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α-Chlorotoluène

Fiche toxicologique n° 90

Sommaire de la fiche

Édition : 2011

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [12-14]

    Après absorption, l'α-chlorotoluène est métabolisé par oxydation et/ou conjugaison et excrété principalement sous forme d'acide benzylmercapturique urinaire.

    Chez l'animal
    Absorption

    L'α-chlorotoluène est absorbé par les voies respiratoire, cutanée et digestive.

    Distribution

    Chez le rat, après administration d'une dose orale unique de 50 mg/kg de 14C]-α-chlorotoluène, le pic plasmatique est atteint après 30 minutes et la demi-vie plasmatique est d'environ 80 minutes.

    Après 48 heures, la concentration maximale en molécules radiomarquées est retrouvée dans l'estomac, l'iléum et le duodénum ; une concentration inférieure est mesurée dans le foie, les surrénales, la moelle osseuse et le sang.

    Métabolisme

    L'α-chlorotoluène réagit avec les protéines. Il est métabo­lisé, chez les rongeurs, par conjugaison avec la cystéine sur la chaîne latérale, pour former l'acide benzylmercapturique (ou N-acétyl-S-benzylcystéine), ou par oxydation en acide benzoïque et conjugaison avec la glycine, pour for­mer l'acide hippurique.

    Schéma métabolique

    Excrétion

    L'α-chlorotoluène est excrété principalement dans les urines, les fèces et l'air expiré avec une demi-vie d'élimi­nation de 58,5 heures. Après 72 heures, l'excrétion est de 76 % de la dose absorbée, dont 7 % sous forme de CO2.

    Chez l'animal, le métabolite urinaire principal, l'acide benzylmercapturique, représente 49 % chez le lapin, 27 % chez le rat et 4 % chez le cobaye ; le métabolite oxydé représente 30 % chez le rat et 37 % chez le lapin (17 % d'a­cide benzoïque et 20 % d'acide hippurique).

  • Mode d'actions

    Le mécanisme d'action de l'α-chlorotoluène n'est pas complètement élucidé.

    Ce produit très réactif a des propriétés alkylantes in vivo. Pour certains, il agirait par conjugaison aux protéines tis­sulaires.

    Son affinité pour les groupements thiols serait à l'origine de ses propriétés sensibilisantes.

    Pour d'autres, il agirait par conjugaison au glutathion avec formation de S-benzylglutathion, entraînant une diminu­tion importante et rapide en glutathion cellulaire, puis excrétion d'acide benzylmercapturique (ce qui permet­trait d'expliquer ses propriétés hépatotoxiques).

  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë [12, 15]

    L'α-chlorotoluène est toxique par inhalation, nocif par voie orale chez le rongeur ; c’est un irritant des tractus respira­toire et digestif, de la peau et des yeux ; il provoque une irri­tation sensorielle respiratoire chez la souris.

    La DL50 de l'α-chlorotoluène par voie orale est de 1230 mg/kg chez le rat et de 1500 - 1624 mg/kg chez la souris.

    Pour une exposition de 2 heures, la CL50 par inhalation est de 143 ppm (environ 740 mg/m3) chez le rat et de 75 ppm (environ 390 mg/m3) chez la souris.

    L'exposition des rongeurs à 100 mg/m3 pendant 2 heures provoque une excitation du système nerveux central, une irritation des yeux et de la muqueuse respiratoire, avec des signes d'œdème et de surinfection pulmonaires, et une hyperémie des extrémités (oreilles, pattes et queue).

    L'autopsie révèle des modifications histologiques hépa­tiques (dégénérescence graisseuse et albuminoïde), rénales (dégénérescence albuminoïde et quelquefois nécrose de l'épithélium du tube rénal), gastriques (gastrite et hyper­plasie de l'estomac squameux) et myocardiques (nécrose des fibres)[14, 16].

    Irritation - Sensibilisation

    L'α-chlorotoluène est un irritant puissant de la peau, des yeux et du système respiratoire du lapin et du chat ; il induit une sensibilisation cutanée chez le rat et le cobaye et une irritation sensorielle respiratoire chez la souris (RD50 = 17 ppm) [17].

    Toxicité subchronique, chronique [12, 14]

    Les effets d'une exposition répétée ou prolongée à l'α-chlorotoluène sont semblables à ceux observés après expo­sition aiguë.

    Les études en exposition chronique sont essentiellement des études de cancérogenèse. Les effets non néoplasiques observés sont :

    • par voie orale (rat, gavage, 25 mg/kg, 27 - 37 semaines), des modifications histologiques semblables à celles obte­nues après exposition aiguë (gastrite chronique, hyperkératose et hyperplasie de l'estomac squameux, lésions progressives du cœur allant de la prolifération des cellules interstitielles à la nécrose des fibres myocardiques) [16] ;
    • une nécrose locale modérée au site d'injection par voie sous-cutanée (rat, 40 - 80 mg/kg, 1 fois/semaine, 51 semaines).
    Effets génotoxiques [12]

    L'α-chlorotoluène est génotoxique dans les tests pratiqués in vitro ; in vivo, les réponses sont négatives.

    In vitro, la génotoxicité de l'α-chlorotoluène a été large­ment étudiée. Il induit des lésions de l'ADN et des muta­tions chez les bactéries, des mutations somatiques et une létalité liée au sexe chez la drosophile, des recombinai­sons mitotiques, des conversions géniques, des mutations et des lésions de l'ADN chez les champignons.

    Dans les cellules de rongeur en culture, il provoque des mutations, des échanges entre chromatides-sœurs, des aberrations chromosomiques et des cassures simple-brin de l'ADN ; dans les cellules humaines en culture, il aug­mente le taux de cassures de l'ADN mais pas celui des aberrations chromosomiques, les résultats obtenus avec le test d'échanges entre chromatides-sœurs sont dou­teux.

    In vivo, l'α-chlorotoluène n'induit pas la formation de micronoyaux dans la moelle osseuse de souris, ni après administration orale (jusqu'à 400 mg/kg 2 fois à 24 heures d'intervalle) ni après injection sous-cutanée (jusqu'à 2000 mg/kg).

    Injecté par voie intraveineuse chez la souris, il aryle l'ADN de nombreux organes, principalement le cerveau et les testicules, et, à un degré moindre, le foie et les poumons ; l'adduit principal correspondrait à la N7-benzylguanine.

    Effets cancérogènes [12, 18]

    L'α-chlorotoluène est cancérogène chez le rat par voies orale et sous-cutanée et chez la souris par voies orale et cutanée. Il est classé cancérogène catégorie 2, R 45, au niveau de l’Union Européenne (devenu cancérogène caté­gorie 1B selon le règlement CLP) ; le CIRC (IARC) l’a classé dans le groupe 2A des agents probablement cancérogènes pour l’homme en raison des preuves de cancérogénicité limitées chez l’homme mais suffisantes chez l’animal.

    L'α-chlorotoluène est cancérogène chez l'animal :

    • Administré par voie orale (50 - 100 mg/kg/j), 3 fois/semaine pendant 2 ans, il induit, chez la souris des deux sexes, des papillomes et des carcinomes du pré-esto­mac et des néoplasmes pulmonaires (hémangiome et hémangiosarcome chez le mâle et adénome et carcino­mes alvéolo-bronchiolaires chez la femelle) ainsi que des néoplasmes hépatocellulaires statistiquement significa­tifs chez le mâle uniquement.
      Chez le rat (15 - 30 mg/kg/j), les seules tumeurs statisti­quement significatives, néoplasmes des cellules C de la thyroïde, apparaissent uniquement chez les femelles [19].
    • Par injection sous-cutanée chez le rat (80 mg/kg, 1fois/semaine, 51 semaines), il occasionne le développe­ment de sarcomes au site d'injection avec métastases pul­monaires.
    • Après application cutanée chez la souris (solution benzénique, 65 - 130mg/kg, 2 fois/semaine, 50 semaines), il provoque le développement de quelques carcinomes à cellules squameuses (15 %) et un leiomyosarcome de l'utérus.

    Ces résultats ne sont pas statistiquement significatifs du fait d'une mortalité importante des animaux exposés.

    Les tests d'initiation/promotion de la cancérogenèse sont négatifs chez la souris[18].

    Effets sur la reproduction

    L'α-chlorotoluène administré par voie orale est fœtotoxique mais ni toxique pour les mères, ni tératogène. 

    L'α-chlorotoluène administré par voie orale à des rates gestantes (100 mg/kg/j, du 6e au 15e jour de gestation) est fœtotoxique (diminution de la taille du fœtus) mais ni toxique pour les mères, ni tératogène. Le NOAEL est de 50 mg/kg/j [20].

  • Toxicité sur l’Homme

    Il provoque des effets irritants sévères des voies respiratoires, de la peau et des muqueuses digestives et surtout oculaires. Une altération non spécifique de l'état général et des convulsions sont possibles. Lors d'exposition répétée des effets cutanés, respiratoires et neurologiques sont décrits. Il n'y a pas de données, chez l'homme, sur les effets génotoxiques, cancérogènes et toxiques pour la reproduction de l'α-chlorotoluène seul.

    Toxicité aiguë [14, 21]

    Un passage systémique est possible en cas d'exposition respiratoire, cutanée ou digestive. L'α-chlorotoluène pos­sède, même à faible concentration, une odeur forte et un effet lacrymogène puissant, susceptible d'avertir les sujets exposés. Ce sont essentiellement ses propriétés très irri­tantes pour la peau et les muqueuses oculaires et respira­toires qui sont décrites.

    Par inhalation, l'α-chlorotoluène provoque une irritation des voies aériennes supérieures avec toux et brûlures tho­raciques. L'apparition retardée d'un œdème aigu pulmo­naire est possible lors d'expositions à de fortes concentrations. Des symtômes à type de nausées, cépha­lées et vertiges peuvent également être constatés.

    En cas de projection, des lésions oculaires sévères irréver­sibles, notamment cornéennes, sont à craindre.

    Par contact cutané, l'α-chlorotoluène peut être à l'origine de brûlures graves. Une sensibilisation cutanée pourrait être possible.

    L'ingestion entraîne des brûlures des voies aérodigestives, nausées, vomissements, douleurs abdominales suivies de diarrhées.

    Les effets systémiques de l'α-chlorotoluène sont mal connus. Des troubles modérés à type d'asthénie, de céphalées persistantes, d'irritabilité, de troubles du som­meil, de perte d'appétit et parfois un prurit diffus ont été observés chez des salariés exposés à des concentrations de 10 mg/m3. À plus fortes concentrations, s'ajoutent des convulsions puis des troubles de conscience.

    Toxicité chronique [14, 22, 23]

    Les effets chroniques de l'α-chlorotoluène chez l'homme sont mal connus.

    L'exposition répétée à des doses faibles peut être à l'ori­gine d'irritations cutanées et respiratoires et de signes neurologiques non spécifiques (irritabilité, céphalées, insomnie, tremblements des doigts).

    Des anomalies des fonctions hépatiques avec élévation de la bilirubinémie ont été constatées chez des tra­vailleurs exposés notamment à l'α-chlorotoluène. Une leucopénie modérée peut être également observée.

    De nombreuses réserves sont à formuler, étant donné le faible effectif de l'échantillon, l'absence de données sur le niveau d'exposition et sur les co-expositions.

    Effets cancérogènes [12, 22, 23]

    Aucune donnée portant sur des travailleurs exposés à l'α-chlorotoluène seul n'a été publiée. Plusieurs études donnent des résultats difficilement interprétables en rai­son notamment de l'exposition concomitante à d'autres substances (chlorure de benzoyle et α-trichlorotoluène essentiellement) :

    • parmi les salariés de deux usines japonaises, six cas de cancers des voies aériennes sont signalés chez des sujets jeunes (35 à 44 ans) ;
    • une enquête de mortalité parmi 163 ouvriers d'une usine anglaise retrouve un excès de cancers respiratoires et digestifs ;
    • une autre enquête parmi 697 ouvriers d'une usine amé­ricaine a mis en évidence une surmortalité par cancer des voies respiratoires
  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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