Nettoyage et désinfection des machines de fabrication agroalimentaire - rigueur d’un travail méconnu

Sommaire : Le nettoyage et la désinfection des machines dans le secteur agroalimentaire expose les travailleurs à un cumul de risques dont les déterminants sont variés. Ce travail peu connu des acteurs internes et externes aux usines exige leur attention lors des projets de conception.

Énoncé du problème : Pour assurer la qualité des produits dans les usines agroalimentaires, un processus rigoureux de nettoyage et de désinfection des machines est mis en place. Ce travail amène les préposés au nettoyage-désinfection (PND) à accéder à toutes les surfaces des machines, incluant les zones dangereuses où des pièces sont en mouvement. La littérature révèle que très peu de recherches ont porté sur le travail réel des PND et que la conception des machines paraît peu prendre en compte leurs besoins.

Objectif de la recherche / question : Partant d’un objectif centré sur la problématique de protection des zones dangereuses des machines et de ses effets sur le travail des PND, cette étude exploratoire s’est intéressée plus largement à décrire le travail, les risques et leurs déterminants. L’objectif de cette communication est de faire connaître le travail des PND afin que leur réalité et leurs besoins soient pris en compte lors de projets de transformation.

Méthodologie : Une étude exploratoire a été menée dans cinq usines agroalimentaires québécoises et trois usines françaises (produits maraichers, viandes, quiches, chocolat). Dans chaque usine, le travail d’un PND a été observé durant la presque-totalité d’un quart de travail. Les contenus de quarante-sept entretiens semi-dirigés réalisés auprès des acteurs de différents départements (SST, qualité, ingénierie/maintenance, production, nettoyage-désinfection) dont neuf PND, ont été analysés par thèmes (ex. risques, processus de conception).

Résultats : Le travail de nettoyage-désinfection consiste à : retirer les souillures des machines en utilisant des pistolets à eau, étendre des produits chimiques, frotter les surfaces, appliquer un produit assainisseur, manutentionner des résidus, etc. Ce travail, accompli par une main-d’oeuvre dont les statuts sont variés, exige entre autres minutie, vitesse, concentration, observation. Il est modulé par la coactivité et par des actions du personnel de maintenance, de production et de la qualité. L’environnement de travail est rude (contraintes thermiques, humidité, brouillard, produits chimiques, bruits, glissance des surfaces), et des équipements de protection individuelle apportent une certaine protection tout en étant source de gêne, voire de risques (ex. coup de chaleur). Ce travail « très exigeant physiquement » présente aussi plusieurs risques psychosociaux (ex. travail de nuit, pression temporelle, vigilance et sentiment de responsabilité, précarité des statuts). La conception des lieux et des machines comporte des inadaptations au regard du travail à effectuer : manque d’accès et de surface permettant de travailler dans une posture adéquate et stable, obstacles, coins morts où les souillures se logent, pièces accrochantes, pertes de production générant plus de travail, densité des machines sur le plancher amplifiant la coactivité, protections des zones dangereuses qui ajoutent du travail. La connaissance du travail des PND paraît limitée pour plusieurs acteurs rencontrés, notamment parce que le travail s’effectue la nuit. Selon les usines, ce travail est peu valorisé ou, au contraire, est considéré comme un fondement du programme de qualité.

Discussion et conclusion : Il ressort que les PND sont exposés à de nombreux
risques et qu’atteindre les objectifs de qualité présente des défis particulièrement en raison de la conception des machines et du temps alloué pour accomplir tout le cycle de nettoyage. La prise en compte de l’activité des PND s’avère primordiale lors de projets de transformation.