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Tétrahydrofurane

Fiche toxicologique n° 42

Sommaire de la fiche

Édition : Mars 2024

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [13, 14]

    Le tétrahydrofurane pénètre par voies respiratoire, orale et cutanée. Il se distribue largement, est transformé essentiel­lement en CO2 et éliminé dans l’air expiré (inchangé et CO2) et dans l’urine (inchangé).

    Chez l'animal
    Absorption

    Le tétrahydrofurane est absorbé par voies respiratoire (60 à 70 % de la quantité inhalée), cutanée et digestive. Quelle que soit la voie d'entrée, le passage sanguin est rapide (dès 15 minutes après l'exposition) et important. Chez le rat, le pic plasmatique est atteint après 4 à 8 heures selon la dose, mais sa valeur n'est pas proportionnelle à la dose administrée. L'absorption est plus rapide chez la souris ; le pic plasmatique est atteint 15 minutes après une exposi­tion orale à 50 mg/kg. Il y a peu d'information sur le pas­sage cutané du tétrahydrofurane. Il a été constaté in vitro avec de la peau humaine dermatomée [15]. In vivo, seule la toxicité observée en est la preuve : les rats exposés sur une surface de peau supérieure à 10 % de la surface totale absorbent des concentrations létales (concentration san­guine égale à 3000 - 4000 mg/L).

    Distribution

    Après exposition orale, les plus fortes concentrations sont dans le foie, le tissu adipeux et les surrénales chez le rat, les surrénales, le foie et les reins chez la souris avec une accumulation dans le tissu adipeux. Immédiatement après exposition par voie respiratoire, les concentrations de tétrahydrofurane dans les organes du rat sont, par ordre de concentration décroissante, sang > cerveau, reins, cœur > foie, rate, thymus, poumons ; les différences entre tissus disparaissent 3 heures après l'exposition. Immédia­tement après une exposition prolongée (12 semaines), la distribution est : thymus > rate > cerveau, cœur > pou­mons > sang > foie, reins. Une accumulation dans la rate est notée après 6 semaines d'exposition et dans le thymus après 12 semaines ; les concentrations reviennent à la normale après arrêt de l'exposition. La demi-vie sanguine du tétrahydrofurane est d'environ 5 heures chez le rat et le lapin ; chez le rat et la souris exposés à du tétrahydrofu­rane radiomarqué, la demi-vie sanguine des molécules radiomarquées est de 50 heures environ.

    Métabolisme

    La détoxication serait due à une série d'oxydations et de réductions (voir fig. 1). Les intermédiaires étant instables, on ne peut que préfigurer le métabolisme. L'oxydation d'un carbone adjacent à l'oxygène produirait la γ-butyrolactone, puis par ouverture du cycle, l'acide γ-hydroxybutyrique, dont les effets neurologiques centraux cliniques et électriques sont semblables à ceux du tétra­hydrofurane [16].

    Schéma métabolique

    Fig. 1 Métabolisme probable du tétrahydrofurane [14]

    Excrétion

    Le CO2 est le métabolite final majeur : 58,2 à 74,6 % chez la souris mâle-femelle et 47 à 48 % chez le rat, ce pourcentage diminue avec l'augmentation de la dose suggérant une saturation du métabolisme à forte dose ; les substances organiques volatiles expirées (probablement du tétra­hydrofurane non métabolisé) représentent 17,8 à 24,5 % de la dose administrée.

    Chez le rat et la souris, le tétrahydrofurane, éliminé inchangé, représente 3 à 5 % de la dose administrée dans les urines et 1 % dans les fèces.

    Surveillance Biologique de l'exposition

    Le tétrahydrofurane urinaire en fin d’exposition ou fin de poste est l’indicateur à privilégier. Les concentrations mesurées en fin de poste reflètent l’exposition du jour même. C’est un indicateur spécifique, absent des urines des sujets non exposés.

    Des valeurs biologiques d’interprétation pour le milieu professionnel sont établies sur la base de la relation entre les concentrations urinaires et atmosphériques de tétrahydrofurane.

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë [3, 14]

    Quelle que soit la voie d’exposition, le tétrahydrofurane a un effet irritant local et un effet dépresseur sur le système nerveux central.

    Voie

    Espèce

    DL50/CL50

    Durée

    Inhalatoire

    Rat

    180 - 243 mg/L

    1 h

    78 mg/L

    2 h

    63 mg/L

    3 h

    54 - 66 mg/L

    4 h

    53 mg/L

    8 h

    Souris

    72 mg/L

    2 h

    Chien

    74 mg/L

    8 h

    Orale

    Rat

    1650 - 4430 mg/kg

     

    Souris

    2000 - 2500 mg/kg

     

    Lapin

    3120 mg/kg

     

    Cobaye

    2300 - 2600 mg/kg

     

    Chat

    3120 mg/kg

     

    Tableau I : Toxicité aiguë du tétrahydrofurane pour l'animal[3].

     

    Symptômes

    Les effets systémiques de l'intoxication aiguë par le tétra­hydrofurane sont une irritation locale, une dépression du système nerveux central objectivée par une somnolence passagère, des myoclonies et des convulsions [17].

    Chez le rat, l'administration par inhalation à des concen­trations supérieures à 15 mg/L pendant 3 heures pro­voque une irritation locale avec œdème ou opacité cornéenne, sécrétion de mucus ou hémorragie de la muqueuse nasale. Par la suite surviennent catalepsie, coma et spasmes musculaires cloniques. La récupération de l'effet sédatif est relativement rapide après la fin de l'exposition (24 heures après une exposition à 2500 ppm, soit 7,5 mg/L pendant 2 heures). Les premiers signes de narcose apparaissent, en exposition cutanée chez le rat et le lapin, à partir de 600 mg/L et, en exposition orale chez le lapin, à partir de 1000 mg/kg.

    Chez le lapin, l'administration orale d'une solution à 20 % est responsable d'une gastrite hémorragique et d'ulcéra­tions de l'estomac.

     

    Irritation - sensibilisation

    Chez le lapin, on observe une irritation qui est dépendante de la concentration. À 10 %, le tétrahydrofurane n'entraîne aucun effet sur la peau, mais il induit dans l'œil une conjonctivite réversible en 20 minutes. À 20 %, l'action sur la peau est modérée alors qu'au niveau de l'œil on note conjonctivite aiguë, kératite et œdème cornéen. À 50 %, l'action sur l'œil devient encore plus sévère (hémorragies de la conjonctive) et elle reste simplement irritante sur la peau de cet animal [3].

    En phase vapeur, des signes d'irritation de la peau, des muqueuses oculaires et respiratoires sont notés dès 200 ppm chez le rat. À 5000 ppm, l'irritation des voies aériennes et des muqueuses oculaires du lapin est sévère [17].

    Le tétrahydrofurane n'est pas sensibilisant pour la peau du cobaye [18].

    Toxicité subchronique, chronique [14, 19]

    En cas d'exposition répétée ou prolongée, le tétrahydrofurane est également irritant local et dépresseur pour le système nerveux central. Ce dernier effet diminue avec la prolonga­tion de l’exposition.

    L'exposition orale (dans l'eau de boisson) répétée au tétra­hydrofurane entraîne à la forte dose, chez le rat (0 - 1 - 10­ - 100 - 1000 mg/L pendant 4 semaines), une irritation gastrique avec anisocaryose (inégalité de taille des noyaux) des hépatocytes et inclusions cytoplasmiques dans les tubes rénaux et chez la souris (0 - 40 - 100 mg/L pendant 45 jours), baisse de poids, paralysie des membres antérieurs, hyperleucocytose et baisse du taux d'hémoglobine. La NOAEL est de 100 mg/L pour le rat et de 40 mg/L pour la souris.

    Par inhalation, les rats et les souris exposés pendant 90 jours (0 - 66 - 200 - 600 - 1800 - 5000 ppm, 6 h/j, 5 j/sem) pré­sentent, en plus de l'irritation des voies respiratoires, une dépression du système nerveux central (narcose) pendant l'exposition aux fortes concentrations (narcose, ataxie) dont l'intensité diminue lorsque l'exposition est prolon­gée et dont la durée est liée à la concentration. Chez le rat, à 5 000 ppm, il y a également baisse de poids relatif et absolu du thymus et de la rate, modification des paramètres sanguins hématologiques et biochimiques et augmenta­tion de poids du foie chez les femelles. Les souris montrent une augmentation de poids du foie et une baisse de poids du thymus chez les mâles à partir de 600 ppm. À l'autop­sie, on observe, chez les souris exposées à la forte concen­tration, une cytomégalie centrolobulaire du foie, minimale à modérée dans les deux sexes, une dégénéres­cence du cortex interne des surrénales et une atrophie de l'utérus chez les femelles. La NOAEL est de 1800 ppm pour le rat et de 600 ppm pour la souris.

    Effets génotoxiques [19]

    Le tétrahydrofurane est considéré comme non mutagène dans les tests pratiqués in vitro et in vivo.

    Le potentiel génotoxique du tétrahydrofurane a été évalué dans de nombreux tests in vitro et in vivo, avec ou sans activateurs métaboliques (cf. tableau II). Presque tous les résultats sont négatifs, quelques essais ont des résultats équivoques.

    Test

    Cellules/Animal

    Résultat (avec ou sans activation métabolique)

    In vitro

    Mutation génique

    Bactéries

    S. typhimurium TA1535, TA1537, TA98, TA100, TA1538

    Escherichia coli WP2, WP2 uvrA

    -/-

    Clastogenèse

    Micronoyaux

    Cellules embryonnaires de hamster syrien

    Non testé/-

    Clastogenèse

    Aberrations chromosomiques

    Cellules ovariennes de hamster chinois

    -/±

    Lésions de l'ADN

    Échanges entre chromatides sœurs

    Cellules ovariennes de hamster chinois

    -/-

    Transformation cellulaire

    Cellules BALB/c-3T3

    -/Non testé

    Cellules embryonnaires de hamster syrien

    -/Non testé

    Cellules NIH/3T3

    -/Non testé

    In vivo

    Mutation génique

    Létalité récessive liée au sexe

    D. mélanogaster

    -

    Clastogenèse

    Micronoyaux

    Erythrocytes de souris (inhalation)

    ±

    Clastogenèse

    Aberrations chromosomiques

    Moelle osseuse de souris

    -

    Lésions de l'ADN

    Échanges entre chromatides sœurs

    Moelle osseuse de souris

    -

    Lésions de l'ADN

    Synthèse non pro­grammée de l'ADN

    Hépatocytes de souris

    -

    Tableau II. Effets génotoxiques du tétrahydrofurane

    Effets cancérogènes [19]

    Le tétrahydrofurane est cancérogène pour le rat mâle (adé­nomes/carcinomes rénaux) par un mécanisme vraisembla­blement spécifique et pour la souris femelle (néoplasmes hépatiques) ; il n’est pas cancérogène pour le rat femelle ou la souris mâle.

    Une exposition pendant 2 ans au tétrahydrofurane (0­ - 200 - 600 - 1 800 ppm 6 h/j, 5 j/sem) ne diminue ni la survie ni le poids corporel du rat. Le taux d'adénomes ou de car­cinomes (ou combinés) de l'épithélium du tube rénal chez le mâle augmente, aux deux plus fortes concentrations, au-delà de la valeur des témoins historiques. Cet effet, qui n'est pas statistiquement significatif, pourrait être dû à une néphropathie chronique progressive sévère liée, chez le rat, à un processus régénératif avec présence d'alpha-2-microglobuline ; ce mécanisme n'existe pas chez l'Homme [20].

    Une exposition de 2 ans, dans les mêmes conditions, affecte la survie de la souris mâle à la forte concentration sans modifier le poids corporel. Les souris mâles exposées à 1800 ppm sont dans un état narcotique pendant l'expo­sition et jusqu'à 1 heure après arrêt de l'exposition. Le taux et le nombre de néoplasmes hépatocellulaires par animal sont significativement augmentés chez les femelles exposées à 1800 ppm. Chez le mâle, à la même concentration, on note une augmentation des néphro­pathies et des lésions non néoplasiques du tractus uro­génital.

    Effets sur la reproduction [21]

    Le tétrahydrofurane n’est pas toxique pour la fertilité et la reproduction du rat et de la souris à des concentrations non toxiques pour les mères. Il n’est pas tératogène.

    Dans une étude sur deux générations, des rats, exposés pendant au moins 70 jours au tétrahydrofurane dans l'eau de boisson (0 - 1 000 - 3 000 - 9 000 ppm soit env. 100 - 300­ - 700 mg/kg/j mâles et femelles avant accouplement, 100 - ­300 - 800 mg/kg/j femelles pendant la gestation, 200 - 500 - 1 300 mg/kg/j femelles pendant la lactation), ont une perte de poids ainsi qu'une diminution de la consommation de nourriture à la forte dose. À cette dose, la prise de poids des petits pendant la lactation est réduite dans les deux générations et l'ouverture des paupières est retardée à la 1re génération ; il n'y a pas de malformation. La NOAEL est de 9000 ppm pour la fertilité et de 3 000 ppm pour la toxicité parentale et le développement [22].

    Des rates gestantes, exposées au tétrahydrofurane (0­ - 600 - 1 800 - 5000 ppm, 6 h/j, 7 j/sem, du 6e au 19e jour de gestation) présentent des signes de toxicité maternelle (perte de poids, baisse de la prise de poids et du poids de l'utérus) à la forte concentration. Il n'y a aucun effet sur l'embryon ou le fœtus jusqu'à 1 800 ppm ; à la forte concentration, le poids fœtal est réduit. Il n'y a pas de malformation.

    Des souris gestantes, exposées aux mêmes concentra­tions du 6e au 17e jour de gestation, montrent des effets toxiques dès 1800 ppm (narcose, létalité à 5000 ppm, baisse de poids, corporel et utérin, et de la prise de poids). À cette concentration et au-dessus, le nombre de petits vivants par portée est réduit avec une augmentation cor­respondante du taux de résorption (95 % à 5000 ppm) ; les fœtus survivants ont un retard d'ossification des sternèbres. Il n'y a ni baisse de poids fœtal ni malformation.

  • Toxicité sur l’Homme

    L'exposition aiguë est responsable de troubles neurologiques (céphalées, somnolence) et d'une irritation respiratoire et oculaire. Le contact cutané provoque des éruptions cutanées. Lors d'exposition répétée, des dermatoses chroniques ainsi que des atteintes hépatiques et neurologiques (polynévrites, psycho syndrome organique) ont pu être rapportées. Aucune étude de qualité suffisante ne montre d'augmentation de cancers chez des salariés exposés au tétrahydrofurane.

    Toxicité aiguë [23-27]

    Les intoxications aiguës ou subaiguës humaines par le tétrahydrofurane n'ont fait l'objet que d'un petit nombre de publications. Les symptômes le plus souvent rapportés, après une exposition prolongée à des concentrations atmosphériques élevées, sont des céphalées, une irrita­tion des muqueuses oculaires et respiratoires, un syn­drome ébrieux et une élévation transitoire des transaminases. Des éruptions cutanées érythémateuses des parties découvertes semblent assez fréquentes chez les travailleurs exposés : elles sont dues au tétrahydro­furane lui-même et/ou aux peroxydes qui se forment lorsque le solvant s'oxyde au contact de l'oxygène de l'air. Dans un cas, des convulsions sont survenues au réveil d'une anesthésie à l'enflurane, chez un homme exposé préalablement au tétrahydrofurane.

    En cas d'ingestion, on peut observer des douleurs diges­tives, des nausées et des vomissements, puis des troubles de conscience avec un coma parfois mortel. Une atteinte hépatique et rénale est alors retrouvée [28].

    Toxicité chronique

    Une élévation de l'activité de la γ-glutamyltransférase et de celle de l'alanine-aminotransférase a été observée chez un cordonnier exposé au tétrahydrofurane, mais aussi au trichlorométhane et au trichloroéthylène. La ponction biopsie hépatique a montré une stéatose modérée et une sidérose. L'exposition simultanée à plusieurs solvants et le caractère succinct de l'observation empêchent d'évaluer la responsabilité du tétrahydrofurane [29].

    Une neuropathie périphérique distale, sensitivomotrice est apparue chez un homme de 55 ans, exposé depuis 2 ans au tétrahydrofurane et à la 2-butanone, avec des protections insuffisantes. Le malade n'était pas alcoolique et ne prenait pas de médicament. La 2-butanone n'a pas de neurotoxicité périphérique. La neuropathie a guéri en 3 mois à l'arrêt de l'exposition [30]. Tous ces éléments rendent probable la responsabilité du tétrahydrofurane.

    On ne dispose d'aucune étude épidémiologique publiée de populations humaines exposées au tétrahydrofurane. Une étude de cohorte non publiée, rapportée par l’ACGIH, ne montre pas d'augmentation significative de l'incidence des cancers œsophagiens, cette étude est cependant trop limitée pour permettre de conclure [31].

    Le tétrahydrofurane peut être responsable, comme de nombreux solvants organiques, d'atteintes cutanées à type de dermoépidermite irritative récidivante, avec sécheresse de la peau, et d'atteintes neurologiques (psycho syndrome organique) se manifestant notamment par une ébriété, des sensations de vertige, des troubles de la mémoire et de l'humeur.

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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