Recommandations
En raison de la génotoxicité du bromure d'éthidium, des mesures très strictes de prévention et de protection s’imposent, en laboratoire, lors du stockage et de la manipulation de cette substance.
Au point de vue technique
Information et formation des travailleurs
- Instruire le personnel des risques présentés par la substance, des précautions à observer, des mesures d’hygiène à mettre en place ainsi que des mesures d’urgence à prendre en cas d’accident.
- Observer une hygiène corporelle et vestimentaire très stricte : lavage soigneux des mains (savon et eau) après manipulation et changement de vêtements de travail. Ces vêtements de travail sont fournis gratuitement, nettoyés et remplacés si besoin par l’entreprise. Ceux-ci sont rangés séparément des vêtements de ville. En aucun cas les salariés ne doivent quitter l’établissement avec leurs vêtements et leurs chaussures de travail.
- Ne pas fumer, vapoter, boire ou manger sur les lieux de travail.
- Lutte contre l'incendie : former les opérateurs à la manipulation des moyens de première intervention (extincteurs, robinets d’incendie armés…).
- Former les opérateurs au risque lié aux atmosphères explosives (risque ATEX) [5].
Manipulation
- Privilégier l'achat et l'emploi de bromure d'éthidium en solution afin d'éviter la manipulation du produit en poudre.
- N’entreposer dans les laboratoires que des quantités réduites de substance et ne dépassant pas celles nécessaires au travail d’une journée.
- Éviter tout contact de produit avec la peau et les yeux. Éviter l’inhalation de poussières notamment lors des opérations de pesée ou de mise en solution, ou de vapeurs lors du chauffage des solutions. Effectuer en système clos toute opération qui s’y prête. A défaut, confiner les opérations dans une enceinte ventilée de type sorbone [14] et assurer une ventilation des lieux de travail conformément à la réglementation en vigueur [15].
- Réduire le nombre de personnes exposées au bromure d’éthidium.
- Protéger le plan de travail avec du papier absorbant doublé d'une couche imperméable. La contamination des surfaces peut être contrôlée par essuyage à l'aide de lingettes mouillées et mesure de la fluorescence des eaux de lavage [16, 17].
- Éviter tout rejet atmosphérique de bromure d’éthidium.
- Les équipements et installations conducteurs d’électricité utilisant ou étant à proximité du bromure d'éthidium doivent posséder des liaisons équipotentielles et être mis à la terre, afin d’évacuer toute accumulation de charges électrostatiques pouvant générer une source d’inflammation sous forme d’étincelles [18].
- Les opérations génératrices de sources d’inflammation (travaux par point chaud type soudage, découpage, meulage…) réalisées à proximité ou sur les équipements utilisant ou contenant du bromure d'éthidium doivent faire l’objet d’un permis de feu [19].
- Les espaces dans lesquels la substance est stockée et/ou manipulée doivent faire l’objet d’une signalisation [20].
- Supprimer toute source d’exposition par contamination en procédant à un nettoyage régulier des locaux et postes de travail, de préférence à l'humide, à défaut en utilisant un système d'aspiration dédié et adapté aux poussières combustibles.
- Les matériels devant subir un entretien ou une réparation, et qui auraient été en contact avec le bromure d'éthidium, devront être décontaminés préalablement à l'intervention des équipes d'entretien. Des mesures appropriées devront être mises en place pour prévenir tout risque résiduel d'exposition. Les équipes d'entretien seront informées des risques associés à leur intervention et formées à l'application des mesures de prévention, y compris à l'utilisation d'éventuels dispositifs de protection nécessaires. Un entretien préventif programmé des matériels permet de limiter les interventions d'urgence.
Équipements de Protection Individuelle (EPI)
Leur choix dépend des conditions de travail et de l’évaluation des risques professionnels. Compte tenu des propriétés génotoxiques du bromure d'éthidium, le choix se portera de préférence sur des EPI à usage unique.
Les EPI ne doivent pas être source d’électricité statique (chaussures antistatiques, vêtements de protection et de travail dissipateurs de charges) [21, 22]. Une attention particulière sera apportée lors du retrait des équipements afin d’éviter toute contamination involontaire. Ces équipements seront éliminés en tant que déchets dangereux [23 à 26].
- Appareils de protection respiratoire : en raison de la toxicité aiguë par inhalation de la substance, un appareil de protection respiratoire isolant est recommandé, lorsque la concentration dans l’air est inconnue ou élevée, ainsi que pour toute intervention d’urgence.
Si l’évaluation des risques conclut à la possibilité d’utiliser un appareil filtrant, ce dernier doit être muni d’un filtre de type P3. Dans ce cas, une surveillance de l’atmosphère doit être menée tout au long de l’opération afin de garantir la possibilité d’utiliser ce type de protection respiratoire [27]. - Gants : les matériaux préconisés pour un contact prolongé avec les solutions de bromure d'éthidium en concentration inférieure à 30 % sont les suivants : les caoutchoucs naturel, butyle, néoprène et nitrile, le poly(chlorure de vinyle), les élastomères fluorés Viton® et Viton®/caoutchouc butyle ainsi que les multicouches AlphaTec® 02-100 et Silver Shield® PE/EVAL/PE [28, 29].
- Vêtements de protection : quand leur utilisation est nécessaire (en complément du vêtement de travail), leur choix dépend de l’état physique de la substance. Seul le fabricant du vêtement peut confirmer la protection effective d’un vêtement contre les dangers présentés par la substance. Dans le cas de vêtements réutilisables, il convient de se conformer strictement à la notice du fabricant [30].
- Lunettes de sécurité : la rubrique 8 « Contrôles de l’exposition / protection individuelle » de la FDS peut renseigner quant à la nature des protections oculaires pouvant être utilisées lors de la manipulation de la substance [31].
Stockage
- Stocker le bromure d’éthidium dans des locaux frais et sous ventilation mécanique permanente, dont l'accès est limité aux seules personnes autorisées. Tenir à l’écart de la chaleur, des surfaces chaudes et de toute autre source d’inflammation (étincelles, flammes nues, rayons solaires…) ainsi que des oxydants forts.
- Prendre toutes les dispositions pour s’assurer de la compatibilité des matériaux des récipients de stockage avec le bromure d'éthidium (en contactant par exemple le fournisseur de la substance ou celui du matériau envisagé).
- Fermer soigneusement les récipients et les étiqueter conformément à la réglementation. Eviter les opérations de transvasement. Si toutefois, une telle opération est réalisée, reproduire l’étiquetage en cas de fractionnement.
- Le sol des locaux sera imperméable et formera une cuvette de rétention afin qu’en cas de déversement, la substance ne puisse se répandre au dehors.
- Mettre le matériel électrique et non-électrique, y compris l’éclairage et la ventilation, en conformité avec la réglementation concernant les atmosphères explosives.
- Mettre à disposition dans ou à proximité immédiate du local/zone de stockage des moyens d’extinction adaptés à l’ensemble des produits stockés.
- Séparer le bromure d'éthidium des produits comburants. Si possible, le stocker à l’écart des autres produits chimiques dangereux.
Déchets
- Le stockage des déchets doit suivre les mêmes règles que le stockage des substances à leur arrivée (§ stockage).
- Ne pas rejeter à l’égout ou dans le milieu naturel les eaux polluées par le bromure d’éthidium.
- Conserver les déchets et les produits souillés dans des récipients spécialement prévus à cet effet, clos et étanches. Les éliminer dans les conditions autorisées par la réglementation en vigueur.
En cas d’urgence
- En cas de déversement accidentel de bromure d'éthidium en solution, une procédure de décontamination est proposée [16, 17] à l'aide de lingettes imprégnées d'une solution aqueuse de nitrite de sodium et d'acide hypophosphoreux.
- En cas de déversement accidentel de poudre ou de poussières, le balayage et l’utilisation de la soufflette sont à proscrire. Suivant la quantité déversée, récupérer le produit à l'aide de lingettes humides ou en l’aspirant avec un aspirateur dédié et adapté à l’aspiration de poussières combustibles. Nettoyer ensuite à l'humide et décontaminer la surface ayant été souillée.
- Des appareils de protection respiratoire isolants autonomes sont à prévoir à proximité et à l’extérieur des locaux pour les interventions d’urgence.
- Prévoir l’installation de fontaines oculaires, et suivant l'évaluation des risques une douche de sécurité [32].
- Si ces mesures ne peuvent pas être réalisées sans risque de sur-accident ou si elles ne sont pas suffisantes, contacter les équipes de secours internes ou externes au site.
Au point de vue médical
Lors des visites initiale et périodiques :
- Rechercher particulièrement lors de l’interrogatoire et l’examen clinique, des antécédents de pathologies cutanée, oculaire ou neurologique, des signes d’irritation cutanée ou oculaire, ainsi qu’une symptomatologie neurologique.
- L’examen clinique pourra être complété par une NFS qui servira d’examen de référence.
- La périodicité des examens médicaux et la nécessité ou non d’effectuer des examens complémentaires seront déterminées par le médecin du travail en fonction des données de l’examen clinique et de l’appréciation de l’importance de l’exposition.
- Déconseiller le port de lentilles de contact souples hydrophiles lors de travaux pouvant potentiellement exposer à des aérosols de bromure d’éthidium.
Fertilité / Femmes enceintes et/ou allaitantes :
- Il est conseillé de ne pas commencer une grossesse dans les trois mois suivant une exposition accidentelle, maternelle ou paternelle.
- Des difficultés de conception chez l’homme et/ou la femme seront systématiquement recherchées à l’interrogatoire. Si de telles difficultés existent, le rôle de l’exposition professionnelle doit être évalué. Si nécessaire, une orientation vers une consultation spécialisée sera proposée en fournissant toutes les données disponibles sur l’exposition et les produits.
- L’exposition à cette substance doit être évitée pendant toute la grossesse et l’allaitement du fait de sa génotoxicité sur les cellules germinales. Si malgré tout, une exposition durant la grossesse se produisait, informer la personne qui prend en charge le suivi de cette grossesse, en lui fournissant toutes les données concernant les conditions d’exposition ainsi que les données toxicologiques.
- Informer les salariées exposés des dangers de cette substance pour la fertilité et la grossesse et de l’importance du respect des mesures de prévention. Rappeler aux femmes en âge de procréer l’intérêt de déclarer le plus tôt possible leur grossesse à l’employeur, et d’avertir le médecin du travail.
Conduite à tenir en cas d’urgence :
- En cas de contact cutané, retirer les vêtements souillés (avec des gants adaptés) et laver la peau immédiatement et abondamment à grande eau pendant au moins 15 minutes. Si une irritation apparait ou si la contamination est étendue ou prolongée, consulter un médecin.
- En cas de projection oculaire, rincer immédiatement et abondamment les yeux à l’eau courante pendant au moins 15 minutes, paupières bien écartées. En cas de port de lentilles de contact, les retirer avant le rinçage. Si une irritation oculaire apparait, consulter un ophtalmologiste et le cas échéant lui signaler le port de lentilles.
- En cas d'inhalation, appeler rapidement un centre antipoison. Transporter la victime en dehors de la zone polluée en prenant les précautions nécessaires pour les sauveteurs. Si la victime est inconsciente, la placer en position latérale de sécurité et mettre en œuvre, s’il y a lieu, des manœuvres de réanimation. Si la victime est consciente, la maintenir au maximum au repos. Si nécessaire, retirer les vêtements souillés (avec des gants adaptés) et commencer une décontamination cutanée et oculaire (laver la peau immédiatement et abondamment à grande eau pendant au moins 15 minutes). En cas de symptômes, consulter rapidement un médecin.
- En cas d'ingestion, appeler rapidement un centre antipoison. Si la victime est inconsciente, la placer en position latérale de sécurité et mettre en œuvre, s’il y a lieu, des manœuvres de réanimation. Si la victime est consciente, faire rincer la bouche avec de l’eau, ne pas faire boire, ne pas tenter de provoquer des vomissements. En cas de symptômes, consulter rapidement un médecin.