Accès rapides :

Vous êtes ici :

  1. Accueil
  2. Publications et outils
  3. Publications juridiques
  4. Focus juridiques
  5. Dans quelles conditions les salariés peuvent-ils exercer leur droit de retrait ? (rubrique sélectionnée)

Dans quelles conditions les salariés peuvent-ils exercer leur droit de retrait ?

Focus juridiques Si les salariés ont un motif raisonnable de penser que certaines situations présentent un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé, ils peuvent alors exercer leur droit de retrait et interrompre leurs activités, tant que leur employeur n’a pas mis en place les mesures de prévention adaptées.

Qu’est-ce que le droit de retrait ?

Matériel non conforme, locaux non chauffés, absence d’équipements de protection collective ou individuelle, risque d’agression, sont autant de situations susceptibles de justifier le droit de retrait des salariés.

En effet, conformément aux dispositions du Code du travail, le salarié qui estime que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé peut quitter son poste de travail ou refuser de s'y installer. C’est ce que l’on appelle le droit de retrait. Ce dispositif, qui est un droit et non une obligation, s’apprécie subjectivement du point de vue du salarié. En effet, le salarié n'a pas à prouver qu'il y a bien un danger, mais doit se sentir menacé par un risque de blessure, d’accident ou de maladie, en raison par exemple d’une installation non conforme ou encore de l’absence d’équipements de protection individuelle. C’est bien au salarié d’apprécier au regard de ses compétences, de ses connaissances et de son expérience si la situation présente pour lui un danger « grave » et « imminent » pour sa vie ou sa santé.

La notion de gravité signifie que le danger doit être une menace pour la vie ou la santé du salarié, résultant par exemple d'une machine non conforme susceptible de le blesser. L’imminence signifie pour sa part que le risque est susceptible de survenir dans un délai rapproché. Il importe peu que le dommage se réalise immédiatement ou progressivement, du moment qu'il puisse être envisagé dans un délai proche.

 

Quelles sont les situations de travail pouvant justifier un droit de retrait ?

L’origine du danger peut être diverse : une ambiance de travail délétère, un processus de fabrication dangereux, un équipement de travail défectueux et non conforme aux normes de sécurité, un risque d’agression, l’absence de protection…

Le droit de retrait a notamment été considéré comme justifié pour un salarié chargé de conduire un camion de chantier dont les freins étaient défectueux, ou bien, dans une autre affaire, pour un salarié chargé de nettoyer des voitures dans un atelier où la température avoisinait les 3 °C.

Le danger doit toutefois présenter un certain degré de gravité. A titre d’exemple, le salarié qui quitte son bureau sans autorisation et s'installe dans un autre local au motif que les courants d'air dont il se plaint présentent un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé ne justifie pas son droit de retrait.

Les exemples jurisprudentiels sur la question du droit de retrait sont nombreux. Il convient toutefois d’être vigilant à ne pas en faire de généralités dans la mesure où chaque solution retenue par les juges dépend pour chaque affaire des circonstances de fait.

 

Quel formalisme le salarié doit-il respecter avant d’exercer son droit de retrait ?

Le retrait du salarié d’une situation dangereuse n’est soumis à aucune condition spécifique, si ce n’est celle d’être en cours d’exécution de son contrat de travail.

 

En pratique, il est toutefois recommandé, pour le salarié qui souhaite exercer son droit de retrait, d’informer son employeur ou son responsable hiérarchique, en indiquant ses raisons. L’information peut se faire verbalement ou bien par courriel par exemple. Il est en outre préconisé en parallèle d'informer rapidement un représentant du personnel, qui pourra lui-même exercer son droit d'alerte.

En pratique, le droit de retrait signifie-t-il que le salarié rentre chez lui ?

Le salarié qui fait jouer son droit de retrait ne peut pas pour autant rentrer chez lui et doit rester à la disposition de son employeur. Celui-ci peut alors l’affecter temporairement sur un autre poste correspondant à ses compétences, le temps de prendre les mesures de prévention adaptées et de lui donner les instructions nécessaires pour lui permettre de reprendre son activité. Lorsque l'employeur considère qu'il n'existe plus de danger grave et imminent, il peut alors ordonner au salarié de retourner à son poste de travail.

 

Le salarié peut-il être sanctionné s’il exerce son droit de retrait ?

Aucune sanction, ni aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un travailleur ou d’un  groupe de travailleurs qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou la santé de chacun d’eux.

Le salarié peut toutefois être sanctionné si les conditions du droit de retrait ne sont pas réunies ou si son comportement peut s’analyser en une insubordination ou un acte d’indiscipline. Ainsi, dans l’affaire concernant le salarié qui avait quitté son bureau au motif que des courants d’air présentaient un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé, le refus de réintégrer son bureau d’origine a été qualifié par la cour de cassation d’actes d’indiscipline et a justifié son licenciement.

 

Enfin, le droit de retrait doit être exercé de telle sorte qu'il ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de risque grave et imminent. Si l'exercice du droit de retrait cause un dommage à un tiers, le salarié fautif pourra être sanctionné, sur le plan disciplinaire, mais également sur le plan pénal.

 

Peut-on exercer le droit de retrait à plusieurs ?

La situation de danger peut concerner une seule personne ou un groupe de travailleurs. Dès lors, le droit de retrait peut tout à fait être exercé collectivement. Dans un tel cas, chaque salarié informe individuellement son employeur qu'il se retire de la situation de travail dangereuse, ce qui suppose que chacun ait un motif raisonnable de penser qu'il existe un risque grave et imminent pour sa vie ou sa santé.

 

Il convient de noter que le droit de retrait ne doit pas être utilisé par les salariés pour faire valoir des revendications professionnelles (augmentation des salaires, de l'effectif, amélioration des conditions de travail, etc.), relevant pour leur part du droit de grève. En effet, le droit de grève s'entend d'un arrêt collectif de travail en vue de l'amélioration des conditions de travail, alors que le droit de retrait pourra être utilisé par un ou plusieurs salariés tant que leur employeur n'aura pas pris les mesures nécessaires pour supprimer le danger et par exemple, n’aura pas mis en conformité ses machines ou bien n’aura pas renforcé son personnel de sécurité.

Références juridiques

  • Art. L. 4131-1 à L. 4131-4 du Code du travail.

    Cass. soc., 17 oct. 1989, n° 86-43272 (salarié qui quitte son bureau sans autorisation et s'installe dans un autre local au motif que les courants d'air dont il se plaint présentent un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé : retrait injustifié) ;

    CA Paris, 16 janv. 1992, n° 91/34223 (salarié chargé de conduire un camion de chantier dont les freins sont défectueux : retrait justifié)

    CA Douai 20 avril 2012 N° 11/01756 (salarié chargé de nettoyer des voitures dans un atelier dont la température tournait autour de 3 °C : retrait justifié).

    Cass. soc., 1er mars 1995, n° 91-43406 (défaut de conformité des installations de l'entreprise avec les normes de sécurité : retrait justifié) ;

    Cass. soc., 10 mai 2001, n° 00-43437 (chauffeur de bus qui refuse de conduire un autobus dont il estime que la direction est trop dure et la suspension trop souple, alors que le médecin du travail l'avait seulement déclaré apte à la conduite de véhicules à la direction souple : retrait justifié).

  • Circulaire n° 93/15 du 25 mars 1993 relative à l'application de la loi n° 82.1097 du 23 décembre 1982 et du décret n° 93.449 du 23 mars 1993.

En savoir plus
Voir aussi

 

Mis à jour le 02/07/2018