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Cobalt et composés minéraux (*)

Fiche toxicologique n° 128

Sommaire de la fiche

Édition : Août 2022

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme

    Chez l’animal, l’absorption pulmonaire du cobalt et de ses composés est rapide et varie en fonction de la taille des particules et de la solubilité des composés étudiés. Une fois absorbé, le cobalt est retrouvé au niveau des poumons, de la thyroïde, de la rate, du foie et des reins ; il est ensuite éliminé principalement par voie urinaire.  A la suite d’une administration par voie orale, seul le foie présente une accumulation significative, le cobalt étant éliminé majoritairement par les fèces. L’absorption cutanée est négligeable.

    Chez l’homme, les absorptions pulmonaire et orale sont importantes et dépendent de la taille des particules et de la solubilité du composé. Le cobalt est largement distribué dans l’organisme humain, avec une accumulation plus importante au niveau du foie. A la suite d’une exposition par voie respiratoire, il est éliminé par les urines et par les fèces ; après ingestion, l’élimination est majoritairement fécale. Comme chez l’animal, l’absorption cutanée est négligeable.

    Chez l'animal
    Absorption

    Chez le rat, le taux de rétention pulmonaire de l’oxyde de cobalt, après 180 jours, est inférieur à 5 % pour les particules de 0,8 µm de diamètre et est compris entre 8 et 15 % pour les particules de 1,7 µm de diamètre [6].

    Par voie orale, une absorption intestinale comprise entre 11 et 34 % est rapportée chez le rat après administration intra-gastrique de dichlorure de cobalt radiomarqué (0,01 à 1000 µg/rat), l’absorption diminuant quand la dose augmente [40] ; pour l’oxyde de cobalt, une absorption très faible a été mesurée chez le hamster, inférieure à 3 % [11]

    Distribution

    Après une exposition par inhalation (oxyde de cobalt, 0,8 mg/ m3, taille des particules de 1 à 2,5 µm), le cobalt est retrouvé au niveau des poumons et du foie chez le hamster [41]. A la suite d’une exposition au cobalt métallique (0,001 à 0,5 mg/ m3, 24 h/j, pendant 3 mois), il est détecté dans la thyroïde, la rate, le foie et les reins chez le rat [8].

    Très peu du cobalt radioactif, administré par voie orale chez le rat, est présent dans les tissus après 10 jours, suggérant une faible rétention ; seul le foie montre des quantités significatives.

    A la suite d’une administration par voie intraveineuse chez le lapin (dichlorure de cobalt, 0,387 mg/kg/j pendant 42 jours, puis 0,774 mg/kg/j pendant 53 jours), les concentrations les plus importantes en cobalt sont mesurées dans les reins, le foie et le cœur, et dans une moindre mesure dans le cerveau [42].

    Après injection parentérale de dichlorure de cobalt chez les rats et les souris, 10 % de la dose s’accumule dans divers organes, en particulier le foie (1 %) et le pancréas, et, à moindre degré, la rate et les reins [9].

    Excrétion

    Dans le cas d’une exposition par inhalation, les clairances pulmonaire et sanguine du cobalt sont biphasiques chez le rat, avec des demi-vies pulmonaires de 52 et 156 heures et sanguines de  52 et 173 heures, respectivement pour la 1ère et la 2nde phase [43]. Chez le hamster, la quasi-totalité de l’oxyde de cobalt est éliminé des poumons dans les 6 jours suivants une exposition par inhalation [41]. Chez des mini porcs exposés à de la poudre de cobalt métallique (0,1 à 1 mg/ m3,  6h/j, 5 j/sem, pendant 3 mois), l’excrétion est principalement urinaire [44].

    Quelle que soit l’espèce, l’excrétion du cobalt, administré par voie orale, se fait par les fèces (80 % en 5 jours, la majorité en 48 heures) et correspond principalement au cobalt non absorbé, le reste est éliminé par les reins [5]

    Chez l'Homme
    • Absorption

    La poudre métallique inhalée est retenue dans les poumons puis absorbée lentement. Le taux de rétention pulmonaire de l’oxyde de cobalt après 180 jours varie, en fonction de la taille des particules, de 50 % de la dose inhalée (particules de diamètre 0,8 µm) à 77 % (particules de diamètre 1,7 µm) [46].

    L’absorption orale est variable (18 à 97 % de la dose): elle dépend de la dose, du composé et du statut nutritionnel des individus [44]. Une carence en fer augmente l’absorption du dichlorure de cobalt : chez les témoins, l’absorption est comprise entre 18 et 44 % alors que chez les patients carencés, elle peut atteindre 71 % [6]. Ces résultats mettent en évidence le fait que le cobalt et le fer possèdent des sites ou des mécanismes de pénétration communs [6, 12].

    Une étude de pénétration percutanée, réalisée sur de la peau humaine, a permis de mettre en évidence le passage de la poudre de cobalt (diamètre des particules compris entre 2 et 5 µm, en solution) à travers la peau, avec un taux de pénétration de 0,0123 +/- 0,005 µg/cm²/h [47]. Une étude similaire a été réalisée avec le dichlorure de cobalt et une absorption comprise entre 0,38 et 1,08 % a été mesurée [1].

     

    • Distribution

    En tant que composé de la vitamine B12, le cobalt a une large distribution tissulaire, avec une accumulation plus importante au niveau du foie. Les niveaux tissulaires reflètent l’exposition toutes voies confondues : pour un individu, la teneur totale du corps en cobalt a été estimée entre 1,1 et 1,5 mg, dont 0,11 mg retrouvé au niveau hépatique [8].

     

    • Elimination

    A la suite d’une exposition par inhalation à des composés insolubles (cobalt et oxyde de cobalt), la clairance, évaluée aussi bien par voies urinaire que fécale, suit une cinétique en trois phases, ayant respectivement des demi-vies de 2 à 44 heures (clairance mucociliaire), de 10 à 78 jours (action des macrophages dans les poumons) et de plusieurs années (clairance pulmonaire) ; le pic est atteint 5 à 10 h après le début de l’exposition [8, 44]

    Six mois après une exposition à un aérosol d’oxyde cobalt, 61 % de la charge corporelle en cobalt ont été éliminés, par les urines (33 %) et par les fèces (28 %) [46].

    Après ingestion de dichlorure de cobalt (dose inconnue), l’élimination, majoritairement fécale, est aussi triphasique avec des demi-vies de 0,5, 2,7 et 59 jours ; les deux phases rapides sont liées à l’élimination fécale du cobalt non absorbé [9, 44].

    L’excrétion fécale est proportionnelle à la dose alors que l’excrétion urinaire est indépendante de la dose et de la solubilité des composés [4].

    Surveillance Biologique de l'exposition

    Le dosage du cobalt urinaire en fin de poste et fin de semaine de travail est bien corrélé à l'intensité de l'exposition au cobalt et à ses sels solubles. La corrélation avec l’exposition à des oxydes ou des composés organiques serait moins bonne. Ce paramètre, soumis à de grandes variations interindividuelles, est plus sensible que le cobalt sanguin.

    Des valeurs biologiques d’interprétation professionnelles et issues de la population générale ont été établies pour cet indicateur

  • Mode d'actions [6, 12]

    Le cobalt :

    • Induit la synthèse de métallothionéines dans les tissus hépatiques ;
    • Interagit avec les protéines et les acides nucléiques, induit la formation d’espèces réactives de l’oxygène ;
    • Modifie directement ou indirectement l’activité des divers enzymes, soit en se fixant aux groupements thiols des acides aminés de l’enzyme ou des protéines liées à son activité, soit en prenant la place des cations divalents, cofacteurs enzymatiques, comme le zinc ou le magnésium ;
      • Stimule la production d’érythropoïétine par inhibition des enzymes impliqués dans le métabolisme oxydatif avec pour conséquence une hypoxie tissulaire ;
      • Augmente le turn-over de l’ATP (adénosine triphosphate), active l’arginase, inhibe l’ALA (acide delta-aminolévulénique) synthétase et agit sur la fonction monooxygénase hépatique.

     

    Le cobalt interagit avec :

    • l’alcool et entraîne des cardiopathies sévères chez l’homme et l’animal ;
    • les antibiotiques, en synergie, in vitro et in vivo, chez la souris et chez l’homme.
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë

    Par voie respiratoire, la toxicité aiguë du cobalt et de ses composés est importante : des effets pulmonaires sont observés, pouvant conduire à la mort des animaux exposés. Par voie orale, le cobalt et ses composés sont modérément toxiques et sont à l’origine d’effets neurologiques, hématologiques, rénaux, hépatiques et/ou cardiaques.

    Lors d’essais in vitro, aucune irritation cutanée n’est mise en évidence. En revanche au niveau oculaire, le sulfate, l’oxyde et le dichlorure de cobalt s’avèrent modérément irritants. Le dichlorure, le sulfate et l’oxyde de cobalt sont des sensibilisants cutanés.

    Une étude récente a déterminé, chez le rat, une CL50 inférieure à 0,05 mg/L pour la poudre de cobalt métallique et une CL50 de 0,06 mg/L pour l’oxyde de cobalt [1]. Le cobalt et ses sels solubles agissent comme des irritants pulmonaires provoquant œdème, hémorragie et exsudation dans la cavité péritonéale ou pleurale [8].

    L’inhalation répétée de cobalt peut être létale si l’exposition est suffisamment importante ou prolongée [6]. Ainsi, à la suite d’une exposition pendant 16 jours à du sulfate de cobalt, des décès sont rapportés chez des rats et des souris exposés à 19 mg Co/m3 alors qu’aucun mort n’est observé à 1,9 mg Co/ m3 [49]. Une baisse importante de la capacité pulmonaire et une fibrose interstitielle sont observées chez les rongeurs exposés à 100 mg/m3 de cobalt sous forme de poudre, pendant 10 jours ; des changements dans l’électrocardiogramme sont aussi rapportés dès les premiers jours [8].

    Les DL50 du cobalt et de ses composés sont rapportées dans le tableau II pour  différentes voies d’exposition [1,11].

    Voie

    Substance

    Espèce

    DL50 (mg/kg)

    Orale

    Cobalt métal

    rat (femelle)

    550

    Sulfate de cobalt, heptahydraté

    rat

    768

    Sulfate de cobalt, anhydre

    rat

    424

    Oxyde de cobalt

    rat

    202

    Sulfure de cobalt

    rat

    > 5000

    Dichlorure de cobalt

    rat

    418

    Carbonate de cobalt

    rat

    640

    Cutanée

    Dichlorure de cobalt

    rat

    > 2000

    Tableau II. 

    Lors d’exposition unique par gavage, les effets suivants sont rapportés chez le rat [1,6] :

    • la poudre de cobalt métallique induit, dès 550 mg/kg, des effets neurologiques (hypoactivité, respiration irrégulière, prostration), des diarrhées et des sécrétions au niveau du nez, de la bouche et des yeux ; à l’autopsie, l’estomac et/ou les intestins sont distendus, les poumons décolorés et des tâches présentes sur le foie ;
    • le dichlorure de cobalt induit des effets neurologiques à 4,25 mg Co/kg (baisse de l’activité spontanée, du tonus musculaire et de la fréquence respiratoire) et hématologiques à 161 mg Co/kg (augmentation du nombre d’érythrocytes, de l’hématocrite et de l’hémoglobine) ; tremblements, convulsions et baisse de la température corporelle sont rapportés avant la mort (281 mg Co/kg) ;
    • le sulfate de cobalt est à l’origine d’effets neurologiques (baisse de l’activité spontanée, du tonus musculaire et de la fréquence respiratoire) et rénaux (augmentation du volume urinaire) à partir de 19,4 mg Co/kg ; tremblements, convulsions et baisse de la température corporelle sont rapportés avant la mort (471 mg Co/kg) ;
    • l’oxyde cobalt provoque des atteintes hépatiques à 157,3 mg Co/kg (hyperhémie et lésions hépatocytaires), rénales à 157,3 mg Co/kg (hyperhémie) et cardiaques à 794,5 mg Co/kg (prolifération du tissus interstitiel, lésions des fibres musculaires, dégénérescence, hémorragies), ainsi qu’une baisse de la température corporelle (794,5 mg Co/kg).

     

    Irritation, sensibilisation

    Aucune donnée expérimentale n’est disponible concernant les potentiels effets irritants cutané et oculaire du cobalt et de ses composés ; seuls des essais in vitro ont été réalisés sur épiderme humain reconstitué (application de 10 mg de substance pendant 15 minutes) et sur cornée isolée bovine (test d’opacité et de perméabilité de la cornée bovine ou BCOP, application d’une solution à 20 % pendant 240 minutes) [1]. Au niveau cutané, aucune irritation n’est mise en évidence pour le cobalt métallique, le sulfate, l’oxyde, le sulfure et le dichlorure de cobalt. Au niveau oculaire, les tests sont négatifs pour le cobalt métallique et le sulfure de cobalt ; le sulfate, l’oxyde et le dichlorure de cobalt s’avèrent, quant à eux, modérément irritants.

    Le potentiel sensibilisant du dichlorure de cobalt a été mis en évidence au cours d’essais de stimulation locale des ganglions lymphatiques (test du LLNA) : des indices de stimulation supérieurs à 3 ont été obtenus chez les souris exposées à 10,8 - 27 ou 54,1 mg Co/kg/j et chez les rats exposés à 9,6 ou 19,2 mg Co/kg/j [50]. Un potentiel sensibilisant a aussi été démontré pour le sulfate et l’oxyde de cobalt [1,11].

    Toxicité subchronique, chronique

    Par inhalation, le cobalt métallique est principalement à l’origine d’effets respiratoires (dont une fibrose pulmonaire interstitielle) et hématologiques (polycythémie). Concernant le sulfate de cobalt, les principaux organes touchés sont l’appareil respiratoire, le foie, le cerveau, le thymus et le cœur (cardiomyopathies). L’oxyde de cobalt est à l’origine d’effets pulmonaires. Par voie orale, des cardiomyopathies sont observées à la suite d’une exposition au sulfate de cobalt ; dans le cas du dichlorure de cobalt, des effets hématologiques, thymiques, cardiaques, pulmonaires, nerveux et rénaux sont rapportés, ainsi qu’une détérioration de la vision et de l’audition, chez le lapin.   

    Cobalt métal [44]

    Des rats et des souris ont été exposés par inhalation à 0-2.5-5-10-20 ou 40 mg/m3 d’un aérosol de cobalt métallique, 6 h/j, 5 j/sem, pendant 16 et 17 jours (corps entier). Les effets suivants ont été rapportés :

    • à partir de 2,5 et 5 mg/m3 chez le rat, baisse du poids du foie des mâles et des femelles respectivement ; chez la souris, aucun effet ;
    • à partir de 10 mg/m3, baisse du poids corporel des rats et des souris, augmentation du poids des poumons (rat et souris, chez les 2 sexes) et diminution du poids des reins et des testicules (rat mâle) ; les souris femelles sont léthargiques et présentent une respiration anormale ;
    • à partir de 20 mg/m3, tous les animaux sont léthargiques et respirent difficilement ;
    • à la plus forte concentration, décès de tous les rats et de plus de la moitié des souris.

    A l’autopsie, des zones noires sont observées sur les poumons des rats et des souris exposés à 20 et 40 mg/m3 ; une augmentation du nombre de lésions non néoplasiques est observée au niveau du nez (atrophie, nécrose, vacuolisation cytoplasmique et métaplasie) et des poumons (fibrose interstitielle et infiltration histiocytaire dans les alvéoles, hyperplasie de l’épithélium alvéolaire, vacuolisation de l’épithélium bronchique, nécrose des bronchioles, hémorragie).

    A la suite d’une exposition de rats et de souris pendant 14 semaines par inhalation, à des concentrations de 0,625-1,25-2,5 ou 5 mg/m3 (rat, 6 h/j, 5 j/sem) ou 0,625-1,25-2,5-5 ou 10 mg/m3 (souris, 6h/j, 5 j/sem), aucune mortalité n’est rapportée. Les effets suivants ont été observés :

    • à partir de 1,25 mg/m3, chez le rat, effets pulmonaires (augmentation du poids, inflammation chronique, protéinose alvéolaire, hyperplasie) et diminution des taux de glucose sanguin (seulement chez les mâles) ; aucun effet chez la souris ;
    • à partir de 2,5 mg/m3, chez le rat, dégénérescence de l’épithélium olfactif et hyperplasie de l’épithélium nasal, augmentation des taux d’hémoglobine, d’érythrocytes et hématocrite et diminution du taux de cholestérol ; chez la souris, augmentation du poids des poumons des mâles (hyperplasie de l’épithélium bronchiolaire) ;
    • à partir de 5 mg/m3, baisse du poids corporel des rats ; baisse du poids des reins et des testicules chez les souris mâles, baisse du poids du foie et des reins et augmentation de celui des poumons chez les souris femelles ;
    • à 10 mg/m3, respiration difficile et perte de poids des souris.

    A l’autopsie, tous les animaux exposés aux deux plus fortes concentrations présentent une protéinose alvéolaire et une caryomégalie des cellules épithéliales alvéolaires et bronchiolaires . Une augmentation du nombre de lésions non néoplasiques nasales est aussi rapportée avec l’augmentation des concentrations (dégénérescence, puis métaplasie des épithéliums respiratoire et olfactif ; atrophie). Les souris exposées à toutes les doses présentent une infiltration histiocytaire dans les alvéoles pulmonaires ainsi qu’une vacuolisation de l’épithélium bronchiolaire ; des zones noires sont observées uniquement chez celles exposées à 10 mg/m3.

    A la suite d’expositions par inhalation à ces concentrations pendant 2 ans, les rats et souris exposées présentent les mêmes lésions non néoplasiques.

     

    Sulfate de cobalt

    A la suite d’une exposition de rats et de souris par inhalation pendant 16 jours à 19 mg Co/m3 (rat) et 1,9 mg Co/m3 (souris) sous forme de sulfate de cobalt, divers effets sont observés : inflammation et nécrose de l’épithélium respiratoire (rat et souris), nécrose et  congestion hépatiques (rat et souris), congestion des vaisseaux au niveau du cerveau (rat et souris) et nécrose du thymus (rat) [48].

    Après 13 semaines d’exposition par inhalation de rats et de souris au sulfate de cobalt (0-0,11-0,38-1,14-3,8 ou 11,4 mg Co/m3, 6 h/j, 5 j/sem), des effets délétères sont observés à différents niveaux de l’appareil respiratoire, le larynx étant le plus touché. Pour des concentrations supérieures à 0,11 mg Co/m3, une métaplasie squameuse du larynx est observée chez le rat et la souris, ainsi qu’une infiltration d’histiocytes au niveau des poumons ; pour des concentrations supérieures ou égales à  0,38 mg Co/m3, une inflammation chronique du larynx est constatée chez le rat. Une augmentation de la sévérité des cardiomyopathies est observée chez les rats exposés à 11,4 mg Co/m3 ; chez la souris, une hyperplasie des ganglions lymphatiques du médiastin est constatée. Sont aussi rapportées une polycythémie à partir de 1,14 mg Co/m3 et une augmentation du poids des reins à partir de 0,11 mg Co/m3 [48].

    Par voie orale, le sulfate de cobalt est à l’origine d’effets cardiaques chez le rat et le cobaye. Après 5 semaines d’exposition par gavage à 20 mg Co/kg/j, les cobayes présentent des cardiomyopathies caractérisées par une augmentation du poids du cœur, des lésions au niveau du péricarde (épanchement, épaississement, prolifération capillaire et dilatation des vaisseaux), du myocarde (dégénérescence et vacuolisation) et de l’endocarde (œdème), ainsi que des anomalies de l’électrocardiogramme [50]. Des lésions dégénératives cardiaques sont aussi observées chez des rats exposés à 26-30,2 mg Co/kg/j pendant 2 à 3 mois (en mélange dans la nourriture) [6] ; à la suite d’une exposition de rats pendant 24 semaines à 8,4 mg Co/kg/j dans la nourriture, une diminution du nombre d’enzymes présentes dans le tissu cardiaque est mesurée ainsi qu’une diminution du taux de production d’ATP mitochondrial [6].

     

    Dichlorure de cobalt

    Chez le rat, à la suite d’une exposition par voie orale pendant 3 semaines à du dichlorure de cobalt (mélange dans la nourriture), des effets hématologiques (≥ 0,5 mg Co/kg/j : augmentation du nombre d’érythrocytes, de l’hémoglobine et de l’hématocrite), thymiques (3,8 mg Co/kg/j : atrophie du thymus chez les mâles seulement) et cardiaques (12,4 mg Co/kg/j : myocytolyse débutante et dégénérescence des myofibrilles chez les mâles) sont rapportés. Une augmentation du nombre d’érythrocytes est aussi mesurée chez le rat, après 8 semaines d’exposition par voie orale à 2,5 mg Co/kg/j. A 30,2 mg Co/kg, des effets cardiaques et pulmonaires sont rapportés, caractérisés par une augmentation du poids des organes et la présence de lésions dégénératives au niveau du cœur [6].

    Le dichlorure de cobalt (20 mg Co/kg/j dans l’eau de boisson, pendant 57 jours) est à l’origine d’effets sur le système nerveux de rats [6].

    A la suite d’expositions orales plus longues (5 à 7 mois), des atteintes immunologique (diminution de l’activité phagocytaire) et neurologique (augmentation du temps de latence des voies réflexes) sont rapportées chez le rat dès 0,5 mg Co/kg/j, ainsi qu’une atteinte rénale (altération des tubules proximaux) chez les animaux exposés de 10 à 18 mg Co/kg/j [6].

    Chez le lapin, à la suite d’une administration par voie intraveineuse (CoCl2, 0,387 mg/kg/j pendant 42 jours, puis 0,774 mg/kg/j pendant 53 jours), des effets sur la vision et l’audition sont observés : diminution du nombre de cellules ganglionnaires de la rétine, atteinte du nerf optique (dégénérescence des axones, amincissement de la myéline), diminution du nombre de cellules ciliées dans l’organe de Corti et diminution de la taille des neurones cochléaires [42].

     

    Oxyde de cobalt

    Par inhalation, l’oxyde cobalt est à l’origine d’effets pulmonaires, localisés dans la région alvéolaire. Des rats et des lapins, exposés pendant 3 à 4 mois à des concentrations comprises entre 0,4 et 9 mg Co/m3 sous forme d’oxyde de cobalt, présentent une accumulation de cellules alvéolaires de type II et de macrophages hypervacuolisés et gonflés, une inflammation interstitielle et une fibrose pulmonaire [51].

    Effets génotoxiques [6]

    Les tests réalisés in vitro, sur bactéries ou levures, sont négatifs pour les composés de valence II du cobalt alors que les composés de valence III induisent la formation de mutants chez les levures. En revanche, des effets génotoxiques (mutations, cassures, échanges de chromatides sœurs, transformations cellulaires et micronoyaux) sont observés sur cellules de mammifères. In vivo,  des effets génotoxiques sont aussi rapportés chez des animaux exposés au dichlorure de cobalt : aberrations chromosomiques, cassures, formation de micronoyaux et dommages oxydatifs. 

    In vitro, le cobalt de valence II est généralement non mutagène dans les tests réalisés sur bactéries (S typhimurium et E coli) et levures, sans activation métabolique. Une légère activité mutagène est mise en évidence au cours d’un test de recombinaison mitotique réalisé sur Bacillus subtilis, avec le dichlorure de cobalt. En revanche, les composés de valence III sont capables d’induire des mutants sur S cerevisiae, sans activation métabolique.

    A contrario, les composés du cobalt de valence II s’avèrent génotoxiques pour les cellules de mammifères : ils augmentent le nombre de mutations dans les cellules V79 de hamster, de cassures simple brin de l’ADN dans les lymphocytes humains et les cellules CHO de hamster, d’échanges entre chromatides sœurs dans les lymphocytes humains et les cellules V79 de hamster, de transformations dans les cellules ovariennes de hamster, et de micronoyaux dans les lymphocytes humains et les cellules de moelle osseuse de souris.

    In vivo, une augmentation du nombre des aberrations chromosomiques et des cassures de chromosomes a été notée dans la moelle osseuse de souris mâles exposées à une dose orale unique de dichlorure de cobalt (4,96 - 9,92 ou 19,8 mg Co/kg). A la suite d’une injection intrapéritonéale de dichlorure de cobalt, une hausse du nombre de micronoyaux formés est observée chez les souris recevant 12,4 et 22,3 mg Co/kg. De même, une seule injection intrapéritonéale de 3 ou 6 mg Co/kg augmente les dommages oxydatifs observés au niveau des bases de l’ADN dans le foie, les reins et les poumons des rats exposés.

    L’ion Co2+ interfère avec les protéines et la synthèse des acides nucléiques. Il se fixe irréversiblement à l’histidine des protéines et peut former un complexe avec l’adénine des acides nucléiques. La formation de ponts protéine – ADN est observée dans des cellules d’hépatome en présence de dichlorure de cobalt. Le cobalt peut être considéré comme une substance co-mutagène de par sa capacité à rendre  mutagènes des substances qui ne le sont pas (tel que la 4-aminopyridine ou la 4-aminoquinoline).

    Effets cancérogènes

    A la suite d’une exposition par inhalation au cobalt, sulfate ou oxyde de cobalt, des tumeurs alvéolaires et/ou bronchiolaires sont observées chez le rat et la souris. Des leucémies et des tumeurs bénignes et/ou malignes, au niveau des surrénales, du pancréas et des reins, sont aussi rapportées. Aucune donnée n’est disponible par voie orale. Par contre, des rhabdosarcomes, des rhabdomyofibrosarcomes et des fibrosarcomes peuvent apparaître au site d’injection du cobalt ou de certains composés (oxyde de cobalt, dichlorure ou sulfure de cobalt. 

    Des rats et des souris ont été exposés par inhalation à 0-1,25-2,5 et 5 mg/m3 de poudre de cobalt, 6 h/j, 5 j/sem, pendant 105 semaines. Pour tous les animaux, l’incidence des adénomes/carcinomes alvéolaires et bronchiolaires augmente. Aucune autre tumeur n’est observée chez la souris. Chez le rat, les incidences de phéochromocytomes bénins et malins, d’épithéliomas pulmonaires, d’adénomes/carcinomes du pancréas (mâles seulement), de leucémies (femelles seulement) et d’adénomes/carcinomes des tubules rénaux (mâles seulement) sont aussi augmentées [37].  

    L’instillation intratrachéale de poudre d’oxyde cobalt (10 mg/kg, tous les 15 jours, pendant 2 ans, 80 % des particules avec un diamètre compris entre 5 et 40 µm) induit des tumeurs pulmonaires chez le rat (carcinomes, adénocarcinomes et adénomes) [44] ; il n’est pas cancérogène par inhalation chez le cobaye (10 mg/m3, 7 h/j, 5 j/sem, toute la durée de la vie, diamètre moyen 0,45 µm) [53].

    L’administration de sulfate de cobalt (0,11-0,38 ou 1,14 mg Co/m3, 6 h/j, 5 j/sem, 2 ans) augmente l’incidence des tumeurs alvéolaires et/ou bronchiolaires chez les rats mâles à la plus forte concentration et chez les rats femelles à partir de 0,38 mg Co/m; chez la souris, cette hausse intervient à la plus forte concentration, pour les 2 sexes. Des phéochromocytomes sont aussi observés chez les rats mâles (0,38 mg Co/m3) et femelles (1,14 mg Co/m3) [54].

    Aucune information n’est disponible par voie orale.

    En revanche, une ou plusieurs injections parentérales de composés de cobalt (sous forme de poudre) peuvent provoquer la croissance de tumeurs au site d’injection : rhabdosarcomes, rhabdomyofibrosarcomes et fibrosarcomes après injection intramusculaire chez le rat de cobalt métal (28 mg, injection unique), d’oxyde de cobalt (30 mg, injection unique) et de sulfure de cobalt (20 mg, injection unique) [9].

    L’injection sous-cutanée de dichlorure de cobalt à des rats (40 mg/kg pc/j, 10 jours) provoque des fibrosarcomes, dont quelques-uns sont distants du site d’injection [55].

    Le mécanisme de la cancérogenèse induite par le cobalt n’est pas totalement connu mais il semble qu’il soit lié à des cassures de l’ADN et à l’altération des mécanismes de réparation [9]

    Effets sur la reproduction

    Le sulfate et le dichlorure de cobalt sont à l’origine d’effets testiculaires (atrophie, dégénérescence et diminution de la motilité spermatique) chez le rat et la souris ; chez les femelles, une augmentation de la durée du cycle œstral est observée. Concernant les effets sur le développement, un retard de croissance est rapporté chez les fœtus, à la suite d’expositions au dichlorure et au sulfate de cobalt, par voie orale. Des malformations externes, viscérales et squelettiques sont observées chez les fœtus de rats et de souris exposés au sulfate de cobalt par voie orale, en l’absence de toxicité maternelle. Le cobalt traverse la barrière placentaire.

    Fertilité

    A la suite d’une exposition par inhalation, une atrophie testiculaire est rapportée chez les rats exposés à 19 mg Co/m3 (seule dose testée) sous forme de sulfate de cobalt, pendant 16 jours ; après 13 semaines (0-0,11-0,38-1,14-3,8 ou 11,4 mg Co/m3, 6 h/j, 5 j/sem), une diminution de la motilité spermatique est observée à partir de 1,14 mg Co/m3 et une atrophie testiculaire à partir de 11,4  mg Co/m3. Dans cette même étude, une augmentation de la durée du cycle œstral est mesurée chez les rats et les souris femelles exposées à la plus forte dose [48].

    Des modifications dégénératives et une atrophie des testicules sont observées chez des rats, exposés de 13,3 à 58,9 mg Co/kg/j sous forme de dichlorure de cobalt, pendant 2 à 3 mois dans la nourriture ou l’eau de boisson, et chez les souris exposées à 43,4 mg Co/kg/j sous forme de dichlorure de cobalt pendant 13 semaines dans l’eau de boisson [6].  

    Développement

    Aucune information n’est disponible par inhalation.

    Le cobalt est capable de traverser la barrière placentaire [11, 56].

    Administré par voie orale, le dichlorure de cobalt (rat, 5,4 ou 21,8 mg/kg/j du 14ème jour de gestation au 21ème jour de lactation) induit une toxicité maternelle ainsi qu’un arrêt de croissance des foetus, une baisse du nombre de portées et/ou une baisse du taux de survie des petits [6]. Administré chez des rates du 6ème au 15ème jour de gestation, à la dose de 24,8 mg Co/kg/j, le dichlorure de cobalt ne modifie pas la croissance des fœtus ou leur taux de survie ; à partir de 38 mg Co/kg, aucune modification des taux de survie des fœtus, de la taille moyenne des portées ou des poids moyens des fœtus n’est rapportée, seul un retard dans le développement des fœtus est observé mais non significatif  [57]. Chez la souris, aucun effet sur la croissance des fœtus ou leur mortalité n’est rapporté pour ce composé, après une exposition à 81,7 mg Co/kg/j, du 8ème au 12ème jour de gestation [58].

    Les effets du sulfate de cobalt ont été étudiés chez le rat, la souris et le lapin [59]. Chez les souris, exposées par gavage à 0 ou 19 mg Co/kg/j, du 6ème au 15ème jour de gestation, une augmentation du nombre de fœtus présentant un retard de croissance est observé, en l’absence de toxicité maternelle. De plus, des malformations externes (absence de paupières), viscérales (reins présents en double) et squelettiques (au niveau du crâne et des vertèbres) sont rapportées chez 19 % des fœtus. Chez le rat (0-9-19 ou 38 mg Co/kg/j, gavage du 1er au 20ème jour de gestation), la fréquence de fœtus présentant un retard de croissance, des anomalies viscérales (au niveau du système urogénital) et squelettiques (au niveau du crâne et des vertèbres) augmente avec la dose de sulfate de cobalt administrée, en l’absence de toxicité maternelle. Chez le lapin, exposé par gavage à 0-7,6-38 ou 76 mg Co/kg/j, du 6ème au 20ème jour de gestation, une toxicité maternelle importante est rapportée dès la 1ère dose testée. Des résorptions complètes de portées se produisent chez toutes les femelles survivantes ; les fœtus survivants (7,6 mg Co/kg/j) présentent un retard dans le développement  mais aucune malformation n’est observée. 

  • Toxicité sur l’Homme

    Les effets d’une exposition aiguë au cobalt sont peu documentés. L’exposition chronique au cobalt en milieu professionnel peut être à l’origine de pathologies respiratoires (asthme, altérations fonctionnelles respiratoires, maladie des métaux durs) et cutanées (dermatite de contact allergique). Des anomalies échocardiographiques sont décrites chez des salariés exposés mais leur implication clinique reste à évaluer. Des effets génotoxiques (augmentation des échanges de chromatides sœurs, de la fréquence des micronoyaux et des cassures d’ADN simple brin) sont observés dans les lymphocytes circulants de salariés co-exposés au cobalt et à d’autres métaux mais il est difficile d’attribuer ces effets au cobalt seul. Un excès de mortalité par cancer du poumon est observé chez des salariés exposés aux métaux durs. Aucune donnée n’est disponible concernant un éventuel effet reprotoxique.

    Toxicité aiguë

    Les éventuels effets d’une exposition aiguë au cobalt sont peu documentés. L’inhalation de poussières contenant du cobalt peut être responsable d’irritation des voies respiratoires hautes.

    Un cas de réaction inflammatoire aiguë évoluant vers une atrophie choriorétinienne  6 mois à la suite  d’un accident avec corps étranger intraoculaire (alliage à base de 85 % de carbure de tungstène et 15 % de cobalt), attribuée par les auteurs à la toxicité du cobalt et non à un traumatisme direct de la rétine, a été rapporté [60]

    Toxicité chronique [8, 9]

    Chez les salariés exposés de façon chronique au cobalt et à ses composés, les organes cibles principaux sont le système respiratoire et la peau.

    Effets respiratoires [8, 9, 61]

    L’inhalation de poussières contenant du cobalt métallique peut entraîner diverses pathologies respiratoires allant de symptômes non spécifiques d’irritation de la muqueuse des voies respiratoires hautes et basses (rhinite, sinusite, pharyngite, trachéite ou bronchite) à un asthme ou une atteinte parenchymateuse interstitielle (sous forme d’alvéolite et/ou de fibrose) connue sous le terme de « maladie des métaux durs ».

    L’asthme au cobalt est décrit chez des salariés exposés à des poussières ou des aérosols contenant du cobalt sous diverses formes : poussières de cobalt « pur » ou associé à d’autres substances (carbures de tungstène, diamant), oxyde et sels de cobalt (notamment dichlorure, sulfure, résinate de cobalt). Différents secteurs d’activité et postes de travail peuvent être concernés : production de cobalt et de composés du cobalt, utilisation de pigments dans l’industrie du verre et de la céramique, polissage de diamants, fabrication de métaux durs, utilisation et affûtage d’outils en métaux durs, usinage d’alliages spéciaux à haute performance contenant du cobalt.C’est une affection rare dont l’incidence semble corrélée avec les niveaux d’exposition au cobalt [62].La physiopathologie de l’asthme pourrait impliquer à la fois des mécanismes immunologiques et non immunologiques. A la faveur d’un mécanisme immunologique, certaines publications rapportent la mise en évidence d’IgE (immunoglobulines E) dirigées contre le complexe cobalt-sérumalbumine humaine. La positivité de tests de transformation lymphoblastique au cobalt (dichlorure et nitrate de cobalt) et des patch-tests au dichlorure de cobalt  évoque un mécanisme d’hypersensibilité retardée d’après certains auteurs. Cependant, les réponses le plus souvent retardées ou doubles (précoce et retardée) lors des tests de provocation bronchique spécifique (dichlorure de cobalt, poussière de cobalt métal) suggèrent plutôt un mécanisme non immunologique. Par ailleurs, les tests cutanés à lecture immédiate au dichlorure de cobalt sont le plus souvent négatifs.

    Des études épidémiologiques réalisées dans différents secteurs d’activité (production de cobalt et composés, fabrication et utilisation d’instruments en cobalt-diamant, production de métaux durs) suggèrent que l’exposition au cobalt peut contribuer à une altération des fonctions respiratoires, de types obstructif, restrictif ou mixte. Les effets observés sont les suivants : déclin du VEMS[1]  au fil des années (1988-2001) en association avec le tabagisme [63], diminution du ratio VEMS/CVF[2] avec l’intensité de l’exposition [64], diminution de la CVF, du VEMS et du DEM75[3] , l’ensemble des paramètres spirométriques étant corrélé de façon négative avec la durée d’exposition [65], diminution de la CVF et du VEMS avec l’intensité de l’exposition et indépendamment du tabagisme [66], effet dose-réponse (non significatif statistiquement) de l’exposition au cobalt sur la diminution du VEMS chez les fumeurs et non-fumeurs [67]. Il est à noter que dans ces deux dernières études les expositions sont relativement basses : moyennes des concentrations atmosphériques de 5 et 15 µg Co/m3 et moyennes de cobalt urinaire à 7 et 20,5 µg/g de créatinine chez des polisseurs de diamants ;  médianes de < 1 à 10 µg Co/m3 chez des salariés exposés aux métaux durs.

    La « maladie des métaux durs » est une pathologie pulmonaire interstitielle, décrite initialement chez travailleurs exposés aux poussières de métaux durs (contenant du cobalt associé à des carbures de tungstène) puis également chez les polisseurs de diamants (exposés au cobalt-diamant). Le rôle du cobalt lui-même, plutôt que de l’association avec le carbure de tungstène a alors été évoqué. Cependant, toutes les formes de cobalt ne semblent pas impliquées. Ainsi, des études chez des salariés de la production de cobalt, exposés à des aérosols solides ou liquides contenant du cobalt métal et des sels solubles de cobalt, suggèrent que des expositions relativement élevées (exposition moyenne jusqu’à 125 µg/m3) ne semblent pas responsables de pathologie interstitielle pulmonaire [64, 68].

    Le tableau clinique initial est celui d’une alvéolite subaiguë avec toux sèche, fièvre, dyspnée pouvant évoluer vers une fibrose interstitielle et une insuffisance respiratoire chronique. La radiographie thoracique, qui peut être normale au début,  retrouve des opacités réticulinodulaires bilatérales, puis en rayon de miel dans les formes évoluées. Les épreuves fonctionnelles respiratoires objectivent un syndrome restrictif pur ou associé à un syndrome obstructif. Le lavage bronchoalvéolaire montre une alvéolite lymphocytaire avec parfois présence de cellules géantes multinucléées. La présentation anatomopathologique la plus fréquente consiste en une pneumopathie giganto-cellulaire. L’évolution après arrêt de l’exposition est variable : guérison sous corticothérapie, régression des lésions ou progression vers une fibrose.

    Il n’y a pas de relation établie avec la durée ou l’intensité de l’exposition. La survenue de cette pathologie ne semble pas clairement associée à une surcharge pulmonaire mais plutôt à une susceptibilité individuelle. Il s’agit d’une pathologie rare, affectant un pourcentage faible de sujets exposés (< 1 % chez des polisseurs de diamants dans une étude). La physiopathologie est inconnue, en particulier l’existence d’une éventuelle relation avec une hypersensibilité à médiation cellulaire, un processus auto-immun ou un polymorphisme génétique du HLA (Antigènes des Leucocytes Humains).

     

    Effets cutanés [69]

    Le cobalt métal (ions cobalt libérés sous l’effet de la sueur), les sels et oxydes de cobalt sont des sensibilisants cutanés responsables de dermatites de contact allergique, parfois aéroportées. Des cas sont décrits notamment chez des ouvriers de la métallurgie, de l’industrie du caoutchouc et des plastiques, de la fabrication de céramique, porcelaine et verre, de l’industrie pharmaceutique…De façon plus exceptionnelle, des cas d’urticaire de contact sont rapportés.

    Des co-sensibilisations,  plutôt que des réactions croisées avec d’autres métaux (nickel, chrome), sont fréquentes.

    Dans la population générale, la prévalence de la sensibilisation au cobalt est élevée (test épicutané au dichlorure de cobalt) justifiant sa présence dans la batterie standard européenne. En dehors d’une exposition professionnelle, la pertinence de la positivité du test épicutané au dichlorure de cobalt est souvent difficile à déterminer.

     

    Effets cardiovasculaires

    Des cardiomyopathies ont été rapportées dans les années 60 chez des personnes buvant de grandes quantités de bière contenant du cobalt. L’exposition au cobalt associée à la consommation d’alcool et des déficits nutritionnels a été suspectée d’être l’origine de cette affection.

    Des études anciennes de faible effectif réalisées chez des salariés exposés aux métaux durs retrouvent des effets fonctionnels ventriculaires pouvant possiblement être secondaires aux effets respiratoires du cobalt après inhalation d’après les auteurs [62, 63]. Les niveaux d’exposition ne sont pas déterminés.

    Dans une étude plus récente, menée chez 203 employés de la production de cobalt (niveau moyen d’exposition au cobalt d’environ 0,05 mg/m3, de 0,01 à 0,25 mg/m3 dans les différents secteurs de l’entreprise), l’exposition cumulée au cobalt est associée à des résultats d’échocardiographie-Doppler indiquant une altération de la fonction diastolique ventriculaire gauche [64]. Les paramètres électrocardiographiques,y compris la fréquence cardiaque, ne sont pas affectés. Les auteurs estiment que ces changements échocardiographiques ne sont pas en rapport avec des anomalies de la fonction pulmonaire et l’hypothèse d’une accumulation de cobalt dans le myocarde pouvant affecter la fonction myocardique est avancée.

     

    Effets endocriniens

    Des effets thyroïdiens du cobalt (goitre et myxœdème) sont rapportés à la suite de l’administration de dichlorure de cobalt pendant plusieurs mois pour traitement de l’anémie chez l’enfant.

    En milieu professionnel, peu de données sont disponibles et les conclusions ne sont pas univoques. Chez des salariées peintres sur porcelaine, une augmentation des taux sériques de la T4[4] libre et totale, sans modification significative  des taux de la T3[5] (Tri-iodothyronine) et de la TSH[6], est observée uniquement dans le sous-groupe utilisant comme pigment un composé semi-soluble, le cobalt-silicate de zinc (25 sujets, moyenne des cobalturies à 10,4 µg/g de créatinine en fin de poste et fin de semaine) [73]. Dans une autre étude menée chez 82 salariés exposés aux poussières de cobalt (métal, oxydes, sels) avec une moyenne des cobalturies d’environ 70 µg/g de créatinine en fin de poste et fin de semaine, on retrouve une diminution des taux de la T3 sans effet significatif sur la T4 et la TSH, ni signe clinique d’hypothyroïdie [64].

    Enfin, aucun effet thyroïdien n’a été observé chez 249 employés de la production de cobalt (médiane des cobalturies  à 4 µg/g de créatinine en fin de poste et fin de semaine) [74].

     

    Effets Neurologiques

    Certains effets sur le système nerveux ont été rapportés suite à une exposition professionnelle au cobalt.

    Des troubles mnésiques, en rapport avec des difficultés d’attention et un déficit de la mémoire verbale ont été rapportés chez 12 sujets présentant une maladie des métaux durs, anciennement exposés aux poussières de métaux durs et aux solvants [75]. Il est difficile d’attribuer ces effets à la seule exposition au cobalt.

    Un cas d’atrophie du nerf optique et de surdité d’origine neurologique bilatérales régressives après arrêt de l’exposition a été observé chez un salarié exposé à la poussière de cobalt métal pendant 20 mois [76].

    Des cas de surdité d’origine neurologique et de diminution de l’acuité visuelle ont également été rapportés lors de l’utilisation thérapeutique de dichlorure de cobalt. Divers symptômes neurologiques ont été décrits chez des patients ayant une arthroplastie de hanche (alliage contenant du cobalt) présentant souvent des niveaux élevés de cobalt sanguin : surdité, vertiges, diminution de l’acuité visuelle, atrophie du nerf optique, neuropathies périphériques [77].

     

    Effets hématologiques

    Le dichlorure de cobalt a été utilisé pour ses effets polycythémiques pour le traitement de l’anémie.

    Cependant, un éventuel impact de l’exposition professionnelle sur les globules rouges est moins évident. Contrairement aux effets attendus, chez 82 salariés exposés aux poussières de cobalt (métal, oxydes, sels ; moyenne des cobalturies à 70 µg/g de créatinine en fin de poste et fin de semaine), une diminution du nombre de globules rouges et des taux d’hémoglobine et d’hématocrite est retrouvée. Dans une étude menée chez 249 ouvriers de production de cobalt (médiane des cobalturies à 4 µg/g de créatinine en fin de poste et fin de semaine), aucun effet sur les paramètres érythrocytaires n’est observé [74].


    [1] VEMS : Volume Expiratoire Maximal à la première Seconde

    [2] CVF : Capacité Vitale Forcée

    [3] DEM75 : Débit Expiratoire Maximal à 75% de la CVF

    [4] T4 : Thyroxine

    [5] T3 : Triiodothyronine

    [6] TSH : Thyroid Stimulating Hormone ou Thyréostimuline

    Effets génotoxiques [9]

    Certaines études réalisées en milieu professionnel mettent en évidence des effets génotoxiques (augmentation des échanges de chromatides sœurs, de la fréquence des micronoyaux et des cassures d’ADN simple brin) dans les lymphocytes circulants de salariés co-exposés au cobalt et à d’autres métaux [78, 79, 80]. Il est cependant difficile d’attribuer ces effets au cobalt seul.

    Chez 35 salariés de 3 raffineries de cobalt et 29 salariés exposés à la poussières de métaux durs de 2 sites de production (taux de cobalt urinaire d’environ 20 µg/g de créatinine en moyenne dans les 2 groupes exposés correspondant à une concentration atmosphérique de 20 µg/m3 de cobalt en moyenne sur 8 heures), aucune augmentation significative des effets génotoxiques (test des comètes et test des micronoyaux) ni des marqueurs de génotoxicité étudiés n’est retrouvée par rapport au groupe témoin [81]

    Effets cancérogènes [9]

    Plusieurs études de mortalité chez des salariés de l’industrie des métaux durs, exposés aux poussières de métaux durs contenant du cobalt et des carbures de tungstène en France et en Suède, rapportent un risque accru de mortalité par cancer du poumon par rapport au taux national de décès  avec des SMR de 1,3 à 2,13 (dans la cohorte suédoise, le risque est significatif uniquement dans le sous-groupe des salariés avec plus de 10 ans depuis la première exposition, SMR à 2,78 ; IC 95 % 1,11-5,72) [9, 82, 83, 84]. Le risque de cancer du poumon augmente avec l’intensité et la durée de l’exposition aux poussières de métaux durs, après ajustement sur des facteurs confondants comme le tabagisme et l’exposition à d’autres cancérogènes dans certaines études. Ce risque semble supérieur lors de l’exposition à des poussières de métaux durs avant frittage.

    Peu d’études épidémiologiques se sont intéressées au risque de cancer chez les travailleurs exposés au cobalt non associé au carbure de tungstène.

    Dans une cohorte rétrospective de 1148 employés d’une usine électrochimique de production de cobalt et de sodium (1950 à 1988), aucun excès de risque de décès par cancer, et notamment par cancer du poumon, n’a été observé chez les ouvriers de la production ; un excès de risque de décès par cancer du poumon (SMR 2,58 ; IC 95% 1,12-5,09) est mis en évidence chez les ouvriers de la maintenance, mais qui peut être expliqué par les co-expositions comme l’amiante [85].

    Dans une cohorte rétrospective (1943 à 1992) de 874 femmes exposées à des pigments à base de cobalt (aluminate et silicate de cobalt) dans deux fabriques de porcelaine au Danemark, il n’a pas été rapporté d’augmentation de l’incidence de cancer et en particulier de cancer du poumon par rapport au groupe témoin. Il est à noter que les concentrations atmosphériques de cobalt sont élevées (souvent > 1000 µg/m3) [86].

    En 2006, l’évaluation par le CIRC conclut que le cobalt métal associé aux carbures de tungstène est probablement cancérogène pour l’homme (groupe 2A) et que le cobalt métal non associé aux carbures de tungstène, le sulfate de cobalt et autres sels solubles du cobalt sont possiblement cancérogènes pour l’homme (groupe 2B).

    Effets sur la reproduction

    Aucune donnée n’est disponible chez l’homme à la date de publication de cette fiche toxicologique.

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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