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Tétrachlorométhane

Fiche toxicologique n° 8

Sommaire de la fiche

Édition : Janvier 2023

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [18, 19]

    Absorbé rapidement par toutes les voies d’exposition, le tétrachlorométhane est ensuite largement distribué dans l’organisme, majoritairement dans les tissus riches en graisses. Il forme des métabolites toxiques au niveau hépatique et est éliminé sous forme de métabolites ou sous forme inchangée, principalement dans l'air exhalé et les fèces.

    Chez l'animal
    Absorption

    Chez le rat, l’absorption par voie orale est rapide et varie selon le véhicule utilisé (pourcentage maximum en solution aqueuse, 92 %) ; le pic sanguin est mesuré 10 minutes après l’administration de 18 ou 180 mg/kg de tétrachlorométhane par gavage.

    Par inhalation, l’absorption est rapide chez des rats exposés à une concentration de 100 ou 1000 ppm pendant 2 h[20]. Chez le singe, cette absorption est de l’ordre de 26 à 37 % (exposition à 46 ppm pendant 2 à 5 h) [21].

    Chez la souris, le flux d’absorption cutanée est estimé à 8,3 µg/cm²/min (à partir d’une application de 0,5 ml sur 2,92 cm²) [20].

    L’absorption cutanée de vapeurs de tétrachlorométhane est négligeable chez le singe (485 ou 1150 ppm pendant 240 ou 270 min).

    Le tétrachlorométhane est bien absorbé par voies digestive, respiratoire et à travers la peau lésée.

    Inhalé, il est rapidement distribué dans tout l’organisme, en particulier dans les tissus adipeux, le foie et la moelle osseuse. Après inhalation par des singes, 50 % de la dose sont exhalés sous forme inchangée; le reste est rejeté rapidement dans les urines et les fèces. Le tétrachlorométhane est transformé par une enzyme microsomiale, menant à sa déchloration par le cytochrome P 450, qui formerait le radical trichlorométhyle. Celui-ci se transformeen trichlorométhane, hexachloroéthane et surtout en radicaux trichlorométhylperoxyle et dichlorométhylcarbène. Les métabolites terminaux sont le dichlorure de carbonyle, l’oxyde de carbone, le dioxyde de carbone et le chlorure d’hydrogène.

    Le dosage du tétrachlorométhane et de ses métabolites connus dans l’air exhalé ne peut être utilisé pour obtenir un aperçu valable de l’imprégnation biologique.

    Distribution

    Le tétrachlorométhane est rapidement distribué dans tout l’organisme, en particulier dans les tissus riches en graisse (les tissus adipeux, le foie, le cerveau et la moelle osseuse notamment), du fait de ses propriétés lipophiles, et ce quelle que soit la voie d’exposition. Les pics de concentration dans ces organes sont atteints en moins de 6 heures.

    Métabolisme

    Le tétrachlorométhane est essentiellement métabolisé dans le foie, mais aussi au niveau des reins, des poumons et d’autres tissus riches en cytochrome P450 (CYP) [20]. Environ 50 % du tétrachlorométhane est transformé en radical trichlorométhyle, majoritairement par le CYP 2E1. Suivant les conditions (aérobie ou anaéorobie), ce radical peut alors être métabolisé en hexachloroéthane, chloroforme puis trichlorométhanol, ou en radicaux trichlorométhylpéroxyle et dichlorométhylcarbène. Les métabolites terminaux sont le phosgène (ou dichlorure de carbonyle), l’oxyde de carbone et le dioxyde de carbone (cf. figure 1).

    Schéma métabolique

     

    Figure 1 : Principales voies métaboliques du tétrachlorométhane (les symboles placés devant CCl3, OOCCl3 indiquent que ce sont des radicaux) [19].

    Excrétion

    Le tétrachlorométhane est excrété principalement dans l’air expiré et les fèces et, plus faiblement, dans l’urine ; son excrétion et celle de ses métabolites varient selon l’espèce, la dose et la voie d’exposition. Après inhalation de vapeurs de tétrachlorométhane marqué au 14C (20 ppm pendant 4 h, rats, souris, hamsters), 65 à 83 % sont éliminés dans l’air expiré en 48 heures, dont 22 à 35 % sous forme de CO2 [20].

    Chez l'Homme

    Très peu de données toxicocinétiques sont disponibles chez l’Homme.

    L’absorption pulmonaire serait rapide (détection du tétrachlorométhane dans l’air exhalé 15 minutes après l’arrêt d’une exposition à 10 ppm pendant 180 minutes) et de l’ordre de 60 % (estimation chez un volontaire). De même, concernant l’absorption cutanée, le tétrachlorométhane est détecté dans l’air exhalé seulement 10 minutes après l’immersion de pouces dans la substance liquide pure (IRIS). Par voie orale, même si aucune donnée quantitative n’existe, les effets toxiques rapportés lors d’empoisonnements confirment son absorption. Ainsi, l’ingestion de quelques millilitres entraîne des hépatites fulminantes avec décès.

    Surveillance Biologique de l'exposition

    Le tétrachlorométhane sanguin en fin de poste, après plusieurs postes en cas d’exposition au long cours, a été proposé comme indicateur biologique d’exposition. Cet indicateur est bien corrélé aux concentrations atmosphériques de tétrachlorométhane.

    Le tétrachlorométhane urinaire en fin de poste est corrélé avec les concentrations atmosphériques et sanguines de tétrachlorométhane mais les données sont moins nombreuses.

    Une valeur biologique d’interprétation professionnelle est proposée par la Commission allemande DFG (BAT) pour le tétrachlorométhane sanguin, correspondant à une exposition au tétrachlorométhane de 0,5 ppm pendant 8 heures, sur la base de données pharmacocinétiques. En raison des données limitées, cette valeur doit être considérée comme provisoire.

  • Mode d'actions [23]

    La toxicocinétique du tétrachlorométhane renseigne sur la localisation de la toxicité du composé. La substance est bioactivée par les isoenzymes du CYP450 (principalement CYP2E1), localisées au niveau centrolobulaire hépatique. Les métabolites primaires ainsi formés sont très réactifs (radicaux libres trichlorométhyle et trichlorométhylpéroxyle) et se lient préférentiellement aux acides gras des membranes phospholipidiques, entraînant un mécanisme de péroxydation lipidique. S’ensuit une rupture membranaire et une libération de composés cytoplasmiques. Certains de ces sous-produits peuvent former des adduits aux protéines et à l’ADN.

    Des agents antioxydants, comme le glutathion, peuvent bloquer le mécanisme de péroxydation lipidique. Quand ces systèmes sont dépassés (épuisement des réserves de glutathion par exemple), le phénomène s’amplifie entraînant au final, la destruction du matériel génétique et la mort des cellules. La régénération et la prolifération cellulaire qui s’ensuit augmentent la probabilité de fixation de mutations (induites par la péroxydation lipidique) ou l’action des endonucléases au niveau de l’ADN, pouvant entrainer un processus de cancérogenèse [25 , 26].

  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë [18]

    Le tétrachlorométhane provoque une dépression du système nerveux central et des atteintes hépatiques. Il est légèrement irritant pour les yeux, modérément irritant pour la peau et possède un léger potentiel sensibilisant cutané.

    La DL50 par voie orale est de 2900 mg/kg chez le rat, 12800 mg/kg chez la souris, 6380 mg/kg chez le lapin et 3680 mg/kg chez le hamster. Par voie cutanée, elle est supérieure à 5000 mg/kg chez le rat.

    La CL50 a été estimée chez le rat à 7900 ppm pour une exposition de 4 heures et chez la souris à 13435 ppm pour une exposition de 4 heures.

    Les principaux effets sont rapportés au niveau du système nerveux central, du foie et des muqueuses ; leur sévérité augmente avec la dose. Dans les intoxications subaiguës, les troubles de conscience et les signes d’irritation sont discrets ou absents.

    Par voie orale, les premiers effets hépatiques apparaissent dès 10 mg/kg (dose unique) et se caractérisent par une augmentation des niveaux enzymatiques chez le rat ; par la suite, une vacuolisation et une nécrose centrolubulaires se développent. Chez la souris, la nécrose centrolobulaire est observée dès 10 mg/kg (dose unique). Des effets immunitaires sont aussi détectés et se traduisent par une immunosuppression (souris, 500 mg/kg pc/j, 1 fois/jour pendant 7 jours) et une diminution de la résistance aux infections (souris, 50 mg/kg pc/j, 1 fois/jour pendant 14 jours). L’exposition à 4000 mg/kg de tétrachlorométhane est à l’origine, chez le rat, d’atélectasie, d’hémorragies et d’œdèmes aigus pulmonaires, complication fréquente de l’intoxication en lien avec les lésions directes précoces de la paroi alvéolaire (conséquence de son élimination dans l’air expiré) [27].

    Par voie cutanée, des foyers nécrotiques sont observés au niveau du foie chez le cochon d’inde, suite à l’application de 513 mg/cm² de tétrachlorométhane pendant 16 heures sous pansement occlusif [28].

    Par inhalation, des expositions comprises entre 10 et 100 ppm (rat, 6-7 h/j, 2 semaines) sont à l’origine d’effets hépatiques légers à modérés (augmentation du poids du foie, dégénérescence graisseuse) [29]. Les très fortes concentrations de tétrachlorométhane (rat, 4800 ppm pendant 4 heures) entrainent une nécrose centrolobulaire dans les 24 heures suivant l’exposition [30, 31]. Lorsque ces expositions se poursuivent (2 fois/semaine), une prolifération hépatocellulaire remplace les zones nécrotiques 2 à 3 semaines après, avant le développement d’une fibrose et éventuellement d’une cirrhose [30]. Une cirrhose, associée à une dégénérescence graisseuse, apparait chez les rats exposés à 200 ou 400 ppm (7 h/j, 5 j/sem pendant 2 sem) [29].

    La dépression du système nerveux central s’observe aux fortes concentrations. Chez le rat, une somnolence voire un étourdissement peuvent survenir à 4600 ppm (jusqu’à 8 heures), une ataxie et perte de connaissance (à 12000 ppm) avant le décès par arrêt respiratoire (à 19000 ppm) [29].

    Les effets toxiques du tétrachlorométhane sont modifiés par de nombreux facteurs : augmentés par les alcools et diminués par le glutathion notamment.

     

    Irritation, sensibilisation

    Le tétrachlorométhane est faiblement irritant pour les yeux et modérément irritant pour la peau du lapin. Un contact prolongé avec le liquide peut entrainer des changements dégénératifs de l’épiderme.

    L’exposition à des vapeurs peut irriter les voies respiratoires supérieures. Un léger potentiel sensibilisant est mis en évidence dans un essai de stimulation des ganglions lymphatiques chez la souris [3].

    Toxicité subchronique, chronique [18]

    Les expositions répétées sont principalement à l'origine d’atteintes hépatiques (cirrhose, stéatose, cytolyse). On observe, dans certains cas, des atteintes glomérulaires rénales et hématologiques.

    Diverses espèces animales ont été exposées à différentes concentrations, pendant 7 h/j et 5 j/semaine. À 400 ppm, plus de la moitié des animaux sont morts au 173ème jour de l’expérimentation ; tous les survivants ont une atteinte hépatique sévère (stéatose, cytolyse centrolobulaire, cirrhose) et une tubulopathie rénale discrète. À 200 ppm, les lésions constatées sont semblables, mais moins graves ; la mortalité n’est élevée que chez les cobayes et les rats. L’exposition à 100 ppm est cliniquement bien tolérée par tous les animaux, mais les atteintes hépatiques (cirrhose) et rénales sont toujours décelables histologiquement. À 50 ppm, on ne constate plus qu’une stéatose hépatique modérée chez les cobayes, les lapins et les rats. À 25 ppm, chez les mêmes espèces, les lésions hépatiques sont encore plus discrètes. À 10 ppm, les rats, les cobayes et la souris ont encore une stéatose hépatique minime. À 5 ppm, on ne note plus d’anomalie [29].

    Plus récemment, des rats et des souris ont été exposés au tétrachlorométhane (0-10-30-90-270-810 ppm, 6 h/j, 5 j/sem, pendant 13 semaines). Dès 10 ppm, les analyses histologiques montrent la présence de gouttelettes lipidiques dans les hépatocytes (rats mâles et femelles, souris mâles), de globules cytoplasmiques (souris) et un relargage d’enzymes de cytolyse hépatique. La fibrose et la cirrhose ne sont observées que chez le rat à 270 ppm. Un phénomène de collapsus hépatique avec nécrose est rapporté chez la souris, à partir de 30 ppm. Des signes de néphrotoxicité (augmentation du poids des reins dès 10 ppm chez les rats mâles ; vacuolisation au niveau des tubules à partir de 270 ppm chez les rats femelles) et d’hématotoxicité (anémie chez les rats dès 90 ppm, et chez les souris femelles à 270 et 810 ppm) sont aussi mises en évidence [18].

    Une diminution des niveaux d’hémoglobine et d’hématocrite est observée chez des rats femelles exposées pendant 2 ans, dès 25 ppm (6 h/j, 5 j/sem) ; ces effets sont associés à des atteintes spléniques (dépôt d’hémosidérine dès 5 ppm chez les rats mâles) et à une hématopoïèse extramédullaire (à partir de 25 ppm, chez la souris).

    Des rats et des souris ont été exposés à 5 et 25 ppm de vapeurs de tétrachlorométhane pendant 2 ans (6 h/j, 5 j/sem). Aucun effet hépatique significatif n’est rapporté à 5 ppm ; à 25 ppm, les atteintes se caractérisent par une augmentation du poids du foie, une hausse des niveaux sériques en enzymes, un dépôt de céroïde (pigment jaunâtre), une fibrose, une cirrhose et une dégénérescence graisseuse. Au niveau rénal, une protéinurie apparait dès 5 ppm (rats mâles et femelles) ; à 25 ppm, les animaux développent des néphropathies progressives chroniques et leur taux d’urée sanguine augmente. Le taux de survie des animaux exposés à 125 ppm est très faible[32].

    Des atteintes neurologiques périphériques sont décrites chez plusieurs espèces animales ; toutefois, la pureté des solvants utilisés par les expérimentateurs n’est pas précisée, ce qui ne permet pas d’imputer de manière certaine ces neuropathies au tétrachlorométhane. Des analyses histologiques ont révélé des lésions dégénératives au niveau des nerfs sciatique et optique à 200 et 400 ppm, et chez quelques rats à 50 ppm. Toutefois, ces lésions ne semblent pas assez sévères pour avoir des conséquences sur la démarche ou la vision.

     

    Par voie orale, les effets hépatotoxiques du tétrachlorométhane ont été largement étudiés chez l’animal : diminution du réticulum endoplasmique lisse et rugueux et de l’activité des enzymes associées, inhibition de la synthèse protéique, perturbation de la sécrétion de triglycérides avec accumulation de graisses, nécrose centrolobulaire, et éventuellement fibrose et cirrhose. Si les effets sont variés, les premiers effets apparaissent à partir de 10 mg/kg pc/j (12 à 13 semaines d’exposition).

    Effets génotoxiques [23]

    À partir des données disponibles, le tétrachlorométhane n’est pas considéré comme génotoxique.

    • In vitro

    Dans la grande majorité des études disponibles, le tétrachlorométhane n’induit pas de mutation ponctuelle au test d'Ames sur Escherichia coli, avec ou sans activation métabolique. En revanche, un effet mutagène a été mis en évidence à très fortes doses chez Saccharomyces cerevisiae, en présence de cytotoxicité.

    • In vivo

    Il n’entraîne pas d’aberration chromosomique dans les hépatocytes de rat en culture et n’augmente pas la synthèse de l’ADN dans les hépatocytes de rat exposés in vivo. De même, des résultats négatifs sont rapportés dans les tests des micronoyaux.

    Effets cancérogènes [33]

    Le tétrachlorométhane est un cancérogène hépatique dans diverses espèces animales.

    La cancérogénicité du tétrachlorométhane a fait l’objet de très nombreuses études. Tous les essais sur le rat, la souris et d’autres espèces, par diverses voies d’exposition, mettent en évidence un effet cancérogène hépatique (hépatocarcinome) associé souvent à un processus de nécrose cellulaire. Chez le rat femelle, des injections sous-cutanées de tétrachlorométhane entrainent le développement de fibroadénomes et d’adénocarcinomes de la glande mammaire.

    Le tétrachlorométhane est classé cancérogène catégorie 2 par l’Union européenne et dans le groupe 2B par le CIRC [34]. La classification du CIRC est basée sur des preuves insuffisantes chez l’Homme et suffisantes chez l’animal : les organes cibles sont le foie (rat, souris et hamster) et les glandes surrénales (phéochromocytome chez la souris), par voie orale et par inhalation [18, 33].

    Effets sur la reproduction [33]

    Chez les rongeurs, des effets sur les organes reproducteurs ont été observés, ainsi que des effets fœtotoxiques.

    Fertilité

    La fertilité de rats des 2 sexes recevant pendant 2 ans une alimentation contenant 15 mg/kg pc/j n’est pas modifiée [35].

    L’injection intrapéritonéale de 3 ml/kg/j pendant 15 jours, entraîne chez le rat mâle une atrophie des testicules, une dégénérescence des tubes séminifères et une perturbation de la spermatogenèse et, chez le rat femelle, une diminution du poids de l’utérus et des ovaires et des anomalies hormonales, avec suppression des œstrus et baisse de l’activité gonadatrophine hypophysaire [36 à 38].

    Par inhalation, une étude ancienne rapporte une diminution de la fertilité chez des rats exposés à 200 ppm et plus (8 h/j, 5 j/sem, 10,5 mois soit 3 générations) [18]. Pour ces mêmes concentrations, une dégénérescence de l’épithélium germinal testiculaire est observée chez des rats exposés pendant 192 jours (7 h/j, 5 j/sem) [29]. Chez la souris, le poids des testicules est augmenté à 25 ppm (6 h/j, 5 j/sem, 2 ans) [18].

    Développement

    Par voie orale, la période de vulnérabilité se situe entre le 6e et le 10e jour de gestation (GD). Des rates gestantes ont été exposées à une dose unique de 150 mg/kg de tétrachlorométhane, au 6e, 7e, 8e, 10e ou 12e jour de gestation : les incidences de perte complète de portées ont varié de 36 à 72 % de GD 6 à 10 (maximum au 8e jour) et 0 % au 12e jour (4% pour les témoins) [29]. Des rates gestantes ont été exposées à 25 ou 50 mg/kg pc/j, de GD6 à GD15, par gavage. Aucune toxicité maternelle ou développementale n’a été observée à 25 mg/kg pc/j ; par contre, à 50 mg/kg pc/j, des signes de toxicité (piloérection et baisse du poids maternel) et la perte totale de portées a été rapportée [40].

    L’administration intrapéritonéale ou sous-cutanée d’une dose unique de 150 mg en fin de gestation chez la souris provoque une importante augmentation de la mortalité fœtale.

    Par inhalation, l’exposition de rates du 6​​​​​​​e au 15​​​​​​​e jour de la gestation (300 ou 1000 ppm, 7 h/j) est responsable d’effets foetotoxiques (œdème sous-cutané à 300 ppm ; anomalies sternales à 1000 ppm) ; une diminution du poids des fœtus et de la longueur vertex-coccyx est observée, en lien avec la dose [41]. Chez les mères, une diminution du poids corporel et des atteintes hépatiques sont rapportées, mais sans conséquence sur la conception, le nombre d’implantations et de résorptions, ou la taille des portées.

  • Toxicité sur l’Homme

    L’intoxication aiguë au tétrachlorométhane se traduit par une hépatonéphrite, précédée d’une dépression du système nerveux central et de troubles gastro-intestinaux, indépendamment du mode d’absorption. Des effets locaux à type d’irritation peuvent survenir en cas de contact cutané ou oculaire. L’exposition chronique à des vapeurs ou aérosols de tétrachlorométhane peut être à l’origine d’une hépatotoxicité et de troubles mentaux organiques. Le contact cutané répété dégraisse la peau. Les données chez l’Homme évaluant le potentiel cancérogène et reprotoxique de la substance sont limitées. Il n’y a pas de données de génotoxicité ni d'ototoxicité chez les travailleurs exposés.

    Toxicité aiguë [42, 43, 44, 23, 18, 45]

    L’exposition à des vapeurs ou aérosols de tétrachlorométhane est à l’origine d’une dépression du système nerveux central allant du syndrome ébrieux au coma, accompagnée de symptômes gastro-intestinaux.

    L’intoxication aiguë grave, aussi bien par inhalation qu’ingestion, se déroule typiquement en trois phases : - des troubles neurologiques et gastro-intestinaux se traduisant par des céphalées, vertiges, nausées, vomissements, diarrhées et douleurs abdominales ; - un intervalle libre de symptômes pendant 1 à 4 jours suivi d'une atteinte hépatique (cytolyse survenant au plus tôt dans les 12-24 heures avec une nécrose d’abord centrolobulaire), - se terminant par une atteinte rénale (tubulopathie le plus souvent oligoanurique, se manifestant quelques jours, voire quelques semaines, plus tard). L’évolution vers l’insuffisance hépato-rénale peut conduire au décès. L’œdème aigu du poumon est fréquent lors d’expositions massives par inhalation, par atteinte alvéolaire directe et également du fait de l’insuffisance rénale. Les formes sévères peuvent conduire à des séquelles de type stéatose ou fibrose hépatique, voire à une cirrhose.

    Comme la plupart des hydrocarbures halogénés, l’exposition aiguë à forte concentration sensibilise le myocarde aux catécholamines circulantes (risque de survenue de troubles du rythme cardiaque en cas de stress et/ou d’effort).

    Des troubles visuels (vision périphérique restreinte, amblyopie), ainsi qu’une dégénérescence du nerf optique ont été rapportés dans des publications très anciennes, dans un nombre limité de cas.

    L’exposition cutanée prolongée (du fait de la très forte volatilité de la substance) au tétrachlorométhane sous forme de liquide ou de vapeurs, est à l’origine d’un érythème transitoire ; le contact étendu est à l’origine d’effets systémiques gastro-intestinaux et neurologiques centraux, d’une hépatotoxicité et, principalement, d’une néphrotoxicité [21].

    Les projections oculaires de la substance sont irritantes pour l’œil.

    Les informations quantitatives sur les niveaux d’exposition associés aux effets observés sont limitées, le seuil des effets sur le système nerveux central se situant entre 20 et 50 ppm, pour une exposition de 8 heures [44]. Il y a une variabilité interindividuelle dans la susceptibilité aux effets toxiques de la substance, le principal facteur étant la co-exposition à des inducteurs du CYP2E1, notamment l’éthanol, l’isopropanol et certains médicaments.

    Toxicité chronique [43, 44, 18, 45]

    Les études transversales disponibles chez des travailleurs exposés de façon chronique à des vapeurs et aérosols de tétrachlorométhane retrouvent principalement des effets hépatotoxiques : stéatose, élévation des transaminases, et, dans certains cas, hyperbilirrubinémie se traduisant par un ictère, fibrose et cirrhose.

    Des symptômes neurologiques centraux suggérant des troubles mentaux organiques et des symptômes digestifs ont aussi été décrits : maux de tête ou vertiges, dépression, irritabilité, dyspepsie, anorexie, nausées, vomissements, perte pondérale. Plus rarement, des manifestations cutanées (éruptions purpuriques) ont été observées, pouvant traduire un déficit de synthèse des facteurs de coagulation en lien avec l’hépatotoxicité.

    Le contact cutané répété a un effet dégraissant pour la peau, à l’origine de dermatites irritatives de contact. Un cas de polynévrite a aussi été décrit suite à des contacts cutanés répétés. Les rares cas de sensibilisation cutanée seraient dus aux impuretés et additifs du produit technique.

    Effets génotoxiques

    Aucune étude de génotoxicité chez des travailleurs exposés au tétrachlorométhane n’a été identifiée à la date de publication de cette fiche.

    Effets cancérogènes [34, 18, 23]

    Trois cas de carcinome hépatocellulaire, accompagnés d’une fibrose ou d’une cirrhose, ont été rapportés : deux survenant respectivement 4 et 7 ans après une intoxication aiguë par le tétrachlorométhane ; l’autre chez une femme utilisant professionnellement ce solvant depuis 3 ans et ayant des antécédents de coliques biliaires.

    Quelques études épidémiologiques ont évalué les relations potentielles entre l'exposition au tétrachlorure de carbone et l'incidence ou la mortalité par cancer. Les résultats sont variables selon la localisation, certaines études suggérant un lien avec des cancers hématopoïétiques [46], basées sur un petit nombre de cas, mais la majorité concerne des résultats sans association ou non significatifs (poumon, rein, pancréas, cerveau, tête et cou, colon et rectum, mélanome intraoculaire, sein) [47 à 50]. Comme ces études sont caractérisées par des expositions mixtes (aucune ne concerne une exposition exclusive ou majoritaire au tétrachlorométhane) et un manque de données sur l'exposition, toute contribution du tétrachlorométhane ne peut être identifiée de manière précise.

    Des polymorphysmes génétiques du CYP2E1 ont été associés à un risque accru de lymphome non hodgkinien chez les personnes exposées au tétrachlorométhane [51].

    Effets sur la reproduction

    Une étude prospective menée en Allemagne dans les années 80 évaluant l’association entre l’exposition à plusieurs agents chimiques (estimée par matrice emploi-exposition) et le risque de petits poids pour l’âge gestationnel à la naissance n’a pas retrouvé de lien avec le tétrachlorométhane. Cependant, la puissance de l’étude est limitée :  parmi les 1 865 naissances, seules 64 mères avaient des expositions potentielles au tétrachlorométhane, qualifiées de « faibles » ou « modérées » [52].

    Les données disponibles concernant les risques de retard de croissance fœtale et de malformations (tube neural, fente orofaciale, gastroschisis) lors de l’exposition maternelle aux solvants chlorés restent imprécises et ne permettent pas d’évaluer le rôle du tétrachlorométhane [53, 54, 55].

    L’exposition aux solvants organiques dans leur ensemble a été associée à une augmentation du risque d’avortements spontanés. Dans un contexte de polyexpositions, la distinction des effets induits par le tétrachlorométhane seul, de ceux résultants d’une exposition à d’autres substances n’a pas été étayée.

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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