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2,4-Dinitrophénol

Fiche toxicologique n° 95

Sommaire de la fiche

Édition : Janvier 2023

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [9]

    Le 2,4-dinitrophénol est absorbé par inhalation, par voie orale et probablement par la peau. Une partie de la dose absorbée est liée aux protéines sanguines, le reste passe dans les organes, en particulier les yeux. Il n'est pas stocké dans les tissus, mais rapidement métabolisé par réduction des groupes nitrés et complètement excré­té, surtout dans l'urine.

    Chez l'animal
    Absorption

    Chez l'animal, l'absorption du 2,4-dinitro­phénol est rapide par voie orale ; le pic plasma­tique apparaît 0,5 à 1 heure après l'exposition chez la souris et entre 0,5 et 4 heures chez le chien. La concentration plasmatique est fonc­tion de la dose. L'absorption par inhalation n'a pas été étudiée. L'absorption cutanée n'a pas été quantifiée ; cependant, une exposition par voie cutanée de 300 mg/kg est létale pour le cobaye, suggérant la pénétration du 2,4-dinitrophénol.

    Chez l'Homme, il n'y a pas de données quan­titatives par inhalation ou par voie cutanée ; cependant, un test de détection dans les urines du 2-amino-4-nitrophénol, métabolite du 2,4-dinitrophénol, donne des résultats positifs après de telles expositions (test de Derrien) ; de plus, la couleur jaune du 2,4-dinitrophénol permet une mise en évidence rapide de la contamination cutanée. Une dose totale de 9 grammes de 2,4-dinitrophénol, prise en 2 fois par voie orale, est mortelle et correspond à une charge corporelle de 2,72 grammes au moment du décès. L'absorption rapide est mise en évi­dence par une augmentation du métabolisme de base dès la 1re heure, après ingestion de 2 à 5 mg/kg.

    Distribution

    Chez la souris, le 2,4-dinitrophénol, absorbé par voie orale, est retrouvé dans le sérum (sous forme libre et fixé aux protéines), le foie et les reins avec des demi-vies (t1/2) d'absorption (0,5 - 1 h) et de 1re phase d'élimination (1 - 1,2 h) identiques. Cependant l'élimination finale par le rein est très lente (t1/2 = 76,2 h) comparée à celle du foie (t1/2 = 8,7 h) et du sérum (t1/2 = 7,7 h). Chez le chien, la concentration plasmatique n'augmente pas en cas d'exposition répétée, le 2,4-dinitrophénol ne s'accumule pas.

    Chez certaines espèces, en particulier les oiseaux et le lapin immature, le 2,4-dinitrophé­nol (injecté par voie intrapéritonéale) est retrouvé dans le cristallin, l'humeur aqueuse et l'humeur vitreuse de l'œil. Chez ces animaux dits «sensibles», il y a corrélation entre la concentration plasmatique en 2,4-dinitrophénol libre, la concentration intraoculaire et la formation de cataracte ; le lapin mature, qui ne présente pas de cataracte, a une concentration intraoculaire faible, bien que la concentration plasmatique soit identique à celle du lapin jeune.

    Métabolisme

    Le 2,4-dinitrophénol est métabolisé, chez l'Homme comme chez l'animal, par réduction des groupements NO2 (fig. 1). In vitro, des homogénats tissulaires de rat métabolisent le dinitrophénol avec des taux différents : foie (100 %) > reins (60 %) > rate (59 %) > cœur (29 %) > muscles (16 %) > cerveau (3 %) > sang (0 %). Chez le lapin, la rate est inactive.

    L'enzyme impliquée est une nitroréductase qui nécessite la présence de NADPH ; elle est retrouvée dans le cytosol et le réticulum endo­plasmique cellulaires, sous deux formes diffé­rentes, et est inhibée par l'oxygène et l'o-nitrophénol. Les métabolites principaux sont :

    • chez l'Homme : 2-amino-4-nitrophénol, 4- amino-2-nitrophénol, 2,4-diaminophénol ainsi que des dérivés nitrés non identifiés, probable­ment des métabolites conjugués à l'acide glucuronique ;
    • chez la souris, le taux de 2-amino-4-nitro-phénol plasmatique est 8 fois supérieur à celui du 4-amino-2-nitrophénol ; ces deux métabo­lites représentant la conversion de 50 % de la dose orale de 2,4-dinitrophénol ;
    • chez le rat, après injection sous cutanée, seul le 2-amino-4-nitrophénol a pu être mesuré dans l'urine.
    Schéma métabolique

    Excrétion

    Chez l'animal, le 2,4-dinitrophénol et ses métabolites sont éliminés dans l'urine, sans grande différence entre les espèces, et avec des demi-vies terminales d'élimination, esti­mées chez la souris, à 10,3 heures pour le 2,4- dinitrophénol, 46,2 heures pour le 2-amino-4-nitrophénol et 25,7 heures pour le 4-amino-2-nitrophénol ; chez l'Homme, ils sont excrétés principalement dans l'urine et faiblement dans la sueur.

  • Mode d'actions

    Le 2,4-dinitrophénol est un découplant de la phosphorylation oxydative, il supprime la transmission de l'énergie entre les oxydoréductases et l'ATPase. Il est dissous dans les lipides de la membrane interne de la mitochon­drie qu'il rend perméable aux protons. Cette fuite de protons à travers la membrane, entraî­ne la diminution du gradient de protons trans­membranaire. Par suite, les oxydoréductases de la chaîne respiratoire accélèrent leur pom­page de protons et donc les oxydations cou­plées. C'est pourquoi les découplants sont des activateurs de la respiration et des oxydations cel lulaires. Le pompage des protons, lorsque le gradient est abaissé, consomme moins d'éner­gie ; il y a donc davantage d'énergie libérée dans le milieu sous forme de chaleur.

    Quant à l'ATPase, dont la réaction est réver­sible, ne disposant plus du gradient suffisant pour fournir l'énergie dont elle a besoin pour la phosphorylation de l'ADP, elle catalysera la réaction dans l'autre sens, hydrolysant l'ATP en ADP et en phosphate en utilisant le reste de l'énergie pour pomper des protons de la matri­ce vers l'espace intermembranaire et libérer de la chaleur dans le milieu.

    Tous les processus biochimiques dépen­dant de l'énergie sont ainsi affectés, et de nom­breux signes cliniques y sont liés (augmenta­tion du métabolisme basal, de la consomma­tion d'oxygène, de la fréquence respiratoire, de la transpiration et de la température corporel­le). Quand la production de chaleur excède la capacité corporelle à la dissiper, l'hyperthermie peut être fatale.

  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë [9]

    Les symptômes d'une intoxication aiguë orale au 2,4-dinitrophénol sont semblables dans toutes les espèces étudiées : apathie, perte d'activité et d'appétit, soif, oligurie, respiration rapide et profonde, tachycardie et létalité avec fièvre terminale.

    La DL50 orale du 2,4-dinitrophénol est 30 mg/kg pour le rat adulte, 45 mg/kg pour la sou­ris 72 mg/kg pour le rat et la souris mâles sevrés, 25 mg/kg pour le chien. Chez le rat matu­re, la létalité est fonction de la dose administrée par gavage, elle apparaît à partir de 10 mg/kg.

    La première cause de létalité est un effet pyrétique produit par une augmentation du métabolisme ; l'organisme compense par une augmentation de la fréquence respiratoire pour délivrer plus d'oxygène aux tissus, une vasodilatation périphérique pour diminuer la température et une augmentation du rythme cardiaque pour maintenir la circulation. Les rats et les souris, exposés à de fortes doses, meurent dans les deux premières heures ou, après une augmentation temporaire de la fré­quence respiratoire, récupèrent complète­ment. Le chien (25 mg/kg/j) présente une aug­mentation des fréquences respiratoire et car­diaque, et des vomissements. Aucun effet macro- ou microscopique n'a été montré sur le foie ou le rein des animaux.

    Par voie cutanée, la plus faible dose létale chez le cobaye est 300 mg/kg.

    Il n'y a pas d'expérimentation par inhalation.

    Toxicité subchronique, chronique [9]

    L'administration continue ou répétée de 2,4-dinitrophénol dans la nourriture entraî­ne moins de létalité qu'une dose unique administrée par gavage ; le symptôme majeur, observé chez le rat, est une perte de poids. Une cataracte apparaît chez les espèces sensibles.

    L'administration continue ou répétée de 2,4-dinitrophénol dans la nourriture entraîne moins de létalité pour le rat qu'une seule dose administrée par gavage ; les animaux survivent à 110 mg/kg/j pendant 30jours.

    Le symptôme majeur, observé chez le rat, est une perte de poids de 9 à 30 % après une exposition à des doses de 25 à 110 mg/kg/j dans la nourriture pendant 26 jours à 6 mois ; il n'y a pas de diminution de la consommation de nourriture. Le chien (10 mg/kg/j pendant 6 mois) ne présente pas d'amaigrissement.

    Il n'y a pas d'effet pulmonaire, cardiovascu­laire, hématologique, musculaire, hépatique, rénal ou gastrointestinal chez le rat (5 à 50 mg/kg) ou le chien (5 et 10 mg/kg) exposés pendant 6 mois. Le rat (60 mg/kg/j) ou le lapin (41 mg/kg/j) ne développent pas de cataracte ; une cataracte apparaît chez le cobaye (≥ 40 mg/kg/j dans la nourriture) en absence de vitamine C, dès le 4e jour d'exposition, et chez la souris obèse (130 mg/kg/j dans la nourriture) après 4 à 8 semaines.

    Effets génotoxiques [9]

    Le 2,4-dinitrophénol n'est pas géno­toxique. In vitro et in vivo, il diminue la synthèse de l'ADN et l'index mitotique par baisse du pool d'ATP cellulaire.

    In vitro, le 2,4-dinitrophénol n'est pas muta­gène, avec ou sans activation métabolique, pour S. typhimurium (TA98, TA100, TA1530, TA1535, TA1537, TA1538, G46, C7036, et D3052) ou pour E. coli. Il n'induit pas de lésion de l'ADN dans les bactéries (S. typhimurium, E. coli) ou les cellules en culture (hépatocytes de rat, cellules ovariennes de hamster chinois). Dans les cellules leucémiques L1210 de souris et les cellules HeLa humaines, le 2,4-dinitro­phénol induit des cassures de l'ADN, liées à la déplétion du pool d'ATP, qui sont réparées si la substance est enlevée.

    In vivo, chez la souris, le 2,4-dinitrophénol diminue la synthèse d'ADN dans les cellules testiculaires (30 mg/kg, gavage), et induit des aberrations chromosomiques dans les cel lules de moelle osseuse (0,25 - 1 mL de solution satu­rée, injection intrapéritonéale).

    Le 2-amino-4-nitrophénol et le 4-amino-2-nitrophénol, métabolites principaux du 2,4-dinitrophénol, sont mutagènes et clastogènes in vitro mais pas in vivo [10].

    Effets cancérogènes [9]

    Pas de donnée disponible à la date de publication de la fiche.

    Il n'y a pas d'étude sur l'effet cancérogène du 2,4-dinitrophénol chez l'animal.

    Deux études chez la souris, après initiation avec le diméthylbenzanthracène, n'ont pas mis en évidence d'effet promoteur pour le 2,4-dini­trophénol.

    Effets sur la reproduction [9]

    Le 2,4-dinitrophénol n'a pas d'action sur la fertilité du mâle ; il est fœtoxique pour le rat mais pas pour la souris.

    Il n'y a pas de lésion testiculaire induite par le 2,4-dinitrophénol chez le rat (60 mg/kg/j, à vie) ou le chien (5 - 10 mg/kg/j, 6 mois).

    In vitro, sur l'embryon en culture, le 2,4-dini­trophénol, en perturbant la phosphorylation oxydative, produit des anomalies du tube neu­ral [11].

    Le traitement de souris à des doses toxiques pour les mères (25,5 ou 38,3 mg/kg/j par gavage du 10e au 12e jour de gestation) ne provoque pas d'effet significatif sur l'embryon ou le fœtus. Chez le rat (10 ou 20 mg/kg, 2 fois/j par gavage, avant accouplement jusqu'à la fin de la lactation), le 2,4-dinitrophénol, bien que non toxique pour les mères, est fœtotoxique ; il augmente le pourcentage de morts-nés et de létalité pendant la lactation.

  • Toxicité sur l’Homme

    Les intoxications aiguës par voies digestives et cutanées peuvent entraîner de graves troubles de l'état général associés à une hyperthermie ainsi que des effets digestifs, neurologiques, hépatiques, cardiaques et rénaux. Il est irritant pour la peau et les muqueuses. Lors d'expositions répétées, des effets similaires peuvent être observés, des neuropathies périphériques et des agranulocytoses sont décrites. On ne dispose pas de donnée suffisante sur d'éventuels effets cancérogènes ou reprotoxiques.

    La plupart des cas d'intoxication aigus, sub­aigus ou chroniques ont été rapportés chez l'Homme lors d'ingestion de 2,4-dinitrophénol utilisé à des fins thérapeutiques (traitement de l'obésité) dans les années 1930.

    Toxicité aiguë [1, 9, 12]

    En milieu professionnel, il pénètre dans l'or­ganisme par voie respiratoire (poussières, vapeurs) et surtout par voie cutanée. Aucune étude sur les effets d'une intoxication aiguë par voies dermale et inhalatoire n'est disponible.

    Les symptômes comportent lors d'intoxica­tion aiguë par voie orale : asthénie, sueurs pro­fuses, soif intense, troubles digestifs (nausées, vomissements, douleurs voire diarrhée), perte de poids. Peuvent s'associer, une tachycardie, une polypnée et une hyperthermie (liées au blocage de la phosphorylation oxydative), ainsi que des troubles neurologiques à type d'anxié­té, irritabilité, excitation, convulsions ou même confusion. Dans les cas les plus sévères, une perte de conscience avec collapsus cardiovas­culaire, cyanose, coma puis décès peuvent sur­venir. Dans certains cas, ont été décrits une atteinte hépatique, neuro-musculaire (crampes), cardiaque (myocardite), rénale (nécrose tubulaire, insuffisance rénale) ou sanguine (agranulocytose), voire oculaire (cataracte) et cutanée.

    Le 2,4-dinitrophol provoque une irritation de la peau et des muqueuses oculaires et respira­toires ; des solutions concentrées peuvent être à l'origine d'ulcérations de l'oropharynx, de l'œsophage et de la muqueuse gastrique. Une colorationjaune de la peau traduit la pénétra­tion cutanée du produit ; elle ne disparaît pas au lavage.

    Toxicité chronique [1, 9, 12]

    Les effets observés sont proches de ceux notés lors d'expositions aiguës.

    Lors d'expositions professionnelles, les intoxications décrites sont issues de rapports de cas anciens et non d'études épidémiolo­giques ; elles sont secondaires à une exposi­tion par voies inhalatoire mais aussi cutanée. Les symptômes, peu différents de ceux obser­vés lors d'une intoxication aiguë par voie orale, associent une asthénie, une hyperthermie majeure (> 40 °C), une hypersudation, une polypnée, une tachycardie mais aussi une perte de poids, des signes digestifs (nausées, vomissements, douleurs abdominales, diar­rhées..) et neurologiques (agitation, convul­sions dans les cas les plus sévères). Ces effets pourraient être liés à l'accumulation de 2,4-nitrophénol dans l'organisme.

    En dehors des situations d'exposition pro­fessionnelle, l'ensemble de ces symptômes peut être retrouvé lors d'une intoxication sub­aiguë par ingestion de médicaments ; quelques cas de granulocytopénies, de neuropathies périphériques ou même des cataractes ont également été décrits lors d'intoxication par voie orale. Des atteintes cutanées variées ont été décrites lors d'expositions subaiguës ou même chroniques par voie orale : érythèmes prurigineux, lésions bulleuses, dermatoses maculo-papulaires ou exfoliantes, lésions eczématiformes, voire urticaires ; le mécanis­me de ces lésions est mal connu.

    Les effets cancérogènes ou génotoxiques n'ont pas été étudiés chez l'Homme, quelle que soit la voie d'exposition. Il en est de même des effets sur la reproduction et sur le développe­ment, qui n'ont pas fait l'objet d'études chez l'homme, en dehors d'un cas d'avortement décrit chez une femme jeune, traitée pendant les six premières semaines de grossesse avec un sel de 2,4-dinitrophénol (à raison de 3,3 mg/kg/j).

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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