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Phosgène

Fiche toxicologique n° 72

Sommaire de la fiche

Édition : Mars 2024

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [9, 10]

    Absorbé par voie respiratoire, le phosgène est hydrolysé au niveau pulmonaire en dioxyde de carbone et chlorure d’hydrogène ; l’excrétion se fait par voie exhalée essentiellement sous forme de CO2.

  • Mode d'actions

    Le phosgène est toxique par le chlorure produit et, sur­tout, par son action acylante envers une grande variété de nucléophiles tels que les groupements -NH, -SH ou -OH des constituants de la barrière air-sang. Il réagit également avec des macromolécules comme les enzymes, les protéines ou autres phospholipides polaires entrainant la formation d’adduits qui peuvent alors interférer avec les fonctions moléculaires [13]. Une modification du contenu en glutathion (GSH) endogène et en enzymes antioxydantes (GSH-peroxydase, GSH-réductase, glucose-6-phosphate-déhydrogénase et superoxyde-dismutase) apparaît chez le rat 1 à 2 jours après exposition à une concentration minimale de 0,1 ppm pendant 4 heures.

    Ces modifications enzymatiques sont semblables à celles observées après exposition à des gaz oxydants, comme l’ozone ou le dioxyde d’azote. Bien que le mécanisme soit différent (acylation contre oxydation), le résultat biolo­gique est similaire : lésion, réparation et afflux cellulaire (granulocytes neutrophiles) [14].

  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë [15]

    Ce gaz provoque une forte irritation de la peau, des yeux et des voies respiratoires, pouvant aller jusqu'à l'œdème pulmonaire. Les contacts cutanés et oculaires avec les formes liquides provoquent de graves brûlures.

    La létalité du phosgène est fonction de la concentration et du temps d’exposition. La CL50 peut être exprimée en fonction de ces deux facteurs. Les CL50 déterminées chez le rat et la souris pour 4 heures d’exposition sont respectivement de 2,1 et 3,9 ppm [16].

    Dans toutes les espèces, le poumon est la cible majeure. À faible concentration, les modifications pathologiques des bronchioles terminales et des alvéoles sont typiques d’une irritation pulmonaire, alors qu’à concentration plus élevée, les lésions pulmonaires modifient les échan­ges gazeux et conduisent à la mort. L’étude anatomo­pathologique des poumons montre que la première altération est une vacuolisation des cellules de l’épithé­lium des bronchioles terminales, représentant probable­ment le début de la formation d’un œdème dans ces cellules. L’œdème s’étend avec le temps, devient septal extracellulaire puis intracellulaire, avec pour conséquence la lyse cellulaire et la nécrose. Pendant la période suivant l’exposition, le septum s’épaissit, quelques cellules de type II développent un œdème cellulaire, des cellules de type I sont lysées localement et du liquide apparaît dans les alvéoles. Les cellules interstitielles semblent être très sen­sibles aux effets de l’œdème. En phase terminale, une substance ressemblant à de la fibrine se dépose dans les espaces alvéolaires provoquant une anoxie létale.

    Le phosgène affecte les poumons du rat, du hamster et de la souris à partir de 0,2 ppm, le lapin et le cobaye sont concernés à partir de 0,5 ppm [17].

    Chez le rat, une exposition à 0,5 ppm pendant 4 h provoque une baisse de l’immuno-compétence pul­monaire mesurée par l’activité NK (Natural Killer) des cel­lules pulmonaires. Il n’y a pas d’effet observé lors d’une exposition à 0,1 ppm pendant 4 heures, cependant, à cette concentration, on note une baisse du taux de pro­staglandines E2 et de leucotriènes ainsi que du nombre de macrophages alvéolaires. La résistance à l’infection bacté­rienne, la clairance pulmonaire des bactéries et la résis­tance au développement de tumeurs pulmonaires, après injection de cellules tumorales, sont diminuées par une exposition au phosgène (souris, 0,025 ppm pendant 4 h) [18].

     

    Irritation, sensibilisation [15]

    Sous forme liquide, le phosgène est corrosif pour la peau et les yeux ; sous forme gazeuse, il est fortement irritant pour la peau, les yeux et le tractus respiratoire. Il n’y a pas d’étude de sensibilisation.

    Toxicité subchronique, chronique

    L'exposition répétée par inhalation entraine une atteinte respiratoire inflammatoire à l'origine de bronchites, d'emphysème ou d'œdème pulmonaire, et des effets sur le système immunitaire.

    Les espèces exposées à 0,2 ppm, 5 h/j pendant 5 j (souris, rat, cobaye, lapin, chat et chèvre) présentent, en majorité, un œdème pulmonaire léger, sans létalité associée ; des lésions plus importantes (œdème sévère, bronchite aiguë et régénération bronchique) sont observées chez 6 ani­maux sur 54. Une exposition de ces mêmes espèces à 1,1 ppm, 5 h/j pendant 5 j, induit une létalité importante (90 % des souris, 10 % des lapins, après 48 h) et des modi­fications pulmonaires (œdème chez 95 % des animaux dont 27 % d’intensité sévère) [19].

    Des rats (0,25 ppm, 4 h/j, 5 j/sem, 17 j) présentent une augmentation du poids des poumons, du contenu en groupements sulfhydryles non protéiques et de l’activité glucose-6-phosphate-déhydrogénase après 7 jours d’exposition. L’examen microscopique du tissu pulmonaire après 17 jours d’expo­sition révèle une accumulation modérée multifocale de cellules mononucléaires dans la partie centro-acineuse [20]. Des chiens présentent une bronchiolite chronique oblitérante après 4 à 10 expositions (24 à 40 ppm pendant 30 min, 1 à 3 fois/sem), et un emphysème pulmonaire après 30 à 40 expositions ; les fonctions pulmonaires ne sont pas revenues à la normale 13 semaines après l’expo­sition.

    Une exposition répétée courte (moins de 7 jours) au phos­gène induit une tolérance vis-à-vis d’expositions ulté­rieures, non seulement au phosgène en concentrations plus élevées, mais aussi à d’autres gaz irritants comme l’ozone ou le dioxyde d’azote [21]. Cette tolérance est liée à un mécanisme d’action commun, l’afflux de granulocy­tes neutrophiles dans les poumons qui jouent un rôle pro­tecteur [22] ; par contre, elle peut provoquer des modifications pulmonaires chroniques irréversibles, comme l’emphysème ou la fibrose [23].

    Des effets sur le système immunitaire sont rapportés chez le rat (0,1 ou 0,2 ppm, 6 h/j, 5 j/sem, pendant 4 ou 12 semaines) et sont à l’origine d’une augmentation de leur susceptibilité aux infections qui persiste dans le temps. Les animaux exposés aux 2 doses présentent une diminution de la résistance aux bactéries (streptocoques) avec atteinte des macrophages alvéolaires, une modification de la clairance des bactéries et une augmentation du nombre de leucocytes dans le liquide de lavage bronchoalvéolaire [24].

    Effets génotoxiques

    Il n'y a pas donnée suffisante permettant de conclure sur la génétoxicité de cette substance.

    In vitro

    Seul un test d’Ames est négatif avec et sans activation métabo­lique sur S. typhimurium TA98 et TA100.

    In vivo

    Aucune donnée n’est disponible in vivo à la date de publication de cette fiche toxicologique (2024).

    Effets cancérogènes

    Aucune donnée n’est disponible à la date de publication de cette fiche toxicologique (2024).

    Effets sur la reproduction

    Aucune donnée n’est disponible à la date de publication de cette fiche toxicologique (2024).

  • Toxicité sur l’Homme

    Le phosgène produit une forte irritation des voies respiratoires pouvant laisser des séquelles bronchiques. Les contacts avec la peau et les yeux induisent de graves lésions. L'exposition répétée peut provoquer une atteinte pulmonaire.

    Toxicité aiguë [25]

    Le phosgène est une substance puissamment irritante pour les muqueuses oculaires et respiratoires. Il provoque une forte irritation cutanée.

    Les intoxications peuvent être dues à l’inhalation de phos­gène produit lors de la décomposition thermique d’hydro­carbures halogénés. Par cette voie, il suffit de faibles concentrations (de l’ordre de 1 ppm) pour provoquer des effets pulmonaires sévères.

    Les intoxications évoluent généralement en trois phases.

    • La première correspond à une irritation oculaire et/ou rhinolaryngée accompagnée de toux, parfois de vomisse­ments et de douleurs épigastriques. Il peut y avoir une anesthésie de la perception olfactive.
    • Ces phénomènes, qui doivent attirer l’attention, sont suivis d’une rémission de durée variable, pouvant attein­dre 24 à 36 heures.
    • Enfin, un œdème pulmonaire peut survenir. Les radio­graphies des poumons montrent alors une atteinte alvéo­laire ou interstitielle.

    Ces effets régressent le plus souvent en 1 à 2 semaines. Cependant, certaines de ces intoxications sont mortelles, d’autres peuvent laisser des séquelles pulmonaires invali­dantes. Il s’agit d’une hyperréactivité des voies aériennes, de dilatation des bronches ou de bronchiolite oblitérante [26].

    Les projections cutanées ou oculaires de phosgène liquide peuvent être source de graves brûlures. Les lésions oculai­res peuvent être irréversibles avec opacification de la cornée [27].

    Une irritation conjonctivale survient après exposition ocu­laire avec le gaz ; un réflexe de fermeture des yeux inter­vient lors de ces contacts et protège l’œil.

    Toxicité chronique [25]

    Les conséquences d’une exposition chronique au phos­gène sont mal connues. L’observation de 5 ouvriers expo­sés pendant 18 à 24 mois a mis en évidence chez 4 d’entre eux des signes compatibles avec un emphysème ; le cin­quième avait une fonction respiratoire normale [28]. Un suivi épidémiologique réalisé sur une cohorte d’environ 700 ouvriers, exposés de façon intermittente au phosgène entre 1943 et 1945, n’a révélé aucune différence statisti­quement significative avec un groupe de référence, en ce qui concerne les effets pulmonaires chroniques ou la mor­talité ; au cours de la période d’observation, 106 exposi­tions aiguës avaient pourtant été notées [29].

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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