Pathologie Guide de lecture
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Nom de la maladie
Chikungunya (= "maladie de l'homme courbé")
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Synonyme(s)
- Infection au virus Chikungunya
- "Chik"
Transmission
Mode de transmission
La piqûre de moustique constitue la principale voie de transmission de CHIKV.
D'autres modalités de transmission, plus rares, ont été identifiées :
- transmission maternofœtale par passage transplacentaire, avec un risque maximal en cas de chikungunya symptomatique chez la mère dans la période du péri-partum (2 jours avant et 2 jours après l'accouchement),
- accident d'exposition au fluide biologique d'un moustique infecté, lors de la manipulation de moustiques ou de mammifères infectés en laboratoire,
- accident exposant au sang d'un patient virémique.
Il n'y a pas de transmission démontrée :
- par voie sexuelle,
- par transfusion sanguine ou transplantation d'organe mais en France, en vertu du principe de précaution, les mêmes mesures de sécurité transfusionnelle que celles qui s'appliquent pour la dengue ont été mises en place.
Période de contagiosité
La virémie est en moyenne de 7 jours à partir du début des signes cliniques, avec des cas décrits exceptionnels jusqu'à 12 jours.
La maladie [2, 7]
Incubation
Clinique
Des études séro-épidémiologiques ont montré qu'environ 30 % des infections aiguës prouvées à CHIKV sont asymptomatiques (3).
Dans la forme typique non compliquée, de loin la plus fréquente, il existe une fièvre élevée de début brutal, associée à des myalgies, des céphalées, une asthénie, et surtout des polyarthralgies (avec parfois arthrite clinique) intenses, invalidantes (quasi-constantes), pouvant toucher toutes les articulations, principalement les petites articulations, et à une éruption cutanée (40 à 50 % des cas, le plus souvent un rash maculo-papuleux, parfois prurigineux). Il peut y avoir des signes digestifs (7).
Les signes cliniques disparaissent en 1 à 2 semaines, à l'exception des arthralgies qui peuvent persister pendant des mois voire parfois des années, ce d'autant que le sujet est plus âgé, pouvant concerner 10 % des patients 3 à 5 ans après l'épisode initial. Cette phase arthralgique chronique est marquée par des périodes d'accalmie et d'aggravation des douleurs, sources de diminution de la qualité de vie.
Diverses formes atypiques sévères ont été décrites, particulièrement chez les personnes âgées ou présentant des pathologies sous-jacentes et chez les nouveau-nés :
- formes neurologiques : encéphalites, méningo-encéphalites, syndromes de Guillain-Barré (8),
- formes cutanées sévères : éruptions bulleuses, particulièrement chez de tout jeunes enfants,
- formes avec hépatite fulminante, où le rôle du virus ne semble pas univoque : rôle très probable des médicaments (paracétamol), de l'alcool (terrain éthylique),
- formes cardiaques (rares myocardites),
- formes avec sepsis grave et choc septique,
- formes hémorragiques : rares (par opposition à la dengue).
La létalité a été mesurée entre 0,5 et 1/1 000 au cours des épidémies de La Réunion et des Antilles françaises. Les décès ont été observés le plus souvent chez les nouveaux nés et les personnes âgées avec comorbidités (9).
Diagnostic
Le diagnostic repose à la phase aiguë sur des méthodes directes ou indirectes, sur prélèvement sanguin, d'intérêt différent selon la date de début de la maladie.
- Les méthodes directes comprennent la recherche de virus par culture ou surtout de son génome par RT-PCR, d'autant plus aisée que la virémie atteint souvent des titres élevés (souvent supérieurs à 8 Log équivalents copies par ml dès le début de la phase symptomatique). Elles trouvent leur indication (particulièrement la RT-PCR) chez un patient symptomatique depuis 7 jours au maximum.
- Les méthodes indirectes incluent la recherche d'IgM et d'IgG par sérologie ELISA :
- les IgM apparaissent en général entre 2 à 6 jours après le début de la phase aiguë. Elles restent en général positives pendant 3 à 4 mois, mais des positivités plus prolongées (24 mois) ont pu être observées ;
- les IgG apparaissent plus tardivement, en général après 5 ou 10 jours, et persistent durablement.
L'interprétation des résultats sérologiques doit prendre en compte la réactivité antigénique croisée entre les membres du genre Alphavirus, principalement du complexe antigénique Semliki Forest, ainsi que la présence d’une cryoglobulinémie susceptible d’induire des faux négatifs.
Le diagnostic de certitude repose (outre le contexte clinique) sur la mise en évidence d'une virémie (par méthode directe) ou d'une séroconversion (par méthode indirecte), ce qui impose le plus souvent la réalisation d'un 2e prélèvement à distance, surtout en présence initialement d'IgM isolées (il existe des réactions non spécifiques, notamment en IgM).
Traitement
Aucun traitement spécifique n'a fait la preuve de son efficacité chez l'humain. Seules les immunoglobulines spécifiques se sont avérées efficaces in vivo dans un modèle animal, traitement jamais évalué chez l'homme cependant.
Le traitement est donc symptomatique à la phase aiguë (antalgiques, antipyrétiques), puis le cas échéant à la phase subaiguë-chronique (antalgiques, AINS), en veillant, pour l'emploi de ces médicaments, à éviter tout surdosage susceptible d'aggraver le tableau clinique.
Populations à risque particulier
Terrain à risque accru d'acquisition
Terrain à risque accru de forme grave
Sujets âgés, particulièrement les personnes de plus de 65 ans.
Personnes présentant une pathologie sous-jacente (insuffisance d'organe, diabète, déficit immunitaire...).
Nouveau-nés.
Cas particulier de la grossesse
Chez la femme enceinte infectée, le risque de transmission verticale est maximal en cas de chikungunya symptomatique chez la mère dans la période du péri-partum (2 jours avant et 2 jours après l'accouchement) ; dans ces circonstances, le taux de transmission est de l'ordre de 50 % et presque tous les nouveau-nés présentent une forme de chikungunya symptomatique, parfois grave.
Une étude des femmes enceintes infectées pendant leur grossesse pendant l'épidémie de La Réunion de 2005-2006 n'a pas mis en évidence d'effet notable sur la grossesse (pas de surrisque de forme grave pour la mère ou de prématurité) ou le fœtus (pas de surrisque malformatif) en cas d'infection à distance du terme (10).
Immunité et prévention vaccinale
Immunité naturelle
Les anticorps induits par l'infection aiguë ont un caractère neutralisant qui confère une immunité protectrice de longue durée protégeant d'une nouvelle infection à CHIKV pendant plusieurs décennies (3).
Prévention vaccinale
Descriptif du vaccin
Deux vaccins ont obtenu une AMM européenne :
- vaccin IXCHIQ® (laboratoire VALNEVA, AMM 2024), vaccin à virus vivant atténué, développé à partir de la souche isolée à La Réunion lors de l'épidémie de 2004-2006. Il est administré en une dose unique,
- vaccin VIMKUNYA® (laboratoire BAVARIAN NORDIC, AMM 2025), vaccin VLP recombinant, non encore disponible mais AMM Européenne.
La HAS a émis des recommandations en février 2025 (4) puis avril 2025 (11) sur l’utilisation du vaccin IXCHIQ®, en priorité à La Réunion pour :
Immunité vaccinale
Un titre en anticorps neutralisants anti-CHIKV mesuré par μPRNT50 ≥ 150 est considéré comme associé à la protection et a été retenu comme critère de jugement dans les essais d'efficacité vaccinale.
Le vaccin IXCHIQ® est hautement immunogène. La présence d’anticorps à un taux supérieur ou égal au seuil prédictif de protection a été retrouvée un mois après l’administration d’une dose unique du vaccin IXCHIQ® chez 98,9 % des sujets vaccinés. Cette protection se maintient pendant au moins deux ans chez 97 % des sujets vaccinés.