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Méthanol

Fiche toxicologique n° 5

Sommaire de la fiche

Édition : Février 2018

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [12-15, 18, 23-25]

    Bien absorbé par voies respiratoire, orale et percutanée, le méthanol diffuse rapidement dans l'organisme. Il est transformé au niveau hépatique par la même voie que l'éthanol pour donner des métabolites tels que l'acide formique et les formiates. L'élimination se fait par les urines et la voie respiratoire sous forme inchangée ou de métabolites (CO2, formiates).

    Chez l'animal
    Absorption

    Chez l’homme, comme chez l’animal de laboratoire, le méthanol peut être absorbé par ingestion, par inhalation ou par voie percutanée. Des essais sur volontaires ont notamment montré que :

    • après une ingestion unique de méthanol, la concentration sanguine du produit est maximale après une heure environ (47 à 76 mg/l pour une dose de 70 à 84 mg/kg) ;
    • lors d’une exposition à des concentrations de 80 à 215 ppm, le taux de rétention pulmonaire est voisin de 55 % quels que soient le temps d’inhalation et l’importance de la ventilation pulmonaire ;
    • l’absorption percutanée peut conduire à des taux sanguins supérieurs à ceux obtenus pour une exposition à 200 ppm.
    Distribution

    Le produit absorbé diffuse rapidement dans l’eau totale de l’organisme, la concentration maximale étant la concentration plasmatique. La demi-vie plasmatique est voisine de 24 heures.

    Métabolisme

    La métabolisation du produit intervient essentiellement dans le foie. La première étape qui conduit à l’aldéhyde formique est, chez l’homme et chez le singe, régie principalement par l’alcool-déshydrogénase, enzyme non spécifique qui a une plus grande affinité pour l’éthanol et le butanol ; chez ces espèces, le système catalase-peroxydase, dont le rôle est prédominant chez la souris, le rat, le cobaye, le lapin et le chien, n’intervient que très faiblement. La deuxième étape, catalysée par la formaldéhydedéshydrogénase, mène à l’acide formique. La troisième étape enfin, qui mène au dioxyde de carbone, est contrôlée par la voie métabolique des composés à un atome de carbone (système sous la dépendance d’un dérivé de l’acide folique) ; c’est l’étape limitante de cette biotransformation. Ceci explique l’accumulation des formiates dans l’organisme en cas d’administration massive ou répétée de méthanol.

    Excrétion

    L’élimination du méthanol et de ses métabolites se fait dans l’air expiré (méthanol et dioxyde de carbone) et dans l’urine (méthanol et formiates). En raison de sa grande réactivité chimique et de son oxydation rapide en acide formique, l’aldéhyde formique n’est jamais mis en évidence. Chez les singes ayant reçu 6 g/kg de méthanol par voie intrapéritonéale, on retrouve dans l’air expiré 49 % du produit administré, sous forme de dioxyde de carbone et 35 % sous forme inchangée, et dans les urines 16 % sous forme de méthanol et d’acide formique.

    La concentration urinaire en méthanol, bien corrélée avec la concentration sanguine, est un bon indicateur de l’imprégnation de l’organisme. L’administration d’éthanol qui réduit l’oxydation du méthanol par compétition au niveau de l’alcool-déshydrogénase provoque une augmentation marquée de la méthanolurie.

    Surveillance Biologique de l'exposition

    Le dosage du méthanol urinaire, prélèvement réalisé en fin de poste de travail (si l'exposition est connue ou constante) et/ou fin de semaine est le reflet de l'exposition du jour même mais aussi un bon indicateur de l'imprégnation de l'organisme. Une bonne corrélation existe entre les concentrations atmosphériques et les taux urinaires de méthanol en fin de poste de travail. Ce paramètre n'est pas spécifique (métabolite commun à l'alcool isopropylique et l'alcool butylique).

    Le dosage du méthanol sanguin en fin de période d'exposition a été proposé pour la surveillance biologique de l’exposition professionnelle (SBEP); les taux de méthanol sanguin semblent corrélés avec les concentrations atmosphériques de méthanol.

    Le dosage de l'acide formique urinaire en fin de poste et fin de semaine de travail est d'un intérêt limité pour la SBEP ; il manque de spécificité et de sensibilité et est soumis à de larges variations individuelles.

    Le méthanol et l’acide formique urinaires peuvent être retrouvés dans les urines de la population générale non professionnellement exposée.

    Il existe des valeurs biologiques d’interprétation pour le méthanol urinaire pour la population professionnellement exposée (Voir Recommandations § II).

  • Mode d'actions

    L’existence chez l’homme et chez le singe d’une phase de latence précédant l’apparition des effets toxiques spécifiques du méthanol suggère que ceux-ci ne sont pas dus au produit lui-même, mais à ses métabolites. Le mécanisme de la toxicité oculaire n’est pas encore éclairci : l’aldéhyde formique a souvent été considéré comme responsable de cette toxicité, mais sans qu’on ait une preuve directe et sans que ce métabolite ait pu être détecté au niveau des organes lésés. Le rôle de l’acide formique est en revanche démontré dans l’acidose métabolique dont le développement coïncide avec son accumulation (mais d’autres anions organiques doivent également intervenir) et dans les effets toxiques sur le système nerveux central (augmentés chez les animaux déficients en acide folique qui oxydent mal les formiates, diminués par administration d’acide folique). Son implication est aussi possible dans les effets oculaires, car des modifications de l’électrorétinogramme ont pu être produites chez le singe par perfusion intraveineuse d’acide formique (et non d’aldéhyde formique).

  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë [12-18]

    Le méthanol provoque à fortes doses des troubles neurologiques (excitation, convulsion, paralysie…). Il est légèrement irritant pour les muqueuses oculaires et respiratoires. Le singe est l'animal le plus sensible et peut présenter une cécité en cas d'intoxication aiguë.

    La plupart des animaux de laboratoire sont peu sensibles à l’action du méthanol. Chez la souris, le rat, le cobaye, le lapin, le chat et le chien, les DL5O par voie orale sont comprises entre 6 et 14 g/kg; chez le lapin, la DL5O par voie percutanée est voisine de 16 g/kg ; la CL5O par inhalation est de 65 000 ppm pour une exposition de 4 heures chez le chat, de 100 000 ppm pour une exposition de 1,5 heure chez la souris.

    Pour toutes ces espèces et quelle que soit la voie d’administration, les symptômes observés traduisent essentiellement une action au niveau du système nerveux central : somnolence suivie d’une excitation, ataxie, paralysie partielle, narcose, convulsions et troubles respiratoires (tachypnée). En cas d’inhalation, y est associée une irritation des muqueuses des voies aériennes supérieures. La mort peut survenir par défaillance respiratoire. L’examen anatomo-pathologique révèle des œdèmes et des lésions dégénératives multiples du tissu myocardique, des parenchymes hépatique et rénal et du système nerveux (fibres optiques et cellules ganglionnaires, système nerveux central).

    Mais cette symptomatologie, l’horaire de son développement et les doses toxiques pour ces espèces diffèrent nettement de ce que l’on observe chez l’homme. En revanche, les études réalisées sur singes Rhésus ont montré que cette espèce était, à ces points de vue, beaucoup plus proche de l’homme :

    • on observe chez ce singe, en plus des effets narcotiques propres à tous les alcools, deux types d’actions qui caractérisent chez l’homme la toxicité du méthanol : d’une part, des troubles visuels avec anomalies du fond d’œil pouvant entraîner une cécité totale et, d’autre part, le développement d’une acidose métabolique sévère ;
    • il existe une période de latence asymptomatique de 8 à 12 heures ;
    • la sensibilité de cette espèce est plus grande que celle des non-primates : DL5O par voie orale voisine de 2 à 3 g/kg, concentration de 1 000 ppm létale pour certains animaux.

    Localement, chez le lapin, le méthanol n’est que faiblement irritant pour la peau et pour l’œil. Le produit pur provoque une rougeur de la conjonctive chez tous les animaux, une opacité cornéenne modérée et réversible pour 50 % d’entre eux. Une solution aqueuse à 25 % est sans effet.

    Toxicité subchronique, chronique [12, 14]

    L'exposition répétée provoque des signes de dépression du système nerveux central ainsi qu'une atteinte hépatique dégénérative.

    Des rats ont reçu pendant 6 mois 1 % de méthanol dans leur eau de boisson sans qu’apparaisse d’atteinte particulière, clinique ou biologique. L’administration orale quotidienne, pendant un mois, de 10 ou 100 mg/kg détermine, en revanche, chez ces animaux des modifications hépatiques (dégénérescence focale du cytoplasme, gonflement de cellules, modifications d’activité de certaines enzymes microsomales). Des expériences réalisées sur un très petit nombre de chiens ont montré que ces animaux supportaient relativement bien des expositions répétées à des vapeurs de méthanol: ni modification du comportement, ni altération de la vision, ni perte de poids, ni modification biologique ou histologique après 100 jours d’exposition, 3 minutes, 8 fois/jour, à 10 000 ppm comme après 379 jours d’exposition, 8 heures/jour à 450-500 ppm.

    Les souris survivent en état de narcose après 6 à 7 jours d’exposition, 3,5 à 4 heures/jour, à 48000 ppm; dans des conditions voisines (3,5 à 4 heures/jour à 54 000 ppm), elles succombent si cette exposition est répétée 13 à 15 jours.

    Effets génotoxiques [16]

    Certains tests réalisés in vitro et in vivo indique un potentiel génotoxique du méthanol ou de ses métabolites. On ne dispose pas d'élément sur la cancérogenèse de cette substance.

    Le méthanol n’est pas mutagène pour les souches classiques de Salmonella typhimurium dans les conditions du test d’Ames, avec ou sans activation métabolique [12]. II en est de même pour l’urine de souris ayant reçu par voie orale 1 g/kg par jour de produit, 5 jours consécutifs [19].

    En revanche, le méthanol induit des mutations ponctuelles sur des cellules de lymphome de souris en culture [20].

    In vivo, le méthanol augmente la fréquence des aberrations chromosomiques chez la sauterelle [14] et chez la souris [19, 21]. Chez cet animal, la réponse est dose-dépendante et se retrouve aussi bien par administration orale que par administration intrapéritonéale ; elle s’accompagne d’une augmentation de la fréquence des échanges de chromatides sœurs et de celle des micronoyaux dans les cellules de la moelle osseuse.

    Effets sur la reproduction [16, 22, 31]

    Le méthanol induit des malformations congénitales en présence seulement d'une faible toxicité maternelle. 

    L'exposition prénatale de souris à des vapeurs de 2000 ppm ou plus de méthanol, 7 h/j du 6ème au 15ème jours de gestation, peut entraîner une toxicité sur le développement, comme en témoigne la présence de fentes palatines, exencéphalies et malformations du squelette. Aucune toxicité maternelle n'a été observée dans cette étude.

    L’exposition de rates gestantes à 20 000 ppm de méthanol, 7 heures par jour, pendant toute la durée de la gestation ou seulement entre le 7e et le 15e jour de la gestation, provoque une légère toxicité maternelle et une forte incidence de malformations congénitales chez les nouveau-nés (côtes surnuméraires ou rudimentaires, malformations des systèmes urinaire ou cardio-vasculaire). Dans les mêmes conditions, la dose de 5000 ppm est sans effet [22].

  • Toxicité sur l’Homme

    L'exposition aiguë provoque des signes neurologiques (ébriété, céphalées…) et une irritation digestive ou respiratoire selon la voie d'exposition. L'intoxication se caractérise surtout par une acidose métabolique et des troubles visuels pouvant conduire à la cécité. Les projections dans l'œil peuvent induire une irritation superficielle. En cas d'exposition répétée, des céphalées et des troubles visuels ont été décrits.

    Toxicité aiguë [12-15, 18, 25, 26]

    Rares par inhalation ou par voie percutanée, les intoxications aiguës par le méthanol sont au contraire fréquentes par ingestion, celle-ci pouvant être accidentelle, mais étant le plus souvent provoquée par la consommation d’alcool frelaté.

    Le délai d’apparition de la symptomatologie est variable, de 10 à 48 heures selon la dose ingérée. Le tableau associe :

    • des signes non spécifiques :
    • une dépression du système nerveux central, responsable d’un syndrome ébrieux (vertiges, ataxie, céphalées, agitation) puis de troubles de conscience plus ou moins profonds, qui s’accompagnent parfois de convulsions, d’une dépression respiratoire, d’un collapsus cardio-vasculaire,
    • des signes d’irritation digestive (nausées, vomissements, douleurs digestives parfois) ;
    • des signes propres à l’intoxication par le méthanol :
    • une acidose métabolique marquée, avec respiration rapide et ample, type Kussmaul; son intensité est souvent importante, avec un pH artériel inférieur à 7, un taux de bicarbonates effondré et, parfois, une élévation des lactates,
    • des troubles visuels qui peuvent s’installer tardivement, au bout de 2 à 4 jours ; il s’agit d’une névrite optique rétro-bulbaire. On observe :
      • une mydriase bilatérale, avec abolition du réflexe photomoteur; la mydriase était décrite comme signe typique de l’intoxication au méthanol dans les premières observations ; il apparaît maintenant qu’elle n’est pas constamment retrouvée,
      • une baisse progressive de l’acuité visuelle, pouvant aboutir à une cécité complète,
      • un rétrécissement concentrique du champ visuel.

    Il existe une grande variabilité entre individus en ce qui concerne la résistance au méthanol. Dans les intoxications les plus graves, la mort peut survenir par défaillance respiratoire. Après une intoxication sévère, la récupération peut être totale, mais les séquelles oculaires sont relativement fréquentes (amputation du champ visuel, cécité complète).

    L’intoxication par voie respiratoire est la plus fréquente dans l’industrie. La symptomatologie est voisine de celle qui vient d’être décrite, avec les mêmes signes neurologiques, digestifs, visuels et biologiques. On observe également une irritation des muqueuses nasales et oculaires avec, en cas d’exposition massive ou prolongée, trachéite, bronchite, blépharospasme. Des essais sur volontaires ont montré que les concentrations suivantes étaient considérées comme tolérables chez l’homme : 1000 ppm pour une exposition de 1 heure, 500 ppm pour 8 heures, 200 ppm pour 8 heures/jour pendant 5 jours.

    La projection de liquide dans l’œil peut entraîner conjonctivite, lésions superficielles de la cornée et chémosis.

    Toxicité chronique [14, 15, 23-25]

    Les études épidémiologiques réalisées sur des ouvriers exposés à des vapeurs de méthanol de façon chronique ne permettent pas de fixer avec précision les seuils d’action de ce produit. Il semble toutefois que, pour des expositions à long terme :

    • des concentrations de 1200 à 1800 ppm puissent entraîner des troubles visuels analogues à ceux des intoxications aiguës (organes cibles : nerf optique et rétine) ;
    • des concentrations de 200 à 300 ppm puissent provoquer des céphalées tenaces et récidivantes ;
    • la concentration de 25 ppm soit sans effet.

    L’absorption simultanée de produit par voie cutanée augmente évidemment les risques. Le contact répété ou prolongé avec le liquide peut donner des signes d’irritation cutanée : dermatose, érythème, desquamation.

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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