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Phosphate de tritolyle

Fiche toxicologique n° 44

Sommaire de la fiche

Édition : 2014

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [4, 5]

    Les études menées sur certains isomères indiquent que le phosphate de tritolyle est absorbé par les voies orale et cutanée. Il est distribué dans tout l’organisme, principale­ment dans les tissus adipeux. Plusieurs voies métaboliques ont été identifiées, générant des métabolites toxiques pour le système nerveux. C’est un inhibiteur faible des cholinestérases. Il est éliminé dans les urines et les fèces.

    Chez l'animal
    Absorption

    Le phosphate de tri-o-tolyle (TOCP) est absorbé par les voies orale et cutanée, mais aucune donnée quantitative n'a été déterminée. L'absorption du phosphate de tri-p-tolyle (TPCP) est partielle au niveau de l'intestin de rats, la plupart de la radioactivité administrée étant retrouvée dans les fèces sous forme inchangée. Quel que soit l'iso­mère considéré, aucune information n'est disponible par inhalation.

    Distribution

    Le TPCP absorbé est distribué dans tout l'organisme, avec des concentrations supérieures dans les tissus adipeux, le foie et les reins de rats.

    Métabolisme

    Trois voies principales de métabolisation ont été identi­fiées pour le TOCP :

    • l'hydroxylation d'un ou plusieurs groupements méthyles en hydroxyméthyles,
    • la suppression d'un ou plusieurs noyaux aromatiques (déarylation),
    • l'oxydation des groupements hydroxyméthyles.

    Chez le rat et la souris, l'hydroxylation du TOCP génère un métabolite neurotoxique, inhibiteur d'estérases, dont les cholinestérases : il s'agit de l'o-tolylphosphate de saligénine cyclique.

    Excrétion

    À la suite de l'administration d'une dose unique de TPCP à des rats, entre 76 et 90 % de la radioactivité initiale sont éliminés dans les urines et dans les fèces, en 24 heures ; une très faible quantité est détectée dans l'air expiré.

    Surveillance Biologique de l'exposition

    Étant donné la bonne pénétration cutanée du TOCP, la mise en place d'une surveillance biologique est intéres­sante.

    Les activités des cholinestérases plasmatiques et intraérythrocytaires sont les indicateurs utilisés pour la surveil­lance des travailleurs exposés aux substances inhibitrices des cholinestérases. Utilisées comme test de dépistage, elles témoignent des effets des expositions cumulées des semaines précédentes ou d'une surexposition aiguë.

    Le dosage de la butyrylcholinestérase plasmatique (BuChE ou cholinestérase plasmatique ou pseudocholinestérase) est souvent préféré pour des raisons techniques mais ce paramètre est cependant moins spécifique que l'activité de l'acétylcholinestérase érythrocytaire (AChE).

    La corrélation entre baisse des cholinestérases et effets toxiques n'est pas toujours bonne car ces derniers dépendent de l'importance de la chute des cholinestérases, mais aussi de la rapidité de cette chute.

    Des valeurs biologiques de référence en population pro­fessionnellement exposée ont été établies pour les choli­nestérases intraérythrocytaires (Voir § Recommandations : au point de vue médical).

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë

    De nombreuses études expérimentales sont disponibles et mettent en évidence une forte variabilité inter-espèce, les souris et les rats étant les moins sensibles au phosphate de tritolyle. À la suite d’une intoxication aiguë, les symptômes d’une intoxication aux organophosphorés sont observés, l’isomère ortho est le plus toxique.

    Le mélange d’isomères est légèrement irritant pour la peau et ne provoque pas d’irritation oculaire. En ce qui concerne la sensibilisation, les résultats disponibles sont équivoques et ne permettent pas de conclure.

    Par voie orale, les DL50 du mélange d'isomères sont com­prises entre 5 190 et plus de 20 000 mg/kg chez le rat ; chez la souris, une DL50 de 3900 mg/kg a été déterminée. Concernant le TOCP, les DL50 chez le rat sont comprises entre 1160 et 8400 mg/kg. Aucune DL50 n'est disponible pour les autres isomères [4, 6].

    Par inhalation, une concentration de 11 mg/L pendant 1 heure n'entraîne aucune mortalité chez les rats expo­sés ; seule une irritation pulmonaire est rapportée [5].

    Par voie cutanée, une DL50 de 3 700 mg/kg a été déter­minée chez des lapins, après une exposition à 0,5 mL de mélange d'isomères pendant 24 heures sous pansement occlusif [5].

    Une neuropathie retardée aux organophosphorés (OPIDN) est mise en évidence, à la suite d'expositions au TOCP, chez de nombreuses espèces dont le rat, avec démyélini­sation de la moelle épinière, du cervelet et axonopathie distale (neuropathie dite « dying-back ») [4, 15]. Les effets neurotoxiques sont consécutifs à l'inhibition irréversible de systèmes enzymatiques présents dans le système nerveux central, principalement l'estérase neurotoxique. Chez le rat, une dose unique de 290 à 3 480 mg/kg de TOCP inhibe fortement l'activité de cette enzyme dans la moelle épinière (> 72 % d'inhibition) et dans le cerveau (> 66 % d'inhibition), provoquant des dommages sévères de la moelle épinière chez plus de 90 % des animaux exposés [16].

    Irritation, sensibilisation [5]

    Le mélange d'isomères est à l'origine d'une légère irrita­tion cutanée (0,5 mL sous pansement occlusif pendant 24 heures) et ne provoque pas d'irritation oculaire à la suite de l'instillation de 0,1 mL pendant 24 heures.

    Un essai de stimulation locale des ganglions lympha­tiques (LLNA) a été réalisé pour évaluer le potentiel sensi­bilisant. Des indices de stimulation supérieurs à 3 (limite pour classer une substance comme sensibilisant cutané) ont été calculés. Toutefois, aucune relation dose réponse n'étant observée, les auteurs de l'étude soulignent le caractère équivoque de la réponse obtenue et ne peuvent conclure sur le potentiel sensibilisant du phosphate de tritolyle (mélange d'isomères).

    Toxicité subchronique, chronique

    L’administration répétée de phosphate de tritolyle en mélange est à l’origine d’effets au niveau des systèmes lymphatique, gastro-intestinal et neurologique. Les plus fortes doses entraînent la mort des animaux exposés.

    Des souris ont été exposées à 0 - 0,437 - 0,875 - 1,75 - 3,5 ou 7 % d'un mélange des trois isomères dans la nourri­ture, pendant 14 jours, dans le cadre d'une pré-étude destinée à déterminer les doses d'une étude principale. Aucun signe de toxicité n'est observé jusqu'à 0,875 % ; par contre, tous les animaux exposés aux doses supérieures présentent une piloérection, des tremblements, des diar­rhées, et meurent avant la fin de l'étude [17]. Administré à de fortes doses (1450 - 2900 ou 5800 mg/kg pc/j) pen­dant 16 jours, chez des rats et des souris, par gavage, le mélange entraîne des nécroses au niveau des ganglions lymphatiques de la mâchoire, de la rate et du thymus et, aux doses inférieures, une diminution de la force de pré­hension des pattes arrières dès 360 mg/kg pc/j [18].

    À la suite de l'administration d'un mélange d'isomères méta et para (respectivement 60 - 65 % et 35 - 40 %), à des rats, pendant 3 mois, aucun effet n'est rapporté, même à la plus forte dose testée (1000 mg/kg pc/j) [4]. Des rats exposés à 5000 mg/kg dans la nourriture, pendant 9 semaines, présentent une augmentation du poids moyen du foie ; à l'autopsie, une augmentation de la taille des hépatocytes est observée, ainsi qu'une vacuo­lisation du cytoplasme et une augmentation du nombre de cellules binucléées. De plus, quelques paramètres de biochimie clinique sont augmentés comme les protéines totales, l'urée ou le cholestérol [19].

    Au cours d'une étude de 13 semaines, des rats et des souris ont été exposés à un mélange de phosphate de tritolyle (comprenant 21 % isomère méta et 4 % isomère para), administré par gavage ou dans la nourriture : les principaux résultats sont présentés dans le tableau II ci-dessous [18].

    Des effets neurotoxiques apparaissent à la suite d'expo­sitions répétées au TOCP. Ainsi, après exposition à 150 ou 300 mg/kg/j de TOCP, par gavage pendant 14 jours, les effets dose dépendants suivants sont rapportés : inhibi­tion des activités de l'estérase neurotoxique dans l'hip­pocampe et des acétylcholinestérases, diminution de la force de préhension, axonopathie et dégénérescence des fibres nerveuses au niveau de la moelle épinière et des nerfs périphériques [20].

     

    GAVAGE

    NOURRITURE

     

    Doses

    (mg/kg pc/j)

    Effets

    Doses

    (mg/kg pc/j)

    Effets

    RATS

    Dès 50

    Vacuolisation cytoplasmique dans le cortex des glandes surrénales (♂♀) Hypertrophie des cellules intersti­tielles ovariennes

    Dès 55/65

    Vacuolisation cytoplasmique dans le cortex des glandes surrénales (♂♀) Hypertrophie des cellules intersti­tielles ovariennes et inflammation de l'interstitium

     

    100

    -

    120/120

    -

     

    Dès 200

    Diminution du poids corporel ()

    220/230

    -

     

    Dès 400

    Atrophie des tubules séminifères

    Dès 430/430

    Œdème rénal et nécrose des papilles rénales ()

     

    800

    -

    Dès 750/770

    Hypertrophie de l'hypophyse ()

    SOURIS

    Dès 50

    Vacuolisation cytoplasmique dans le cortex des glandes surrénales (♂♀) Hypertrophie des cellules intersti­tielles ovariennes

    45/65

    -

     

     

    Dès 100

    Dégénérescence de la moelle épinière cervicale (♂♀)

    110/130

    Vacuolisation cytoplasmique dans le cortex des glandes surrénales (♂♀) Hyperplasie de la vésicule biliaire ()

     

    Dès 200

    Diminution du poids corporel () Diminution de la force de préhension des pattes arrière ()

    Dégénérescence du nerf sciatique ()

    180/230

    Hyperplasie de la vésicule biliaire () Dégénérescence axonale ()

     

    Dès 400

    Diminution du poids corporel () Dégénérescence du nerf sciatique ()

    380/530

    Dégénérescence axonale ()

    Tableau II. Principaux effets rapportés dans l'étude du NTP, chez le rat et la souris («-» signifiant «aucun effet rapporté») [18]

     

    Effets génotoxiques [18]

    Le phosphate de tritolyle ne montre pas de potentiel géno­toxique.

    Un test d’Ames a été réalisé : il ne montre pas d'effet mutagène. De même, le phosphate de tritolyle n'induit aucune aberration chromosomique ou échange de chromatides sœurs dans les cellules ovariennes de hamster, avec ou sans activation métabolique.

    Effets cancérogènes [18]

    Le phosphate de tritolyle ne présente pas de potentiel can­cérogène.

    Chez des rats et des souris, l'administration de 14 et 32 mg/kg pc/j de TOCP, en mélange alimentaire pendant 2 ans, ne met pas en évidence d'effet cancérogène.

    Effets sur la reproduction

    L’administration de phosphate de tritolyle à des rongeurs, sous forme de mélange, est à l’origine d’une toxicité tes­ticulaire importante et irréversible. Chez les femelles, une inflammation et une hypertrophie des cellules intersti­tielles ovariennes sont rapportées.

    En ce qui concerne le développement, une diminution du poids fœtal et un retard d’ossification sont rapportés chez les nouveau-nés, en présence de toxicité maternelle modé­rée.

    Fertilité

    Des rats ont été exposés à 10 - 25 - 50 - 75 ou 100 mg de TOCP/kg de nourriture pendant 63 jours. Dès 25 mg/kg, des effets sur les testicules et les spermatozoïdes sont observés : diminution de la motilité et de la densité sper­matique, augmentation du nombre de spermatozoïdes anormaux, augmentation du nombre de cellules germi­nales immatures et de cellules géantes multinucléées [21]. Chez des rats exposés à 150 mg/kg pc/j, la toxicité testiculaire apparaît 10 jours après le début de l'exposi­tion et est irréversible [22].

    Chez la souris, des effets similaires ont été observés. À la suite d'une exposition à 100 mg/kg pc/j de TOCP pendant 14 jours, une diminution de la densité spermatique dans l'épididyme et une inhibition de l'activité de l'estérase neurotoxique dans les testicules sont rapportées ; la sévé­rité de ces effets augmente de manière dose dépendante (200 ou 400 mg/kg pc/j). À partir de 200 mg/kg pc/j, la structure histologique des tubules séminifères est per­turbée : l'épithélium germinal est détruit et le nombre de cellules germinales diminue [23].

    Les études réalisées sur le mélange d'isomères confir­ment les effets sur la reproduction, chez le rat et la souris. Ainsi, des rats mâles ont été exposés quotidiennement à 0 - 100 ou 200 mg/kg pc, par gavage pendant 56 jours, et les femelles à 0 - 200 ou 400 mg/kg pc, 14 jours avant l'ac­couplement et jusqu'à la lactation (mélange contenant moins de 9 % de TOCP). Chez les mâles, une diminution de la motilité spermatique et de leur concentration et une hypospermie ont été rapportées, de même qu'une aug­mentation dépendante de la dose du nombre de sperma­tozoïdes anormaux. Les autopsies ont révélé une nécrose et dégénérescence au niveau des testicules et l'apparition de granulomes dans les tubules séminifères. Le nombre de nouveau-nés vivants diminue avec la dose et à la plus forte dose testée, une diminution de la taille des portées est observée. Au niveau histologique, les ovaires pré­sentent une altération des cellules interstitielles et une augmentation du nombre de follicules et de corps jaune [24]. Des souris ont été exposées à 0 - 0,5 - 1 ou 2 g/kg de mélange d'isomères dans l'aliment (20 % isomère méta, 4 % isomère para et moins de 0,1 % isomère ortho), pen­dant 98 jours. Le nombre de portées et de nouveau-nés vivants, ainsi que leur poids, diminue chez les animaux exposés à la plus forte dose. Chez les parents, les mâles présentent une atrophie des tubules séminifères et une diminution du poids des testicules et de l'épididyme ; aucun effet n'est rapporté chez les mères [17].

    Développement

    Des rats ont été exposés à 87,5 - 175 ou 350 mg/kg pc/j de TOCP, du 6e au 18e jour de gestation. Aucune toxicité ou mortalité n'a été rapportée pour les deux plus faibles doses, en revanche une forte mortalité maternelle a été observée à 350 mg/kg pc/j. Chez les fœtus, les taux de malformations trop faibles n'ont pas permis la réalisation de tests statistiques (5 fœtus sur 566 examinés présentaient des malformations majeures) ; les fréquences de variations squelettiques ou viscérales ne sont pas diffé­rentes entre les groupes traités et les témoins [25].

    À la suite d'une exposition par gavage à 20 - 100 - 400 ou 750 mg/kg pc/j du mélange d'isomères, pendant toute la gestation, les femelles rats présentent une augmentation de la salivation à 100 mg/kg pc/j et, aux plus fortes doses, une dégradation de l'état général et une diminution du poids corporel. Une diminution du poids fœtal est rappor­tée pour toutes les doses, ainsi qu'un retard d'ossification à 750 mg/kg pc/j [5].

  • Toxicité sur l’Homme

    Le phosphate de tritolyle peut provoquer des intoxications aiguës et chroniques sévères. Elles se manifestent principa­lement par des troubles digestifs et surtout par une neuro­pathie retardée, incomplètement réversible dans certains cas. Le phosphate de tri-ortho-tolyle est l’isomère le plus actif, il est inhibiteur des cholinestérases.

    Toxicité aiguë [1, 27]

    L'intoxication aiguë peut survenir par ingestion ou contact cutané avec le phosphate de tritolyle, mais l'inhalation d'aérosols est néanmoins possible, bien que la substance soit peu volatile. Ces effets ont été mis sur le compte du seul TOCP, mais il semble que les mélanges contenant les divers isomères soient aussi sinon plus neurotoxiques. Les manifestations pathologiques aboutissent à un tableau de neuropathie d'apparition progressive et retardée. Elles évoluent habituellement en trois phases : troubles gas­tro-intestinaux persistant pendant quelques jours ; puis, après un intervalle libre asymptomatique d'une durée de 8 à 35 jours, apparition de signes d'irritation évoquant une infection ORL (rhinite, pharyngite, conjonctivite) apy­rétique ; enfin, surviennent progressivement des pares­thésies et une paralysie flasque des membres inférieurs. La neuropathie périphérique se généralise en 4 ou 5 jours aux membres supérieurs.

    L'évolution est variable. Dans les cas favorables, elle abou­tit à la guérison après deux ou trois mois. Dans certains cas, une atteinte spastique des membres inférieurs suc­cède à la paralysie flasque, elle s'accompagne d'une atrophie musculaire mais pas de perturbations neurosen­sorielles.

    Toxicité chronique [26-28]

    Les études relatant des intoxications chroniques en milieu professionnel sont rares, certaines montrent une diminution des cholinestérases sanguines, plus spécifiquement avec le TOCP, sans relation avec les signes diges­tifs ou neurologiques mineurs observés. Plusieurs cas de neuropathies périphériques flasques ont été décrits chez des salariés exposés à des mélanges de phosphates de triaryles présents dans des matériaux caoutchoutés ou des ciments, la plupart des cas étaient progressivement réversibles. Cependant, du fait de coexpositions à d'autres neurotoxiques, la responsabilité du seul phosphate de tritolyle ne peut être affirmée. Il s'agit de plus de des­criptions déjà anciennes avec des conditions de travail médiocres

    Effets génotoxiques

    Aucune donnée n'est disponible chez l'homme à la date d'édition de cette fiche toxicologique.

    Effets cancérogènes

    Aucune donnée n'est disponible chez l'homme à la date d'édition de cette fiche toxicologique.

    Effets sur la reproduction

    Aucune donnée n'est disponible chez l'homme à la date d'édition de cette fiche toxicologique.

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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