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Acrylonitrile

Fiche toxicologique n° 105

Sommaire de la fiche

Édition : Novembre 2017

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [7]

    L'acrylonitrile est largement absorbé et distribué par toutes les voies d'adminis­tration ; il est métabolisé par conjugaison directe avec le glutathion ou par oxydation par l'intermédiaire du cytochrome P450 et excrété dans l'urine sous forme d'un grand nombre de métabolites dont les ions thio­cyanate et cyanure et la N-acétyl-S-(2- cyanoéthyl)cystéine ( ou acide 2-cyanoéthyl-mercapturique, CMA). 

    Chez l'animal
    Absorption

    Chez le rat, l'absorption de l'acrylonitrile est importante par voie orale (95-98 %) et par inha­lation (91,5 %). Par voie orale, elle est monophasique avec un pic sanguin atteint après 3 h et une demi-vie dans le sang de 61 min. Par inhalation, l'absorption est biphasique : une phase rapide indépendante de la concentra­tion qui dure environ 60 min. et une phase plus lente, fonction de la concentration, jusqu'à la fin de l'exposition. La baisse du taux de gluta­thion provoque une augmentation du taux d'absorption de l'acrylonitrile par inhalation dans les 2 phases.

    Distribution

    Chez l'animal, l'acrylonitrile et/ou ses métabolites s'accumulent dans le sang, le foie, les reins, la muqueuse stomacale et intestinale, les poumons et le cortex surréna­lien ; la fixation aux protéines est importante. Le cœur, le thymus, la rate, les surrénales, le cerveau et la peau présentent un pic de concentration entre 3 et 6 h après l'exposi­tion. Après 72 h, la plus forte concentration est dans le tractus gastrointestinal suggé­rant soit une sécrétion dans l'estomac soit une libération de l'acrylonitrile ou de ses métabolites fixés sur la muqueuse stoma­cale.

    L'abaissement du taux de glutathion pro­voque une augmentation de l'acrylonitrile fixé de façon covalente dans différents organes.

    Métabolisme

    L'acrylonitrile est transformé par 2 voies principales (cf. fig.1) :

    • conjugaison directe avec le glutathion ; du fait de la grande réactivité de l'acrylonitrile avec les centres nucléophiles, elle peut se faire avec ou sans glutathion transférase. Cette voie est considérée comme une détoxication.
    • oxydation par le système de monooxygénases à cytochrome P450 avec formation d'oxyde de cyanoéthylène (CEO) ; cette voie est considérée comme une activation.

    La voie prédominante est fonction de la dose systémique. La déplétion en glutathion pro­voque une bascule du métabolisme de la voie (1) vers la voie (2).

    Le métabolite majeur dans de nombreuses espèces animales est le CMA. Les métabo­lites formés par conjugaison avec le glutathion représentent 85 % des métabolites urinaires.

    Schéma métabolique

    Excrétion

    Le rat, après une dose orale d'acrylonitrile radiomarquée, excrète, en 24 h, 40 % des molé­cules marquées dans l'urine, 2 % dans les fèces, 14,3 % dans l'air expiré (4,8 % sous forme inchangée, 9 % sous forme de CO2 et 0,5 % sous forme HCN) ; 27 % des molécules mar­quées sont présentes dans la bile. L'excrétion totale est de 75 % de la dose initiale après 10 jours. Les cinq métabolites majeurs représen­tent 75-100 % des métabolites urinaires :

    • la N-acétyl-S-(2-cyanoéthyl)cystéine (CMA) et l'acide S-(2-cyanoéthyl)-thioacétique issus de la voie métabolique (1) ; ils augmentent de façon non linéaire avec la dose, ce qui suggère une saturation métabolique. Cette voie est prédo­minante en cas d'exposition à une dose forte à court terme (par gavage ou administration iv ou ip)
    • les ions thiocyanates, la N-acétyl-S-(1- cyano-2-hydroxyéthyl)cystéine (acide 2- hydroxyéthylmercapturique, HMA) et l'acide thioglycolique issus de la voie (2) prédominent lors d'exposition à de faibles doses par voie orale (dans la nourriture ou l'eau de boisson) ou par inhalation.

    Durant les 9 premiers jours après une expo­sition par inhalation (5 ou 100 ppm soit 11 ou 220 mg/m3, pendant 6 heures, nez seul), le rat excrète respectivement 82,2 % ou 68,5 % de la dose dans l'urine, 3 ou 4 % dans les fèces et 6 ou 2,6 % dans l'air expiré sous forme de CO2. Le métabolite urinaire majeur est l'ion thiocya­nate (15 -16 % de la concentration inhalée) ; le CMA ne représente que 8 % des métabolites urinaires totaux. Quand la concentration aug­mente l'excrétion urinaire de thiocyanate aug­mente, indiquant une saturation du métabo­lisme oxydatif.

    Effets de l’espèce

    La proportion de conjugués au glutathion en position 2 ou 3 détermine la quantité d'ions cya­nures libérée ; les différences dans cette voie seraient responsables des différences inter­espèces de la toxicité induite par l'acrylonitrile.

    In vitro, les microsomes de foie de souris transforment l'acrylonitrile en CEO 4 fois plus vite que ceux du rat qui sont eux-mêmes 1,5 fois plus rapides que les microsomes humains ; ceci se traduit, in vivo, par une for­mation plus importante de cyanures et une excrétion urinaire de thiocyanates et d'acide thiodiglycolique plus élevée chez la souris que chez le rat et l'homme.

    Production d'adduits : L'acrylonitrile se fixe sur l'hémoglobine in vitro et in vivo en formant des adduits cyanoéthyl, majoritairement par réaction directe avec la cystéine. D'autres adduits peuvent aussi être formés par réaction avec la valine N-ter­minale (CEVal) ; ils semblent être plus spéci­fiques de l'acrylonitrile. La quantité d'adduits formés n'est pas linéaire avec la dose d'expo­sition, elle est le reflet de la quantité d'acrylonitrile circulant dans le sang et augmente avec la consommation de tabac.

    Chez l'Homme

    L’acrylonitrile est absorbé par voies respira­toire (pour environ 52 % d'une concentration inhalée de 4,2 ppm pendant 4 heures), diges­tive ou cutanée. Le passage transcutané est d'environ 0,6 mg/cm2/h après application sur peau humaine.

    Environ 22 % de l'acrylonitrile absorbé par inhalation est métabolisé par conjugaison au glutathion et aboutit à la formation d'acide 2- cyanoéthylmercapturique (CMA), principal métabolite de l'acrylonitrile. Pour une moindre part, l'acrylonitrile est métabolisé par oxyda­tion en glycidonitrile (oxyde de 2-cyanoéthylène CEO), hydrolysé en cyanures puis thio­cyanates ou conjugué avec formation de déri­vés mercapturiques (1-cyano-2-hydroxyéthyl- mercapturique (HMA) et 2-hydroxyéthylmercapturique).

    L'acrylonitrile se distribue au niveau de la peau, de l'estomac, des poumons, des reins mais aussi dans les érythrocytes (sous forme de cyanoéthylvaline). Le passage transplacen­taire est possible.

    II est éliminé par voie urinaire suivant une cinétique de premier ordre, sous forme d'acide 2-cyanoéthylmercapturique (CMA) dont la demi-vie d'élimination est de 8 heures. Une faible quantité est éliminée sous forme inchangée par voies urinaire et respiratoire [10, 14].

    Surveillance Biologique de l'exposition

    Etant donné le risque de passage percutané de l’acrylonitrile, la surveillance biologique de l’exposition professionnelle (SBEP) est intéressante.

    Le dosage de l'acrylonitrile dans les urines en fin de poste de travail a été proposé pour la SBEP. Ce paramètre est plus ou moins bien corrélé aux concentrations atmosphériques. Des taux non nuls sont retrouvés chez les sujets non professionnellement exposés (rôle du tabac).

    Le dosage urinaire des thiocyanates en fin de poste de travail a été proposé pour la SBEP. Mais ce paramètre n'est pas spécifique (influence du tabac, de l'alimentation) et à de faibles niveaux d'exposition (1 ppm), il ne permet pas de différencier exposés et non exposés. Des taux non nuls sont retrouvés chez les sujets non professionnellement exposés (rôle du tabac).

    Le dosage des adduits à l'hémoglobine (adduits N-cyanoéthylvaline) est un paramètre spécifique qui reflète l'exposition des 3 mois précédents. IL peut être utile, lors d'une exposition aiguë, pour apprécier l'imprégnation à distance de l'accident (jusqu'à 3 mois). La Commission allemande, lors d'une exposition à l'acrylonitrile recommande le dosage de N-2-cyano-éthylvaline dans les érythrocytes avec un taux de 420 µg/L, pour une exposition à 7 mg/m3 (3 ppm) (valeur EKA). Des taux non nuls sont retrouvés chez les sujets non professionnellement exposés.

    Le dosage de l'acide cyanoéthylmercapturique dans les urines en fin de poste a également été proposé pour la SBEP. Etant donné la très grande variabilité interindividuelle de ce paramètre, son utilisation au niveau individuel n’est pas conseillée.

    Il n’existe pas de valeur biologique d’interprétation pour la population professionnellement exposée.

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë [7, 11-14]

    L'acrylonitrile est toxique pour l'animal en exposition aiguë par inhalation, inges­tion ou contact cutané ; il est irritant pour les yeux et la peau et sensibilisant cutané.

    Les DL50 ou CL50 de l'acrylonitrile sont indi­quées dans le tableau I.

    L'espèce la plus sensible à l'effet létal après exposition par inhalation est le chien, la moins sensible est le singe.

    Les signes cliniques apparaissant après une exposition aiguë à l'acrylonitrile varient peu d'une espèce à l'autre ; ils peuvent être divisés en 4 phases :

    • immédiatement après l'exposition, phase d'excitation, larmoiement ;
    • suit une phase tranquille avec des symp­tômes cholinergiques (salivation, larmoie­ments, pertes urinaires et défécation) ; l'atropine bloque ces effets ;
    • ensuite phase convulsive durant laquelle l'animal subit de multiples pertes de connaissance ;
    • enfin phase terminale, précédant la mort, avec paralysie.

    Ces signes cliniques sont typiques de l'ac­tion d'un nitrile ; l'effet serait dû au clivage de la molécule qui libère des ions cyanures, médiateurs de la toxicité. Cependant le taux de libération et de détoxication des cya­nures, la dose d'exposition, la voie d'admi­nistration, l'espèce animale et la présence d'autres sites réactifs sur la molécule influencent la nocivité de l'acrylonitrile :

    Les organes cibles sont le système ner­veux central (perte de connaissance), les poumons, les reins et le foie (congestion), ainsi que le tractus gastrointestinal (inflam­mation de la muqueuse et hémorragies).

    L'acrylonitrile est fortement irritant pour la peau du lapin (œdème après 15 min., nécrose après une exposition de 20 h) et irri­tant sévère à modéré pour les yeux (rougeur de la conjonctive, opacité cornéenne diffuse, œdème, réversible en 7 j si l'œil est lavé). Les études à court et long terme ont montré une irritation du système respiratoire supérieur (rhinites, hyperplasie de la muqueuse nasale) ; c'est un effet retardé qui n'apparaît pas en début d'exposition.

    L'acrylonitrile est sensibilisant pour le cobaye dans le test de maximalisation (95 % de réponses positives pour une concentra­tion de 0,5 % en solution aqueuse).

    Voie Animal DL50/CL50

     

    Orale

    Souris

    Cobaye

    Rat

    Lapin

    28 - 48 mg/kg

    50 - 85 mg/kg

    72 - 186 mg/kg

    93 mg/kg

     

    Inhalation

    Chien

    Souris

    Rat

    Singe

    Cobaye

    200 mg/m3/4h

    300 mg/m3/4h

    470 mg/m3/4h

    1030-1210 mg/m3/4h

    990 mg/m3/4h

     

    Cutanée

    Rat

    Lapin

    Cobaye

    148 - 282 mg/kg

    226 mg/kg

    260 - 290 mg/kg

    Tableau I. DL50 - CL50 de l'acrylonitrile.

    Toxicité subchronique, chronique

    Une exposition répétée à l'acrylonitrile provoque des lésions des reins, du tractus gastro-intestinal, du système nerveux cen­tral et des surrénales; après inhalation il affecte aussi le système respiratoire.

    Une exposition répétée à l'acrylonitrile par voie orale ou inhalatoire provoque la létalité dans un certain nombre d'espèces, le chien étant le plus sensible après exposition par inhalation, ainsi que des modifications :

    • de poids : perte de poids corporel et aug­mentation de poids du foie et du cœur ;
    • du système nerveux central, cible princi­pale : des modifications neurofonctionnelles (léthargie, faiblesses des membres, perte de connaissance) apparaissent à partir de 100 ppm (4h/j, 5j/sem, 8 sem) chez le chat et le singe et 153 ppm chez le rat, le cobaye et le lapin ; elles sont liées à la libération de cya­nure ;
    • du nez et des poumons : une irritation nasale (rhinite, modifications inflammatoires et dégénératives de l'épithélium respiratoire des cornets nasaux) et pulmonaire (broncho­pneumonie) est observée chez tous les ani­maux exposés par inhalation sauf le chat ;
    • des reins : une néphrotoxicité est obser­vée à forte dose (irritation rénale, augmenta­tion de la diurèse, cylindres hyalins, néphrite interstitielle subaiguë avec quelquefois fibrose); le cobaye et le lapin sont les plus sensibles. Un effet sur les surrénales (augmentation de poids, hypertrophie et hyperplasie du cortex) se manifeste lors de l'administration par gavage chez le rat (60 mg/kg/j) ;
    • du tractus gastro-intestinal : une hyper­plasie gastrique, produite par l'exposition orale, peut être liée à un effet irritant local ;
    • hématologiques : les effets nécrotiques et hémorragiques observés dans le foie et la glande de Zymbal du rat, liés à la présence de tumeurs fortement hémorragiques, entraînent une hématopoïèse extramédul­laire compensatoire.

    Par voie orale chez le rat, la NOAEL (dose sans effet toxique observé) est de 3 ppm dans l'eau de boisson pendant 20 mois (soit 0,25 mg/kg/j chez le mâle et 0,36 mg/kg/j chez la femelle) ou 20 ppm pendant 90 jours et, par gavage 5 mg/kg pendant 13 semaines. Chez la souris, exposée par gavage pendant 13 semaines, la NOAEL est supérieure 12 mg/kg/j.

    La NOAEL par inhalation chez le rat est inférieure 20 ppm.

    Effets génotoxiques

    L'acrylonitrile est mutagène et géno­toxique in vitro ; in vivo les tests sont négatifs ou douteux.

    In vitro, l'acrylonitrile est faiblement muta­gène pour S. typhimurium et E. coli en pré­sence d'activateurs métaboliques ; l'effet mutagène est plus marqué dans les tests sur levures ou cellules de mammifères en cul­ture (y compris les cellules de lymphome de souris et les lymphoblastes humains) en pré­sence d'activation métabolique et à des concentrations cytotoxiques. Il induit des cassures de l'ADN, des échanges entre chromatides sœurs, des aberrations chro­mosomiques et des micronoyaux (cellules épithéliales bronchiques humaines, cellules ovariennes et fibroblastes de hamster chi­nois), mais pas de réparation de l'ADN (cel­lules épithéliales mammaires humaines ou hépatocytes de rat). Des tests effectués avec le métabolite principal de l'acrylonitrile, le CEO, ont montré que ce dernier est un mutagène direct et serait responsable de l'effet mutagène de l'acrylonitrile en pré­sence d'activateurs métaboliques.

    In vivo, les résultats de plusieurs tests sont négatifs (létalité dominante chez le rat, micronoyaux dans la moelle osseuse de la souris) ou douteux (synthèse non program­mée de l'ADN chez le rat : test négatif dans les hépatocytes ou les spermatocytes, posi­tif dans le poumon et le tractus gastrointes­tinal). Les tests pratiqués sur la drosophile ont donné des résultats positifs pour un cer­tain nombre de marqueurs génétiques.

    Effets cancérogènes

    L'acrylonitrile est cancérogène pour le rat par voie orale et par inhalation. Les ani­maux développent des tumeurs du sys­tème nerveux central, du tractus gastro­intestinal, de la glande de Zymbal et des glandes mammaires.

    Les effets tumorigènes de l'acrylonitrile n'ont été testés que sur le rat. Il provoque :

    • des tumeurs du système nerveux central, astrocytomes et prolifération focale et multi­focale des cellules gliales, localisées essen­tiellement dans le cortex cérébral et le pédoncule cérébral dans la région du cerve­let ; ces tumeurs apparaissent après exposi­tion pendant 2 ans par voie orale (à partir de 10 ppm dans l'eau de boisson) ou par inhala­tion (à partir de 20 ppm, 6 h/j, 5 j/sem).
    • des carcinomes squameux de la glande de Zymbal, centrés sur le canal auriculaire et peu différenciés, à partir de 10 ppm dans l'eau de boisson et 20 ppm par inhalation pendant 2 ans.
    • des tumeurs épithéliales squameuses (carcinomes et papillomes) du tractus gas­trointestinal après exposition orale pendant 2 ans : sur la langue (> 300 ppm dans l'eau de boisson), dans le pré-estomac et l'intestin grêle (> 30 ppm dans l'eau de boisson ou 5 mg/kg/j par gavage) ; la sévérité des lésions augmente avec la dose et le temps de latence d'apparition diminue.
    • des tumeurs mammaires chez les femelles à partir de 100 ppm dans l'eau de boisson et 5 mg/kg/j, par gavage, 3 fois/sem, pendant 2 ans.

    En revanche, les animaux, exposés par voie orale à l'acrylonitrile, présentent une baisse, fonction de la dose, du taux d'adé­nomes de l'hypophyse.

    Le mécanisme de l'action cancérogène de l'acrylonitrile n'est pas encore éclairci. Cette substance interfère avec l'ADN par la forma­tion d'adduits (in vitro et in vivo, dans le foie, par l'intermédiaire de son métabolite CEO) et par oxydation (formation de 8-oxodésoxy- guanidine) et elle augmente la peroxydation des lipides ; ces deux derniers effets indi­quent la présence d'un stress oxydatif (for­mation de radicaux oxygénés).

    Effets sur la reproduction

    L'acrylonitrile n'a pas d'effet sur la ferti­lité ou le développement à des doses non toxiques pour les parents.

    Fertilité

    Dans plusieurs expériences (par gavage et par inhalation) chez le rat et la souris, l'acrylonitrile n'a pas montré d'effet toxique sur le sperme (comptage spermatique, léta­lité dominante, synthèse non programmée de l'ADN dans les spermatocytes) à des doses n'induisant pas de toxicité générale ; aux doses toxiques on observe chez le rat une baisse de poids des testicules avec baisse du nombre de spermatocytes, spermatides et spermatozoïdes à partir de 23 mg/kg/j par gavage pendant 4 semaines et chez la souris une dégénérescence des tubules séminifères, une modification enzymatique testicu­laire et une baisse de mobilité spermatique à 10 mg/kg/j pendant 60 j.

    Dans une étude sur 3 générations chez le rat (0-100-500 ppm dans l'eau de boisson), l'acrylonitrile n'a pas d'effet sur la fertilité mâle ou femelle ni sur l'embryon à 100 ppm (soit environ 8 mg/kg/j). A 500 ppm, il est toxique pour les parents et les petits (baisse de viabilité, de poids, de l'indice de lacta­tion).

    Développement

    Chez le rat (0-10-25-65 mg/kg/j dans l'eau de boisson ou 0-12-25-50-100 ppm par inha­lation du 6ième au 15ième jour de gestation) ou chez le hamster (4,8-10-25-65-80-120 mg/kg, voie ip, au 8ième jour de gestation), l'acrylonitrile n'induit aucun effet toxique sur le développe­ment à des doses non toxiques pour les mères. En présence de toxicité maternelle, on observe une baisse de poids fœtal et une légère augmentation des malformations squelettiques après exposition orale. La NOAEL est de 12 ppm par inhalation et 10 mg/kg/j dans l'eau de boisson chez le rat et 65 mg/kg par voie ip chez le hamster.

  • Toxicité sur l’Homme [7, 14, 15, 17]

    Des intoxications graves voire mortelles peuvent survenir en milieu professionnel, les effets comportent des irritations des muqueuses, des signes neurologiques (coma, convulsion) et des troubles cardiaque et hépatique. Le contact cutané provoque des lésions de brûlures et le contact avec les yeux une irritation réversible. L'exposition répétée peut provoquer une irritation cutanée, oculaire et respiratoire ainsi qu'une altération des fonctions hépatiques et des anomalies hématologiques. Des eczémas ont été rapportés. Les études de génotoxicité sont globalement négatives. Les études publiées ne permettent pas de conclure sur les effets cancérogènes et la toxicité pour la reproduction de l'acrylonitrile lors d'expositions professionnelles.

    Plusieurs cas d'intoxications aiguës (cer­tains mortels), secondaires à une inhalation et/ou contamination cutanée par l'acrylonitrile, ont été décrits.

    L'exposition de volontaires pendant 8 heures à des concentrations d'acrylonitrile allant de 2,4 à 5 ppm n'a pas entraîné d'effet adverse, notamment pas d'irritation.

    Lors d'expositions professionnelles, l'inha­lation de vapeurs d'acrylonitrile peut provo­quer, avec une latence inversement propor­tionnelle à la concentration, des signes d'irri­tations oculaire (larmoiement, conjonctivite), nasale et des voies aériennes supérieures (toux, dyspnée suivis lors d'exposition à des concentrations supérieures à la VME ou lors de contamination massive, de symptômes généraux à type d'asthénie, de céphalées, de sensations vertigineuses, de nausées et vomissements, de somnolence et d'irritabilité voire des atteintes hépatiques. Dans les formes sévères, des atteintes cardiaques, des crises convulsives ou même un coma voire la mort, peuvent survenir.

    En cas de contact cutané direct avec de l'acrylonitrile sous forme liquide ou vapeur, par l'intermédiaire de vêtements souillés ou lors de projections, surviennent des signes d'irritation cutanée (à type d'érythème, oedème, brûlure, prurit, voire phlyctène) ou d'irritation oculaire (larmoiement, conjoncti­vite). En l'absence de décontamination effi­cace, des lésions sévères peuvent apparaître dans les 6 à 72 heures, à type de brûlures ou de phlyctènes. Si la contamination est éten­due, elle peut entraîner une intoxication sys­témique. Des signes d'irritation respiratoire d'apparition retardée (sans symptomatologie initiale) peuvent survenir.

    Toxicité chronique [7, 16, 17]

    Lors d'expositions chroniques par voies cutanée et/ou inhalatoire ont été décrits le plus souvent des signes d'irritations cutanée parfois sévère, oculaire et/ou respiratoire (toux, dyspnée) mais aussi des symptômes variés à type de céphalées, asthénie, nausées, vomissements, diarrhée pour des concentra­tions proches de 5 ppm. Les symptômes sem­blent relativement corrélés à la durée mais pas à l'intensité de l'exposition. Des effets neurologiques centraux à type de troubles du sommeil, d'irritabilité, de troubles de la concentration, proches des troubles mentaux organiques dus aux solvants ou aux métaux, sont également décrits : leur interprétation est délicate en raison des expositions asso­ciées ou du manque d'information sur les expositions.

    Des anomalies fonctionnelles du bilan hépatique ont été rapportées dans des études anciennes, notamment une étude chez 576 travailleurs exposés à l'acrylonitrile à des concentrations allant de 5 à 20 ppm dans des unités de production de fibres acryliques ; étant donné les co-expositions à d'autres sol­vants hépatotoxiques comme le diméthylformamide, il est difficile d'imputer ces anoma­lies à l'acrylonitrile seul. Ces mêmes auteurs, dans une seconde étude sur 102 sujets expo­sés depuis plus de 5 ans à des concentrations atmosphériques moyennes d'acrylonitrile de 4,2 ppm (pour les plus exposés), ne retrou­vaient pas d'anomalies fonctionnelles hépa­tiques ni rénales, ni de l'hémoglobine, tandis que des symptômes à type d'irritations ocu­laire et respiratoire réversibles étaient décrits.

    Des anomalies hématologiques (baisse de l'hémoglobine, des globules rouges et des leucocytes) ont également été notées dans des études anciennes pour des expositions voisines de 5 ppm ; elles sont difficiles à rap­porter à l'acrylonitrile en raison des co-exposi­tions et du manque d'information sur les conditions d'exposition.

    Plusieurs cas d'eczéma de contact liés à l'acrylonitrile ont été publiés. Un auteur rap­porte cinq cas de dermite allergique de contact chez des travailleurs de la production d'acrylonitrile, avec des patch-tests cutanés avec l'acrylonitrile monomère dilué à 0,1 % dans la vaseline qui étaient positifs (et néga­tifs chez les témoins) ; un des sujets se plai­gnait de paresthésies des doigts et des avant- bras, réversibles à l'arrêt de l'exposition [16].

    Effets génotoxiques [7, 11, 21, 22]

    Une étude n'a pas retrouvé d'augmenta­tion significative du nombre des aberrations chromosomiques dans les lymphocytes cir­culants de 18 travailleurs exposés depuis 15 ans en moyenne, à des concentrations d'envi­ron 5 ppm d'acrylonitrile mais aussi au sty­rène, à l'éthylbenzène et au butadiène [7].

    Il n'y a pas d'augmentation significative des échanges de chromatides sœurs (SCE) et des aberrations chromosomiques (AC) chez 14 salariés au poste de polymérisation pour la fabrication de fibres acryliques (niveaux et durées d'exposition à l'acrylonitrile inconnus) comparés à 20 témoins ; pas d'augmentation des SCE mais une augmen­tation des AC chez les 12 salariés de mainte­nance de cette même entreprise ; toutefois, en raison des co-expositions probables de ce groupe, il est impossible de conclure à une relation entre cet effet et l'exposition à l'acrylonitrile [7].

    Une augmentation significative de la fré­quence des mutations aux loci de l'hypoxan­thine guanine phosphoribosyl transférase a été observée dans les lymphocytes circulants de 26 travailleurs exposés à l'acrylonitrile (à des concentrations allant jusqu' à 8 ppm) et/ou au diméthylformamide depuis 15 ans en moyenne ; étant donné la co-exposition au diméthylformamide, l'interprétation de ces résultats est délicate [19].

    Une étude montre une augmentation des cassures simple brin de l'ADN des cellules spermatiques (test des comètes : Single cell gel electrophoresis) chez 30 salariés exposés à l'acrylonitrile et une augmentation de la fré­quence des chromosomes sexuels aneu­ploïdes (par FISH : fluorescence in situ hybri­dization) chez 9 d'entre eux comparés à des témoins ; les auteurs concluent que l'acrylo­nitrile entraîne une baisse de la qualité du sperme en induisant in vivo des cassures d'ADN et des non-disjonctions des chromo­somes sexuels dans les spermatogonies de salariés exposés [21].

    Une étude hongroise n'a pas décelé d'ex­cès de mutations dans les cellules germi­nales (mutations appréciées indirectement sur l'augmentation du nombre de Trisomie 21) chez des enfants (46 326) nés de parents vivant dans un périmètre de 25 km autour d'une entreprise d'acrylonitrile entre 1980 et 1996 [22].

    Effets cancérogènes [7, 15, 19, 20, 21]

    Plusieurs études épidémiologiques des années 70 à 90 (environ 8) chez des sujets pro­fessionnellement exposés ont été retrouvées : les tumeurs les plus souvent décrites en excès sont les cancers bronchopulmonaires, de la prostate et des tissus hématopoïé­tiques ; ces sites sont différents de ceux retrouvés par l'expérimentation animale ; il est très probable que les niveaux d'exposition à l'acrylonitrile dans ces études anciennes étaient supérieurs à ceux des études plus récentes.

    Une méta-analyse de 8 études de mortalité réalisées entre 1979 et 1992 retrouve un SMR global (Standardized Mortality Ratio) à 1,03 (IC = 0,92 - 1,15) pour la mortalité par cancers (tous cancers confondus) et un SMR à 1,07 (IC = 0,89 - 1,28) pour la mortalité par cancers bronchopulmonaires. La combinaison de leurs résultats ne montre pas de nette aug­mentation de décès par cancers (tous can­cers confondus et cancers bronchopulmo­naires) chez les travailleurs exposés à l'acry­lonitrile ; à noter que toutes ces études souf­frent d'un ou plusieurs biais (cohortes de petite taille, expositions mal caractérisées ou poly-expositions, suivi trop court, absence de prise en compte des facteurs extraprofessionnels, notamment du taba­gisme) . Elles ne montrent pas de relation forte entre cancer et exposition à l'acrylonitrile [7].

    Concernant les études épidémiologiques récentes, une méta-analyse de 25 études épidémiologiques chez des travailleurs exposés à l'acrylonitrile a été réalisée et a étudié 10 sites de cancers. Les principaux secteurs concernés sont la pro­duction de monomères et la fabrication de résines et de fibres ; la durée moyenne de suivi était de 30,2 ans pour les études de mortalité par cancers et de 28,6 ans pour celles d'incidence de cancers. Toutes les causes de mortalité par cancer étaient en dessous des niveaux attendus sauf pour le cancer de la vessie (méta-risque relatif à 1,4 ; IC = 0,9-2,0) ; aucun excès de décès par cancers, ni d'augmentation de l'incidence de cancers (tous cancers et cancers broncho­pulmonaires) n'a été retrouvé. A noter que l'excès de cancers de vessie retrouvé dans 3 des 25 études récentes semble être lié à une exposition associée aux amines aroma­tiques. L'excès de cancers de la prostate, sans relation avec l'intensité de l'exposition retrouvé dans les études anciennes, semble être difficile à rapporter à l'acrylonitrile. Enfin, l'excès de cancers bronchopulmo­naires n'a pas été retrouvé dans les études, sauf dans l'étude de Blair (1998) citée en 2004 dans le rapport de l'évaluation des risques [7], où les niveaux d'exposition étaient comparativement plus élevés d'après les auteurs : l'excès de risque de cancers bronchopulmonaires semblerait lié à des expositions fortes et prolongées et peut être au choix de la population témoin [7, 17, 19].

    Effets sur la reproduction [7, 22, 24]

    Aucune étude des effets sur fertilité chez des travailleurs exposés à l'acrylonitrile n'a été retrouvée.

    Une étude cas-contrôle récente parmi 475 femmes exposées professionnellement à l'acrylonitrile à des concentrations allant de 0,87 à 40 ppm, retrouve une plus forte inci­dence de naissances prématurées et de mal­formations chez les exposées (comparées à 527 témoins) ; en raison des co-expositions à d'autres produits chimiques, il est impossible de conclure sur une éventuelle relation avec l'exposition (ce d'autant que l'étude est peu documentée) [7].

    Une étude hongroise s'est intéressée aux enfants (46 326) nés de parents vivant dans un périmètre de 25 km autour d'une entreprise d'acrylonitrile entre 1980 et 1996 ; le nombre total de malformations congénitales dans cet environnement est inférieur à celui de la popu­lation hongroise ; A noter cependant, plu­sieurs clusters de malformations : un excès de pectus excavatum (taux de 6,9/1000, soit 15 fois celui de la population Hongroise), une fréquence accrue de défaut de descente des testicules (cryptorchidie) à 9,6 fois celle de la population hongroise d'autant plus impor­tante que la distance de l'usine est faible, un excès de pieds bots (5,4 fois la fréquence dans la population hongroise). Cependant les auteurs concluent à l'absence d'effet térato­gène lié à une contamination de l'environne­ment par l'acrylonitrile dans cette population [22].

    Ce même auteur a mené une étude épidé­miologique en Hongrie chez 783 travailleurs (426 hommes, 357 femmes), professionnelle­ment exposés à l'acrylonitrile, répartis en 3 groupes d'exposition ; cette étude retrouve une prévalence des malformations congéni­tales tous types confondus (sur un total de 1198 naissances) inférieure à celle de la popu­lation hongroise (et l'absence d'excès de risque de cancer chez les travailleurs expo­sés) ; à noter un taux de malformations mul­tiples significativement supérieur à celui de la population hongroise. Les auteurs concluent à l'absence d'argument en faveur d'un effet tératogène de l'acrylonitrile dans cette étude [22].

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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