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Warfarine (Coumafène)

Fiche toxicologique n° 216

Sommaire de la fiche

Édition : 2010

Pathologie - Toxicologie

Une évaluation des risques est en cours au niveau de l'Union européenne[3]La warfarine est le mélange racémique des isomères R et S ; la plupart des études ont porté sur ce mélange, la forme S semble la plus active biologiquement.

  • Toxicocinétique - Métabolisme [2, 3, 4, 6]

    Chez l’animal, la warfarine est absorbée par voies digestive et cutanée. Elle est éliminée après métabolisation hépatique, principalement sous forme de métabolites mais également sous forme inchangée dans les urines et les fèces chez l’animal et dans les urines uniquement chez l’homme pour la forme inchangée. Il existe un passage transplacentaire.

    Chez l'animal
    Absorption

    La warfarine est bien absorbée par voie digestive (absorp­tion complète) et par voie cutanée (environ 15 % de la dose administrée chez le rat).

    Distribution

    Elle est transportée aux organes cibles sous forme liée aux protéines plasmatiques.

    Après application cutanée chez le rat, on retrouve 57 % de la dose administrée dans de nombreux tissus, essen­tiellement au niveau de la peau puis la carcasse, le foie, le tractus gastro-intestinal et le sang.

    Métabolisme

    Le métabolisme est essentiellement hépatique (par les cytochromes P450). Chez le rat, la warfarine et six méta­bolites (quatre dérivés hydroxylés, un glucuroconjugué et un produit de condensation) ont été identifiés dans les urines et les fèces, le 7-hydroxycoumafène étant le méta­bolite majeur observé.

    Excrétion

    L'élimination se fait majoritairement sous forme métabo­lisée. Chez le rat, 6,6 % de warfarine sous forme inchangée sont retrouvés dans les urines. Après administration par voie intraveineuse, la demi-vie d'élimination de la S-warfarine (15,4 ± 2,8 heures) est 1,8 fois plus longue que celle de la R-warfarine (8,6 ± 1,6 heure).

    Après administration cutanée de warfarine, la demi-vie d'élimination est de 62,2 ± 41,8 heures après 6 heures d'exposition et de 45,2 ± 34,1 heures après 24 heures d'exposition.

    Chez l'Homme

    La warfarine est rapidement et complètement absorbée par le tractus digestif (pic plasmatique : 1 heure). Le pas­sage percutané est lent mais non négligeable car il est susceptible d'entraîner une hypocoagulabilité, comme l'attestent plusieurs observations de la littérature. Il n'existe pas de données sur l'absorption par la voie pul­monaire.

    La warfarine a un très faible volume de distribution (0,1 à 0,2 L/kg) ; elle est principalement liée à l'albumine sérique ainsi qu'à d'autres protéines circulantes. Elle traverse la barrière placentaire, mais n'est pas retrouvée en quantités significatives dans le lait maternel.

    La demi-vie plasmatique est de 36 heures environ chez le volontaire sain, pour une dose de 50 mg, mais des demi- vies se situant dans un intervalle de 20 à 80 heures ont été rapportées, également chez le volontaire sain.

    La warfarine est métabolisée par oxydation en 6- et 7- hydroxycoumafène, inactifs. Elle est également réduite en deux alcools diastéréoisomères, dix fois moins actifs que le parent.

    Les métabolites sont excrétés dans les urines après réab­sorption à partir de la bile. Moins de 1 % de la dose absor­bée est excrété sous forme inchangée dans les urines ; la warfarine inchangée n'est pas retrouvée dans les fèces.

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë [2, 3, 6, 7, 8]

    La warfarine est très toxique par inhalation, par contact avec la peau et par ingestion. Elle n’est ni irritante ni sensi­bilisante.

    Toxicité systémique

    La DL50 par voie orale chez le rat varie considérablement selon les auteurs, les conditions d'expérimentation (véhicule) et le sexe des animaux, les femelles étant plus sensibles que les mâles. Les DL50 se situent entre 5 et 58 mg/kg chez les femelles et entre 1,6 et 323 mg/kg chez les mâles. Les signes cliniques de toxicité observés sont essentiellement des hémorragies internes et externes. La majorité des mortalités a lieu entre le 4e et le 10e jour après le traitement.

    La DL50 par voie orale chez la souris se situe entre 374 et 675 mg/kg, est égale à 800 mg/kg chez le lapin et à 200-­300 mg/kg chez le chien. Le rat est donc l'espèce la plus sensible.

    La warfarine est très toxique par voie cutanée. Chez le rat mâle, la DL50 est comprise entre 20 et 80 mg/kg. La DL50 est égale à 40 mg/kg chez le rat femelle. Les morts inter­viennent entre les jours 5 et 14. Les signes cliniques sont identiques à ceux notés après administration orale. Loca­lement, on note des érythèmes, une desquamation et des croûtes au niveau du site d'application.

    La warfarine est très toxique par inhalation chez le rat. La CL50 de la warfarine est inférieure à 0,005 mg/l chez le mâle et la femelle après une exposition du corps entier pendant 4 heures. La mortalité des mâles a lieu entre les jours 2 à 9, celle des femelles entre les jours 5 à 11. Les signes cliniques de toxicité suivants sont notés à partir du 4e jour après l'exposition : diminution de l'activité, respira­tion irrégulière, hémorragies, perte de poids.

    Comme pour la plupart des antagonistes de la vitamine K, les effets observés résultent de :

    • l'inhibition de l'activation au niveau du foie des facteurs de coagulation II (prothrombine), VII, IX et X, entraînant une diminution de l'activité de ces facteurs dans le plasma ainsi qu'une diminution de la quantité de prothrombine formée et de sa vitesse de formation si la coagulation doit être déclenchée ;
    • l'augmentation de la fragilité capillaire.

    Ce mécanisme d'action est commun pour l'animal et l'homme.

    Irritation

    La warfarine n'est irritante ni pour la peau ni pour les yeux du lapin.

    Sensibilisation

    Dans un test de maximisation, la warfarine ne présente pas de propriétés de sensibilisation cutanée chez le cobaye.

    Toxicité subchronique, chronique [2, 3, 6]

    Aucune donnée sur l’exposition chronique n’est disponible chez l’animal en raison de la grande sensibilité des rongeurs à cette substance, qui rend la réalisation d’études et l’extrapolation à l’homme difficile.

    Les rats sont des rongeurs, particulièrement sensibles à des rodenticides tels que la warfarine ; les études de toxi­cité par administration répétée de warfarine, même à faibles doses, sont très difficiles à conduire et à extrapoler à l'homme du fait de la grande sensibilité de cette espèce. Par exemple, une dose de 0,077 mg/kg/jour entraîne la mort de 50 % des rats dans une étude de 90 jours par voie orale alors que cette dose correspond à une dose théra­peutique moyenne chez l'homme.

    La toxicité à court et moyen terme après administrations répétées chez l'animal résulte d'une cumulation d'effets et non d'une accumulation de la substance dans l'orga­nisme.

    Puisque le rat est plus sensible que l'homme à la warfa­rine et que de nombreuses données humaines sont dispo­nibles et jugées plus pertinentes, les études de toxicité long terme n'ont pas été réalisées avec la warfarine.

    Effets génotoxiques [2, 3, 6]

    Les résultats des tests in vitro sont équivoques, mais les résultats des études réalisées in vivo avec la warfarine sont négatifs.

    In vitro

    Des résultats négatifs sont obtenus dans un test de muta­tion génique sur bactéries (Salmonella typhimurium) avec et sans activation métabolique. Cependant, les deux autres tests réalisés in vitro montrent des résultats équi­voques. En effet, la warfarine paraît mutagène avec et sans activation métabolique dans le test de mutation génique sur cellules de lymphome de souris (locus TK). Le test d'aberration chromosomique sur lymphocytes humains donne un résultat positif sans activation métabolique et un résultat négatif en présence d'une acti­vation métabolique.

    In vivo

    Des résultats négatifs sont obtenus dans deux tests du micronoyau sur moelle osseuse de souris et dans un test de synthèse non programmée de l’ADN (UDS) sur hépato­cytes de rat.

    Effets cancérogènes [2, 3, 6]

    Aucune donnée n’est disponible chez l’animal.

    Puisque le rat est plus sensible que l’homme à la warfa­rine et que de nombreuses données humaines sont dispo­nibles et jugées plus pertinentes, aucune étude de cancérogenèse n’a été réalisée sur rongeurs.

    La warfarine n’étant pas mutagène in vivo et les données humaines ayant démontré l’absence d’augmentation de l’incidence de tumeurs après une utilisation thérapeu­tique prolongée, il n’y a pas lieu de suspecter une action cancérigène de la warfarine.

    Effets sur la reproduction [2, 3, 6, 8]

    Des effets embryo-toxiques et tératogènes ont été démon­trés chez l’animal.

    Fertilité

    Aucune donnée provenant d’études multigénération n’est disponible avec la warfarine. Du fait de la grande sensibilité des rongeurs à la warfarine, il n’est en effet pas envisageable de réaliser ce type d’étude.

    Il est considéré plus pertinent de se baser sur les nom­breuses données humaines disponibles.

    Développement

    Les données provenant des études réalisées chez les ron­geurs sont limitées mais ont permis de clarifier les méca­nismes de toxicité sur la reproduction de la warfarine.

    Les résultats obtenus dans diverses études de développe­ment pré- et post-natal dans lesquelles la warfarine est administrée avec ou sans adjonction de vitamine K chez le rat montrent des effets causés par l’activité anticoagu­lante de la warfarine (syndrome hémorragique (hématomes et hémangiomes)), mais également des anomalies osseuses (malformations des membres postérieurs, absence, dimi­nution ou retard d’ossification, effets sur la croissance du cartilage nasal et des os de la face et du crâne). Ces dernières sont dues à l’inhibition de la carboxylation de protéines du squelette dépendantes de la vitamine K. Les résidus d’acide y-carboxyglutamique conférant habituel­lement à ces protéines la propriété d’inhiber la calcifica­tion, l’absence de carboxylation entraîne des calcifications responsables de certaines anomalies observées.

    Une étude chez la souris a montré que les effets sur le développement pouvaient être classés en trois catégo­ries : mort fœtale associée à des hémorragies placentaires (associées à de forts taux de mortalité et une augmenta­tion du temps de prothrombine), mort fœtale non asso­ciée à des hémorragies et malformation fœtale.

  • Toxicité sur l’Homme

    L’intoxication aiguë par ingestion de warfarine entraine, parfois de façon retardée, un syndrome hémorragique de gravité variable, sans localisation préférentielle. Des symptômes aspécifiques y sont parfois associés. L’exposition répétée et prolongée par contact cutané peut également causer un syndrome hémorragique. Aucune donnée n’est disponible chez l’homme pour les effets génotoxiques ou cancérogènes. La warfarine est fœtotoxique, embryotoxique et tératogène.

    La warfarine est utilisée en thérapeutique humaine pour ses propriétés anticoagulantes ; il existe de ce fait une abondante littérature sur les effets indésirables liés à cet usage. Aucune donnée relative à l’exposition à la warfarine « technique » n’est disponible dans le cadre de l’utilisation professionnelle comme rodenticide. Les seules données publiées concernent les effets rapportés chez l’homme lors de l’exposition aux préparations commerciales, l’essentiel de l’information provenant de la description de cas d’intoxi­cation volontaire ou accidentelle, principalement par ingestion, exceptionnellement après contact cutané. La présence de co-formulants, en particulier les co-formulants huileux, dans ces préparations est susceptible de modifier sensiblement le profil toxicologique observé chez l’animal à partir d’études effectuées sur la substance active seule.

    Toxicité aiguë [10, 11, 15]

    De nombreux cas d’intoxications aiguës par ingestion sont décrits dans la littérature, dont plusieurs cas d’évolu­tion fatale. Des signes de toxicité sont observés après l’in­gestion de 50 mg/kg de poids corporel. Les signes cliniques surviennent habituellement de manière retardée, mais plus la prise est massive, plus les perturbations hématologiques seront précoces.Il s’agit d’un syndrome hémorragique comparable à celui rencontré dans les surdosages aux antivitamines K en thé­rapeutique, de gravité variable, sans localisation préféren­tielle : épistaxis, gingivorragies, hématomes sous-cutanés, hémarthroses, métrorragies, hématurie, hématome extra­dural...D’autres signes peuvent être associés, correspondant plus à des effets indésirables qu’à des effets toxiques : fièvre, érup­tion, réactions allergiques, troubles gastro-intestinaux.

    Les sujets ayant des antécédents d’allongement de temps de coagulation doivent être considérés à risque.

    Toxicité chronique [12, 13, 14]

    Trois publications rapportent des cas d’intoxications sévères survenues après expositions répétées et prolongées par contact cutané. Dans deux cas, il s’agissait d’individus qui, après avoir préparé, sans port de gants, des appâts à partir d’une préparation liquide concentrée pendant une dizaine de jours, ont présenté un syndrome hémorragique. La troi­sième publication relate une intoxication collective surve­nue chez 741 nourrissons au Vietnam suite à l’utilisation de talc contaminé par 1,7 à 6,5 % de warfarine. Cette intoxication a entraîné 177 décès par syndrome hémorra­gique.

    Peu de données sont disponibles sur l’exposition profes­sionnelle à la warfarine (ainsi qu’aux antivitamines K en général). Les employés des usines de fabrication sont sou­mis à une surveillance biologique régulière et sont habi­tuellement exclus de la production lorsque le temps de Quick (TP) est inférieur à 70 %. Quelques incidents sont rapportés par les industriels en cas de mauvais usage des équipements de protection individuelle.

    Effets génotoxiques

    Aucune donnée n’est disponible chez l’homme à la date de publication de cette fiche toxicologique.

    Effets cancérogènes

    Aucune donnée n’est disponible chez l’homme à la date de publication de cette fiche toxicologique.

    Effets sur la reproduction [9, 10, 15-19]

    La warfarine est tératogène chez l’homme et peut entraîner des avortements. L’exposition, en thérapeutique, pendant le premier trimestre de la grossesse peut produire une embryopathie appelée « syndrome fœtal de la warfarine » caractérisée par une chondrodysplasie et une hypoplasie nasale.

    Des malformations du système nerveux central peuvent survenir lors de l'exposition pendant le second et le troi­sième trimestre. Des malformations affectant les yeux (atrophie optique, microphtalmie, cataracte) et les oreilles ainsi qu'un faible poids de naissance ont été également rapportés. L'exposition durant la grossesse est susceptible d'avoir un impact sur le développement psychomoteur de l'enfant, comme cela a pu être mis en évidence dans une série d'études épidémiologiques.

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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