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1,2-Dibromoéthane

Fiche toxicologique n° 86

Sommaire de la fiche

Édition : Juillet 2021

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme

    Quelle que soit la voie d’exposition, le 1,2-dibromoéthane est facilement et rapidement absorbé. Il est ensuite princi­palement distribué dans le foie, les reins et l’estomac. Deux voies métaboliques ont été identifiées et aboutissent à la formation de métabolites réactifs, pouvant se lier aux pro­téines et à l’ADN. Le 1,2-dibromoéthane et ses métabolites sont majoritairement éliminés via les urines.

    Chez l'Homme

    Comme chez les rongeurs, deux voies métaboliques coexistent chez l'homme, au niveau hépatique (cyto­chrome P450 et conjugaison au glutathion), et génèrent des métabolites capables de se lier aux protéines et à l'ADN [12].

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë [10]

    Les poumons, le foie et les reins sont les principaux organes cibles. Une irritation de l’ensemble des muqueuses, plus ou moins prononcée, est aussi observée.

    La DL50 par voie orale chez le rat varie de 108 à 148 mg/ kg selon les auteurs. Par voie cutanée, la DL50 est de 300 mg/kg chez le rat ainsi que chez le lapin. La concentration létale la plus basse pour le rat est de 400 ppm pour une exposition de 5 heures. Des expositions de quelques minutes à des concentrations supérieures ou égales à 5 000 ppm entraînent la mort de tous les animaux. Les effets observés sont une irritation des muqueuses diges­tives, oculaires et respiratoires et une dépression du sys­tème nerveux central. L'autopsie des animaux décédés révèle un œdème pulmonaire hémorragique, une cytolyse hépatique centrolobulaire et une nécrose tubulaire rénale.

    Irritation, sensibilisation

    Le 1,2-dibromoéthane est fortement irritant pour la peau et les muqueuses oculaires. L'instillation dans l'œil pro­duit une conjonctivite et une kératite qui disparaissent spontanément en quelques jours.

    Aucune donnée relative à la sensibilisation n'est dispo­nible.

    Toxicité subchronique, chronique

    L’exposition répétée au 1,2-dibromoéthane par inhalation est à l’origine d’effets respiratoires, hépatiques et rénaux. À la suite d’une administration par voie orale, une atrophie thymique et splénique ainsi qu’une anémie sont observées.

    Des rats ont été exposés à 3 - 10 ou 40 ppm de 1,2-dibromo­éthane, 6 heures/jour, 5 jours/7, pendant 13 semaines. Les animaux exposés à 10 ppm présentent une hyper­plasie de l'épithélium nasal, qui disparaît complète­ment 88 jours après l'arrêt du traitement. À la plus forte concentration de 40 ppm, une augmentation du poids du foie et des reins est rapportée en plus des effets nasaux [13]. À la suite d'une exposition à 75 ppm, 6 heures/jour, 5 jours/7 pendant 13 semaines, une nécrose sévère et une atrophie de l'épithélium olfactif sont observées chez le rat et la souris. Les animaux exposés à la concentration inférieure, soit 15 ppm, présentent une métaplasie, une hyperplasie et une cytomégalie de l'épithélium des voies respiratoires (cavités nasales, larynx, trachée, bronches et bronchioles)[14].

    Par voie orale, des souris ont reçu 100 - 125 - 160 ou 200 mg/kg pc de 1,2-dibromoéthane par gavage pendant 14 jours. Une diminution du poids de la rate et du thymus est observée, ainsi que du nombre de globules rouges, des taux d'hémoglobine et d'hématocrite. Le poids du foie et des reins est par contre augmenté [15].

    Effets génotoxiques [10, 16]

    Le 1,2-dibromoéthane est mutagène in vitro et in vivo.

    In vitro, le 1,2-dibromoéthane est mutagène sur plusieurs souches de Salmonella typhimurium (cet effet est aug­menté par l'adjonction de glutathion mais pas par celle de fraction microsomiale de foie) et sur plusieurs espèces de levures. Il induit des mutations létales récessives liées au sexe chez la drosophile. Il est responsable d'une augmen­tation de la synthèse non programmée de l’ADN, des aber­rations chromosomiques et des échanges de chromatides sœurs dans des cultures de cellules de mammifères.

    In vivo, le 1,2-dibromoéthane induit une augmentation du nombre de micronoyaux dans les lymphocytes humains, après 4 heures d'exposition ; une hausse similaire est aussi mesurée dans les cellules de sang périphérique de souris, exposées à 10 - 20 ou 50 ppm, 5 fois/jour, pendant 25 semaines [15]. Les échanges de chromatides sœurs sont aussi augmentés chez des souris exposées pendant 24 heures à 37,5 - 75 ou 150 mg/kg de 1,2-dibromoéthane, par voie sous-cutanée [16].

    Il se lie de manière covalente avec l’ADN, l’ARN et les pro­téines, de rats et de souris, in vitro et in vivo[10].

    Effets cancérogènes

    Chez les rongeurs, à la suite d’expositions au 1,2-dibromo­éthane par voie orale, des tumeurs sont observées au niveau de la rate, de l’estomac, du foie et de l’appareil respiratoire. Par inhalation, des tumeurs sous-cutanées et mammaires sont de plus retrouvées. L’application cutanée de 1,2-dibromoéthane est à l’origine de tumeurs cutanées mais aussi de tumeurs pulmonaires chez la souris.

    Des souris et des rats ont reçu par gavage, 5 jours/semaine, des doses variant de 37 à 107 mg/kg par jour. En raison de nombreux décès, les survivants ont été sacrifiés à diffé­rents temps de l'expérimentation (49 à 90 semaines). Leur autopsie a montré une augmentation de l'incidence des hémangiosarcomes de la rate et des tumeurs gastriques, hépatiques et broncho-pulmonaires[16].

    Des souris et des rats exposés à 10 ou 40 ppm pendant 78 semaines ont développé des tumeurs bénignes et malignes des fosses nasales, des hémangiomes au niveau des vaisseaux sanguins, des tumeurs broncho-pulmo­naires (adénomes et carcinomes) et des adénocarcinomes des glandes mammaires [19]. Chez des rats exposés à 20 ppm pendant 18 mois, l'incidence des tumeurs malignes spléniques et surrénaliennes est augmentée, de même que l'incidence des tumeurs sous-cutanées et des cancers mammaires [20]. L'association avec le disulfirame (incorporé à l'alimentation à raison de 0,05 %) augmente l'incidence des carcinomes hépatocellulaires, des hémangiosarcomes (foie, rate, mésentère) et des tumeurs rénales, thyroïdiennes et broncho-pulmonaires, alors que les rats ne recevant que du disulfirame ne développent pas plus de tumeurs que le groupe témoin[21].

    Chez la souris, l'application cutanée de 25 ou 50 mg de 1,2-dibromoéthane, 3 fois par semaine pendant 85 semaines, est à l'origine de l'apparition d'adénomes pulmonaires ; à la plus forte dose, apparaissent en plus des papillomes cutanés [22].

    Effets sur la reproduction

    Des expérimentations effectuées sur plusieurs espèces animales par différentes voies d’administration, à des doses relativement faibles, ont mis en évidence une toxi­cité sur l’appareil reproducteur mâle avec tératospermie, oligospermie, atrophie des testicules, de l’épididyme, de la prostate et des glandes séminales. Des perturbations menstruelles et des effets fœtotoxiques ont été constatés lors d’expositions de rates et de souris à de faibles concen­trations atmosphériques.

    Fertilité

    Des rats ont été exposés à 19 - 39 ou 89 ppm, 7 heures/ jour, 5 jours/semaine, pendant 10 semaines. À la plus forte dose, une toxicité testiculaire est mise en évidence avec diminution du poids des testicules et des taux de testostérone, atrophie de l'épididyme, de la prostate et des glandes séminales ; à cette concentration, les mâles sont incapables de féconder les femelles. Aux doses infé­rieures, aucun impact n'est observé au niveau des perfor­mances reproductives des mâles. Chez les femelles, les cycles menstruels sont perturbés à la plus forte dose [23]. Chez des lapins mâles, des injections sous-cutanées de 1,2-dibromoéthane (15 - 30 ou 45 mg/kg, pendant 5 jours) entraînent mortalité, hépatotoxicité et altérations des paramètres spermatiques (vélocité, motilité, déplace­ment de la tête), seulement à la plus forte dose [24].

    Un allongement du cycle menstruel est observé chez les souris femelles exposées au 1,2-dibromoéthane par gavage (125 mg/kg, 5 jours/semaine, pendant 12 semaines)[25].

    Développement

    Aucun effet sur le développement des fœtus n'est observé à la suite d'injections sous-cutanées [19]. Des rates et des souris ont été exposées à 20, 38 ou 80 ppm, pendant 10 jours, à partir du 6e jour de gestation. Pour toutes les doses, l'état général des femelles est impacté avec dimi­nution du poids moyen, de la consommation de nourri­ture et de la survie ; toutes les souris exposées à la plus forte dose meurent pendant l'étude. La mortalité fœtale est augmentée à la plus forte dose chez les rates et dès 38 ppm chez les souris ; le poids moyen des fœtus est aussi affecté avec une diminution dès 20 ppm chez les souris et à partir de 38 ppm chez les rates [26].

  • Toxicité sur l’Homme

    Le 1,2-dibromoéthane est irritant pour la peau et les muqueuses, la contamination cutanée pouvant entraîner des lésions retardées. L’exposition aiguë par voie respira­toire ou digestive peut provoquer une dépression du sys­tème nerveux central, une atteinte hépatique et rénale. Une exposition chronique serait associée à une augmenta­tion de la fréquence d’asthme. Une diminution de la qua­lité du sperme est également observée chez des travailleurs exposés. Les données chez l’homme ne permettent pas de conclure quant à la cancérogénicité de cette substance.

    Toxicité aiguë [27, 28]

    Plusieurs cas d'intoxication aiguë par ingestion de 1,2-dibromoéthane, dont certains mortels, sont rapportés. L'ingestion est immédiatement suivie de nausées, vomissements, brûlures de la gorge et douleurs abdominales, puis de diarrhée. Le tableau clinique peut associer à ces troubles digestifs des manifestations neuropsychiques (somno­lence ou agitation, puis coma), une oligoanurie, un ictère, des troubles hémodynamiques (tachycardie, hypotension, collapsus cardiovasculaire) [29]. Une cytolyse hépatique, une atteinte de la fonction rénale ainsi qu'une hypogly­cémie sont observées. L'autopsie révèle des érosions de la muqueuse oropharyngée et gastrique, une nécrose hépa­tique centrolobulaire, une nécrose tubulaire rénale et par­fois un œdème pulmonaire.

    En cas d'exposition par voie respiratoire, un effet narco­tique (céphalées, somnolence), des signes digestifs (nau­sées, vomissements, douleurs abdominales), une irritation des voies respiratoires ou une atteinte pulmonaire retar­dée à type d'œdème pulmonaire sont décrits. Lors d'une d'intoxication massive (respiratoire et cutanée) suspectée au 1,2-dibromoéthane chez deux salariés, une dépression du système nerveux central, une acidose métabolique réfractaire et une atteinte hépatique et rénale conduisant au décès sont observées[30].

    La contamination cutanée prolongée est responsable de brûlures cutanées qui peuvent être retardées de 24 à 48 heures.

    Une conjonctivite et des érosions cornéennes sont obser­vées après projection oculaire de 1,2-dibromoéthane.

    Toxicité chronique

    Dans une cohorte de 19 704 applicateurs américains de pesticides, une association est observée entre l'utilisa­tion de 1,2-dibromoéthane comme fumigant (ainsi que de 11 autres pesticides parmi les 48 évalués) et asthme allergique [OR 2,07 ; IC 95 % (1,02 - 4,2)] avec une relation dose-réponse [31]. Les auteurs estiment que l'usage de pesticides pourrait être un facteur de risque supplémen­taire d'asthme chez les agriculteurs. Il n'est toutefois pas possible d'imputer au seul 1,2-dibromoéthane, la respon­sabilité de ces asthmes.

    Effets génotoxiques

    Deux études de la même équipe n'ont pas retrouvé d'ef­fets cytogénétiques (échanges de chromatides sœurs et aberrations chromosomiques totales) chez des salariés exposés au 1,2-dibromoéthane [32, 33]. La première a été réalisée chez 14 ouvriers pulvérisant une solution contenant du 1,2-dibromoéthane pendant en moyenne 14 jours au cours de l'été (5 à 26 jours) et 6 témoins. L'ex­position moyenne sur 8 heures au 1,2-dibromoéthane est de 0,06 ppm (de 0,005 à 2,2 ppm), l'exposition cuta­née n'est pas quantifiée. Les prélèvements sont effectués avant et après la période d'exposition. La deuxième est réalisée chez 60 ouvriers d'usines de conditionnement de papayes (durée moyenne d'emploi de 5,1 ans), le 1,2-dibromoéthane étant utilisé pour la fumigation des fruits, et 42 témoins. L'exposition moyenne sur 8 heures au 1,2-dibromoéthane est de 0,09 ppm avec des pics d'ex­position jusqu'à 0,26 ppm.

    Effets cancérogènes

    Une étude de mortalité a été réalisée chez 161 employés exposés au 1,2-dibromoéthane dans deux unités de production de 1942 à 1969 et du milieu des années 20 à 1976 respectivement [35]. Les mesurages atmosphé­riques varient de 0 à 110 ppm ; les moyennes estimées sur 8 heures dans les années 70 sont inférieures ou égales à 5 ppm. Il n'y a pas d'augmentation significative de la mor­talité par cancer, que ce soit dans l'ensemble du groupe ou dans un sous-groupe de salariés exposés au 1,2-dibromoéthane pendant au moins 6 ans.

    La mortalité par cancer entre 1955 et 1985 a été étudiée dans une cohorte de 22 938 salariés de l'industrie meu­nière américaine exposés à de nombreux pesticides dont le 1,2-dibromoéthane utilisé comme fumigant [36]. Un excès de risque non significatif de décès par lymphome non hodgkinien, leucémie et cancer du pancréas est observé dans l'échantillon de 9660 employés de l'indus­trie de la farine. Dans une étude cas-témoins nichée, l'excès de risque de décès chez ces travailleurs est significatif pour le lymphome non hodgkinien [OR 4,2 ; IC 95 % (1,2 - 14,2)] et le cancer du pancréas [OR 2,2 ; IC 95 % (1,1­ - 4,3)] mais pas pour la leucémie [OR 1,8 ; IC 95 % (0,8 - 3,9)]. Une association significative est retrouvée avec la durée de suivi depuis la première embauche uniquement pour le lymphome non hodgkinien. La responsabilité de l'uti­lisation de pesticides, plus importante dans ce secteur, est évoquée ; cependant, l'interprétation est difficile en l'absence d'information sur les expositions individuelles.

    Aucun excès de mortalité par cancer n'est retrouvé dans une étude parmi 2510 employés d'une usine chimique exposés à diverses substances dont le 1,2-dibromoéthane [37].

    Le 1,2-dibromoéthane est classé par le CIRC dans le groupe 2A des substances probablement cancérogènes pour l'homme sur la base de preuves suffisantes chez l'animal et de preuves inadéquates de cancérogénicité chez l'homme[34].

    Effets sur la reproduction

    Dans une cohorte rétrospective de 297 ouvriers travaillant dans 4 usines de fabrication de 1,2-dibromoéthane (expo­sition de < 0,5 à 5 ppm), des effets sur la reproduction ont été recherchés indirectement par comparaison du nombre de nouveau-nés vivants mis au monde par leurs épouses durant la période d'exposition avec le nombre attendu d'après les données de fertilité au niveau natio­nal. Dans l'une des usines, le nombre d'enfants observé est significativement plus faible que celui attendu [38].

    Une étude transversale a évalué la qualité du sperme chez 46 hommes exposés au 1,2-dibromoéthane dans l'industrie de fumigation de la papaye (durée moyenne d'exposition de 5 ans, exposition moyenne sur 8 heures de 0,09 ppm avec des pics d'exposition jusqu'à 0,26 ppm)[39]. Une diminution du nombre de spermatozoïdes par éjaculat, du pourcentage de vitalité et de mobilité des spermatozoïdes et une augmentation de la proportion de certaines anomalies morphologiques sont observées par rapport au groupe témoin, après ajustement sur les fac­teurs de confusion.

    Une étude longitudinale a été réalisée par la même équipe chez 10 ouvriers forestiers exposés au 1,2-dibromoéthane lors de la fumigation de troncs d'arbres (exposi­tion durant 6 semaines environ, moyenne sur 8 heures de 0,06 ppm avec des pics d'exposition jusqu'à 2,2 ppm avec une exposition cutanée estimée importante) [40]. Une diminution significative de la vélocité des spermatozoïdes et du volume spermatique est observée par rapport aux 6 témoins.

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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