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Bisphénol A

Fiche toxicologique n° 279

Sommaire de la fiche

Édition : Juin 2022

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [2, 3, 10-12, 14]

    L’absorption du bisphénol A est rapide et importante après exposition orale et cutanée. Il est distribué dans les tissus, franchit la barrière placentaire et passe dans le lait mater­nel. Les métabolites sont majoritairement éliminés dans les fèces ; moins de 10 % sont éliminés sous forme inchangée.

    Chez l'animal
    Absorption

    Après exposition orale, l'absorption dans le tractus gastro­intestinal est rapide et importante, cependant aucune quantification n'a été réalisée. Le pic des molécules radio­marquées dans le sang est atteint 5 minutes après expo­sition orale au 14C]-bisphénol A pour les faibles doses (10 mg/kg) et après 15 minutes pour les plus fortes (100 mg/kg) ; la concentration maximale augmente linéairement avec la dose. Les taux de bisphénol A dimi­nuent ensuite, avec un rebond à 3 heures (100 mg/kg) ou 6 heures (10 mg/kg) en lien probablement avec un cycle entéro-hépatique.

    Il n'y a pas d'étude de la toxicocinétique du bisphénol A après exposition par inhalation ; toutefois, compte tenu du coefficient de partage et de certains signes de toxicité systémique, une forte absorption du bisphénol A est éga­lement attendue par voie inhalatoire.

    Après exposition cutanée in vitro (peau humaine dermatomée), le bisphénol A pénètre rapidement dans la peau [11]. Les récentes études disponibles suggèrent un taux d'absorption percutanée compris entre 10 et 60 %, enca­drant une valeur plus probable de 27 % [10, 11].

    Distribution

    La distribution du bisphénol A dans l'organisme n'a pas été étudiée spécifiquement. Chez des rates exposées 14 jours après la mise bas, on retrouve, 8 heures après l'ex­position, 77 % de la dose administrée dans le lait, le sang, le plasma, les tissus et la carcasse, et le reste dans le foie, les reins et les poumons ; le transfert vers les petits par le lait est limité (moins de 0,01 % dans les carcasses des petits après 2 à 24 heures). 10 minutes après l'exposition des rates gestantes, le bisphénol A est détecté dans le foie et les reins des fœtus, il atteint sa concentration maxi­male en 20 minutes puis diminue en 6 heures jusqu'à 5 % de son maximum en suivant la baisse de concentration dans le sang maternel.

    Métabolisme

    In vitro, des hépatocytes de rat en culture, incubés avec du bisphénol A pendant 2 heures, produisent un métabolite majeur identifié comme du bisphénol A-glucuronide et deux métabolites mineurs, le 5-hydroxybisphénol A et le bisphénol A-sulfate, formés uniquement à forte dose et suggérant une saturation métabolique.

    In vivo, le taux de bisphénol A-glucuronide sanguin est inversement proportionnel à la dose (96 à 76 % pour des doses orales de 10 à 100 mg/kg) dans les 10 premières minutes suivant l'exposition ; le composé parental repré­sente 2 à 8 %. Après un temps plus long (45 minutes pour les mâles et 18 heures pour les femelles), 100 % du bisphénol A est sous forme glucuronide pour la faible dose dans les 2 sexes comparé à 68 % (mâles) et 98 % (femelles) à la forte dose. Le composé parental représente 11 % (mâles) et 2 % (femelles) ; sa présence dans le sang longtemps après l'exposition peut être due soit au cycle entéro-hépatique soit à un clivage intestinal du conjugué (après exposition sous-cutanée le composé parental n'est pas détecté).

    Excrétion

    Le bisphénol A, après exposition orale du rat, est éliminé essentiellement sous forme glucurono-conjuguée (simple ou double), majoritairement dans les fèces (61-63 % et 71-75 % de la dose respectivement) et dans une moindre mesure dans les urines, plus par les femelles que par les mâles (19-20 % et 8-10 % de la dose respectivement). Le composé parental éliminé dans les urines représente 2 à 10 % de la dose selon la souche de rat. Un métabolite mineur, le bisphénol A-sulfate a été détecté dans les fèces (4-5 % de la dose (mâles) et 2-4 % (femelles)). Une excré­tion dans le lait maternel du bisphénol A et/ou de ses métabolites a également été montrée. L'élimination est rapide, la majorité de la dose absorbée est éliminée en 72 heures. La demi-vie d'élimination est de 9,7 heures après exposition orale. Dans la carcasse, on retrouve après 7 jours entre 0,03 % et 0,35 % de la dose orale ; dans les tis­sus (foie et reins), il reste moins de 0,02 %.

    Chez le singe, exposé par voie orale à 100 µg/kg de [14C]-bisphénol A, les molécules radiomarquées sont éliminées dans l'urine (82-84 % de la dose après 7 jours) et dans les fèces (2,14 % mâles et 3,08 % femelles). L'excrétion uri­naire est maximale pendant les 12 premières heures et complète en 24 heures [15].

    De nombreux métabolites, formés par oxydation, ont été mis en évidence in vitro en présence d'activateurs méta­boliques (4-méthyl-2,4-bis(p-hydroxyphényl)pent-1-ène, isopropyl-hydroxyphénol, glutathionyl-phénol, glutathionyl 4-isopropylphénol, et bisphénol A dimères) ; cepen­dant, à ce jour, ils n'ont pas été retrouvés in vivo.

    Chez l'Homme

    Les études de toxicocinétique chez l'homme, par voie orale, indiquent une absorption importante, une biotrans­formation au premier passage et une élimination rapide du bisphénol A via les urines[3, 12].

    Chez des volontaires exposés à une faible dose par voie orale (54-88 mg/kg [H3-bisphénol A), seul le bisphénol A- glucuronide est mesuré dans le plasma. Le pic plasma­tique de la molécule conjuguée est atteint en 80 minutes et sa concentration plasmatique diminue de façon expo­nentielle avec une demi-vie de 89 minutes. Son volume de distribution suit celui de l'eau intra- et extracellulaire, sans fixation évidente aux protéines plasmatiques. Le glu­curonide est libéré par le foie dans la circulation systé­mique et excrété dans l'urine ; il n'a pas été mis en évidence de cycle entéro-hépatique comme chez les ron­geurs. La concentration urinaire atteint un pic 6 heures après administration puis diminue rapidement avec une demi-vie de 5 heures. Il n'y a pas de différence d'excrétion entre les sexes. Quelques études montrent la présence, chez l'homme, d'une sulfatation du bisphénol A.

    Cette substance exerce une faible activité œstrogénique, son dérivé glucurono-conjugué aucune. Après administra­tion orale chez l'homme, la conjugaison et l'élimination sont rapides et quasiment totales ; la concentration san­guine de bisphénol A libre disponible pour une fixation aux récepteurs oestrogéniques est donc très faible (< 1,25 µg/L) [12].

    Surveillance Biologique de l'exposition

    Le dosage du bisphénol A libre et conjugué dans les uri­nes, en fin de journée de travail, paraît être le paramètre à privilégier pour la surveillance biologique des salariés exposés. Ce paramètre reflèterait l'exposition des heures précédant le prélèvement. Certains auteurs ont montré une corrélation entre les taux de bisphénol A urinaire avant et/ou après le poste et les concentrations atmosphériques de bisphénol A. Il existe de grandes varia­bilités inter- et intra-individuelles des taux de bisphénol A urinaires ; c'est pourquoi le recueil des urines de 24 heures est préconisé par certains.

    Le dosage du bisphénol A libre ou total dans le sang a pu être proposé mais il existe très peu de données pour ce paramètre ; de plus, étant donnée la demi-vie sanguine très courte et la très faible quantité retrouvée dans le sang, ce paramètre n'est pas utilisable en milieu professionnel.

    On se méfiera d'une contamination lors du prélèvement, tout particulièrement lors du dosage du bisphénol A libre.

    Une valeur biologique d'interprétation en population profesionnellement exposée a été établie pour le BPA urinaire (voir § recommandations).

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë

    Le bisphénol A est peu toxique pour l’animal en exposition aiguë. Il provoque une irritation sévère des yeux et des muqueuses du tractus respiratoire supérieur mais n’est ni irritant ni sensibilisant pour la peau.

    Le bisphénol A n'induit, chez l'animal, des effets aigus qu'à très forte dose (voir tableau I).

    Voie

    Espèce

    DL50/CL50

    Inhalatoire

    Rat

    > 170 mg/m3

    Orale

    Rat

    3200-5660 mg/kg

    Souris

    5200 mg/kg mâles

    4100 mg/kg femelles

    Lapin

    2230 mg/kg

    Cutanée

    Lapin

    3600 mg/kg

    Tableau I. DL50/CL50 du bisphénol A [2]

     

    Après exposition par inhalation, les animaux ne présen­tent aucun signe de toxicité ; à l'autopsie, une légère inflammation de l'épithélium nasal et une légère ulcéra­tion du conduit oro-nasal ont été observées, réversibles en 14 jours. Après exposition par voie orale à des doses pro­ches de la DL50, les animaux sont léthargiques et pro­strés. À l'autopsie, on observe une congestion du foie, des reins, des poumons et du cerveau ainsi qu'un tractus gas­tro-intestinal hémorragique.

    Irritation [13]

    Le bisphénol A est sévèrement irritant pour l'œil du lapin et n'est pas irritant pour la peau. Les effets sur l'œil (opa­cité cornéenne, irritation de la conjonctive et de l'iris, chémosis), observés dès la première heure, persistent jusqu'à 28 jours après l'exposition.

    De légers et passagers effets inflammatoires locaux sont observés dans le tractus respiratoire supérieur du rat après exposition à 170 mg/m3 pendant 6 heures. Le bisphénol A est un irritant sensoriel fort pour la souris et le rat ; la RD50 est respectivement de 684 et 959 mg/m3 [3].

    Sensibilisation [13]

    Un test de sensibilisation réalisé chez la souris (LLNA) ne met en évidence aucun potentiel sensibilisant, après appli­cation de 3, 10 ou 30 % de bisphénol A. De plus, aucune photosensibilisation aux UV-A n'est rapportée.

    Toxicité subchronique, chronique

    A la suite d’une exposition répétée par voie orale au bisphénol A, le foie et les reins sont les principaux organes cibles. Lors d’une exposition par voie inhalatoire, de l’hy­perplasie et une inflammation sont rapportées au niveau des épithéliums du tractus respiratoire.

    Chez le rat, à la suite d'une exposition répétée par inhala­tion (corps entier), sont observées une inflammation de l'épithélium olfactif nasal et une hyperplasie de l'épithé­lium du tractus respiratoire. Inflammation et hyperplasie sont légères à 50 mg/m3 (6h/j, 5j/sem pendant 13 semai­nes), n'augmentent pas en sévérité avec la concentration et sont totalement réversibles en 12 semaines. À partir de ces résultats, la NOAEL est de 10 mg/m3 [7]. Chez la souris de fortes concentrations provoquent faiblesse générale et difficultés respiratoires ; à l'autopsie, des lésions hépa­tiques et rénales sont notées [13].

    Par voie orale, chez le rat, on observe une baisse de poids corporel et une diminution du poids absolu de certains organes (foie, reins, glandes surrénales, rate, cerveau) après une exposition des animaux sur 3 générations à 0,001-0,02-0,3-5-50 et 500 mg/kg/j 13]. Une dégénéres­cence des tubules rénaux est par ailleurs observée chez les femelles exposées à la plus forte dose. La NOAEL a été fixée à 50 mg/kg/j, bien que les effets sur les poids absolus des organes n'ont pas été retrouvés dans les 3 générations et ne suivent aucune relation dose-réponse. Chez la souris, la cible du bisphénol A est le foie (hypertrophie centrolobulaire, hépatocytes géants multi nucléés, surtout chez le mâle) à partir de 50 mg/kg/j pendant 13 semaines. Chez les animaux exposés à la plus forte dose (600 mg/kg/j), sont rapportées une diminution de poids corporel, une augmentation du poids absolu des reins et du foie ainsi qu'une néphropathie (uniquement chez les mâles). À par­tir de ces résultats, la NOEL a été fixée à 30 mg/kg/j. Chez le chien, la seule modification est une augmentation du poids relatif du foie ; la NOAEL est de 80 mg/kg/j, après 90 jours d'exposition.

    Effets génotoxiques

    Le bisphénol A n’est ni mutagène ni clastogène in vitro ou in vivo. Cependant, il perturbe le fuseau mitotique ou méiotique, induit une aneuploïdie et engendre des adduits à l’ADN. In vivo, une augmentation du nombre de micro­noyaux, d’aberrations structurales et de dommages à l’ADN a été mise en évidence dans les cellules de moelle osseuse de souris.

    In vitro, le bisphénol A n'est ni mutagène ni clastogène pour les cellules en culture. Des résultats négatifs sont obtenus dans les différents tests d'Ames réalisés, les essais d'échanges de chromatides sœurs ou d'aberration chromosomique, avec ou sans activation métabolique [3, 13]. En revanche, il produit 1 ou 2 adduits majeurs et plu­sieurs adduits mineurs avec l'ADN purifié (en présence de peroxydase) ou cellulaire (cellules embryonnaires de hamster syrien), provoque des cassures simple brin de l'ADN d'hépatocytes de rat en culture, induit une aneu­ploïdie (cellules avec 2 à 6N chromosomes) dans les cellu­les embryonnaires de hamster syrien, des effets sur le fuseau mitotique et des micronoyaux (cellules V79 hams­ter chinois) [3].

    In vivo, deux adduits majeurs à l'ADN et plusieurs adduits mineurs ont été mis en évidence dans le foie du rat mais pas identifiés. Le bisphénol A provoque des perturbations dans la méiose des oocytes chez la souris (mauvais ali­gnement des chromosomes sur le fuseau au cours de la métaphase de la 1re méiose) et une augmentation de l'a­neuploïdie [3]. Les autres tests pratiqués ont donné des résultats négatifs (létalité récessive liée au sexe chez la drosophile ; létalité dominante chez le rat ; micronoyaux dans la moelle osseuse de la souris) [3]. Dans une étude récente, des rats ont été exposés à des concentrations croissantes de bisphénol A (de 2,4 µg/kg pc à 50 mg/kg pc), par voie orale, quotidiennement pendant 6 jours. Des augmentations significatives du nombre de micronoyaux dans les cellules de moelle osseuse, d'aberrations structu­rales des chromosomes et de dommages à l'ADN dans les lymphocytes sanguins ont été mesurées [14]. De plus, sont mis en évidence une augmentation du taux d'adduits à l'ADN (8-OHdG) dans le plasma, signe d'un stress oxydant, une hausse de la peroxydation lipidique ainsi qu'une diminution de l'activité GSH dans le foie. À partir de ces résultats, les auteurs concluent quant à l'activité géno­toxique du bisphénol A, dont le stress oxydatif pourrait être un des mécanismes menant à la toxicité génétique.

    Effets cancérogènes

    Le bisphénol A n’est pas cancérogène par voie orale chez le rat et la souris ; toutefois, il induit une légère augmenta­tion, non significative statistiquement, des cancers du sys­tème hématopoïétique et des glandes mammaires. Des effets sur la glande mammaire des petits sont observés lors d'expositions pré ou périnatales.

    Le bisphénol A n'est pas cancérogène in vitro pour les cel­lules embryonnaires de hamster syrien dans le test de transformation cellulaire [3].

    In vivo, le bisphénol A n'a pas montré d'activité cancéro­gène significative par voie orale chez le rat (0-1000-­2000 ppm dans la nourriture soit 0-74-135 à 148 mg/kg/j pendant 103 semaines). On note une baisse de la prise de poids et de nourriture, une légère augmentation, non significative statistiquement, des leucémies dans les 2 sexes et de la fréquence des fibroadénomes de la glande mammaire chez les mâles. Chez la souris (0-1000-­5000 ppm dans la nourriture soit 0-120-600 mg/kg/j chez le mâle et 0-5000-10000 ppm soit 0-650­-1300 mg/kg/j chez la femelle pendant 103 semaines), seules sont observées une baisse de poids et une légère augmentation, non significative statistiquement, de l'in­cidence des lymphomes chez les mâles [3]. Aucune étude n'est disponible par inhalation ou par voie cutanée.

    L'exposition des rates, pendant la gestation et la lactation, jusqu'à 120 mg/kg/j ne prédispose pas leur descendance à développer un cancer de la prostate [15].

    Les études par voie orale, chez le rat, montrent que le bisphénol A n'exerce pas d'activité promotrice, jusqu'à des taux d'exposition relativement élevés, sur les cancers de la prostate, l'utérus, la thyroïde, les poumons, le foie, le thymus et l'œsophage [3, 15, 18, 19].

    Dans des études qui, cependant, comportent certaines faiblesses méthodologiques, de relativement faibles doses de bisphénol A (administré en sous-cutané) aug­mentent l'incidence des lésions pré-néoplasiques et néo­plasiques de la prostate induites par des hormones (œstradiol + testostérone) ainsi que le taux de lésions hyperplasiques et de carcinomes cribriformes de la glande mammaire induits par la N-nitroso-N-méthyle urée [20, 21].

    Effets sur la reproduction [1, 10]

    Les effets du BPA sur les organes reproducteurs mâles et femelles, liés à une exposition à l’âge adulte des rongeurs, se traduisent notamment par une diminution de la production de spermatozoïdes, une modification des concentrations en hormones sexuelles ou de la durée des cycles œstraux.

    De nombreux effets sur le développement, variables en fonction de la période d’exposition, ont été mis en évidence. Les effets sur le système reproducteur femelle, le développement cérébral, le métabolisme lipidique, le système immunitaire et la glande mammaire chez les petits sont avérés suite à des expositions pré- ou périnatales. Des effets sur le système reproducteur mâle, le comportement maternel, la thyroïde et l’intestin sont aussi suspectés, notamment suite à des expositions à la puberté ou à l’âge adulte. Des controverses subsistent toujours concernant par exemple les potentiels effets neurocomportementaux ou sur la prostate.

    Fertilité

    Chez le rat, le bisphénol A n'induit aucun effet sur la fertilité dans une étude sur 2 générations à faible dose (gavage, 0,2-200 μg/kg/j) ou sur 3 générations (gavage, 50 mg/kg/j). A plus forte dose (500 mg/kg/j), toxique pour les mères (perte de gain pondéral de 13 % et dégénérescence tubulaire rénale), il réduit la taille des portées pour les 3 générations [3]. Dans cette même espèce, une exposition au BPA à faibles doses (0,2-2-20 µg/kg/j par voie orale) pendant 5 semaines à l’âge adulte entraîne une altération de la production spermatique. De même, chez des rats mâles exposés par gavage à 5 ou 25 mg/kg pc/j de BPA pendant 40 jours (PND* 50 à 90), une diminution de la production de spermatozoïdes a été mise en évidence ; une augmentation du nombre de spermatozoïdes anormaux a été observée seulement à la plus forte dose [22].

    Des rats femelles âgés de 28 jours ont été exposés, pendant une semaine, à 10 - 40 ou 160 mg/kg pc/j de BPA, par injection intra-péritonéale (exposition pré-pubertaire). Une diminution à la fois du poids des ovaires et des concentrations sériques en progestérone est observée à partir de 40 mg/kg pc/j ; le nombre de follicules est quant à lui réduit dès 10 mg/kg pc/j [23].

    Chez la souris, le bisphénol A (étude 2 générations, gavage, ≥ 600 mg/kg/j) provoque, en absence de toxicité parentale, une baisse de la taille des portées et du nombre de petits vivants par portée. Les mâles de cette génération présentent une baisse du poids de l'épididyme, en relation avec la dose, sans conséquence pour la fertilité [3].

    Dans le rapport d’expertise collective de l’ANSES de 2011 [1], il est mentionné que les effets sur le système reproducteur femelle liés à une exposition à l’âge adulte (ex. nombre de sites d’implantation, remaniement histologique de la paroi utérine, morphologie du tractus génital,…) sont observés mais pour des doses bien supérieures au NOAEL retenu par l’EFSA pour établir sa DJT (i.e. 5 mg/kg pc/j). Toutefois, des études publiées depuis mettent en évidence l’apparition d’effets pour des concentrations inférieures :

    • Des rats femelles adultes ont été exposés à 0,001 ou 0,1 mg de BPA/kg pc/j, pendant 90 jours, par gavage. Une diminution des concentrations sériques en œstradiol (E2) est mesurée pour ces 2 doses, accompagnée d’une dégénérescence des cellules ovariennes (atrésie folliculaire accrue et régression lutéale). Les concentrations sériques de testostérone sont diminuées alors que celles de l’hormone lutéinisante (LH) sont augmentées. La durée du cycle est aussi augmentée aux 2 doses [24]Ces résultats démontrent une altération de l’activité stéroïdogène ovarienne, à l’origine d’une perturbation du cycle œstral chez les rongeurs adultes [25].
    • A la suite d’une exposition de souris femelles durant leurs trois 1ers cycles (50 µg/kg pc/j, gavage), aucun des paramètres étudiés liés à l’ovulation n’est altéré. Par contre, le pourcentage d’ovocytes fécondés est diminué [26].

    * PND : Post Natal Day

    Développement

    Les informations relatives aux effets sur le développement présentées ici sont issues des 2 rapports d’expertise collective de l’ANSES datant de 2011 et 2013 [1, 10]. Les effets sont classés par organe ou par système et selon le niveau de preuve relatif à chaque effet (avéré, suspecté, controversé) d’après les résultats des évaluations de l’ANSES. Les études publiées postérieurement aux travaux de l’ANSES ont été ajoutées pour chaque type d’effet, à l’exception de celles se rapportant aux effets déjà identifiés comme avérés. D’autres effets nouvellement documentés font l’objet d’un paragraphe séparé, mais n’ont pas fait l’objet d’une évaluation du niveau de preuve.

    Les dernières évaluations de l'ANSES recensent l'ensemble des effets sur les organismes en développement (allant jusqu'à la période pubertaire),  et sont rapportés le plus souvent à des doses inférieures au NOAEL de 5 mg/kg pc/j.

    Le BPA peut affecter plusieurs fonctions physiologiques et systèmes (altérations de la fonction reproductive, du développement de la glande mammaire, des fonctions cognitives et du métabolisme,…) chez les rongeurs, par l’intermédiaire de perturbations endocriniennes. Bien que les étapes touchées soient spécifiques à chaque effet, la perturbation des voies œstrogéniques entrainant une activité œstrogèno-mimétique est commune et semble impliquée dans chacun des effets listés [27]. Quelques rares études ont aussi mis en évidence la capacité du BPA à se lier aux récepteurs nucléaires aux androgènes, avec pour effet une activité anti-androgénique modérée. Par ailleurs, de nombreux autres récepteurs semblent pouvoir être activés par le BPA [27 ; 28].

     

    Effets sur le système reproducteur mâle

    • Effets suspectés : effets sur le système reproducteur mâle (diminution des concentrations plasmatiques de testostérone, modification du comportement sexuel), consécutifs à une exposition pendant la période pubertaire.
      • Des rats âgés de 4 - 5 semaines ont été exposés à 125 et 250 mg/kg pc/j de BPA, par gavage pendant 90 jours. Les atteintes testiculaires suivantes ont été rapportées : augmentation du poids des testicules à 125 mg/kg pc/j, diminution du nombre de spermatozoïdes à 250 mg/kg pc/j, diminution des concentrations sériques de testostérone et augmentation de celles de LH aux 2 doses, concomitante avec des dommages cellulaires au niveau des tubes séminifères (atrophie, congestion, vacuolisation des cellules de Sertoli, présence de débris cellulaires dans la lumière et dégénérescence) [29].
      • Chez des souris mâles âgés de 4 semaines exposées par gavage à 100 – 300 ou 600 mg/kg pc/j de BPA pendant 56 jours, le poids des testicules est diminué à la plus forte dose et des effets sur la spermatogenèse sont observés au microscope dès 100 mg/kg pc/j (irrégularité de la lame basale des tubes séminifères, dommages au niveau des jonctions entre les cellules de Sertoli) [30].
    • Effets controversés : effets sur le système reproducteur mâle suite à une exposition pendant les périodes d’exposition prénatale, néonatale et postnatale (lactation).
      • A la suite d’une exposition durant toute la gestation (souris, 50-500-2500 mg/kg pc/j, gavage), les mâles de la génération F1 présentent, à l’âge adulte, une diminution des taux de testostérone sérique dès 50 mg/kg. A cette dose, les testicules présentent une diminution du nombre de cellules de Leydig et une vacuolisation des cellules de Sertoli ; les tubes séminifères sont plus irréguliers, avec une lumière plus importante [31].
      • Des rates gestantes ont été exposées à 0-1-10 et 100 mg/kg pc/j de BPA, du 14ème au 21ème jour de gestation, par gavage. Chez leurs descendants mâles âgés de 21 jours, ont été observées : une diminution significative des taux sériques de testostérone (dès 1 mg/kg) et des hormones folliculo-stimulante (FSH) et lutéinisante (LH) (uniquement à 100 mg/kg pc/j), des atteintes des tubes séminifères (désorganisation aux 3 doses, atrophie à la plus forte dose), la présence d’un stress oxydatif (avec augmentation des espèces réactives de l’oxygène à 10 et 100 mg/kg pc/j) et une apoptose accrue aux 3 doses. A la plus faible dose, la densité spermatique et la motilité des spermatozoïdes sont diminuées et le taux de spermatozoïdes anormaux augmente[32].

     

    Effets sur le système reproducteur femelle

    • Effets avérés, à la suite d’expositions pré et postnatales : augmentation de la survenue de kystes ovariens, apparition d’hyperplasies de l’endomètre, avancement de l’âge de la puberté lors d’expositions prénatale et postnatale, allongement des cycles œstrauxeffets sur l’axe hypothalamo-hypophysaire-gonadotrope (variations des taux d’hormones sexuelles et de l’expression des récepteurs de ces hormones).

     

    Effets sur le cerveau et le comportement

    • Effets avérés : modifications du profil de neurodifférenciation, altérations des systèmes aminergique et glutamatergique, modifications de l’expression des récepteurs aux œstrogènes α et β, et du nombre de neurones sensibles à l’ocytocine et à la sérotonine ; effets sur le développement cérébral en lien avec une exposition pré ou périnatale .
    • Effets suspectés : modifications du comportement maternel en lien avec une exposition pré ou postnatale au BPA.
      • Des rates gestantes ont été exposées par gavage à 5 µg/kg pc/j de BPA du 1er jour de la gestation jusqu’à la fin de la lactation, les nouveau-nés étant ensuite exposés de leur sevrage (PND21) à l’âge adulte (PND100). Une diminution du temps passé à s’occuper des nouveau-nés est rapportée chez les femelles de la génération F1 [33].
    • Effets controversés : effets sur l’anxiété, le comportement exploratoire et le dimorphisme sexuel comportemental (i.e. féminisation comportemental des mâles issus de mères traitées), suite à une exposition pré ou périnatale.
      • Aucun effet sur l’anxiété ou le comportement exploratoire n’est rapporté chez des rats, à la suite d’une exposition des mères, pendant la gestation et la lactation, à 2,5-25 ou 2500 µg/kg pc/j de BPA [34].
      • Les activités motrices (reptation, retournement, redressement ou tremblement) ont été évaluées chez les nouveau-nés, à la suite d’une exposition au cours de la gestation (souris, gavage, du 5 au 18ème jour de gestation) à 2 – 20 ou 200 µg/kg pc/j de BPA. Pour toutes les doses, une augmentation des tremblements est observée, pour les 2 sexes, signe d’une hyperactivité motrice [35].
      • Des effets anxiogènes et des modifications du comportement exploratoire sont observés, à la suite de l’exposition des mères pendant la gestation et/ou la lactation, à de faibles doses de BPA (< 120 µg/kg pc/j, méta-analyse de 12 études par gavage, chez le rat et la souris) [36].

     

    Effets sur le métabolisme lipidique et glucidique et le système cardio-vasculaire

    • Effets avérés : augmentation de la lipidémie, tendance à la surcharge pondérale et une activation de la lipogenèse, suite à une exposition pré, périnatale ou à l’âge adulte.
    • Effets controversés : effets sur le métabolisme du glucose suite à une exposition pré ou périnatale.
      • L'exposition de rates à 40 µg/mg pc/j de BPA par gavage, pendant la gestation et la lactation (génération F0), (les générations F1 et F2 n’ayant plus été exposées par la suite), a entraîné une intolérance au glucose chez les nouveau-nés mâles de la génération F2, plus marquée que chez les nouveau-nés femelles.
      • Une exposition au BPA pré pubertaire (voie orale, PND 21 à 35 ; 0,25 – 2,5 – 25 ou 250 µg/kg pc/j), en plus d’une exposition périnatale (sous cutanée, à partir du 8ème jour de gestation jusqu’à la fin de la lactation), exacerbe les effets du BPA sur le poids corporel et la masse graisseuse des souris femelles à partir de 25 µg/kg pc/j ; chez les mâles, les différences semblent être moins importantes [37].
      • Des études récentes indiquent que ces effets peuvent impliquer les voies des œstrogènes (comme ERα ou ERβ) ou d’autres hormones impliquées dans l’insulinorésistance et la lipogénèse [25]. De plus, le pancréas apparait désormais comme une cible potentielle du BPA, les mécanismes impliqués différant selon que l’exposition se produit in utero ou à l’âge adulte ; les effets morphologiques et fonctionnels rapportés étant à l’origine d’altérations de la synthèse et/ou de la sécrétion d’insuline [27, 38].

     

    Effets sur la thyroïde

    • Effets suspectés : effet sur la fonction thyroïdienne en lien avec une exposition néonatale (sur une période correspondant à la maturation finale de l’axe hypothalamo-hypophyso-thyroïdien).
      • Des rates gestantes ont été exposées pendant la gestation à 20 ou 40 µg/kg pc/j de BPA (gavage, de GD1 à 20). Pour les 2 groupes, les concentrations sériques fœtales en thyroxine et triiodothyronine sont diminuées et celles de thyrotropine sont augmentées. Des altérations histopathologiques sont aussi observées au niveau de la thyroïde (prolifération de fibroblastes, hyperplasie, œdème ou dégénérescence) ; ces atteintes entrainent, notamment, la suppression de la sécrétion de l’hormone de croissance ou l’augmentation des niveaux en insuline et en facteur de nécrose tumorale [39].

     

    Effets sur le système immunitaire

    • Effets avérés : induction des lymphocytes T, et plus particulièrement des lymphocytes Th2, accompagnée de la surproduction des cytokines. Le déplacement observé de la réponse immunitaire est plutôt en faveur de l’induction d’un profil prédisposant à l’allergie (prolifération et activation de lymphocytes Th2 et synthèse de cytokines impliquées dans l’allergie).

     

    Effets sur l’intestin

    • Effets suspectés : effet pro-inflammatoire et diminution de la perméabilité intestinale dans la descendance femelle de mères traitées. Aucune nouvelle étude identifiée à la date de rédaction de la FT.

     

    Effets sur la prostate

    • Effets suspectés : lésions prostatiques de type PIN (néoplasie prostatique intraépithéliale), sans l’apparition d’adénocarcinome de la prostate, suite à une exposition néonatale. Aucune nouvelle étude identifiée à la date de rédaction de la FT
    • Effets controversés : effets sur le poids de la prostate. Aucune nouvelle étude identifiée à la date de rédaction de la FT.

     

    Effets sur le sein : cancérogénicité

    • Effets avérésaccélération de la maturation architecturale de la glande mammaire à l’âge adulte, en lien avec une exposition pré ou périnatale ; développement de lésions hyperplasiques intracanalaires en lien avec une exposition pré ou périnatale.
    • Effets suspectésdéveloppement de lésions de type néoplasique (CIS ; carcinomes intracanalaires) après une exposition périnatale ; augmentation de la susceptibilité des glandes mammaires à développer ultérieurement des tumeurs mammaires (lors de co-expositions avec un agent cancérogène) suite à une exposition pré ou périnatale.
      • A la suite d’une exposition du 6ème jour de gestation au PND 90 (rat, gavage, de 2,5 à 2700 µg/kg pc/j, puis 100 et 300 mg/kg pc/j), les nouveau-nés femelles présentent une hyperplasie des canaux à 2700 µg/kg pc/j et 100 mg/kg pc/j, accompagnée d’un nombre très limité d’adénocarcinomes mammaires (1 à la plus faible dose seulement) [40].

    Ces modifications augmentent la susceptibilité des glandes mammaires aux substances chimiques cancérogènes et le nombre de carcinomes canalaires in situ chez les rats exposés au BPA [25, 41]. Des récentes études épigénétiques* (études in vitro) rapportent que des modifications dans l’expression de gènes dépendants des œstrogènes et de gènes impliqués dans l’embryogénèse et le développement post-natal par le BPA peuvent être associées au développement anormal de la glande mammaire et à sa susceptibilité accrue au cancer, et plus généralement aux effets sur la reproduction[25, 42].

     

    Autres effets nouvellement documentés

    • Dans une étude récente, des rates gestantes ont été exposées à 2,5 - 25 – 250 – 2500 et 25 000 µg/kg pc/j de BPA par gavage, du 6ème jour de gestation à la délivrance, par gavage ; leurs portées ont ensuite été exposées aux mêmes doses pendant 6 mois. La descendance femelle présente, à 21 jours, une augmentation de l’incidence des cardiomyopathies et de leur gravité dès 25 µg/kg pc/j [43].
    • Des tumeurs hépatiques sont rapportées chez des souris exposées en période périnatale, via la nourriture, à 50 ng, 50 µg ou 50 mg/kg de nourriture (avec une relation dose réponse) [44].
    • Des rates gestantes ont été exposées à 50 µg/kg pc/j de BPA, par gavage, durant toute la gestation et la lactation. Une augmentation des taux sériques d’ALAT est observée chez les descendants âgés de 15 et 21 semaines, de même qu’une augmentation du nombre d’hépatocytes en apoptose [45]. 
    • Le BPA semble aussi être un facteur de risque neurodégénératif via une perturbation des voies de signalisation de l’insuline (100 µg/kg/j, injection sous-cutanée, du 6ème jour de gestation au PND 21), en contribuant à augmenter la présence de protéine tau et de protéine précurseur de l’amyloïde dans le cortex cérébral de souris exposées, [46].
    • Des rates gestantes ont été exposées à 0-0,025-0,25-5 ou 50 mg/kg pc/j de BPA, du 7ème jour de gestation au 22ème jour après la naissance, par gavage. Un effet sur le développement sexuel prénatal a été observé, caractérisé par une diminution de la distance ano-génitale mesurée chez les nouveau-nés mâles à partir de 0,250 mg/kg, et chez les nouveau-nés femelles dès 0,025 mg/kg [47].
    • Des rates gestantes ont été exposées à 0,1 et 1,2 mg/kg pc/j de BPA dans l'eau de boisson, du 6ème jour de gestation jusqu'au sevrage des petits. Aucune différence d'âge à la puberté ou de distance anogénitale à la naissance n'est observée, dans ces conditions d'exposition [48].

    * Epigénétique : ensemble des modifications réversibles et héritables impliquées dans la modulation de l’expression des gènes, sans altération de la séquence nucléotidique.

    Effets pertubateurs endocriniens

    Le BPA peut affecter de nombreuses fonctions physiologiques et systèmes par l’intermédiaire de perturbations endocriniennes, principalement oestrogèno-mimétiques voire anti-androgéniques. Par ailleurs, de nombreux autres récepteurs semblent pouvoir être activés par le BPA. Ces effets sont détaillés au niveau des rubriques « Effets sur la reproduction chez l'animal et chez l'homme ».

    Le BPA a été identifié en 2017 comme substance très préoccupante par le Comité des états membres de l’Agence européenne des produits chimiques en raison de ses propriétés « perturbateur endocrinien » pour la santé humaine et l’environnement (voir la rubrique « Réglementation »).

  • Toxicité sur l’Homme

    Les données sur les effets du bisphénol A chez l’Homme sont insuffisantes pour conclure de manière définitive. Des effets irritatifs ainsi que des cas de sensibilisation cutanée ont été rapportés. En cas d’exposition chronique, des effets cardiovasculaires, notamment coronariens sont suspectés, de même que des risques de survenue d’un diabète de type 2 et d’une atteinte des fonctions hépatique et thyroïdienne. Par ailleurs, en cohérence avec les données issues de l’expérimentation animale, des préoccupations concernent d’éventuels effets sur la reproduction, en particulier sur la fertilité, ainsi que la survenue de cancers hormonodépendants.

    Toxicité aiguë [2, 3, 6]

    On ne dispose pas d'information sur la toxicité aiguë chez l'Homme. Au vu de la faible toxicité du BPA chez l'animal, il est probable que les effets soient limités et uniquement à forte dose.

    Des rapports anciens indiquent la possibilité d'une irritation cutanée chez des salariés exposés de façon prolongée au bisphénol A dans des opérations d'ensachage. Les poussières de bisphénol A pourraient également entraîner une irritation des muqueuses respiratoires et oculaires.

    Des salariés exposés à des résines époxydiques ou à des gants en PVC haute densité contenant du bisphénol A ont présenté des réactions allergiques cutanées avec, pour certains, des patchs tests positifs à ce composé. La responsabilité de cette seule substance dans la survenue de l'allergie n'est toutefois pas clairement établie.

    Toxicité chronique

    Les études concernant les effets du bisphénol A dans le cadre d’expositions chroniques en milieu professionnel sont peu nombreuses.

    Dans une étude chinoise publiée en 2012 [49], réalisée sur 28 salariés d'une entreprise de production de résine époxydique, une corrélation a été mise en évidence entre les concentrations urinaires de BPA total (libre et conjugué) et les taux sériques de T3 libre. Les concentrations de BPA les plus élevées étaient associées aux taux de T3 libre les plus élevés (relation dose-réponse linéaire, p<0,001). La moyenne géométrique des concentrations urinaires de BPA était de 31,96 µg/g créatinine (4,61 à 1253,69), ce qui constitue un niveau élevé au regard des valeurs de Bisphénol A total urinaire publiées en population générale (valeur au 95ème percentile < 9,3 µg/L soit < 7,7 µg/g. de créatinine [50]. Ceci suggère une atteinte de la fonction thyroïdienne chez les salariés exposés à de fortes doses de BPA.

    Dans une étude cas-témoins américaine publiée en 2014 [51, réalisée chez 1154 infirmières (cas : 577 salariées diabétiques ; témoins : 577 salariées non diabétiques ; âge moyen : 45,6 ans), les concentrations urinaires de bisphénol A total (libre et conjugué) les plus élevées étaient associées à l’existence d’un diabète de type 2, après ajustement sur l’index de masse corporelle. Cette association n’était pas observée dans une cohorte de 787 infirmières (394 diabétiques et 393 non diabétiques) plus âgées (âge moyen : 65,6 ans). Ces données sont à interpréter avec prudence en raison notamment de potentiels biais liés à l’évaluation de l’exposition au bisphénol A à l’aide d’un prélèvement urinaire unique. Par ailleurs, aucune information concernant l’origine (professionnelle et/ou environnementale) de la contamination des infirmières par le bisphénol A n’est disponible dans cette publication.

    Par ailleurs, certaines études en population générale ont mis en évidence une relation entre les taux urinaires de bisphénol A des sujets et le risque de survenue de diabète de type 2, d'obésité, d’atteintes de la fonction hépatique ou d'affections cardio-vasculaires (maladies coronariennes, hypertension artérielle) [10, 52]. Les résultats de ces études devront être confirmés, notamment par des études de cohorte.

    Effets génotoxiques

    Aucun effet génotoxique n'a été mis en évidence chez l'homme à la date de publication de cette fiche.

    Effets cancérogènes

    Dans un article de 2007, Keri [53] indique qu'il est vraisemblable que les substances qui, comme le bisphénol A, possèdent un potentiel œstrogénomimétique puissent induire une augmentation du risque de certains cancers hormonodépendants (seins, prostate) en cas d'exposition durant la période néonatale.

    Les quelques données actuellement disponibles chez l’Homme en population générale (ne concernant pas spécifiquement des sujets exposés professionnellement) sont insuffisantes pour corroborer cette affirmation :

    Dans une étude clinique transversale américaine publiée en 2014 [54], réalisée chez 60 patients (27 patients atteints d’un cancer de la prostate et 33 patients ne présentant pas de cancer de la prostate) ayant consulté dans une clinique d’urologie, les patients atteints d’un cancer de la prostate avaient des concentrations urinaires de bisphénol A total significativement (p<0,012) plus élevées que les patients du groupe témoin. Les moyennes géométriques des taux de bisphénol A urinaire étaient de 5,74 µg/g créatinine (IC 95% : 2,63-12,51) chez les patients atteints d’un cancer de la prostate et de 1,43 µg/g créatinine (IC 95% : 0,70-2,88) chez les patients appartenant au groupe témoin. Ces résultats sont à interpréter avec prudence compte tenu notamment du faible effectif de l’étude et doivent être confirmés par d’autres travaux.

    Une autre étude américaine [55] publiée en 2017 dans le cadre du programme de surveillance NHANES (National Health and Nutrition Examination Survey), réalisée chez 2828 femmes (97 femmes atteintes d’un cancer du sein et 2731 témoins) âgées de 20 ans et plus, n’a pas mis en évidence d’association entre les taux urinaires de bisphénol A total (libre et conjugué) et la survenue de cancers du sein. De même, une étude cas-témoins coréenne plus ancienne et présentant des limites méthodologiques importantes [56], réalisée chez 70 femmes atteintes d’un cancer du sein et 82 témoins, n’a pas permis de mettre en évidence de différence significative entre les taux de bisphénol A sanguin entre les cas et les témoins.

    Effets sur la reproduction
    • Fertilité

    Une étude réalisée en Chine [57, 58] a montré différents effets sur la fonction reproductrice masculine chez 230 salariés exposés au bisphénol A (plus de 284 témoins) dans des usines de production ou de fabrication de résines époxy. Des différences significatives par rapport à des sujets non exposés sont observées sur les fonctions sexuelles (désir, érection...) ; ces différences persistent après prise en compte des facteurs de confusion (tabac, alcool, autres expositions). Cette étude est basée sur des données obtenues par questionnaire et il faut noter un nombre important de refus de participation. Un autre volet de l'étude a mis en évidence (sur un nombre réduit de sujets : 218 volontaires / 514 salariés) des modifications spermatiques : diminution du nombre, de la motilité et de la vitalité des spermatozoïdes. Ces anomalies apparaissent en relation avec la teneur en bisphénol A total urinaire.

     

    Trois études chinoises publiées en 2015, réalisées dans le secteur de la production de résines époxy ont cherché à déterminer l’influence de l’exposition professionnelle au bisphénol A sur les taux de certaines hormones sexuelles. La première [59], réalisée chez 281 salariés exposés à des poussières de bisphénol A (concentrations dans l’atmosphère de travail > 20 mg/m3, soit > 2 fois la VLEP 8h) et 278 non exposés, a mis en évidence une concentration sérique médiane de bisphénol A (libre et conjugué) significativement plus élevée chez les salariés exposés que chez les non exposés (18,75 µg/L [ND-98,5] versus 3,37 µg/L [ND-28,4], p<0,001). La concentration sérique de globuline liant les hormones sexuelles (SHBG) était significativement augmentée et la concentration sérique d’androstènedione significativement diminuée chez les salariés présentant un taux de bisphénol A supérieur à 18,75 µg/L comparativement aux salariés dont le taux sériques de bisphénol A était inférieur ou égal à 18,75 µg/L. Aucune association statistiquement significative n’a été mise en évidence entre les taux sériques de bisphénol A et ceux de testostérone et d’inhibine B. La seconde étude [60], réalisée chez 165 salariés exposés au bisphénol A et 427 non exposés, a mis en évidence une concentration urinaire médiane de bisphénol A (libre et conjugué) significativement plus élevée chez les salariés exposés que chez les non exposés (685,9 µg/g créatinine [43,7-3671,8] versus 4,2 µg/g créatinine [ND-15,9], p<0,001). Il existait une association positive entre la concentration urinaire de bisphénol A et les taux sériques de prolactine, d’œstradiol et de SHBG, ainsi qu’une association négative entre la concentration urinaire de bisphénol A et les taux sériques d’inhibine B. La troisième étude [61], réalisée chez 106 salariées exposées au bisphénol A et 250 non exposées a mis en évidence une concentration urinaire médiane géométrique de bisphénol A (libre et conjugué) significativement plus élevée chez les salariées exposées que chez les non exposées (22,2 µg/g créatinine [12,4-39,8] versus 0,9 µg/g créatinine [0,7-1,1], p<0,0001). Les salariées les plus exposées par voie respiratoire (> 5 mg/m3) au bisphénol A présentaient des taux sériques d’œstradiol significativement plus élevés (3,87 +/- 0,41 µg/L versus 3,5 +/- 0,43 µg/L, p<0,05) et de LH sérique significativement diminués (1,27 +/- 0,84 UI/L versus 1,75 +/- 0,93 UI/L, p<0,05) par rapport aux salariées les moins exposées (<5 mg/m3). Il existait une association positive entre la concentration urinaire de bisphénol A et, d’une part les taux sériques de prolactine et de progestérone chez les exposées et les non exposées (statistiquement significative), et d’autre part les taux sériques d’œstradiol chez les exposées (limite de la significativité). Les auteurs de ces 3 dernières études émettent l’hypothèse d’un lien entre l’exposition au bisphénol A et l’infertilité masculine et féminine, par un mécanisme de perturbation endocrinienne. Des études complémentaires sont nécessaires pour confirmer cette hypothèse.

     

    Dans une étude américaine publiée en 2013 [62], réalisée chez 154 patientes traitées pour infertilité, une association significative entre les concentrations urinaires de bisphénol A (moyenne géométrique : 1,6 +/- 2 µg/L ; la nature de la fraction de bisphénol A dosée, totale, libre ou conjuguée n’est pas précisée) et la diminution de la réserve folliculaire ovarienne a été mise en évidence (diminution du nombre de follicules antraux de 12, 22 et 17 % pour les 2ème, 3ème et 4ème quartiles de bisphénol A urinaire respectivement, comparativement au 1er quartile). Une autre étude publiée en 2010 [63] avait mis en évidence des troubles de la maturation ovocytaire (diminution du nombre d’ovocytes après stimulation ovarienne et altération de la qualité des ovocytes collectés) chez la femme dans un contexte de procréation médicalement assistée. Aucune information n’était disponible concernant les expositions professionnelles des participantes à cette étude [10].

     

    Dans une étude cas-témoins italienne récente [64], réalisée chez 128 femmes dont 68 patientes atteintes d’endométriose, la concentration urinaire moyenne de bisphénol A total (libre et conjugué) était significativement plus élevée chez les patientes atteintes d’endométriose que dans le groupe témoin (5,31 µg/L +/- 3,36 [1,17-12,68] versus 1,64 µg/L +/-0,49 [1,28-2,35], p=0,001). Toutefois, la prise en compte de l’activité professionnelle des participantes a permis de mettre en évidence une proportion plus faible de femmes souffrant d’endométriose dans le groupe des femmes exposées professionnellement au bisphénol A. Aucune analyse statistique par type d’activité professionnelle n’a pu être réalisée compte tenu du faible effectif de l’étude. Cette étude n’est pas suffisante pour affirmer le lien entre l’exposition au bisphénol A et la survenue d’une endométriose.

     

    Dans une étude cas-témoins iranienne publiée en 2016, réalisée chez 124 vendeuses en hypermarchés [65] (groupe des cas : 62 femmes atteintes du syndrome des ovaires polykystiques exposées au bisphénol A via la manipulation de tickets thermiques ; groupe des témoins : 62 femmes en bonne santé non exposées professionnellement au bisphénol A). Les taux sériques moyens de bisphénol A (concentrations très faibles) étaient significativement plus élevés dans le groupe des salariées exposées professionnellement au bisphénol A que dans le groupe des témoins (0,48 µg/L +/- 0,08 versus 0,16 µg/L +/- 0,04, p<0,001) et étaient associés à une augmentation des taux sériques de cholestérol, de triglycérides et du rapport LH/FSH, ainsi qu’à une diminution de taux sériques de TSH. La responsabilité de l’exposition au bisphénol A dans la survenue du syndrome des ovaires polykystiques ne peut être affirmée sur ces seules données.

     

    • Développement

    Une étude publiée en 2005 [66], réalisée sur un groupe de 45 femmes présentant des antécédents d'avortements spontanés à répétition (entre 3 et 11) au cours du 1er trimestre de grossesse, a mis en évidence chez ces femmes un taux élevé de bisphénol A plasmatique. Leur taux était en moyenne de 2,59 ± 5,23 µg/L, alors que celui des 32 femmes du groupe témoin était de 0,77 ± 0,38 µg/L. Cette étude présente des faiblesses méthodologiques qui rendent très difficile l’interprétation des résultats. Aucune information n’est disponible concernant les éventuelles expositions professionnelles des participantes à l’étude.

    Une méta-analyse récente [67] a été réalisée à partir des données individuelles concernant près de 134 000 couples mère-enfant issus de 13 cohortes européennes. L’objectif de cette étude était d’identifier d’éventuelles associations entre les expositions professionnelles de salariées enceintes à diverses substances et la durée de gestation et/ou le poids de naissance. Concernant les femmes potentiellement exposées professionnellement au bisphénol A (à partir des emplois déclarés par les salariées et l’utilisation d'une matrice emplois-expositions, aucun dosage réalisé), seule une augmentation significative de la durée de la gestation (augmentation moyenne de 3,9 jours, IC 95 % : 0,7-7,1, p<0,05) a été mise en évidence. La portée de ces résultats est cependant limitée compte tenu du fait que l’analyse ne porte que sur 59 couples mère-enfant.

    Plusieurs études réalisées en population générale sur des couples mère-enfant [68 à 71] suggèrent un lien entre l’exposition environnementale au bisphénol A, évaluée sur la base de l’analyse de la concentration maternelle urinaire de bisphénol A total (libre et conjugué) au cours de la grossesse, et la survenue de troubles neurocomportementaux (troubles anxio-dépressifs, hyperactivité, inattention) chez l’enfant à différents stades du développement postnatal. Ces études sont à interpréter avec prudence compte tenu de la présence de nombreux biais méthodologiques, relatifs notamment à l’évaluation de l’exposition et à l’absence de prise en compte de facteurs confondants.

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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