Télétravail et santé au travail
Des conséquences pour tous les salariés
De plus en plus de salariés réalisent une partie de leur activité en télétravail, une tendance qui s’est fortement accentuée avec la crise sanitaire. Le télétravail soulève des questions spécifiques, que ce soit en matière d’évaluation des risques professionnels, de prévention ou encore de réparation. Éléments de réponses avec Annie Chapouthier, chargée d’études juridiques à l’INRS.
En matière de prévention des risques professionnels, l’employeur a les mêmes obligations à l’égard de tous les salariés, qu’ils soient ou non en télétravail. Quels points de vigilance doit-il observer lorsqu’il procède à l’évaluation des risques liés au télétravail ?
La mise en place du télétravail comme nouvelle organisation du travail est généralement perçue par les salariés comme un facteur de meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle. Néanmoins, le télétravail s’accompagne en général d’une modification des conditions matérielles et organisationnelles, et de changements susceptibles d’impacter la santé et la sécurité des télétravailleurs comme des travailleurs sur site. L’analyse des risques doit donc prendre en compte la diversité des situations de travail, au sein et en dehors de l’entreprise, et notamment les facteurs tenant à l’organisation du télétravail : conditions d’exercice, relations managériales, impact sur l’organisation du travail des salariés présents sur site… Elle doit être adaptée en fonction du lieu dans lequel le télétravail s’exerce, l’employeur n’y disposant pas de la même maîtrise des conditions matérielles. En outre, il faut également tenir compte du retentissement que peut avoir le télétravail sur les conditions d’exercice dans les différentes unités de l’entreprise… Et ses effets peuvent varier selon sa fréquence (régulier ou occasionnel) et son ampleur (nombre de jours par semaine). Par ailleurs, l’évaluation des risques liés au télétravail peut nécessiter une approche différenciée selon les catégories de salariés : nouveaux embauchés, jeunes en apprentissage, salariés en situation de handicap…
À quels risques sont plus particulièrement exposés les télétravailleurs ?
Souvent, les risques auxquels sont exposés les salariés en télétravail sont les mêmes que ceux des autres salariés. Ils sont liés à l’aménagement physique du poste (équipements de travail, contraintes posturales, éclairage, travail prolongé sur écran…) et aux contraintes organisationnelles (outils de communication, charge de travail, maintien de la collaboration entre collègues…). L’éloignement du salarié et la nécessaire préservation de la sphère privée peuvent toutefois compliquer l’analyse de ces risques et la mise en œuvre de mesures de prévention appropriées. Une attention particulière doit notamment être portée à certains facteurs de risques psychosociaux : sentiment d’isolement, stress lié à la régulation de la charge de travail ou à la gestion du temps de travail, mauvaise maîtrise des outils de travail à distance, surconnexion, difficultés à concilier vie professionnelle et vie personnelle…
Quelles spécificités apparaissent dans la prévention des principaux risques liés au télétravail ?
En ce qui concerne les risques liés aux lieux de travail, lorsque le télétravail s’effectue au domicile du salarié, l’employeur ne peut agir directement sur les conditions de conception et d’aménagement de cet espace à caractère privé. Il doit néanmoins porter une attention particulière au poste de travail du télétravailleur, afin qu’il offre des caractéristiques satisfaisantes en termes notamment d’éclairage, d’aération, de sécurité de circulation, de sécurité électrique, de sécurité incendie, d’hygiène… S’il s’avère difficile, dans ce cas en particulier, de décliner à l’identique les obligations de l’employeur relatives à la santé et à la sécurité prévues par le Code du travail pour l’aménagement des lieux de travail, l’accent doit être mis sur les actions de sensibilisation, d’information et de formation des salariés aux risques présentés par le télétravail. Celles-ci permettront notamment de revenir sur les bonnes pratiques d’implantation et d’installation du poste informatique (positionnement de l’écran, réglage du siège, mobilier…) et d’organisation de la journée de télétravail (alternance des tâches, respect des temps de pause…). En ce qui concerne les tiers-lieux ou espaces de coworking, il est conseillé à l’employeur de n’autoriser le télétravail que lorsqu’il a pu en vérifier au préalable l’aménagement et que l’exploitant s’est engagé à maintenir et assurer des conditions d’accueil similaires à celles prévues par le Code du travail en termes de locaux de travail. Attention aux espaces qui privilégient la convivialité au détriment d’une installation adaptée à un télétravail prolongé !
Un autre point central est la prévention des risques liés à la durée du travail. Si le télétravailleur a de fait plus de souplesse et d’autonomie dans l’organisation de son temps de travail, l’employeur est néanmoins tenu de faire respecter les durées maximales de travail, de garantir les temps de repos, de réguler la charge de travail, de respecter la vie privée du salarié et son droit à la déconnexion.
Enfin, il ne faut pas ignorer les aspects relatifs au maintien du lien social et à la préservation de la santé mentale, que l’on a vu ressurgir dans certaines situations de télétravail prolongé et déployé à grande échelle en période de pandémie. Le télétravail prolongé a notamment pu engendrer une transformation importante, voire une dégradation, des relations sociales et professionnelles au sein de l’entreprise, favorisant le détachement, la perte d’engagement et l’isolement. Il appartient à l’employeur d’en informer tous les travailleurs, y compris ceux qui ne télétravaillent pas, et de proposer des sessions de sensibilisation et de formation rappelant les bonnes pratiques à mettre en œuvre.
Comment est pris en charge un accident survenant en télétravail ?
En application du Code du travail, un accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail, pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur, est présumé être un accident du travail. Ce lieu peut être le domicile, un espace de coworking ou tout autre lieu ayant fait l’objet d’un accord entre l’employeur et le salarié. L’accident est donc pris en charge dans les mêmes conditions que s’il avait lieu dans les locaux de l’employeur. Les modalités de déclaration de l’accident sont identiques à celles applicables aux salariés non télétravailleurs. Pris en charge dans les mêmes conditions que l’accident du travail, l’accident de trajet s’apprécie aisément lorsque le télétravailleur se rend dans un tiers-lieu. Néanmoins, le télétravail effectué à domicile ne devrait pas exclure systématiquement la prise en compte de certains accidents au titre d’accidents du trajet, notamment quand l’accident survient entre le domicile et un lieu où le salarié effectue habituellement sa pause méridienne.
Pour en savoir plus :
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Brochure 09/2021 | TJ 25
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Brochure 09/2024 | ED 6384
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Dossier 06/2023