Vers une utilisation systématique des biomarqueurs d'effets dans la biosurveillance en population générale et professionnelle

Les biomarqueurs d'effets peuvent être utilisés pour élucider les relations entre l'exposition aux produits chimiques et les effets sanitaires, mais ils sont souvent sous-utilisés, car les mécanismes biologiques sous-jacents ne sont pas toujours compris. Notre objectif est de fournir un aperçu des biomarqueurs d'effets disponibles pour le suivi des expositions aux substances chimiques dans les populations générales et professionnelles, et de mettre en évidence leur potentiel pour le suivi des populations exposées à des mélanges chimiques. Nous discutons également du rôle adverse outcome pathways (AOP) et de la modélisation pharmaco-cinétique pour renforcer la compréhension du mécanisme biologique des biomarqueurs d'effets, et en particulier pour une utilisation de ces biomarqueurs dans les évaluations de risque. Un réseau interdisciplinaire d'experts de la Société internationale pour la science de l'exposition (ISES Europe) et en biosurveillance professionnelle de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a travaillé ensemble pour cartographier les biomarqueurs d’effet et formuler des recommandations pour leur utilisation systématique. Nous avons résumé ici les principaux aspects de ce travail et les avons discutés en trois parties. Partie I, nous inventorions les biomarqueurs d'effets disponibles et les nouveaux biomarqueurs prometteurs pour la population générale sur la base de l'initiative H2020 Human Biomonitoring for Europe (HBM4EU). Partie II, nous fournissons un aperçu de l'utilisation des AOP et de la modélisation pour améliorer la sélection et l'interprétation des biomarqueurs d'effets. Dans la troisième partie, nous décrivons l'expertise acquise au sein de l’OCDE pour hiérarchiser les modes d'action pertinents et les biomarqueurs d'effets appropriés. De plus, nous proposons une approche d'évaluation des risques à plusieurs niveaux pour la biosurveillance professionnelle.
Plusieurs biomarqueurs d'effets, en particulier pour une utilisation en milieu professionnel, sont validés. Ils offrent une évaluation directe des risques sanitaires globaux associés à l'exposition aux produits chimiques et aux mélanges chimiques. De nouveaux biomarqueurs apparaissent prometteurs pour la biosurveillance de la population générale. Des efforts sont consacrés à la priorisation des biomarqueurs d'effets moléculaires et biochimiques qui peuvent fournir un lien de causalité dans les associations exposition-effet sur la santé. Cette approche mécanistique a un grand potentiel pour améliorer l'évaluation des risques en santé humaine. De nouvelles techniques telles que les méthodes in silico (par exemple, la modélisation QSAR, PBK) ainsi que les données «omiques» faciliteront ce processus.
Notre revue multidisciplinaire représente un point de départ pour améliorer l'identification des biomarqueurs d'effets et des voies. Cela peut permettre d’hiérarchiser la mise en œuvre des biomarqueurs d'effet et de définir des valeurs limites pour les mélanges chimiques d'une manière plus structurée. Plusieurs biomarqueurs ex vivo ont été proposés pour évaluer les effets combinés comme par exemple la génotoxicité et la xéno-œstrogénicité. Il existe un besoin réglementaire de dériver des valeurs biologiques d’action en utilisant les connaissances croissantes issues des AOP. Une telle stratégie mécanistique pourrait réduire les différences observées entre différentes réglementations. Elle pourrait également stimuler une utilisation harmonisée des biomarqueurs d'effets pour l'évaluation des risques liés aux mélanges chimiques.