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Lithium et composés

Fiche toxicologique n° 183

Sommaire de la fiche

Édition : Mai 2021

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [4, 32]

    Les composés du lithium sont absorbés par voies digestive et respiratoire. Après ingestion, ils sont distribués dans tout l’organisme, avant d’être excrétés presque uniquement par voie urinaire. Ils passent la barrière placentaire et sont retrouvés dans le lait maternel.

    Chez l'Homme

    Le lithium et ses composés sont rapidement et intensément absorbés par voie orale ; en revanche, ils ne traversent pas la barrière cutanée. L’absorption orale des composés du lithium dépend de leur solubilité : pics plasmatiques observés, respectivement, 2 à 4 heures et 30 à 60 min après l’exposition pour le carbonate et le chlorure de lithium, plateau atteint en 6 à 8 heures pour le carbonate et en 12 à 24 heures pour le chlorure[1, 4, 5]. Il est ensuite distribué dans tout l’organisme, principalement au niveau des reins, de la thyroïde, des os et du cerveau.

    La quasi-totalité (95 %) d’une dose ingérée est éliminée par les reins par filtration glomérulaire (lithium filtré réabsorbé ensuite au niveau des tubules). Certains facteurs tels qu’un régime riche en sodium ou la prise de diurétique augmentent cette élimination. La demi-vie d’élimination est en moyenne de 24 h après l’administration d’une dose unique [5].

    Il passe la barrière placentaire et est retrouvé dans le lait maternel [1, 8].

    L’absorption du lithium est possible par voie respiratoire (détection dans le sérum de patients en unité de soins intensifs exposés au chlorure de lithium présent dans le revêtement de surface des appareillages médicaux de ventilation mécanique) mais n’est pas documentée en milieu professionnel.

    Surveillance Biologique de l'exposition

    Le dosage du lithium sérique ou plasmatique pourrait être utile pour la surveillance biologique des sujets professionnellement exposés (en fin de poste et fin de semaine en cas d’exposition habituelle) ainsi que lors de situations accidentelles impliquant le lithium. Le dosage plasmatique ou lithémie est habituellement utilisé pour la surveillance d’un traitement au lithium. Les données chez les sujets professionnellement exposés sont rares mais les concentrations sériques de lithium (environ 1000 fois inférieures aux concentrations plasmatiques thérapeutiques) semblent corrélées aux concentrations atmosphériques.

    Le dosage du lithium urinaire en fin de poste et fin de semaine pourrait également être utilisé pour la surveillance biologique mais il n’y a pas de donnée chez les sujets professionnellement exposés.

    Pour ces deux indicateurs, il n’existe pas de valeur biologique d’interprétation (VBI) pour la population professionnellement exposée mais des VBI issues de la population générale ainsi que des valeurs « Biomonitoring equivalents » (BEs) pour le lithium plasmatique basées sur une approche du risque sanitaire sont disponibles.

    Pour le dosage du lithium plasmatique ou sérique, il est conseillé de faire appel à un laboratoire utilisant une méthode d’analyse sensible avec une limite de quantification (LOQ) suffisamment basse pour quantifier une exposition professionnelle et non thérapeutique (soit inférieure au 1/10 de la VBI choisie).

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë

    Chez l’animal, la toxicité aiguë du lithium et de ses composés est modérée par voies orale et respiratoire, elle est faible par voie cutanée. Les effets observés chez l’animal sont comparables à ceux qui ont été constatés chez l’homme et ne seront donc pas développés dans ce paragraphe.

    Les DL50 et CL50 suivantes sont disponibles pour différents composés du lithium :

    DL50 rat (orale)  
    Carbonate de lithium 525 mg/kg [5]
    Chlorure de lithium 526 mg/kg
    Hydroxyde de lithium 210 mg/kg [1]
    Hydrure de lithium 77,5 mg/kg [10]
       
    CL50 rat (4 h)  
    Hydrure de lithium 960 - 1800 mg/m3 [3]
    Hydroxyde de lithium 960 mg/m3 [36]

    La DL50 cutanée du carbonate de lithium est supérieure à 2000 mg/kg pc chez le lapin ; aucun effet n’est observé pendant la période d’observation de 14 jours [1, 2]. Concernant l’hydroxyde de lithium, aucune DL50 ne peut être déterminée compte tenu de sa nature corrosive et du peu d’informations disponibles (à 200 mg/kg pc, 0/4 lapins morts ; à 3000 mg/kg pc,  4/4 lapins morts).

    La symptomatologie constatée lors des études de toxicité aiguë est identique à celle observée chez l’homme, notamment lors de l’emploi thérapeutique de sels de lithium (en particulier le carbonate). Elle ne sera pas détaillée dans ce chapitre.   

     

    Irritation, sensibilisation : 

    L’hydrure de lithium est rapidement hydrolysé en hydroxyde de lithium, caustique par voie inhalatoire pour les muqueuses (oculaire, respiratoire et digestive) et la peau (lapins, rats ou souris, exposés à 10 mg/m3 pendant 4 à 7 heures) [3].

    Chez le lapin, le chlorure de lithium est irritant pour la peau et les yeux [8].
    Le carbonate de lithium est irritant pour les yeux (opacité de la cornée, inflammation de l’iris, conjonctivite, réversibles en 7 jours chez le lapin) et non irritant pour la peau (très léger érythème chez le lapin, réversible en 5 jours) [2, 8].

    Aucun potentiel sensibilisant n’est observé dans un test de Buehler sur cochon d’Inde pour le carbonate de lithium [2] .

    Toxicité subchronique, chronique

    Chez l’animal, la grande majorité des effets du lithium et de ses composés sont comparables à ceux qui ont été constatés chez l’homme et ne seront donc pas développés dans ce paragraphe. Quelques effets ont uniquement été observés chez les rongeurs (notamment des atteintes hépatiques ou osseuses).

    Une atteinte hépatique est mise en évidence chez le rat à la suite d’une exposition au chlorure de lithium en mélange dans l’eau de boisson (15 et 30 mg Li/kg pc/j, pendant 7 semaines) [37]. Les effets sont dose-dépendants et consistent en une dégénérescence des hépatocytes, une nécrose hépatique, et une diminution des taux sériques d’enzymes (ALAT et ASAT),

    Un stress oxydant est par ailleurs observé au niveau des globules rouges des animaux exposés (diminution des niveaux en glutathion et stimulation de la peroxydation lipidique) [37].

    Le carbonate de lithium, administré chez le rat dans la nourriture (1,1 g de Li/kg pc/j, pendant 1-2 ou 4 mois) est aussi à l’origine d’une hépatotoxicité qui se manifeste par une augmentation de l’activité des transaminases et des phosphatases alcalines, une vacuolisation et une hypertrophie des hépatocytes [38].

    Le carbonate de lithium semble aussi être à l’origine d’une perte de tissus osseux, observée au niveau des tibias de rates exposées à 45 mg/kg pc/j de carbonate de lithium, dans l’eau de boisson, pendant 3 mois [39].

    Effets génotoxiques

    Le peu de données disponibles, concernant les effets génotoxiques du lithium et de ses composés, semble en faveur d’une absence de génotoxicité. 

    Pour l’hydroxyde de lithium, des résultats négatifs ont été obtenus dans les tests in vitro suivants, avec et sans activation métabolique : tests d’Ames réalisés sur E. coli et S. typhimurium, aberrations chromosomiques sur lymphocytes humains ou sur cellules de lymphome murin [2].

    Concernant le carbonate de lithium, une légère inhibition de la synthèse d’ADN est observée in vitro sur des fibroblastes humains, avec et sans activation métabolique, à forte concentration (3 mg/ml) [33]. A la même dose, des mutations géniques sont observées sur des cellules V79 de hamster, avec et sans activation métabolique. Une augmentation du nombre d'aberrations chromosomiques est rapportée chez des lymphocytes humains exposés à 0,5 - 1 ou 1,5 mg /10 ml de chlorure de lithium [4].

    In vivo, des aberrations chromosomiques sont observées au niveau des cellules de la moelle osseuse et de testicules de souris, exposées par gavage à 325-1300 mg/kg pc/j de carbonate de lithium, pendant 6 à 30 jours.

    Aucun échange de chromatide sœur n’est mis en évidence dans les cellules de moelle osseuse de souris, exposées à 120 mg/kg pc de chlorure de lithium ou à 21,25 mg/kg pc de chlorure de lithium (gavage, 72 heures) [4].

    Effets cancérogènes

    Aucune donnée n’est disponible chez l’animal.

    Effets sur la reproduction

    Alors qu’aucun effet sur la fertilité n’est rapporté avec le carbonate de lithium chez le rat,  le chlorure de lithium semble lui perturber la spermatogenèse des rats, après injection sous-cutanée. Des effets  tératogènes sont décrits chez le rat et la souris avec le chlorure de lithium (injections intrapéritonéales ou sous-cutanées), et des effets embryo et fœto-toxiques chez le rat avec le carbonate de lithium (gavage).  

    Fertilité

    Une récente étude sur deux générations a été réalisée chez le rat, avec administration par gavage de 5 - 15 ou 45 mg/kg pc/j de carbonate de lithium [2]. Chez les parents, des effets hépatiques et rénaux sont rapportés à la plus forte dose (raréfaction du cytoplasme des hépatocytes chez les mâles, hypertrophie hépatocellulaire chez les femelles ; dilatation sévère des tubules rénaux). Aucun effet sur les paramètres de la fertilité n’est observé chez les animaux exposés.

    L’injection sous-cutanée de 2 mg/kg pc/j de chlorure de lithium pendant 21 jours entraine une inhibition de la spermatogenèse chez des rats immatures[41].

    Développement [2]

    Deux études (rats, souris) ont mis en évidence un effet tératogène du chlorure de lithium.

    Lors de la première étude, des rates gestantes ont été soumises à des injections intrapéritonéales quotidiennes de 50 mg de chlorure de lithium pendant les jours 1, 4, 7 et 9 de gestation, puis de 20 mg jusqu’au 17ème jour ; il a été constaté dans la descendance une augmentation des malformations des yeux, de l’oreille externe et des fentes palatines. La deuxième étude a montré une augmentation de l'incidence des fentes palatines chez la souris (injections sous-cutanées de 450 mg/kg pc/j de chlorure de lithium par souris, les 11ème et 12ème  ou les 12ème et 13ème ou les 11ème et 13ème jours de gestation).

    Aucun effet maternel ou développemental n’a été observé à la suite d’une exposition de rates gestantes par gavage à 50-150 ou 300 mg/kg pc/j de carbonate de lithium, du 5ème au 15ème jour de gestation [2, 42].

    A contrario, des effets embryotoxiques (diminution du nombre d’implantations, augmentation du nombre de résorptions), fœtotoxiques (diminution de la taille des fœtus et de leur poids) et tératogènes (augmentation de l’incidence de côtes surnuméraires ou déformées, raccourcissement des os, ossification incomplète des sternèbres) sont rapportés chez la descendance de rates, exposées par gavage à 100 mg/kg pc/j de carbonate de lithium, du 6ème au 15ème jour de gestation.  Aucun effet néfaste n’est rapporté à 50 mg/kg pc/j. Toutefois, en l'absence de données concernant la toxicité maternelle, ces résultats sont difficilement interprétables [43].  

  • Toxicité sur l’Homme

    En milieu professionnel, les effets décrits sont une irritation plus ou moins sévère (cutanée, respiratoire, oculaire) en particulier lors d’accidents d’exposition avec l’hydrure de lithium. Les données sur la toxicité du lithium sont principalement issues de son utilisation médicamenteuse par voie orale avec des effets surtout gastro-intestinaux, neurologiques, rénaux, cardiaques lors d’un surdosage aigu et des effets neurologiques, rénaux, cardio-vasculaires, endocriniens lors de prises répétées. Les données de la littérature ne montrent pas de potentiel cancérogène chez l’homme pour le lithium ou ses composés. Les données observées ne permettent pas de conclure à une génotoxicité du lithium ou de ses composés.  Des  effets embryo et foeto-toxiques ainsi que des effets tératogènes ont été décrits chez des patientes traitées pendant leur grossesse. Une toxicité a été rapportée chez des enfants allaités par des femmes traitées par du lithium.

    Toxicité aiguë

    L’hydrure de lithium présente une toxicité particulière par rapport aux autres composés du lithium du fait de sa réactivité en présence d’humidité conduisant à la libération d’hydroxyde de lithium.

    Les données sur la toxicité aiguë systémique du lithium sont observées lors de son utilisation médicamenteuse par voie orale sous forme de carbonate ou de gluconate (ingestion volontaire, surdosage). Lorsque la concentration plasmatique dépasse 1,5 mmol/L (soit environ 10 mg/L), sont rapportés des effets gastro-intestinaux (nausées, voire diarrhées et vomissements), neurologiques  (tremblements, hyperreflexie, troubles de la mémoire, de la parole et/ou de la vision, vertiges, voire état d’obnubilation, convulsions, coma), rénaux (diminution de la concentration des urines, diabète insipide néphrogénique, polyurie, diminution du débit de filtration glomérulaire) et cardiovasculaires (modifications de l’électrocardiogramme, collapsus,…) [44, 48].

    Il n’a pas été rapporté de cas d’intoxication systémique au lithium suite à une exposition professionnelle aiguë. Lors d’accident d’exposition en milieu professionnel à l’hydrure de lithium, ont été décrits  des effets irritants parfois sévères pouvant aller jusqu’à la corrosion pour la peau et les muqueuses oculaire, respiratoire voire digestive [45 à 47].
    Il n’a pas été retrouvé de donnée concernant un éventuel potentiel sensibilisant du lithium ou de ses composés.

    Toxicité chronique

    Les données sur la toxicité chronique du lithium sont observées lors de son utilisation médicamenteuse par voie orale sous forme de carbonate ou de gluconate. Des symptômes proches sont rapportés lors d’intoxications aigüe ou chronique. Outre les effets précédemment cités, sont notamment décrits des effets rénaux comme une insuffisance rénale chronique (néphrite interstitielle), des effets endocriniens (hypothyroïdie, goître, hyperparathyroïdie, gain pondéral, exophtalmie,…), neurologiques (tremblements, …) voire des effets ophtalmologiques et cardiovasculaires (troubles de la conduction et du rythme,…) [44, 48].

    Lors d’exposition professionnelle chronique au lithium et/ou ses composés, il n’a pas été rapporté de cas d’intoxication systémique [49].

    Effets génotoxiques

    Quelques études suggèrent l’absence d’effet génotoxique du lithium  chez des patients traités [56].

    Une étude menée chez 19 patients traités par du lithium (composé non précisé) ne retrouve pas d’augmentation des aberrations chromosomiques chez les patients traités comparés au 23 contrôles ; mais les auteurs décrivent une diminution significative de l’index mitotique (culture de lymphocytes) sans attribuer ce résultat uniquement au lithium [52].

    Une augmentation du nombre d’aberrations chromosomiques a été retrouvée dans des lymphocytes de 10 patients traités par du carbonate de lithium (concentration non précisée) en comparaison à des témoins non traités[55].

    Une autre étude menée chez seulement 3 patients traités par du  lithium (composé non précisé) retrouve une augmentation du nombre de cassures d’ADN  (type de cassure non précisé) dans les lymphocytes mais les résultats sont controversés [40, 51].

    Aucune donnée de génotoxicité n’est disponible chez des travailleurs exposés au lithium et/ou à ses composés à la date de publication de cette fiche toxicologique.

    Effets cancérogènes

    Plusieurs études ne retrouvent pas d’augmentation du risque de cancer chez des patients traités par du lithium en comparaison à la population générale [54].

    Il n’a pas été retrouvé d’étude faisant état de cancers liés à une exposition professionnelle au lithium et/ou à ses composés.

    Effets sur la reproduction

    Fertilité

    Les données retrouvées dans la littérature lors d’une utilisation thérapeutique du lithium ne permettent pas de conclure à un effet du lithium sur la fertilité masculine [49].
    Seules quelques études s’intéressent aux effets du lithium sur la qualité du sperme et la fertilité masculine lors d’une utilisation médicamenteuse (études menées in vitro et in vivo), mais elles présentent des résultats parfois contradictoires [50].

    Aucune donnée concernant la fertilité de la femme traitée par du lithium n’est disponible à la date de publication de cette fiche toxicologique.

    Il n’a pas été retrouvé d’étude faisant état d’effet sur la fertilité lié à une exposition professionnelle au lithium et/ou à ses composés.

     

    Développement

    Lors d’une utilisation médicamenteuse, la toxicité du lithium sur le développement est discutée dans la littérature.

    L’exposition au lithium à doses thérapeutiques pendant le premier trimestre de la grossesse a été associée à une augmentation du risque de malformations congénitales essentiellement cardiovasculaires (maladie d’Ebstein ou cardiopathie congénitale de la valve tricuspide), ce risque est remis en question dans des études plus récentes. En 2012, une revue de la littérature ayant analysé 62 études (7 études de cohorte, 7 études cas-témoins, 48 rapports de cas) portant sur la tératogénicité potentielle du lithium ne retrouve pas d’augmentation significative du risque de malformation congénitale (type non précisé) associée à un traitement par lithium pendant la grossesse [48].

    Des effets ont également été rapportés chez le fœtus et le nouveau-né lors d’un traitement par lithium pendant la grossesse (hydramnios, prématurité, troubles du rythme cardiaque et de la fonction thyroïdienne (lorsque le traitement est poursuivi jusqu’à l’accouchement) [57].  

    Quelques effets réversibles comme une augmentation de la TSH ont été décrits chez des enfants allaités par des mères traitées par lithium [53].

    Il n’a pas été retrouvé d’études faisant état d’effets sur le développement  lors d’une exposition professionnelle au lithium pendant la grossesse, ni d’effet chez des enfants allaités par des mères exposées professionnellement au lithium et/ou à ses composés.

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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