Généralités sur la substance
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Nom de la substance
Organophosphorés -
Famille chimique
Pesticides organophosphorés -
Numéro CAS
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Fiche(s) toxicologique(s)
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Renseignements utiles pour le dosage Diéthylphosphate urinaire
Valeurs d’imprégnation en population générale adulte
Valeurs biologiques d’interprétation établies pour les travailleurs
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VBI françaises (VLB règlementaire, VLB ANSES)
---------valeur non déterminée--------- -
VBI européennes (BLV)
--- valeur non déterminée --- -
VBI américaines de l'ACGIH (BEI)
---------valeur non déterminée--------- -
VBI allemandes de la DFG (BAT, EKA, BLW)
---------valeur non déterminée---------
Moment du prélèvement
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Dans la journée
fin de poste -
Dans la semaine
indifférent
Facteur de conversion
- 1 µmol/L = 154 µg/L
Coût du dosage
- GC-MS/MS : 100 €
- LC-MS/MS : 108 €
Laboratoires effectuant ce dosage
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Laboratoires par région
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Spécificités
Renseignements utiles pour le choix d'un indice biologique d'exposition
Toxicocinétique - Métabolisme
Il existe une mention de l'ACGIH et de la DFG signalant le risque de passage percutané pour certains composés.
Facilement absorbés par voies cutanée et respiratoire (aérosols) et de façon accidentelle par voie digestive, les organophosphorés se distribuent principalement dans les graisses, le foie et les reins, mais aussi dans le système nerveux.
Les organophosphorés (OP) sont d'emblée actifs, quand il s'agit d'esters phosphoriques. Ils doivent être d'abord activés en esters phosphoriques quand ce sont initialement des esters thiophosphoriques. Ils sont rapidement métabolisés dans le foie par des estérases et parfois d'autres systèmes enzymatiques, en particulier des monooxygénases à cytochrome P450. Les cinétiques de leur absorption, de leur distribution, de leurs biotransformations et de leur élimination dépendent du composé impliqué.
Les principaux métabolites urinaires sont des dialkylphosphates, des dialkylthiophosphates et des dialkyldithiophosphates, mais aussi des dérivés phénoliques. Pour la plupart des organophosphorés, environ 80 à 90 % de la dose absorbée sont éliminés dans les 48 heures principalement dans les urines et un peu les selles. Pour certains composés comme le chlorpyriphos, la demi-vie d'élimination après administrations orale et cutanée est de 15 et 30 heures respectivement.
La plupart des effets des organophosphorés résultent de l'inhibition de l'activité de l'acétylcholinestérase au niveau des synapses des neurones du système nerveux. L'activité de l'acétylcholinestérase peut être mesurée dans les hématies. D'autres estérases comme la butyrylcholinestérase sont également inhibées mais cette inhibition n'est pas responsable des troubles observés lors des intoxications par les organophosphorés.
La demi-vie des butyrylcholinestérases est de 11 jours environ, celle des acétylcholinestérases intraérythrocytaires de 120 jours environ.
Indicateurs biologiques d'exposition
Pour certains organophosphorés, le dosage sanguin du produit lui-même a été proposé.
Le dosage des dialkylphosphates, des dialkylthiophosphates et des dialkyldithiophosphates : diméthylphosphate (DMP), diéthylphosphate (DEP), diméthylthiophosphate (DMTP), diéthylthiophosphate (DETP), diméthyldithiophosphate (DMDTP), diéthyldithiophosphate (DEDTP), dans les urines de fin de poste (ou début du poste suivant) est un témoin qualitatif de l'exposition à la plupart des insecticides organophosphorés, reflet de l'exposition des derniers jours. Aucune corrélation claire entre les taux urinaires d'alkylphosphates et l'inhibition de l'activité des cholinestérases n'a été démontrée. La concentration urinaire des alkylphosphates et des alkylthiophosphates est un paramètre d'un intérêt médiocre pour la surveillance de l'exposition professionnelle à un agent insecticide donné, car il n'est pas spécifique (par exemple le DETP est un métabolite commun au chlorpyrifos, au diazinon, au coumaphos, au sulfotep) et la corrélation entre l'exposition et la concentration urinaire n'est établie que pour certaines matières actives (ex. : ométhoate).
Pour évaluer l'exposition percutanée de la veille, le prélèvement sera effectué avant le poste, le lendemain.
Cet indicateur est aujourd'hui surtout employé pour caractériser l'exposition alimentaire et environnementale aux esters phosphoriques ; des taux d'alkylphosphates urinaires non nuls sont retrouvés dans la population générale, le DMP étant quantitativement le plus important et le DMTP le plus fréquemment quantifié. Ils sont de plus soumis à une grande variabilité (rôle de l'âge, du poids, du sexe, de l'alimentation, de l'usage d'insecticides et des saisons...).
Les médianes des concentrations urinaires de DMP, DEP, DETP et DEDTP mesurées en fin de poste en période d'application d'OP chez des applicateurs de pesticides en Grèce sont de 8,6 / 56,5 / 731,6 / 0,2 µg/L respectivement. La médiane de la somme des dialkylphosphates est de 869,5 µg/L en fin de poste.
Chez 38 agriculteurs thaïlandais (exposés au chlorpyrifos et profenofos), des prélèvements urinaires réalisés à 3 moments, le matin avant le poste le jour de l'application d'OP et les 2 jours suivants, montrent que les concentrations urinaires de métabolites diéthylphosphates sont les plus élevées le lendemain de l'application : moyennes géométriques de 1 / 4,4 / 0,3 µg/L pour le DEP / DETP / DEDTP respectivement.
Pour une exposition au phosphate de tributyle, la Commission allemande a fxé une valeur BAR (valeur de référence dans la population en âge de travailler non professionnellement exposée) de 2 µg/L en fin de poste pour le di-n-butylphosphate urinaire.
Les activités des cholinestérases plasmatiques et intraérythrocytaires, sont les indicateurs utilisés pour la surveillance des travailleurs exposés aux OP, témoins des effets des expositions cumulées des semaines précédentes ou d'une surexposition aiguë. Ces paramètres sont complémentaires, certaines substances inhibant préférentiellement les cholinestérases intraérythrocytaires ou les butyrylcholinestérases plasmatiques.
Pour ces 2 indicateurs, l'ACGIH recommande de déterminer avant exposition, pour chaque travailleur (du fait de la grande variabilité interindividuelle), au moins une fois par an, l'activité cholinestérasique de base comme la moyenne de deux dosages, à au moins 3 jours d'intervalle, après une période sans exposition d'au moins 30 jours. Un retrait du poste est recommandé jusqu'au retour de l'activité à plus de 80 % du niveau de base.
Pour l'activité de l'acétylcholinesérase intraérythrocytaire, la Commission allemande DFG a proposé une valeur BLW correspondant à la réduction de l'activité à 70 % de la valeur de référence, en fin de poste, après plusieurs postes en cas d'exposition au long cours (valeur plafond en raison des effets de toxicité aiguë) (valeur BLW, DFG 2023). La mesure individuelle de l'activité avant exposition doit être utilisée comme valeur de référence. La valeur BLW est établie en l'absence de données suffisantes pour proposer une valeur BAT (Voir document Signification des principales VBI).
La corrélation entre baisse des cholinestérases et effets toxiques n'est pas toujours bonne car ces derniers dépendent de l'importance de la chute des cholinestérases mais aussi de la rapidité de cette chute. Le dosage des cholinestérases plasmatiques et intraérythrocytaires est utilisé comme test de dépistage, témoin des effets des expositions cumulées des semaines précédentes. Ce dosage est le meilleur test pour la détection des effets aigus.
Le dosage de l'acétylcholinestérase érythrocytaire (AChE) est le meilleur indicateur de l'inhibition de l'acétylcholinestérase dans les hématies, mais aussi un bon indice de l'activité cholinestérasique des autres tissus (notamment nerveux) et le meilleur reflet des effets sur la santé. D'autres substances comme certains métaux lourds (plomb, cadmium...), les HAP, certains pesticides (pyréthrine, paraquat) sont susceptibles d'inhiber les AChE.
Le dosage de la butyrylcholinestérase plasmatique ou sérique (BuChE ou cholinestérase plasmatique ou pseudocholinestérase) est souvent préféré parce que l'activité de la BuChE varie parallèlement à celle de l'AChE et que la conservation des prélèvements plasmatiques pour ce dosage est plus facile ; ce paramètre est cependant moins spécifique que l'activité de l'AChE. Il peut être utilisé comme témoin de la baisse des AChE à condition de connaître les limites de sa valeur prédictive : aux faibles doses, les OP n'inhibent pas également ces deux enzymes.
Il existe une grande variabilité intra-individuelle des taux des BuChE (coefficient de variation de 3 à 46 %), de nombreuses possibilités d'erreurs (contamination de l'échantillon, stockage trop long de l'échantillon, variations induites par les techniques de dosage ou par les laboratoires plus ou moins expérimentés), une variabilité inter-individuelle (de nombreux facteurs entraînent une diminution de l'activité des cholinestérases plasmatiques : poids, âge, insuffisance hépatocellulaire, médicaments comme les antiglaucomateux et les antimyasthéniques) et surtout plusieurs phénotypes d'activité des BuChE dans la population générale : les homozygotes UU ayant une activité BuChE forte, les hétérozygotes UA ayant une activité intermédiaire (75 % environ de l'activité du groupe UU).
L'activité de l'estérase NTE (Neuropathy target esterase) ou estérase neurotoxique mesurable dans les lymphocytes circulants, peut être inhibée lors de l'exposition aux organophosphorés, de manière non spécifique. Peu de données sont disponibles, notamment sur la relation entre l'activité de la NTE mesurée dans les lymphocytes et la NTE présente dans différents tissus du système nerveux. La Commission allemande propose une valeur BAT pour l'inhibition de l'activité de la NTE, prélèvement en fin poste, après plusieurs postes en cas d'exposition au long cours, sans valeur chiffrée (valeur BAT, DFG 2023). La mesure individuelle de l'activité avant exposition doit être utilisée comme valeur de référence.
Interférences - Interprétation
L'activité cholinestérasique de base individuelle sera déterminée avant exposition comme la moyenne de deux dosages, à au moins 3 jours d'intervalle, après une période sans exposition d'au moins 30 jours, selon la même méthode et par le même laboratoire (une différence de moins de 20 % entre les 2 résultats devra être trouvée). Les mesures ultérieures, après exposition, peuvent être exprimées en pourcentage de l'activité enzymatique de base individuelle ou en pourcentage d'inhibition (par exemple, 70 % de l'activité de base individuelle correspond à 30 % d'inhibition de l'activité). Une diminution en dessous de 70 % de l'activité de base pour l'AChE (60 % pour la BuChE) ou la présence de signes cliniques (quel que soit le niveau d'activité) impose une éviction jusqu'au retour à 80 % de l'activité de base. Le délai du retour à la normale est variable selon les composés (quelques jours, en moyenne 1 % par jour).
Si le niveau de base des BuChE et/ou AChE est inconnu, un dosage simultané BuChE et AChE peut être utile à l'interprétation des résultats :
L'activité des BuChE diminue plus rapidement que celle des AChE et revient à la normale plus rapidement ;
- si les deux sont diminuées, la contamination par les OP est probable ; faire une épreuve d'éviction du risque d'au moins 3 semaines ce qui confirmera l'hypothèse si les deux enzymes se normalisent ;
- s'il persiste une discordance (AChE normales, BuChE basses), la contamination par les OP est possible car certains OP inhibent plutôt les BuChE que les AChE ; faire une épreuve d'éviction du risque d'au moins 3 semaines :
* si les BuChE se normalisent, la contamination est très probable ;
* si les BuChE restent basses, il faut éliminer certaines pathologies (bilan hépatique) et rechercher secondairement un phénotype anormal (test à la dibucaïne).
Dans l'interprétation des résultats des dosages, il faudra impérativement tenir compte de l'absorption percutanée, de l'exposition à d'autres pesticides type carbamates, ou à certains médicaments à action anticholinergique.
Il est nécessaire de faire appel à des laboratoires expérimentés participant à des contrôles de qualité externes, utilisant la même technique de dosage, et si possible, au même laboratoire. Lors du prélèvement d'AChE, il faut éviter d'agiter le prélèvement afin de prévenir l'hémolyse et le délai entre le prélèvement et le dosage ne doit pas être trop long (< 48 heures). Le prélèvement sera conservé dans un endroit sec à l'abri de la lumière.
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Historique
| Création de la fiche | 2003 |
| Dernière mise à jour
| 2023 |