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Nitrobenzène

Fiche toxicologique n° 84

Sommaire de la fiche

Édition : 2007

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme

    Le nitrobenzène est bien absorbé par toutes les voies, il se distribue largement dans l'organisme. Son métabolisme hépatique produit des intermédiaires responsables de certains des effets toxiques (hémolyse, méthémoglobinémie). Il est éliminé assez lentement par les urines et à un moindre degré les fèces.

    Chez l'animal
    Absorption

    Le nitrobenzène est absorbé par toutes les voies. Les intoxications professionnelles sont le résultat d’une absorption de liquide ou de vapeurs par la peau et d’une absorption pulmonaire de vapeurs. Environ 2/3 des vapeurs de nitrobenzène peuvent être absorbés par la peau malgré la présence de vêtements protecteurs. L’ab­sorption cutanée de vapeurs est favorisée par l’humidité. On a estimé à 2 mg/cm2/h l’absorption cutanée de nitrobenzène sous forme liquide. En fait, il est difficile de quan­tifier l’absorption par cette voie en raison de l’évaporation du nitrobenzène liquide. 80 % des vapeurs de nitroben­zène sont absorbés par les poumons [11 à 13].

    Distribution

    Il diffuse dans la plupart des tissus ou organes et se distri­bue préférentiellement dans le tissu graisseux. Une très faible fraction de la dose administrée (0,02 %) est retrou­vée dans le cerveau, avec des concentrations plus élevées dans la substance grise que dans la substance blanche. Le passage transplacentaire du nitrobenzène ne semble pas avoir été étudié [14, 15].

    Métabolisme

    La biotransformation est le résultat d’une série de réac­tions métaboliques complexes d’origine tissulaire ou bac­térienne [11, 16 à 19] :

    • l’oxydation tissulaire du nitrobenzène conduit à la pro­duction de nitrophénols, principalement de p-nitrophénol, qui sont secondairement transformés en sulfo- et glucuronoconjugués.
    • la réduction du nitrobenzène conduit à la production d’intermédiaires dont le nitrosobenzène, la phénylhydroxylamine et l’aniline. On attribue aux deux premiers intermédiaires l’essentiel de l’action méthémoglobinisante du nitrobenzène. Les métabolites ultimes de cette seconde voie métabolique sont des aminophénols, princi­palement du p-aminophénol, qui sont secondairement transformés, en sulfo-, glucurono- et N-acétyl conjugués. La conjugaison du p-aminophénol avec le glutathion est une voie mineure de biotransformation.

    Chez le rat, la réduction est en grande partie réalisée par la flore Intestinale. La contribution relative de la flore intestinale et des tissus à la réduction du nitrobenzène n’est pas connue chez l’homme.

    Selon l’espèce et la souche étudiées, il existe des variations quantitatives de la biotransformation du nitrobenzène. Les conséquences de cette variabilité métabolique en terme de manifestations toxiques sont difficilement pré­visibles tant que les métabolites directement responsa­bles des différents effets toxiques du nitrobenzène n’ont pas été identifiés.

    Excrétion

    Chez le rat et la souris, l’excrétion est indépendante de la dose et de la voie d’administration. 1 à 2 % de la dose administrée sont éliminés dans l’air expiré en 72 h, contre 11 à 20 % dans les fèces et 35 à 66 % dans l’urine. L’excré­tion urinaire, voie principale d’élimination du nitrobenzène, est relativement lente (pic d’excrétion entre 6 h et 24 h), car la métabolisation du nitrobenzène est lente. Elle aboutit principalement chez ces espèces à l’élimination urinaire des conjugués du p-nitrophénol et du p-aminophénol. L’homme métabolise plus lentement le nitrobenzène que le rat et l’on peut trouver à la fin d’une semaine d’exposition une quantité de p-nitrophénol urinaire deux fois supérieure à celle trouvée le premier jour d’exposition [11, 16].

    Surveillance Biologique de l'exposition

    Le dosage du p-nitrophénol dans les urines en fin de poste et en fin de semaine de travail peut être utilisé pour apprécier l’exposition au nitrobenzène. D’autres dosages sont également proposés (méthémoglobinémie en fin de poste, p-aminophénol urinaire) [8]. Voir § « Recommanda­tions ,  Au point de vue médical ».

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë

    Le nitrobenzène entraine des atteintes hématologiques (méthémoglobinémie) avec modifications du tissu splénique, hépatiques parfois nécrotiques et neurologiques pouvant aboutir à un coma. Son effet irritant sur la peau et sur l'œil est modéré.

    La DL50 chez le rat est environ de 700 mg/kg et 590 mg/kg chez la souris par voie orale et 2100 mg/kg chez le rat par application cutanée [20].

    Les atteintes observées sont d’intensité variable selon l’espèce considérée :

    • hématologiques [18, 19, 21, 22] : le nitrobenzène pro­duit une méthémoglobinémie (chez le lapin, le chien, le rat et la souris; cette dernière espèce est plus résistante que les autres), associée à une sulfhémoglobinémie qui la précède et persiste après son retour à la normale. Chez le rat, la méthémoglobinémie est obtenue pour des doses orales uniques supérieures à 200 mg/kg ; elle est influen­cée par l’état de la flore intestinale. La rate est le siège de modifications histologiques (hématopoïèse extramédul­laire, congestion sinusoïdale, macrophages remplis d’hémosidérine). Ces modifications spléniques qui sont absentes chez la souris semblent correspondre au pié­geage intra-splénique d’érythocytes anormaux à partir d’un certain seuil de méthémoglobinémie.
    • hépatiques [19] : l’administration orale d’une dose unique de 450 mg/kg produit chez le rat des nécroses centrolobulaires. Aux doses plus faibles (110 mg/kg), le nitrobenzène provoque des hypertrophies nucléoaires hépatocellulaires;
    • neurologiques [15, 19] : les symptômes relevés expéri­mentalement sont un nystagmus, une paralysie, des tremblements, une aréflexie et un coma.
      On trouve des lésions dégénératives des cellules de Pur­kinje du cervelet chez le lapin, des hémorragies au niveau du tronc cérébral et du cervelet ainsi qu’un ramollisse­ment et une vacuolisation du tissu des pédoncules céré­belleux chez le rat et de la moelle épinière chez le rat et le lapin. Chez le rat, la dose orale unique responsable de ces lésions, est supérieure à 550 mg/kg. On ne sait si ces lésions reflètent une encéphalopathie anoxique secon­daire à la méthémoglobinémie, une encéphalopathie hépatique ou une action propre du nitrobenzène ou de l’un de ses métabolites.
    • testiculaires (voir § « Effets sur la reproduction »).

    L’application, chez le lapin, d’une dose de 500 mg pendant 24 h sur la peau ou dans l’œil provoque une irritation modérée [20].

    Toxicité subchronique, chronique [27-29]

    L'inhalation répétée induit une méthémoglobinémie, une encéphalopathie et des atteintes hépatique et rénale.

    Chez le rat et la souris, l’exposition par inhalation (10 à 15 ppm ou 5 à 50 ppm, 6 h/j, 5 j/sem, resp. 2 et 13 sem) est responsable de méthémoglobinémie, d’encéphalopa­thies compliquées de lésions dégénératives ou adaptati­ves du foie, des reins et de la rate chez les deux espèces, et de dégénérescences testiculaires chez le rat. Des effets systémiques identiques ont été retrouvés après exposi­tion par inhalation de rats et de souris (respectivement 1 à 25 ppm et 5 à 50 ppm, 6 h/j, 5 j/sem, 2 ans) avec en plus une hyperplasie thyroïdienne et une dégénérescence, voire une aplasie, de l’épithélium olfactif.

    Effets génotoxiques [19, 30-32]

    Certains essais in vitro sont positifs, les tests in vivo sont négatifs.

    Le nitrobenzène ne provoque pas de mutation génique ponctuelle chez Salmonella typhimurium en présence ou en l’absence d’activation métabolique ainsi que dans les conditions anaérobies d’essai garantissant l’activité nitro- réductase bactérienne. Toutefois, la volatilité du nitrobenzène n’a pas été contrôlée dans ces essais. Il augmente l’incidence des mutations récessives liées au sexe chez la drosophile et exerce une activité mutagène chez Salmo­nella typhimurium TA 98 en présence simultanée d’un sys­tème d’activation métabolique et d’un agent comutagène (norharman).

    Les conditions expérimentales insuffisamment précisées dans le premier cas et singulières dans le second, empê­chent de conclure à la génotoxicité du nitrobenzène.

    Chez le rat, l’inhalation d’une concentration hémato­toxique (50 ppm, 6 h/j, 5 j/sem, 4 sem) ne produit pas d’effet clastogène au niveau des lymphocytes spléniques et circulants.

    Effets cancérogènes [29]

    Le nitrobenzène provoque des tumeurs dont le site et la nature varie selon l'espèce traitée et le sexe (poumons, thyroïde, sein, utérus).

    L’exposition par inhalation d’une part chez la souris B6C3F1 des deux sexes, d’autre part chez le rat Fischer 344 des deux sexes et Sprague-Dawley (CD) mâle (respective­ment 5 à 50 ppm et 1 à 25 ppm, 6 h/j, 5 j/sem, 2 ans) n’a pas sérieusement affecté les animaux, hormis une perte de poids occasionnelle inférieure à 10 %.

    Outre la méthémoglobinémie et des altérations non néo­plasiques du foie, de la rate, du tractus respiratoire, de la thyroïde et des testicules, une augmentation de l’inci­dence des tumeurs, dont le site est différent selon l’espèce, la souche et le sexe a été associée au traitement.

    On a trouvé une incidence anormalement élevée d’adé­nomes alvéolaires, bronchiques et thyroïdiens (50 ppm) chez les souris mâles, d’adénocarcinomes mammaires (50 ppm) chez les souris femelles, d’adénomes hépatiques (25 ppm) chez les rats mâles CD et Fischer 344 et de tumeurs de l’utérus (25 ppm) chez les rats femelles Fischer 344.

    L’incidence des tumeurs testiculaires n’est pas augmentée chez le rat mâle CD, espèce particulièrement sensible aux effets toxiques du nitrobenzène sur les testicules et sou­che de rat présentant spontanément une faible incidence de ce type de tumeurs.

    La variabilité des localisations néoplasiques est probable­ment à mettre en relation avec la forte variabilité de la métabolisation du nitrobenzène en fonction de l’espèce, de la souche et du sexe et incite à la prudence pour extra­poler à l’homme les effets cancérogènes expérimentaux du nitrobenzène.

    Effets sur la reproduction

    Le nitrobenzène est la cause d'une atteinte testiculaire avec réduction de la spermatogenèse qui induit une baisse de fertilité ; cette atteinte semble réversible. Des effets embryo- et foetotoxiques sont notés à des doses toxiques pour les femelles.

    Fertilité

    Le nitrobenzène induit des effets testiculaires qui peuvent avoir un retentissement sur la fertilité. Administré à une dose orale unique supérieure à 200 mg/kg, le nitroben­zène produit chez le rat des lésions des tubes séminifères (vacuolisation et hypertrophie des spermatocytes primai­res et secondaires suivie de nécrose et d’une diminution du nombre de spermatozoïdes dans l’épididyme). Il en découle un blocage de la spermatogenèse d’installation lente (30 jours). Au 100ième jour après le traitement, 90 % de l’épithélium des tubes séminifères sont régénérés[19, 23 à 26]. Des lésions identiques sont produites chez le rat, mais pas la souris, par inhalation de nitrobenzène (50 ppm, 6 h/j, 5 j/sem, 90 j). Dans les études par inhala­tion, la souris s’est révélée une espèce particulièrement résistante aux effets testiculaires du nitrobenzène.

    L’exposition par inhalation de deux générations de rat CD (40 ppm, 6 h/j, 5 j/sem, 10 sem pour les mâles de chacune des deux générations) a été responsable d’une hypofertilité réversible, imputable aux effets testiculaires. La concentration sans effet était de 10 ppm [34].

    Développement

    L’injection quotidienne de nitrobenzène par voie sous- cutanée à des rates entre le 4ième et 6ième ou entre le 9ième et 12ième jour de la gestation, à la dose de 125 mg/kg, a été responsable de retards d’ossification (3 cas sur 30), d’hy­drocéphalie (1 cas sur 30) et d’absence de membre posté­rieur (1 cas sur 30). Toutefois ces essais insuffisamment contrôlés ont utilisé un nombre limité d’animaux ; leur interprétation en terme d’effet tératogène est par ailleurs difficile du fait de la voie d’administration employée.

    L’absence d’embryotoxicité, de fœtotoxicité et de tératogénicité a été montrée en présence de toxicité maternelle après exposition de rats CD à 40 ppm de nitrobenzène, 6 h/j, du 6ième au 15ième jour de la gestation [33].

  • Toxicité sur l’Homme

    Les intoxications aiguës se traduisent par des signes digestifs, neurologiques et cardiaques accompagnés d'une méthémoglobinémie. Des comas surviennent lors des intoxications graves. Lors d'exposition répétée on peut observer des signes neurologiques et une anémie hémolytique. Les effets cancérogène, mutagène et la toxicité pour la reproduction ne sont pas documentés chez l'homme.

    Toxicité aiguë [6, 19]

    De nombreux cas d’intoxications accidentelles ont été rapportés soit après ingestion soit après contact cutané avec la substance. Les signes cliniques peuvent être retar­dés de plusieurs heures après l’exposition.

    Après ingestion, les signes comportent une sensation de brûlure de la bouche et de la gorge, des nausées, des vomissements, vertiges, troubles de la coordination, agita­tion, tachycardie, diminution de la pression artérielle pou­vant aller jusqu’au collapsus. Dans les cas les plus sévères, on observe également des troubles de conscience avec parfois coma.

    La méthémoglobinémie se traduit rapidement par une cyanose ardoisée et peut être mise en évidence pendant plusieurs jours. Lorsqu’elle devient très élevée, elle se com­plique d’une anémie hémolytique avec ictère et des trou­bles organiques notamment cérébraux (encéphalopathie) liés à l’hypoxie.

    Le nitrobenzène provoque une irritation de la peau et des muqueuses oculaire et respiratoire.

    Toxicité chronique [6, 19]

    Les signes de l’intoxication chronique ne diffèrent pas de ceux de l’intoxication aiguë. Ils associent nausée, céphalée, anémie hémolytique, atteinte neurologique avec convul­sions, spasmes et nystagmus. Ces signes peuvent survenir pour des expositions de quelques dizaines de ppm.

    Une exposition aux vapeurs de nitrobenzène conduit à une absorption cutanée non négligeable.

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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