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Solvants aliphatiques en C9-C20 (contenant des hydrocarbures aromatiques)

Fiche toxicologique n° 324

Sommaire de la fiche

Édition : Octobre 2020

Pathologie - Toxicologie

Les effets toxicologiques des solvants aliphatiques en C9-C20 contenant des hydrocarbures aromatiques sont difficiles à appréhender car cette famille regroupe des mélanges d’un grand nombre de substances chimiques, dont jusqu'à 30 % d'hydrocarbures aromatiquescette grande variabilité de composition affecte fortement la toxicocinétique et la toxicologie.

Remarque : dans la suite de cette fiche, les solvants aliphatiques en C9-C20 contenant des hydrocarbures aromatiques seront nommés "solvants aliphatiques en C9-C20 aromatisés". 

  • Toxicocinétique - Métabolisme [15, 16]

    Les solvants aliphatiques en C9-C20 aromatisés sont principalement absorbés par voie inhalatoire. Une fois absorbés, ils se distribuent préférentiellement dans les tissus riches en lipides avant d’être métabolisés dans le foie puis éliminés dans l’air expiré ou dans les urines.

    Chez l'animal
    Absorption

    Par voie respiratoire, ces composés sont facilement absorbés ; leur absorption dépend de nombreux facteurs comme la concentration dans l’air inspiré, le coefficient de partage sang : air, la ventilation alvéolaire et le débit ventilatoire. Leur absorption diminue avec le nombre d’atomes de carbone : les composés en C9-C11 sont plus facilement absorbés que ceux en C12-C13. L’absorption des composés possédant un nombre d’atomes de carbone supérieur à 12 est probablement limitée en raison de leur faible pression vapeur.

    Par voie orale, leur absorption est inversement proportionnelle au nombre d'atomes de carbone dans la molécule. Ainsi, il a été estimé une absorption comprise entre 61 et 81 % pour les solvants en C9-C14, de 50 % pour les solvants en C14-C19, et de 37 % pour les solvants en C20.

    L’absorption percutanée des alcanes en C5 à C12 est faible et diminue avec le nombre d'atomes de carbone. Il est donc raisonnable de supposer que l’absorption des composés possédant plus de 12 atomes de carbone sera encore plus faible.

    Distribution

    Après une exposition par voie orale ou respiratoire, les solvants aliphatiques de C6 à C20 se distribuent préférentiellement dans les tissus adipeux, le cerveau, le foie et les reins, quelle que soit leur structure [15].

    Métabolisme

    Les solvants aliphatiques en C9-C20 sont métabolisés en alcools puis en acides gras (acides carboxyliques à chaîne aliphatique) de même longueur de chaîne via ω-oxydation ; les acides gras obtenus peuvent alors être incorporés dans les lipides ou suivre la voie normale de dégradation des acides gras.

    Les composés aromatiques présents dans ces mélanges subissent une oxydation via les cytochromes P450, 1re étape de leur activation, conduisant à la formation d’époxydes très réactifs [16].

    Excrétion

    Les solvants aliphatiques en C9-C20 sont éliminés dans l'air expiré, sous forme métabolisée (CO2), dans les fèces sous forme inchangée et dans les urines, sous forme métabolisée, les proportions respectives variant en fonction de la longueur de la chaîne carbonée. Cette élimination se produit essentiellement dans les 24 heures suivant l’exposition [16].

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë [15, 16]

    Les solvants aliphatiques en C9-C20 aromatisés sont très peu toxiques en exposition aiguë. Après ingestion, une aspiration dans les poumons est possible, à l’origine de lésions pulmonaires sévères. Leur pouvoir irritant pour la peau varie de léger à modéré, selon les conditions d’application. Ces solvants sont légèrement irritants pour les voies respiratoires, ne sont pas irritants pour les yeux et n’entraînent aucune sensibilisation cutanée.

    Pour des mélanges de C9 à C14 testés (2-25 % d’aromatiques), la DL50 par voie orale est supérieure à 5000 mg/kg pc (rat), la CL50 est supérieure à 12190 mg/m3 (rat, 4 h) et la DL50 par voie cutanée est supérieure à 3000 mg/kg pc (lapin, 24 h, occlusif). Aucune mortalité n’a été observée dans ces études.

    Les solvants aliphatiques en C9-C10 sont à l’origine d’effets narcotiques, non observés pour les solvants aliphatiques avec plus de 10 atomes de carbone.

    Par voie orale, les composés ayant une viscosité inférieure à 20,5 mm²/sec peuvent être aspirés dans les poumons occasionnant une pneumonie chimique. Le risque d'aspiration est inversement proportionnel à la viscosité du composant : un composé de faible viscosité migrera vers la partie la plus profonde de l'arbre trachéobronchique [16].

     

    Irritation, sensibilisation [16]

    Des tests d’irritation cutanée ont été réalisés chez le lapin, avec des solvants aliphatiques en C9-C14 (2-25 % d’aromatiques). En conditions semi-occlusives, l’irritation est minime (score érythème entre 1,04 et 2,1 ; score œdème entre 0 et 0,67 ; score maximal possible 4) ; en conditions occlusives pendant 24 heures, une irritation modérée apparait.

    Une irritation oculaire minime est observée chez le lapin (score conjonctive entre 0 et 0,22 sur un maximum de 3 ; score chémosis entre 0 et 0,05 sur un maximum de 4).

    Ces solvants (nommés solvant Stoddard) induisent une légère irritation des voies respiratoires chez la souris (RD50 = 10 mg/L).

    Les solvants aliphatiques en C9-C16 (2-25 % d’aromatiques) ne sont pas sensibilisants pour la peau.

    Toxicité subchronique, chronique [16]

    La toxicité chronique de ces mélanges est très faible.

    Suite à une administration répétée de solvants aliphatiques en C9-C12 (2-25 % aromatiques, 0-100-300 ppm, 6 h/j, 5 j/sem, 12 sem) par inhalation, aucun effet n’est observé, excepté une néphropathie à α2-microglobuline uniquement chez le rat mâle, non extrapolable à l’homme.

    L’administration répétée par inhalation de solvants aliphatiques en C9-C13 (19 % aromatiques, 0-345-690-1293 ppm, 6 h/j, 5 j/sem, 13 sem) n’entraîne aucune toxicité chez les rats exposés ; seuls quelques animaux sont léthargiques à la plus forte concentration testée. Une augmentation du poids du foie apparait chez les femelles à toutes les concentrations, mais sans lésion histopathologique associée : cet effet est considéré comme une réponse adaptative et non un effet toxique des solvants.

    Par voie orale, les mêmes effets hépatiques et rénaux sont observés chez des rats exposés à 0-116-347 ou 1056 mg/kg pc/j de solvants en C11-C14 (n-alcanes, isoalcanes, cycliques, 2-25 % d’aromatiques).

    Aucun effet neurologique n’est mis en évidence chez le rat suite à une exposition répétée à des solvants en C9-C14 contenant 20 % d’aromatiques [15].

    Aucune étude n’est disponible pour les solvants en C14-C20.

    Effets génotoxiques [16]

    Les tests réalisés in vitro et in vivo avec des mélanges de solvants aliphatiques aromatisés se sont révélés négatifs.

    In vitro

    Les mélanges de solvants testés (solvant Stoddard ; C9-C14, 2-25 % aromatiques) ont montré des résultats négatifs dans les tests standards bactériens (test d’Ames) ou cellulaires réalisés sur cellules de lymphomes de souris, avec et sans activation métabolique. Des résultats négatifs ont aussi été rapportés pour un mélange de solvants aliphatiques en C9-C16 contenant 18 % aromatiques : échange de chromatides sœurs sur des cellules ovariennes de hamster chinois, test d’Ames ou essai de mutation génique sur des cellules de lymphome de souris.

     

    In vivo

    Un essai de mutation létale dominante a été réalisé chez le rat (100 ou 300 ppm de solvants en C8-C13, 21 % aromatiques, 6 h/j, 5 j/sem, 8 sem) et ne met en évidence aucun effet sur les cellules germinales. Les tests du micronoyau chez la souris, menés avec différents mélanges, par voie orale (jet fuel, jusqu’à 5000 mg/kg) ou injection intra-péritonéale (white spirit, jusqu’à 0,01 ml) s’avèrent négatifs.

    Effets cancérogènes [17]

    Aucune donnée relative aux effets cancérogènes des solvants aliphatiques en C9-C20 aromatisés n’est disponible chez l’animal à la date de publication de cette fiche toxicologique.

    Seule une étude sur le solvant Stoddard est disponible : une augmentation de la fréquence des phéochromocytomes (rats mâles) et des adénomes hépatocellulaires (souris femelles) est observée. Toutefois, les phéochromocytomes ne sont pas extrapolables à l’homme et les adénomes hépatocellulaires sont considérés comme reliés au poids important des souris femelles à la plus forte dose testée.

    Effets sur la reproduction [16]

    Les quelques études publiées ne mettent en évidence aucun effet sur la reproduction ou le développement.

    Fertilité

    Des rats mâles ont été exposés 70 jours avant l’accouplement et pendant l’accouplement à 750-1500 ou 3000 mg/kg pc/j de JP-8 (mélange de solvants aliphatiques C8-C16, < 25 % d’aromatiques) par gavage : aucun effet sur les paramètres de reproduction n’a été observé. Il en est de même chez des femelles exposées à la même substance pendant 21 semaines (avant et pendant accouplement, gestation et lactation), même à la plus forte dose testée soit 1500 mg/kg pc/j.

    Développement

    Des rats ont été exposés à un mélange de solvants aliphatiques en C9-C16 contenant 18 % d’aromatiques (100 et 400 ppm, 6 h/j, du 6e au 15e jour de gestation). Aucun effet sur le développement n’est rapporté. Il en de même dans une autre étude réalisée sur un mélange de solvants aliphatiques en C8-C13 contenant 19 % d’aromatiques (rat, 0-100-300 ppm, 6 h/j, du 6e au 15e jour de gestation).

  • Toxicité sur l’Homme

    Les solvants aliphatiques en C9-C20 aromatisés sont des mélanges dont il est difficile de déterminer des effets spécifiques sur la santé. Ils présentent des effets communs à la plupart des hydrocarbures pétroliers. Lors d’expositions aiguës, ils sont irritants pour la peau et les muqueuses et dépresseurs du système nerveux central ; en cas d’ingestion, une pneumopathie d’inhalation peut également survenir. L’exposition prolongée à de fortes concentrations d’hydrocarbures peut être responsable de troubles mentaux organiques. Un excès de risque de glomérulonéphrite et de sclérodermie est observé chez des travailleurs exposés à divers types de solvants organiques. Il n’y a pas de donnée disponible permettant d’évaluer spécifiquement la génotoxicité, la cancérogénicité et les effets sur la reproduction des solvants aliphatiques en C9-C20 aromatisés chez l’Homme. Un excès de risque d’avortement spontané, d’accouchement prématuré et de petits poids de naissance est associé à l’exposition à des solvants pendant la grossesse.

    Toxicité aiguë [18, 19, 27]

    L’inhalation de vapeurs ou d’aérosols d’hydrocarbures pétroliers peut entraîner une irritation des muqueuses respiratoires et une dépression du système nerveux central : sensation d’ébriété, céphalées, nausées, confusion, allongement des temps de réaction, troubles de la coordination, altération de la vigilance pouvant aller jusqu’au coma en cas de forte exposition. Ces effets neurotoxiques surviennent rapidement après le début de l’exposition et régressent généralement en quelques heures à l’arrêt de celle-ci.

    En cas de projection cutanée ou oculaire, une irritation locale et une conjonctivite de sévérité variable selon la durée de contact peuvent être observées, des signes d’intoxication systémique peuvent survenir à la suite d’une contamination cutanée étendue et prolongée.

    L’ingestion est suivie de troubles digestifs (sensation de brûlure pharyngée, rétrosternale, épigastrique, nausées, vomissements, puis diarrhée) et une dépression du système nerveux central (syndrome ébrio-narcotique voire coma en cas de prise massive). Le principal risque, même pour de faibles quantités ingérées, est la survenue d’une pneumopathie d’inhalation. Même si la toux ou la dyspnée qui suivent l’ingestion régressent souvent rapidement dans un premier temps, une radiographie thoracique doit être systématiquement réalisée. Les images radiologiques apparaissent de moins d’une heure à 8 heures après l’ingestion. Il s’agit d’opacités floconneuses mal limitées, touchant le plus souvent les lobes moyen et inférieur droits mais une atteinte diffuse des deux champs pulmonaires est possible en cas de prise massive. L’atteinte pulmonaire s’accompagne de fièvre, hyperleucocytose avec polynucléose neutrophile et hypocholestérolémie. Lorsqu’elle est limitée, l’évolution est généralement favorable en 48 à 72 heures, les images radiologiques disparaissant en 1 à 2 semaines. La complication la plus fréquente est la surinfection bactérienne avec une atteinte parenchymateuse, une pleurésie ou un pyopneumothorax.

    L’injection sous-cutanée ou intramusculaire d’hydrocarbures entraîne une réaction inflammatoire et une nécrose tissulaire locales, parfois associées à des compressions vasculaires, nerveuses et tendineuses, particulièrement sévères en cas d’injection sous pression.

    Toxicité chronique [18, 19, 27]

    Effets cutanés

    L’exposition répétée aux hydrocarbures peut être responsable de dermatites d’irritation de contact (sécheresse de la peau, hyperkératose, crevasses, principalement au niveau des mains).

    Effets neurologiques

    L’exposition prolongée (généralement supérieure à 10 ans) par voie respiratoire à des concentrations élevées d’hydrocarbures entraîne des troubles mentaux organiques. Le tableau clinique initial associe des symptômes subjectifs non spécifiques (fatigabilité accrue, difficultés mnésiques et de concentration, irritabilité, tendance dépressive, troubles du sommeil) réversibles à l’arrêt de l’exposition. Ces troubles s’aggravent en cas de poursuite de l’exposition : installation de troubles permanents de l’humeur et de la personnalité et une détérioration intellectuelle avec altération des performances aux tests psychométriques. Des troubles de la vision des couleurs, généralement discrets, peuvent être associés [28]. A un stade tardif, des signes neurologiques déficitaires (syndrome cérébelleux) sont également rapportés.

    D’autres effets neurologiques ont été attribués à l’exposition aux solvants (survenue de crises d’épilepsie, apnées du sommeil, sclérose en plaque) mais les données disponibles ne permettent pas de conclure à un lien causal.

    Effets rénaux

    Une association entre l’exposition professionnelle aux hydrocarbures et excès de risque de glomérulonéphrite est observée dans plusieurs études cas-témoins. Certaines données sont en faveur d’une association entre exposition aux solvants organiques et progression de l’atteinte glomérulaire vers une insuffisance rénale chronique terminale [22, 25]. Un rôle initiateur dans l’atteinte rénale est toutefois également possible puisque plusieurs études transversales montrent, chez les travailleurs exposés à divers types de solvants organiques comparés à des sujets non professionnellement exposés, une augmentation du niveau d’albuminurie et de protéinurie de bas poids moléculaire, marqueurs respectivement d’atteintes glomérulaire et tubulaire.

    Autres effets

    Plusieurs études cas-témoins retrouvent un excès de risque de sclérodermie chez des sujets professionnellement exposés aux solvants avec un odds ratio total de 2 environ dans les méta-analyses les plus récentes [23, 26, 29]. L’exposition est généralement mal caractérisée, tant de manière quantitative que qualitative, il est donc difficile d’identifier le rôle d’un ou plusieurs solvants en particulier. Un mécanisme pathogénique dysimmunitaire a été suggéré.

    Le rôle de l’exposition aux solvants organiques a été évoqué à l’origine de stéatose hépatique mais la plupart des études épidémiologiques ne montrent pas de modification des enzymes hépatiques chez des travailleurs exposés aux solvants, après prise en compte des facteurs de confusion extra-professionnels (consommation d’alcool, surpoids, syndrome métabolique, diabète non insulinodépendant, hépatites virales, prise médicamenteuse).

    Effets génotoxiques

    Il n’y a pas de donnée disponible permettant d’évaluer spécifiquement la génotoxicité des solvants aliphatiques en C9-C20 aromatisés chez l’Homme.

    Effets cancérogènes

    Il n’y a pas de donnée disponible permettant d’évaluer spécifiquement la cancérogénicité des solvants aliphatiques en C9-C20 aromatisés chez l’Homme.

    Certains solvants pétroliers ont été classés dans le groupe 3 (agents inclassables quant à leur cancérogénicité) par le CIRC en 1989 [21].

    Dans l’étude cas-témoins française ICARE (2276 cas et 2780 témoins entre 2001 et 2007), aucune association significative n’est observée entre une exposition aux solvants organiques examinés et le cancer broncho-pulmonaire [24].

    Effets sur la reproduction [18]

    Il n’y a pas de donnée disponible permettant d’évaluer spécifiquement les éventuels effets sur la reproduction des solvants aliphatiques en C9-C20 aromatisés chez l’Homme.

    Des associations sont rapportées par certains auteurs entre exposition masculine ou féminine aux solvants dans leur ensemble et allongement du délai nécessaire à concevoir et entre exposition masculine et anomalies du sperme [20].

    Plusieurs études épidémiologiques mettent en évidence un excès de risque d’avortement spontané, d’accouchement prématuré et de petits poids de naissance associé à une exposition à des solvants pendant la grossesse. Ces effets sont considérés comme des effets à seuil.

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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