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Aluminium et ses composés minéraux

Fiche toxicologique n° 306

Sommaire de la fiche

Édition : Avril 2021

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme

    Chez l’animal, l’absorption de l’aluminium par voie orale est très faible ; elle est quasiment nulle par voie percutanée et, par inhalation, aucune donnée n’est disponible. Une fois dans l’organisme, l’aluminium se lie à des protéines sanguines et est distribué dans de nombreux organes, principalement les os et les poumons. L’aluminium absorbé est majoritairement éliminé via les urines, alors que l’alumi­nium non absorbé est éliminé via les fèces.

    Le même profil toxicocinétique est observé chez l’homme.

    Chez l'animal
    Absorption

    Au contact d'un environnement acide (estomac), l'alumi­nium est solubilisé sous forme d'un ion libre Al3+, avant d'être précipité sous forme d'hydroxyde d'aluminium insoluble au contact de pH plus élevés (duodénum), forme majoritairement excrétée dans les fèces ; une très faible proportion de l'aluminium ingéré est donc disponible pour l'absorption [26, 27]. Ainsi, chez le rat, à la suite de l'administration d'hydroxyde d'aluminium par voie orale, une biodisponibilité de 0,1 % a été déterminée [8]. À la suite de l'administration répétée de sulfate d'aluminium, les biodisponibilités sont les suivantes : chez les mâles, entre 0,046 et 0,053 %, chez les femelles entre 0,064 et 0,069 % [28]. Chez le lapin, elle est de 0,57 % pour le chlo­rure, 1,16 % pour le nitrate et 0,45 % pour l'hydroxyde [29].

    Par inhalation, aucune donnée chiffrée n'est disponible. Plusieurs études mettent en évidence la rétention pul­monaire de l'aluminium, mais sans augmentation des concentrations en aluminium dans les tissus autres que les poumons [8].

    Aucune information quantitative n'est disponible concer­nant l'absorption percutanée. Toutefois, l'augmentation des taux urinaires en aluminium, mesurés chez des souris exposées quotidiennement par voie percutanée à 0,1 ou 0,4 µg de chlorure d'aluminium pendant 130 jours (soit 0,01 - 0,04 µg Al/j) témoigne de l'absorption de certains composés [30].

    Distribution

    Chez le rat et le cobaye, l'aluminium (administré de manière répétée, par inhalation, sous forme de chlo­rhydrate Al2Cl(OH)5) s'accumule dans les poumons, les glandes surrénales et les ganglions lymphatiques péri-­bronchiques [8].

    À la suite d'une exposition par voie orale, il est surtout retrouvé dans les os, la rate, le foie et les reins et dans une moindre mesure au niveau du cerveau, des muscles et du cœur [31].

    À la suite d'applications sur la peau de souris de 0,4 µg/j de chlorure d'aluminium pendant 20 jours, des niveaux élevés en aluminium sont mesurés dans le foie, les pou­mons et les reins (une contamination secondaire orale est toutefois évoquée par les auteurs). Une fois dans l'orga­nisme, l'aluminium est capable de traverser la barrière placentaire et de s'accumuler dans le fœtus (notamment au niveau du cerveau) [32] ; il est aussi détecté dans le lait maternel [8].

    Excrétion

    Chez des rats recevant une dose unique de 35 mg d'alumi­nium, sous différentes formes de sels, entre 0,015 et 2,27 % de la dose initiale sont éliminés dans les urines dans les heures suivant l'administration [8]Chez le rat, les demi-vies d'élimination varient selon les organes considérés : entre 13 et 1 635 jours pour le cerveau, entre 7 et 520 jours pour l'os pariétal, entre 400 et 430 pour le foie et les reins et entre 16 et 980 jours pour le sang [13, 27].

    L'aluminium non absorbé est retrouvé dans les fèces.

    Chez l'Homme

    Absorption

    L'absorption de l'aluminium présent dans la nourriture et l'eau de boisson est très faible : moins de 1 % est absorbé par le tractus gastro-intestinal [8, 13]. En effet, son absorp­tion est influencée par la biodisponibilité des différents sels d'aluminium, par le pH intestinal, et par la présence d'agents complexants dans la nourriture (tels que l'acide carboxylique, l'acide citrique ou le silicium) [13, 26].

    Par inhalation, le taux d'absorption a été estimé à partir de la relation entre son excrétion urinaire et la concentra­tion atmosphérique à laquelle les salariés sont exposés : ce taux serait compris entre 1,5 et 2 % [8].

    Par voie cutanée, très peu de données sont disponibles. À la suite de l'application de chlorhydrate d'aluminium sur l'avant-bras de deux travailleurs, un taux d'absorption de 0,012 % a été estimé [33].

    Distribution

    L'aluminium est principalement retrouvé dans le plasma, en grande majorité lié à la transferrine [8]. Il est naturelle­ment présent dans les tissus (30 à 50 mg/kg pc), la moitié dans le squelette et environ un quart dans les poumons [8, 27]. Il est aussi retrouvé, en quantités moindres, dans les muscles, la rate, le foie, le cerveau, le cœur, les reins, les ganglions lymphatiques ou les glandes surrénales [8, 13]. Sa présence dans le cerveau résulte de son passage à travers l'épithélium nasal et d'un transfert axonal [34]. L'aluminium est aussi capable de traverser la barrière pla­centaire et a été détecté dans le lait maternel [8].

    Élimination

    Après ingestion, l'aluminium est éliminé dans les urines et l'aluminium non absorbé dans les fèces [7, 8]. La demi-vie d'élimination dépend de la durée d'exposition mais aussi de la redistribution de l'aluminium à partir des sites de stockage ; elle serait triphasique avec une demi-vie urinaire d'environ 7 heures, une de quelques semaines et une demi-vie de plusieurs mois voire années selon l'an­cienneté de l'exposition et le type d'exposition [35].

    Surveillance Biologique de l'exposition

    Le dosage de l'aluminium urinaire en fin de poste et fin de semaine peut être proposé pour la surveillance biologique. Il témoigne à la fois de la charge corporelle et de l’exposition récente à l’aluminium alors qu’un dosage en début de poste après deux jours sans exposition refléterait plutôt la charge corporelle. Une corrélation a été établie avec les effets neurologiques (effets cognitifs) et dans une moindre mesure avec les concentrations atmosphériques. L'aluminium urinaire est un indicateur plus sensible que l'aluminium sanguin (si la fonction rénale est normale).

    Le dosage de l'aluminium sérique peut être utile pour apprécier une exposition aiguë ou une exposition récente si elle est élevée ou en cas de perturbation de la fonction rénale. Cependant, pour une exposition inférieure à 5 mg/m3/Al métal, les taux d'aluminium sériques sont peu différents de ceux de la population générale.

    Des valeurs biologiques d’interprétation (VBI) professionnelles sont disponibles pour l’aluminium urinaire (établies pour protéger des effets cognitifs) ainsi et des VBI issues de la population générale adulte pour l’aluminium urinaire et sanguin.

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë

    La toxicité aiguë orale et le potentiel irritant des sels d’alu­minium sont fonction de leur solubilité. Les sels les plus solubles (comme le chlorure) possèdent les DL50 les plus faibles et sont corrosifs ; le sulfate d’aluminium, de solu­bilité intermédiaire, est moins toxique et provoque une sévère irritation ; les sels les moins solubles sont irritants.

    Par voie orale, les DL50 des différents sels d'aluminium sont :

    • nitrate d'aluminium, 261 et 286 mg Al/kg pour le rat et la souris,
    • chlorure d'aluminium, comprises entre 370 et 750 pour le rat, et entre 220 et 770 mg Al/kg pour la souris,
    • sulfate d'aluminium, 980 mg Al/kg pour la souris et supérieure à 730 mg Al/kg pour le rat [8, 27].

    Aucun signe clinique n'est précisé.

    Irritation, sensibilisation

    Le chlorure d'aluminium est corrosif pour les muqueuses et la peau ; l'application pendant 5 jours de cette subs­tance, sur la peau de souris, lapins et cochons, entraîne une inflammation, des ulcérations et la formation de micro-abcès [7]. Par inhalation, les voies respiratoires supérieures sont principalement touchées [11].

    Le sulfate d'aluminium et le nitrate d'aluminium sont sévèrement irritants pour la peau et toutes les muqueuses [11, 12].

    L'hydroxyde et le fluorure d'aluminium sont des irritants oculaire et respiratoire [11]. L'instillation de fluorure dans les yeux de lapins entraîne un érythème et un œdème de la conjonctive et une hypersécrétion lacrymale, réver­sibles en 72 heures [11].

    Aucun potentiel sensibilisant n'est mis en évidence pour le chlorure et l'hydroxyde d'aluminium [11].

    Toxicité subchronique, chronique [8]

    Par voie orale, les sels d’aluminium provoquent des effets hématologiques (chlorure et sulfate), hépatiques (chlorure et nitrate), rénaux (chlorure) et immunologiques (chlo­rure). D’importantes modifications neurocomportemen­tales sont également observées après exposition par voie orale et comprennent, notamment, une diminution de l’activité motrice et de la coordination, un défaut d’ap­prentissage et des troubles de la mémoire. Par inhalation, des signes d’inflammation pulmonaire sont rapportés pour le chlorure et le fluorure d’aluminium.

    Aucune donnée n'est disponible concernant les effets sys­témiques du fluorure et de l'hydroxyde d'aluminium ainsi que pour l'aluminium poudre ou métal.

    Chez le rat, l'administration de 5 mg/kg de chlorure d'aluminium pendant 10 semaines par voie intrapérito­néale entraîne des effets hématologiques (diminution du nombre de globules rouges et blancs, du taux d'hémo­globine, de l'hématocrite et des plaquettes), rénaux et hépatiques (augmentation des niveaux en acide urique et urée ; augmentation des activités enzymatiques ASAT, ALAT ou LDH) [37]. En revanche, lorsqu'il est administré par gavage ou dans l'eau de boisson, aucun effet n'est rap­porté au niveau hématologique (gavage, 13 mg Al/kg/j, 2 semaines, souris), hépatique ou rénal (eau de boisson, 70 mg Al/kg/j, 90 jours, rats ou 49 mg Al/kg/j, 180 jours, souris) [38 à 40].

    Le nitrate d'aluminium n'entraîne aucune atteinte héma­tologique ou rénale (eau de boisson, 284 mg Al/kg/j, 100 jours, rats) [8]. Chez des rats exposés à 79 mg Al/kg/j dans l'eau de boisson, pendant 1 mois, une hyperémie splénique est rapportée ; à partir de 133 mg Al/kg/j, les effets hépatiques apparaissent avec hyperémie et infiltra­tion de monocytes [8].

    À la suite d'une exposition au sulfate d'aluminium, une diminution du taux d'hémoglobine et de l'hématocrite est observée chez des rats ayant reçu 54,7 mg Al/kg/j pendant 18 mois dans l'eau de boisson [41]. Aucun effet hépatique ou rénal n'est rapporté chez des souris expo­sées pendant 20 mois à 979 mg Al/kg/j (dans la nourri­ture) ou chez des rats et souris exposés respectivement à 0,6 et 1,2 mg Al/kg/j dans l'eau de boisson, durant toute leur vie [8].

    Les effets de l'aluminium sur le système immunitaire commencent à être étudiés [42]. Ainsi, le chlorure d'alu­minium (64 mg/kg dans l'eau pendant 120 jours) est à l'origine d'une augmentation des niveaux en complexes immuns circulants et d'une inhibition de la fonction immunitaire des érythrocytes, éléments précurseurs au développement de maladies auto-immunes. Il peut aussi induire des réactions d'hypersensibilité de types I et III ; par contre, son implication dans l'expression des mar­queurs CD4+ et CD8+ reste à confirmer.

    À la suite de l'inhalation pendant 5 mois (6 heures/jour, 5 jours/semaine) de chlorure (0,37 mg Al/m3) ou de fluo­rure d'aluminium (0,41 mg Al/m3), une augmentation des niveaux de lysosomes, de protéines et de phosphatases alcalines est mesurée dans le liquide bronchoalvéolaire. Une protéinose alvéolaire est rapportée chez des rats, des cobayes et des hamsters exposés à 15, 20 ou 30 mg/m3 de poudre d'aluminium (taille des particules entre 2,5 et 4,8 µm) ; aucune fibrose pulmonaire n'est observée chez le hamster et le cobaye, alors que des foyers de pneumo­pathie lipidique se développent chez le rat [8].

    Des fibroses ont été observées à la suite d'instillations intratrachéales de particules d'oxyde d'aluminium (com­posé non traité dans cette fiche) [10].

    Effets génotoxiques [27]

    Les composés de l’aluminium ne sont pas mutagènes pour les bactéries et les cellules de mammifères, mais certains sont à l’origine de dommages à l’ADN et affectent l’inté­grité et la ségrégation des chromosomes in vitro. Des effets clastogènes sont aussi observés in vivo : aberrations chro­mosomiques, échanges de chromatides sœurs ou perte de chromosomes.

    In vitro

    Le fluorure d'aluminium et le chlorure d'aluminium ne sont pas mutagènes et donnent des résultats négatifs aux tests d'Ames sur Salmonella typhimurium et E coli. De même, aucun effet mutagène n'est observé sur des cellules de mammifères exposées à du chlorure d'aluminium (cellules de lymphome de souris).

    Certains sels sont à l'origine d'effets clastogènes in vitro et diminuent la division cellulaire de cellules de mammifères. Ainsi, ont été rapportés des aberrations chromosomiques (hydroxyde d'aluminium - cellules dans lavage péritonéal de rats et de souris), des micronoyaux, des aberrations chromatiques et des échanges de chromatides sœurs (20 µg/mL de sulfate d'aluminium - lymphocytes humains). Des micronoyaux ont aussi été observés dans des lymphocytes humains traités avec du chlorure d'aluminium, avec une augmentation de leur nombre dose dépendante (chlorure d’aluminium hexahydraté, 5-10-20 µM) [43].

    Le chlorure d'aluminium est à l'origine d'une diminution des capacités de réparation de l'ADN, chez les lymphocytes humains exposés à 10 µg/mL pendant 72 heures.

     

    In vivo

    Le potentiel clastogène de l'aluminium a aussi été observé chez les rongeurs. À la suite d'une exposition par voie intrapéritonéale à 0,01 - 0,05 et 0,1 M de chlorure d'aluminium (soit 44 - 222 et 443 mg/kg), une augmentation des aberrations chromosomiques est rapportée dans les cellules de moelle osseuse de souris (mais sans relation dose réponse). Le chlorure d'aluminium (sous sa forme hexahydratée) entraîne une augmentation du nombre de micronoyaux dans les hépatocytes de rats exposés par voie intrapéritonéale à 5 mg/kg, pendant 120 jours [37]. Il en est de même chez la souris, suite à une exposition par gavage à 49-98 ou 161 mg/kg : le nombre de micronoyaux détectés dans les cellules de moelle osseuse augmente de façon dose dépendante, dès la 1ère dose testée [43].

    Les mêmes effets sont rapportés pour le sulfate d'alumi­nium (212 à 2120 mg/kg, rats, 21 jours).

    Effets cancérogènes

    Aucune étude n'est disponible à ce jour pour l'aluminium et ses sels concernés par cette fiche.

    Effets sur la reproduction

    Le chlorure et le nitrate d’aluminium diminuent la fertilité des mâles et des femelles dans différentes espèces animales. Ainsi, une toxicité testiculaire est observée avec perturbation de la spermatogénèse et inhibition des activités enzymatiques ; chez les femelles, des effets au niveau des ovaires ont été rapportés, pouvant contribuer à inhiber l’ovulation.L’hydroxyde d’aluminium n’est à l’origine d’aucun effet tératogène. Le chlorure, le nitrate et le sulfate d’alumi­nium entraînent une diminution du poids des fœtus et des nouveau-nés, des retards d’ossification, une augmentation du nombre de résorptions, une baisse du nombre de fœtus viables et une augmentation du nombre de malformations. Aux plus fortes concentrations testées, la toxicité maternelle est très importante. Les nouveau-nés de rates exposées à ces différents sels d’aluminium présentent aussi des atteintes au niveau du cerveau et des troubles neurocomportementaux : difficultés d’apprentissage, perturbation de la mémoire et modifications des réponses aux tests d’anxiété.

    Fertilité

    Concernant les effets sur la fertilité, les résultats sont variables d'une étude à l'autre et dépendent des espèces utilisées (variabilité inter-espèce importante) et des sels d'aluminium testés (de toxicité et de biodisponibilité dif­férentes)[1].

    Ainsi, des études réalisées chez la souris mâle (par voie intrapéritonéale, nitrate - 50, 100, 200 mg/kg/j pendant 4 semaines, ou par voie sous-cutanée, chlorure d'aluminium - 7, 13 mg/kg/j pendant 14 jours) et le lapin (par gavage, chlorure - 34 mg/kg/j pendant 16 semaines) ont mis en évidence une toxicité testiculaire (diminution du poids des testicules, nécrose des spermatocytes et des spermatides), une diminution de la qualité du sperme et une baisse de la fertilité[27]. Une étude récente confirme l'impact du chlorure d'aluminium sur la spermatogénèse et les activités enzymatiques testiculaires des rats, à partir de 128 mg/kg/j administrés par voie orale pendant 12 jours [50].

    Ces effets ont été récemment mis en évidence pour des concentrations très faibles. Lors d’une étude menée sur 112 jours par gavage (rats adultes, 6,7 x 10-5 – 3,35 x 10-4 – 10 ou 40 mg/kg pc/j, gavage), tous les animaux exposés présentaient une diminution du poids des testicules et des épididymes, et une baisse des taux de testostérone, plus importante aux deux plus faibles doses testées [51]. Des perturbations de la spermatogenèse et de la qualité spermatique sont rapportées dès 1,5 mg/kg d’aluminium (rats, AlCl3 6H20, pendant 60 jours, par gavage) [52].

    Des effets sur les ovaires ont été récemment mis en évidence chez le rat, à la suite de l'exposition pendant 120 jours à 256 mg/kg de chlorure d'aluminium. Des dommages cellulaires ont été observés (apoptose des cel­lules, atteintes des organites, enveloppe nucléaire irrégu­lière) ainsi qu'une diminution des activités enzymatiques ovariennes (acide phosphatase, alcaline phosphatase ou succinate déshydrogénase notamment) et une baisse des niveaux d'expression des récepteurs aux gonadotro­phines (FSH et LH) [53]. Selon les auteurs, tous ces effets combinés peuvent inhiber l'ovulation et le développe­ment des corps jaunes et entraîner une infertilité.

    Aucun effet n'est observé chez des rates exposées à du nitrate d'aluminium, par gavage (180, 360, 720 mg/kg/j pendant 60 jours) ou dans l'eau de boisson (50, 100 mg/kg/j pendant 15 jours), ou au cours d'une étude multi-générations (0, 120, 600, 3 000 mg/L) [27, 28].

    Développement

    À la suite d'une exposition par gavage à 0 - 66,5 - 133 ou 266 mg/kg/j d'hydroxyde d'aluminium (soit 0 - 23 - 46 ou 92 mg Al/kg/j), du 6e au 15e jour de gestation, les souris ne présentent aucun signe de toxicité maternelle ou d'embryotoxicité [54]. Chez des souris exposées à 300 mg/kg/j par gavage, du 6e au 15e jour de gestation, aucune incidence n'est rapportée sur le nombre de pertes post-implantatoires ou de malformations. Chez le rat, aucune toxicité maternelle ou fœtale n'est rapportée jusqu'à 768 mg/kg/j d'hydroxyde d'aluminium, administré via l'eau de boisson, du 6e au 15e jour de gestation [27].

    L'administration de fortes doses d'aluminium par gavage induit une diminution du poids des fœtus et des nou­veau-nés, ainsi qu'un retard d'ossification, chez les rats et les souris [27]. Des rates ont été exposées à 345 mg/kg/j de chlorure d'aluminium (soit 70 mg Al/kg/j) du 1er au 16e jour de gestation et encore 16 jours après la mise bas, par gavage. Une diminution du gain de poids est rapportée chez les mères, de même que des diminutions du nombre de corps jaunes et de sites d'implantation, du poids du placenta, de la longueur vertex-coccyx et du poids des fœtus. Un retard de l'ossification des os pariétal et cau­dal a été rapporté [49]. Une augmentation du nombre de résorptions est aussi observée à la suite d'une exposition par gavage à 40 mg Al/kg/j, sous forme de chlorure d'alu­minium, pendant les trois premiers jours de gestation des rates ; une exposition similaire du 4e au 6e jour de gesta­tion diminue de plus le nombre de gestations et de fœtus viables [55].

    L'administration répétée de 0, 75, 100 ou 200 mg/kg/j de chlorure d'aluminium, du 9e au 13e ou du 14e au 18e jour de gestation, est à l'origine de toxicité maternelle et fœtale. Chez les rates, plusieurs décès sont rapportés aux deux plus fortes doses et les autopsies ont révélé de nom­breuses ascites, une adhésion entre organes et des gra­nulomes péri-hépatiques. Chez les fœtus, le poids moyen est diminué dans tous les groupes (excepté chez ceux exposés à 75 mg/kg/j du 14e au 18e jour de gestation), le nombre de résorptions et de fœtus morts est augmenté. Compte tenu de la forte mortalité maternelle et fœtale aux deux plus fortes doses, très peu de fœtus ont pu être examinés mais une incidence élevée de fœtus anormaux est toutefois observée à 100 mg/kg/j (doigts ou orteils anormaux, côtes malformées) [27].

    L’administration de chlorure d’aluminium via l’eau de boisson (souris, du 6ème jour de gestation au 21ème jour post-natal, 1800 ppm) impacte négativement la neurogenèse de l’hippocampe : chez les nouveau-nés âgés de 21 jours, on note une perturbation de la plasticité synaptique, et des changements dans les signaux glutamatergiques et cholinergiques (Inohana et al 2018).

    Le nitrate d'aluminium est aussi à l'origine d'une baisse du poids des fœtus, d'une augmentation du nombre d'avortements, de malformations congénitales, d'anoma­lies mineures et de variations, chez toutes les rates expo­sées (administration intragastrique, 180, 360 ou 720 mg/ kg/j, du 6e au 14e jour de gestation) [27].

    Au cours de l'étude multi-générations, un retard dans le développement sexuel est mis en évidence chez les femelles de la génération F1 (retard de l'ouverture vagi­nale), en lien avec l'inhibition de croissance observée, ainsi qu'une diminution du poids moyen, du poids du foie et de la rate chez les nouveau-nés des générations F1 et F2. À partir de cette étude, une NOAEL de 41 mg/kg/j de sulfate d'aluminium a été déterminée, correspondant à 6,5 mg Al/kg/j [56-57].

    Les effets neurocomportementaux ont été étudiés chez les nouveau-nés de rates exposées à 50 ou 100 mg Al/kg pc/j sous forme de nitrate d'aluminium pendant la ges­tation, puis durant toute leur vie (dans l'eau de boisson). Les nouveau-nés exposés à la plus forte dose présentent une diminution des performances aux tests d'appren­tissage spatial et de mémoire réalisés [58]. Les effets du chlorure d'aluminium sur la mémoire ont été étudiés chez les nouveau-nés de rates, exposés à 0, 200, 400, 600 et 800 mg/kg/j, via l'eau de boisson, pendant la lactation (soit 2 semaines). Leur mémoire à court et long terme est perturbée pour la plus forte dose d'exposition [54].

    L'hydroxyde d'aluminium est aussi à l'origine d'effets neurocomportementaux chez des nouveau-nés de souris recevant 240 µg/kg d'aluminium en sous-cutané, sur une période de 3 semaines. Des changements de réponse aux tests d'anxiété pratiqués (light/dark test) sont observés pour les mâles et les femelles ; les tests évaluant l'activité locomotrice et le comportement exploratoire sont pertur­bés uniquement chez les mâles recevant une dose totale de 550 µg/kg d’Al [55].

    Comme pour les adultes, les systèmes antioxydants des fœtus et des nouveau-nés sont aussi touchés, suite à une exposition au chlorure d'aluminium, pendant la gestation et pendant les 15 premiers jours de leur vie : les niveaux en glutathion réductase, glutathion peroxydase ou cata­lase sont diminués [49].

    Neurotoxicité

    La neurotoxicité de l'aluminium se manifeste de diverses manières : diminution des performances dans les tests neurocomportementaux, changements histopatholo­giques et perturbations des processus biochimiques. Cette neurotoxicité a été mise en évidence chez de nom­breuses espèces, mais avec une variation inter-espèce importante : ainsi, chez les espèces les plus sensibles (lapin, chat, cobaye ou furet), la toxicité se manifeste par une encéphalopathie progressive, entraînant épilepsie et mort. Chez les rongeurs, des effets sur le comportement sont rapportés, en lien avec des troubles des capacités d'apprentissage, de mémorisation et des activités loco­motrices [27]. L'absence d'information sur les teneurs en aluminium dans la nourriture et l'eau fournies aux ani­maux rend par ailleurs difficile l'interprétation et la com­paraison des études entre elles.

    À la suite de l'administration, via l'eau de boisson, de 80 mg/L de nitrate d'aluminium, pendant 90 jours à des rates, seule la mémoire de reconnaissance est perturbée ; aucun effet sur l'activité motrice n'est rapporté [28].

    Chez le rat, différents types d'effets neurocomporte­mentaux sont altérés par le chlorure d'aluminium. Les facultés d'apprentissage et de mémorisation sont dimi­nuées après 6 mois d'exposition à 50 mg/kg/j, via l'eau de boisson, ou après 100 mg/kg/j, administrés par gavage pendant 6 semaines [42, 44]. La coordination est aussi touchée : en effet, chez des rats exposés à 52 mg Al/kg/j, via l'eau de boisson, pendant 90 jours, le reflexe vestibulo-oculaire est perturbé [47]. Enfin, l'activité locomotrice est diminuée à partir de 3 g/L de chlorure d'aluminium dans l'eau de boisson, pendant 4 mois [46].

    Des changements histopathologiques sont aussi obser­vés. Chez des lapins exposés à 1 - 1,3 mg Al/kg/j (20 mg/L AlCl3) pendant 3 mois dans l'eau de boisson, des altéra­tions neuropathologiques ont été observées : atrophie et apoptose des neurones dans le cortex cérébral et l'hip­pocampe, dégénérescence des cellules de Schwann et démyélinisation des fibres nerveuses [28]. Des effets sur le système glial (gonflement des astrocytes) ont été mis en évidence chez les rats exposés à 3 g/L de chlorure d'alu­minium, via l'eau de boisson, pendant 4 mois [48].

    Enfin, certains processus biochimiques, localisés au niveau cérébral, peuvent être perturbés. L'induction de stress oxydant a été mis en évidence par de nombreux auteurs, avec des effets au niveau des systèmes enzy­matiques, des lipides ou des membranes, notamment [44, 46]. Ainsi, chez des rates exposées à 345 mg/kg/j de chlorure d'aluminium, par voie orale, du 6e au 15e jour de gestation, les systèmes antioxydants sont touchés, avec diminution des niveaux en glutathion réductase, gluta­thion peroxydase ou catalase [49].

    Une augmentation des niveaux de peptide bêta-amyloïde (peptide perturbant la transmission synaptique) a aussi été observée après exposition au chlorure d'aluminium [44].

  • Toxicité sur l’Homme

    L’exposition chronique à l’aluminium en milieu profes­sionnel peut être responsable d’effets respiratoires (fibrose pulmonaire lors d’expositions massives actuellement rares, asthme et altérations chroniques de la fonction ven­tilatoire), pour lesquels le rôle étiologique de l’aluminium reste discuté, et neurologiques (altérations des fonctions psychomotrices, souvent infracliniques). Il n’y a pas d’ar­guments en faveur d’effets génotoxiques ou cancérogènes attribuables à l’aluminium ; aucune donnée sur d’éven­tuels effets reprotoxiques en milieu professionnel n’est disponible.

    Toxicité aiguë

    Il n'y a pas de donnée sur d'éventuels effets liés à une exposition aiguë à l'aluminium en milieu professionnel.

    Le rôle de l'aluminium a été suspecté lors d'une contami­nation accidentelle d'un réseau de distribution d'eau par du sulfate d'aluminium au Royaume-Uni. Des troubles gastro-intestinaux et une éruption cutanée sont principa­lement décrits dans les jours suivants ; des douleurs mus­culaires, une asthénie, des troubles de la concentration et de la mémoire sont rapportés dans les semaines et mois suivants. Les données publiées ne permettent cependant pas d'évaluer l'imputabilité de cette symptomatologie à l'ingestion d'aluminium [62].

    Toxicité chronique [1, 5, 8, 62, 63]
    • Effets respiratoires

    Ces effets sont observés en milieu professionnel où l'ex­position par voie respiratoire est prédominante.

    Une fibrose pulmonaire est rapportée lors d'expositions massives à de l'aluminium pulvérulent (fabrication de poudre pyrotechnique, usinage de pièces en aluminium, fonderies de bauxite) ou sous forme de vapeurs (soudage à l'arc de l'aluminium). La symptomatologie associe toux, dyspnée, survenue de pneumothorax spontané, parfois rapidement progressive et évoluant vers le décès. Les explorations fonctionnelles respiratoires retrouvent un syndrome restrictif ou mixte et une diminution de la per­méabilité alvéolo-capillaire. Le lavage bronchoalvéolaire et l'analyse minéralogique du parenchyme sont en faveur d'une surcharge pulmonaire en particules d'aluminium [64]. L'aspect histologique est celui d'une fibrose intersti­tielle diffuse, non spécifique. Les rôles respectifs de l'alu­minium et des co-expositions, notamment la silice, dans la pathogénie de cette fibrose, restent encore discutés.

    Des cas exceptionnels de granulomatose pulmonaire sont également décrits (granulomes contenant des particules d'aluminium) [65], ainsi qu'un cas de protéinose alvéo­laire, lors d'expositions à des poussières d'aluminium.

    Une symptomatologie d'asthme et d'hyperréactivité bronchique est décrite dans les fonderies d'aluminium (« potroom asthma »), à l'occasion de l'extraction élec­trolytique de l'aluminium. La responsabilité de divers irritants utilisés dans ce secteur d'activité (acide fluorhydrique, divers fluorures, anhydride sulfureux) est suspec­tée. Cependant, des rapports de cas cliniques évoquent le rôle de l'exposition chronique à l'aluminium ou à ses sels dans la survenue de cet asthme professionnel. Une réaction asthmatique est observée après des tests de pro­vocation chez un ouvrier de fonderie d'aluminium (test de provocation bronchique spécifique au chlorure d'alumi­nium) [66] et chez un soudeur à l'arc d'aluminium (test de provocation bronchique réaliste lors d'opérations de sou­dage avec des électrodes enrobées et non enrobées) [67].

    Des cas d'asthme professionnel, de mécanisme irritatif suspecté, sont également observés chez des ouvriers de la production de sulfate d'aluminium et de fluorure d'alu­minium.

    Les études menées dans l'industrie de production de l'alu­minium mettent en évidence une altération de la fonc­tion ventilatoire, sans toutefois pouvoir affirmer le rôle causal de l'aluminium.

     

    • Effets neurologiques

    Une trentaine de cas d'encéphalopathie chez des travail­leurs fortement exposés à l'aluminium sont rapportés. Le rôle causal de ce métal ne peut cependant être établi du fait du caractère non spécifique des manifestations, de l'évolution indépendante de l'exposition au métal et de l'existence d'autres nuisances professionnelles et extra-­professionnelles non prises en compte.

    Des études menées en milieu professionnel chez des sala­riés fortement exposés à l'aluminium par voie respiratoire sont en faveur d'une perturbation des fonctions neuro­logiques centrales en relation avec l'exposition à l'alu­minium. Divers symptômes subjectifs sont rapportés : asthénie, irritabilité, troubles de l'humeur et de la concen­tration, céphalées. Les tests psychométriques mettent en évidence des effets infracliniques (atteintes de la motri­cité, de l'organisation visuo-spatiale et de la mémoire) ; certains auteurs rapportent des anomalies électroencéphalographiques (augmentation de l'activité lente et diminution de l'activité alpha dans la région frontale). Ces anomalies sont observées dans différents secteurs professionnels (soudage, fonderie, fabrication de poudre) dans lesquels les co-expositions diffèrent et sont souvent corrélées aux niveaux d'exposition à l'aluminium (concen­trations urinaires, sériques et/ou atmosphériques). Elles semblent plus fréquentes pour des concentrations en alu­minium qui excèdent en moyenne 108 à 160 µg/L dans les urines et 7 à 9 µg/L dans le sérum d'après certains auteurs [68].

    C'est principalement chez des patients insuffisants rénaux dialysés au long cours que l'encéphalopathie à l'aluminium a été décrite, initialement en rapport avec les apports en aluminium dans le liquide de dialyse, associés à la prise orale d'hydroxyde d'aluminium pour contrôler l'hyperphosphatémie des patients [62]. Le tableau associe des troubles du langage, de la mémoire et de la concen­tration, des troubles de l'humeur et de la personnalité, des hallucinations, une apraxie, des myoclonies, des convulsions, des troubles de conscience ainsi que des ano­malies électroencéphalographiques. Chez ces patients, les concentrations plasmatiques d'aluminium sont supé­rieures à 100 - 200 µg/L. Pour des concentrations plus basses, des perturbations plus discrètes des fonctions psychomotrices seraient susceptibles de survenir dans cette population.

    Dans une étude chez des nouveau-nés prématurés, des troubles du développement neurologique corrélés aux apports d'aluminium par l'alimentation parentérale sont mis en évidence [69, 70].

    Plusieurs études se sont intéressées au rôle de l'alumi­nium (exposition professionnelle, exposition chez des patients dialysés, en population générale via l'eau de boisson, la consommation d'antiacides ou l'utilisation d'antiperspirants contenant de l'aluminium) dans la pathogénie de la maladie d’Alzheimer. D'après les exper­tises les plus récentes, l'aluminium ne peut, en l'état actuel des connaissances, être considéré comme un fac­teur étiologique de cette maladie [8, 62, 71].

     

    • Effets cutanés

    Des dermatites d'irritation sont rapportées chez des sala­riés de la production d'aluminium, mais le rôle de l'alu­minium en particulier ne peut être affirmé. De nombreux sels d'aluminium peuvent produire une dermatite de contact d'irritation, en cas de contact répété.

    Des cas exceptionnels de dermatite de contact allergique professionnelle à l'aluminium sont rapportés [72, 73].

    En dehors du milieu professionnel, des cas de dermatite de contact allergique à l'aluminium sont observés suite à l'application d'antiperspirants [74] et de médicaments topiques ainsi qu'après vaccination ou désensibilisation à l'aide d'extraits antigéniques contenant comme adjuvant des sels d'aluminium [75, 76]. Dans ces deux derniers cas, une réaction granulomateuse peut apparaître au niveau du site d'injection.

     

    • Autres effets

    D'autres effets sont observés en dehors du milieu profes­sionnel [73].

    Une ostéomalacie et une anémie microcytaire hypo­chrome sont rapportées chez des patients insuffisants rénaux chroniques dialysés qui présentent une charge corporelle importante en aluminium (concentrations plasmatiques généralement supérieures à 100 µg/L).

    De rares cas d'ostéomalacie sont également décrits chez des sujets présentant une fonction rénale normale suite à la prise orale pendant plusieurs années de fortes quanti­tés d'antiacides contenant des sels d'aluminium.

    Le rôle de l'aluminium, utilisé dans certains vaccins, a été évoqué dans le développement de la myofasciite à macro­phages, lésion inflammatoire musculaire caractérisée par un infiltrat de macrophages contenant des sels d'alumi­nium au niveau du site de vaccination, parfois associée à des signes généraux non spécifiques (myalgies diffuses, fatigue chronique, arthralgies, dysfonctions cognitives). Une relation causale n'est à ce jour pas établie.

    Effets génotoxiques

    Aucune donnée n'est disponible chez l'homme à la date de publication de cette fiche.

    Effets cancérogènes

    Il n'y a pas d'étude chez l'homme qui explore l'hypothèse d'un risque cancérogène directement lié à l'aluminium ou ses composés minéraux.

    L'exposition professionnelle lors de la production d'alu­minium est classée comme cancérogène pour l'homme par le CIRC (groupe 1)[76]. Dans ce secteur cependant, les excès de risque de cancers, principalement de la vessie et du poumon, sont attribués à l'exposition aux hydrocar­bures aromatiques polycycliques (HAP) et non à l'alumi­nium.

    Effets sur la reproduction

    Aucune donnée n'est disponible chez l'homme en milieu professionnel.

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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