L’aide à domicile, un travail à la marge ? Les frontières de l’organisation du travail du care dans le secteur marchand de l’aide aux personnes.

Notre communication concerne l’organisation du travail dans le secteur marchand de l’aide à domicile. Ce secteur, où le service se négocie entre souhaits du bénéficiaire, règles marchandes et droit du travail, permet d’assurer a priori un minimum de qualité de conditions de travail et d’emploi.
À partir de l’analyse en immersion de la division du travail entre le personnel d’agence qui organise et coordonne les prestations et les intervenantes à domicile (IAD) qui les réalisent en lien avec les bénéficiaires, nous montrerons comment les frontières des prestations se réagencent en permanence aux marges des prescriptions, conditionnant ainsi tant la qualité des prestations que la santé et la sécurité du personnel. Le compromis s’opère au prix d’un intense et subtil travail d’articulation peu visible et reconnu. Si le personnel d’encadrement relève classiquement d’une sociologie des professions intermédiaires pris dans des injonctions paradoxales, la problématique du contrôle à distance d’une activité de service dynamique constitue une gageure pour ces cadres de proximité. De leur côté, au-delà du contrat de prestation, les IAD se trouvent aussi soumises à une problématique de co-construction quant aux frontières de leur activité avec les bénéficiaires. Dans ces « zones grises du salariat », alors que l’aide à domicile parait souffrir d’un défaut de professionnalisation, oscillant dans les représentations collectives entre activité de ménage, « petit boulot » et travail du care, il ressort surtout de multiples négociations avec l’agence et le client pour être tenable. Dans cette triade entre l’IAD, l’agence et le bénéficiaire qui conditionne la prestation, nous regarderons donc comment s’établit la contractualisation du service et comment chacun essaie de se ménager une autonomie dans son travail, en jouant justement sur les marges et les frontières pour tenir dans la durée.
La communication s’appuiera sur une observation longue menée en 2019 au sein de deux agences comparables d’un même réseau national d’aide à domicile regroupant une vingtaine de succursales et une quarantaine de franchises et employant un peu plus de 2000 salariés. Nos propos se fondent sur 41 jours d’enquête passés dans deux villes différentes avec 20 jours à temps complet dans chacune des deux agences. Notre méthodologie qualitative a d’abord consisté à bien saisir les prestations, en faisant des entretiens et en accompagnant à domicile 23 IAD. Ensuite, elle repose sur l’observation de l’activité en agence (les échanges entre les membres encadrants, avec les IAD et avec les clients-bénéficiaires). Enfin, elle a été complétée par des entretiens avec des membres de la direction. De fait, nous disposons de plus de 328 h d’observation et plus de 63 heures d’entretien qui permettent d’apprécier la présence et l’entretien d’une culture organisationnelle de prévention.