas d’augmentation du taux de malformations ou d’anomalies chez les fœtus de rates exposées par inha­lation à des fumées de phosphore blanc (1742 mg en équivalents acide orthophosphorique/m3, 15 min/j, 5 j/sem, 3 semaines avant l’accouplement; pendant l’accouplement et la gestation).

    L’exposition de la mère et des petits pendant la lactation induit une baisse de la croissance, de la survie et de la via­bilité des petits.

    Par voie orale, 80 jours avant l’accouplement, pendant l’accouplement, la gestation et la lactation sur 2 portées, le phosphore blanc (0,075 mg/kg/j) induit une létalité due à une nécrose hépatique, chez les femelles uni­quement, aux 20-22e jours de gestation, et une baisse légère du nombre de fœtus viables; le NOAEL est 0,015 mg/kg/j[13].

    L’exposition par voie orale de jeunes lapins (0,3 mg/kg/j, 13 j à 107 j) ou de jeunes rats (1,25 mg/kg/j, 16 j) met en évidence, chez le lapin, une diminution de croissance de la diaphyse tibiale, une histologie anormale du cartilage de l’épiphyse et de la zone métaphysaire et, chez le rat, une diminution de la lyse des ostéocytes et du cartilage.

  • Toxicité sur l’Homme [4]

    Les effets toxiques du phosphore sont connus et décrits depuis longtemps. Ils sont particulièrement sévères lors d'intoxications aiguës qui peuvent être mortelles. Les intoxications chroniques sont caractérisées principalement par une atteinte osseuse et des anomalies hépatiques et rénales. Il existe toutefois des différences de toxicité selon le type de phosphore considéré.

    Toxicité aiguë

    La gravité des intoxications par le phosphore blanc a entraîné une sévère restriction de son emploi : c’est la rai­son pour laquelle ces accidents sont devenus rares.

    Bien que les intoxications aiguës n’aient été que très exceptionnellement observées en milieu industriel, il est utile de rappeler leur évolution dramatique.

    Une demi-heure à deux heures après l’ingestion, appa­raissent des signes d’irritation gastro-intestinale avec nausées, vomissements, douleurs abdominales. Les vomis­sements et les fèces peuvent avoir une odeur alliacée et être phosphorescents dans l’obscurité.

    Dans une seconde phase, ces signes régressent mais, une fois sur deux, cette rémission n’est que temporaire: en quelques heures, parfois au bout de deux à trois jours, les troubles réapparaissent et peuvent être accompagnés de signes d’insuffisance hépatique grave, de troubles ner­veux pouvant aller de la céphalée au delirium ou au coma, de troubles cardiaques (au maximum, collapsus et choc, sinon tachycardie, troubles de la conduction ou de la repo­larisation cardiaque, troubles du rythme), de troubles rénaux (hématurie, albuminurie, oligurie), de manifesta­tions hémorragiques avec risque de survenue d’hématé- mèse massive.

    Le décès peut survenir par collapsus. Le taux de mortalité dépend des symptômes, de la latence avant mise en route du traitement.

    Ainsi, 25 % des sujets ayant présenté de façon précoce une nausée ou des vomissements décéderont, 50 % s’ils ont présenté une symptomatologie digestive et neurologique et près de 75 % d’entre eux s’ils ont commencé à présen­ter des signes d’agitation, d’irritabilité, de somnolence, de stupeur ou de coma.

    La dose à partir de laquelle on commence à observer des effets secondaires est de 0,2 mg/kg (à 15 mg/kg, des intoxications sévères sont constatées).

    En milieu industriel, il faut bien connaître les effets locaux du phosphore: exposé à l’air, il brûle librement et peut provoquer des brûlures graves jusqu’au troisième degré, caractérisées par des escarres très douloureuses cernées de phlyctènes.

    Les atteintes oculaires sont particulièrement sévères.

    Des décès pourraient survenir après un contact cutané avec du phosphore blanc.

    Les fumées de phosphore blanc causent des irritations respiratoires (en particulier en cas d’exposition d’au moins 400 mg/m3 pendant 10 à 15 minutes), avec au maximum un œdème pulmonaire toxique et des irritations oculaires sévères du fait de leur causticité, et peuvent entraîner une opacité cornéenne et des épisodes inflammatoires récur­rents sur plusieurs années.

    Le traitement doit être rapide pour éviter l’extension en profondeur des lésions. Si la combustion du phosphore se produit en espace confiné, la consommation d’oxygène qu’elle entraîne peut être responsable d’anoxie.

    Le phosphore rouge est non toxique en cas d’ingestion à moins qu’il ne soit contaminé par des traces de phosphore blanc.

    Toxicité chronique

    L’intoxication chronique par le phosphore blanc est la conséquence d’absorption de petites quantités de toxique par voies pulmonaire et gastro-intestinale.

    Elle se manifeste par des signes généraux d’allure banale : anorexie, asthénie, douleurs gastro-intestinales, pâleur, toux rebelle, anémie, odeur alliacée de l’haleine, et par des troubles du métabolisme osseux dont la manifestation la plus caractéristique est la nécrose du maxillaire inférieur.

    Il est bien constaté également une atteinte hépatique ou rénale en cas d’atteinte osseuse ou en cas d’inhalation de phosphore blanc.

    La nécrose du maxillaire inférieur débute, en général, après 4 ou 6 ans de travail, par des odontalgies très intenses avec salivation excessive puis tuméfaction, congestion et suppuration gingivales.

    Le maximum des lésions se localisent aux dents cariées, aux plaies d’avulsion dentaire. La suppuration aboutit à la fistulisation aux téguments de la joue.

    À ce stade, l’état général est très altéré avec fièvre, adénite et périadénite, contraction des mâchoires gênant la mas­tication et la parole.

    La radiographie montre l’étendue des lésions osseuses associant ostéite raréfiante et condensation osseuse péri­phérique. Malgré le traitement chirurgical, le risque de déformation faciale est important.

    On a signalé d’autres localisations osseuses se traduisant par une fragilité particulière avec fracture spontanée.

    Des anomalies du ionogramme sanguin (potassium dimi­nué, chlore augmenté) sont retrouvées ainsi que des ano­malies de la NFS (leucopénie, anémie).

    En général, le phosphore rouge est considéré comme moins toxique que le blanc. Les données chez l’homme sont inexistantes pour cette comparaison.

    Effets cancérogènes

    Il n’existe pas de donnée humaine de cancérogénicité.

    Effets sur la reproduction

    Le phosphore peut passer la barrière placentaire mais aucun cas d’atteinte fœtale n’a été rapporté.

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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