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Acide phosphorique

Fiche toxicologique n° 37

Sommaire de la fiche

Édition : Novembre 2020

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [1, 5]

    L’acide phosphorique peut pénétrer dans l’organisme par inhalation de son aérosol et par ingestion ; il libère des ions phosphate qui sont éliminés dans l’urine.

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale [4, 7]
    Toxicité expérimentale

    Les études, menées en toxicologie expérimentale par inhalation, utilisent les aérosols ou les fumées d'acide phosphorique formés lors de la combustion du phosphore blanc ou rouge (dégagement de pentoxyde de phosphore qui s'hydrolyse en acide phosphorique).

    Toxicité aiguë

    L’acide phosphorique est, selon la dose et la voie d’exposi­tion, irritant ou corrosif pour le tractus respiratoire, la peau, les yeux et le tractus gastro-intestinal.

    Les fumées de combustion d'un mélange contenant 95 % de phosphore rouge renferment une forte concentration en acide phosphorique et une petite quantité d'acide diphosphorique. Une exposition des rats pendant 1 heure à ces fumées induit une légère déformation de l'épiglotte (à 3150 mg/m3), un œdème du larynx (à 5400 mg/m3) et des lésions trachéales et laryngées (à 8500 mg/m3). Une exposition pendant 4 heures à 1500 mg/m3 provoque un œdème laryngé sévère et quelques points hémorragiques. Des lapins exposés pendant 30 minutes à ces fumées pré­sentent une nécrose épithéliale des alvéoles et une inflammation du larynx partiellement réversible en 14 jours.

    Sur la peau du lapin, l'acide phosphorique induit une irri­tation à partir d'une concentration de 75 % pendant 4 heures ; à 80 %, l'irritation est sévère, et à 85 %, il est cor­rosif (nécroses).

    Sur les yeux du lapin, une solution à 10 - 17 % est légère­ment irritante, alors qu'un contact direct avec la sub­stance pure (119 mg) induit des effets sévères (brûlures).

    L'acide phosphorique n'est pas sensibilisant pour le cobaye.

    Voie

    Espèce

    DL50/CL50

    Orale

    Rat

    1 530 mg/kg

    Cutanée

    Lapin

    2 740 mg/kg

    Inhalatoire

    Rat

    > 213 mg/m3/4 h

    Lapin

    1 689 mg/m3/1 h

     

     

    Toxicité subchronique, chronique

    La toxicité de l’acide phosphorique, en exposition répétée par inhalation, est semblable à celle des aérosols acides ; elle est due à l’action irritante directe de l’ion H+ et dépend non seulement de la concentration mais aussi de la taille des particules et de la durée d’exposition.

    Par voie orale, des rats exposés via la nourriture (0 - 4 500­ - 7 500 ppm du sevrage à 15 mois, soit 0 - 270 - 450 mg/kg/j) ne présentent aucun symptôme toxique.

    Par inhalation, les animaux sont exposés au produit de combustion d'un mélange contenant du phosphore blanc ou rouge (95 à 97 %) et une gomme :

    • des rats exposés à 0 - 300 - 750 - 1 200 mg/m3 ou 0 - 50 - 180­ - 300 mg/m3 du produit de combustion (phosphore rouge ; diamètre aérodynamique médian en masse (MMAD) des particules de l'aérosol = 0,49 - 0,65 µm ; 71 à 79 % de l'aé­rosol sous forme d'acide phosphorique), 2,25 heures par jour, 4 jours par semaine, pendant 13 semaines, présentent une létalité induite à partir de 750 mg/m3 ; l'organe cible est le tractus respiratoire et, en particulier, les bronchioles terminales ainsi que les muqueuses bronchique et laryngée. Une fibrose modérée à sévère des bronchioles terminales apparaît en relation avec la concentration (≥ 750 ppm). Aux concentrations inférieures (≤ 300 ppm), la lésion est minimale. Le NOAEL est de 50 mg/m3.
    • des rats exposés à 0 - 192,5 - 589 - 1 161 mg/m3 (produit de combustion du phosphore blanc), 15 minutes par jour, 5 jours par semaine pendant 13 semaines, meurent, à la forte concentration, par œdème laryngé ou trachéal ; il n'y a pas de modification du poids, des paramètres hématolo­giques ou biochimiques ni du comportement. À l'examen histologique, limité au tractus respiratoire, on observe tra­chéite et laryngite chez tous les animaux et bronchiolite aux deux plus fortes concentrations. Le LOAEL est de 192,5 mg/m3.
    • des rats, des souris et des cobayes sont exposés à 0 - 16­ - 128 mg/m3 (produit de combustion du phosphore rouge) 1 heure par jour, 5 jours par semaine pendant 13 semaines. À l'examen histologique, après 19 mois, on observe chez la souris des agrégats alvéolaires de macrophages avec gra­nules, chez le rat, une baisse de poids corporel et chez le cobaye, une létalité.
    Effets génotoxiques

    Le petit nombre de tests disponibles ne permet pas de conclure sur l’effet génotoxique de l’acide phosphorique.

    L'acide phosphorique n'est pas mutagène in vitro pour les bactéries dans le test d’Ames, avec ou sans activateurs métaboliques.

    In vivo, un résultat négatif est obtenu, chez la drosophile, dans le test de recombinaison génique. Un test de létalité dominante, pratiqué chez le rat (0 - 589 - 1161 mg/m3, 15 mn/j, 5 j/sem., 10 semaines), montre une augmenta­tion du nombre de femelles présentant des résorptions après accouplement avec des mâles exposés à la plus faible concentration uniquement.

    Effets cancérogènes

    Il n'y a pas de test d'effet cancérogène de l'acide phosphorique rapporté dans la littérature.

    Effets sur la reproduction

    L’acide phosphorique est fœtotoxique pour le rat exposé à une forte concentration par inhalation.

    Des rates gestantes, exposées à des produits de combus­tion du phosphore blanc (0 - 589 - 1161 mg/m3, 15 mn/j) du 6e au 15e jour de gestation, ne montrent aucune modifica­tion des paramètres de gestation ou de reproduction. Les fœtus, exposés in utero à la plus forte concentration, pré­sentent des variations viscérales et une augmentation du taux d'hypoplasie de l'apophyse xiphoïde. Le NOAEL pour le développement est 589 mg/m3. Dans un autre groupe d'animaux, une exposition des mères aux mêmes concen­trations 15 minutes par jour, 5 jours par semaine pendant 3 semaines, avant accouplement, pendant la gestation et la lactation, ne montre ni modification de la taille des por­tées ni anomalie fœtale induite. Cependant, à la plus forte concentration, on observe une baisse de la viabilité à 24 heures, du taux de lactation et de l'indice de survie à 21 jours. Le NOAEL est de 589 mg/m3.

    Par voie orale, des rats nourris pendant 3 générations (90 semaines) avec une nourriture contenant 0,4 et 0,75 % d'acide phosphorique ne montrent aucune modification de croissance ou de reproduction [8].

  • Toxicité sur l’Homme

    L’acide phosphorique et ses aérosols sont caustiques et peuvent provoquer des brûlures chimiques de la peau, des yeux et des muqueuses respiratoire et digestive. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé les brouillards d’acides inorga­niques forts dans le groupe 1 des substances cancérogènes pour l’Homme.

    Toxicité aiguë [9-14]

    En milieu professionnel, les principales voies d'exposition sont les voies respiratoire et cutanée.

    La contamination cutanée ou oculaire (projection de solu­tions d'acide phosphorique, contact avec de la poussière d'acide phosphorique anhydre en présence d'humidité ou exposition à des aérosols d'acide) entraîne localement des brûlures chimiques dont la gravité est fonction de la concentration de la solution, de l'importance de la conta­mination et de la durée du contact. Selon la profondeur de l'atteinte cutanée, on peut observer un érythème chaud et douloureux, la présence de phlyctènes ou une nécrose. L'é­volution peut se compliquer de surinfection, de séquelles esthétiques ou fonctionnelles. Au niveau oculaire, la symptomatologie peut associer une douleur immédiate, un larmoiement, une hyperhémie conjonctivale, un blépharospasme. Des lésions séquellaires sont possibles : adhérences conjonctivales, opacités cornéennes, cata­racte, glaucome, voire cécité. L'instillation oculaire d'une goutte d'une solution d'acide phosphorique tamponnée à pH 2,5 n'entraîne qu'une brève sensation de picotement transitoire, sans lésion constatée. Une goutte de la même solution tamponnée à pH 3,4 est parfaitement tolérée.

    L'exposition par inhalation à des aérosols d'acide phospho­rique provoque immédiatement des signes d'irritation des voies respiratoires : rhinorrhée, éternuements, sensation de brûlure nasale et pharyngée, toux, dyspnée, douleur thora­cique. La survenue d'un œdème laryngé ou d'un bron­chospasme peut d'emblée engager le pronostic vital. À l'arrêt de l'exposition, la symptomatologie régresse le plus souvent, mais un œdème pulmonaire lésionnel peut surve­nir de façon retardée, jusqu'à 48 heures après l'exposition. Secondairement, la surinfection bactérienne est la compli­cation la plus fréquente. L'hypersécrétion bronchique et la desquamation de la muqueuse bronchique en cas de brû­lure étendue sont responsables d'obstructions tronculaires et d'atélectasies. À terme, des séquelles respiratoires sont possibles : asthme induit par les irritants (en particulier, syndrome de dysfonctionnement réactif des voies aérien­nes ou syndrome de Brooks), sténoses bronchiques, bron­chectasies, fibrose pulmonaire.

    L'ingestion d'une solution concentrée d'acide phosphorique est suivie de douleurs buccales, rétrosternales et épigastriques associées à une hypersialorrhée et des vomissements fréquemment sanglants. L'examen de la cavité bucco-pharyngée et la fibroscopie œsogastroduodénale permettent de faire le bilan des lésions caustiques du tractus digestif supérieur. Le bilan biologique révèle une acidose métabolique et une élévation des enzymes tissulaires, témoins de la nécrose tissulaire, une hyperleu­cocytose et une hémolyse. Un ancien rapport de cas fait état d'une hyperphosphatémie et d'une hypocalcémie associées à une acidose métabolique suite à l'ingestion d'une quantité importante d'une solution contenant 20 % d'acide phosphorique [13]. Des complications peuvent survenir à court terme : perforation œsophagienne ou gastrique, hémorragie digestive, fistulisation (fistule œsotrachéale ou aorto-œsophagienne), détresse respiratoire (révélant un œdème laryngé, une destruction du carrefour aérodigestif, une pneumopathie d'inhalation ou une fistule œsotrachéale), état de choc (hémorragique, septique...), coagulation intravasculaire disséminée (évo­quant une nécrose étendue ou une perforation). L'évolu­tion à long terme est dominée par le risque de constitution de sténoses digestives, en particulier œso­phagiennes ; il existe également un risque de cancérisa­tion des lésions cicatricielles du tractus digestif.

    Toxicité chronique

    Il n'y a pas de donnée concernant les effets d'une exposi­tion chronique à l'acide phosphorique chez l'homme [15].

    Effets cancérogènes [16]

    Dans son évaluation datant de 2012, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a considéré que les données étaient suffisantes concernant le lien entre exposition aux aérosols d'acides inorganiques forts et risque de cancer du larynx, mais limitées pour pouvoir affirmer une associa­tion causale avec le cancer bronchique. Même s'il semble plausible que la diminution locale du pH en rapport avec l'inhalation d'acides inorganiques forts puisse provoquer des dommages cellulaires et une prolifération réaction­nelle, aucun mécanisme n'est formellement identifié comme étant à l'origine des cancers observés.

    Effets sur la reproduction

    Il n'y a pas de donnée humaine permettant d'évaluer les effets de l'exposition à l'acide phosphorique sur la reproduction (fertilité, développement). De tels effets ne semblent pas plau­sibles dans les conditions d'exposition professionnelle [16].

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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