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Trihydrure d’arsenic

Fiche toxicologique n° 53

Sommaire de la fiche

Édition : Octobre 2023

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [14]

    Le trihydrure d’arsenic est un gaz bien absorbé par voie respiratoire, il se fixe essentiellement à l'hémoglobine pour être ensuite distribué dans l'organisme. Il est métabolisé au niveau hépatique puis éliminé dans les urines.

    Chez l'animal
    Absorption

    L'absorption pulmonaire chez la souris est de 64 %, pour des concentrations atmosphériques comprises entre 0,025 et 2,5 mg/L, pendant 1 à 24 heures [15].

    Le trihydrure d'arsenic est absorbé principa­lement par inhalation et pénètre par diffusion passive au niveau des poumons [12]. L'absorption pulmonaire chez la souris est de 60 % d'une concentration atmosphérique de 2,5 mg/L[13].

    Chez le lapin, après absorption de 74As]-trihydrure d'arsenic, les plus fortes concentra­tions sont mesurées dans le sang, le foie, les poumons et les reins [13].

    Dans le sang, il pénètre dans les globules rouges et se fixe sur l'hémoglobine où l'arsenic(3-) est transformé par l'oxygène en arsenic(3+) et en partie en arsenic(5+) [12]. Ces deux formes sont transportées dans le foie, où une partie est méthylée, une ou plusieurs fois, par des méthyltransférases en présence de S-adénosyl méthionine, puis dans les reins et éliminées dans les urines.

    Chez l'homme, l'élimination urinaire a lieu dans les cinq premiers jours suivant l'exposi­tion. Le trihydrure d'arsenic est excrété sous forme de cinq métabolites : l'acide monométhylarsonique (39 %), l'acide diméthylarsinique (32 %), l'arsenic(3+) (19,5 %), l'arsénobétaïne (7,3 %) et l'arsenic(5+) (2,2 %).

    L'arsenic total est excrété dans l'urine avec une clairance de 7,8 ml/h/kg et suit un modèle triphasique avec des périodes de 28 heures, 59 heures, et 9 jours. L'élimination de l'arsenic tri­valent suit une exponentielle décroissante (54 % le premier jour puis chute très rapide) ; la forme pentavalente ne dépasse jamais 6 % de l'arsenic urinaire total et n'est plus détectée après 10 jours. Les deux activités enzyma­tiques méthylantes se produisent successive­ment : l'acide monométhylarsonique est obser­vé dès le premier jour et persiste à un taux élevé pendant plusieurs jours alors que l'élimination de l'acide diméthylarsinique augmente progressivement et atteint son maximum après 5 jours. L'excrétion d'arsénobétaïne semble indépendante de l'excrétion des autres formes ; ce métabolite pourrait provenir de la nourri­ture et, peut-être, d'une triméthylation de l'arsenic(3+) [14].

    Distribution

    Comme chez l’homme, le trihydrure d’arsenic pénètre rapidement dans les globules rouges. Chez le lapin, après absorption de 74As-trihydrure d'arsenic, les plus fortes concentrations sont mesurées dans le sang, le foie, les poumons et les reins.

    Métabolisme

    Chez le rat, après exposition par inhalation, le trihydrure d'arsenic est métabolisé en arsenic(3+), arsenic pentavalent, acides monométhylarsonique (MMAV) et diméthylarsinique (DMAV) ; l’arsénobétaïne est un composé organo-arsénié présent en quantités négligeables (exposition pendant 1 heure de 4 à 80 mg/m3 d’arsine) [16].

    Excrétion

    L’élimination est principalement urinaire, 55 % de l’arsenic étant excrété en 24 heures (souris exposées par inhalation à 180 mg/m3 pendant 20 min).

  • Mode d'actions

    Le mécanisme d'action du trihydrure d'arsenic, bien que non encore élucidé, impliquerait un effet sur le glutathion. In vitro, la concentration en glutathion réduit, diminue dans les érythrocytes pendant une incubation avec du trihydrure d'arsenic ; le responsable probable serait un métabolite oxydé du trihydrure d'arsenic. La présence du glutathion réduit est essentielle pour le maintien de l’hémoglobine et des groupements SH dans les protéines membranaires ; sa disparition provoque une dégradation de l'hémoglobine. Des agrégats d'hémoglobine précipités se fixent sur la surface interne de la membrane des érythrocytes en formant les corps de Heinz. La présence de ces corps et l'oxydation des groupements SH membranaires augmentent la fragilité de la membrane cellulaire et prédisposent la cellule à la fragmentation. Les effets hématologiques observés chez les animaux étayent cette hypothèse [14, 18].

  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë [14]

    Les graves effets du trihydrure d'arsenic sont caractérisés par une hémolyse importante suivie de complications rénales.

    La CL50 pour une exposition de 10 minutes est de 390 mg/m3 chez le rat, 250 mg/m3 chez la souris et le singe, et 650 mg/m3 chez le lapin.

    L'effet majeur du trihydrure d'arsenic, dû principalement à sa fixation à l'hémoglobine, est une anémie hémolytique avec induction de lésions rénales. La réponse hémolytique est fonction de la concentration : au-delà de 5 ppm (20 mg/m3) pendant 1 heure, elle se traduit par une baisse du nombre de globules rouges et de l'hématocrite.

     

    Irritation, sensibilisation : aucune donnée n’est disponible.

    Toxicité subchronique, chronique [14]

    L'exposition prolongée provoque une anémie hémolytique régénérative et des altérations des cellules immunocompétentes au niveau splénique.

    Une exposition prolongée au trihydrure d'arsenic par inhalation induit principalement une anémie hémolytique régénérative et des effets immunologiques spléniques.

    Les résultats sont semblables chez le rat (0,5 à 5 ppm, 6 h/j, 5 j/sem, 14 ou 28 j ou 0,025 à 2,5 ppm, 6 h/j, 5 j/sem, 90 j), la souris (0,5 à 5 ppm, 6 h/j, 14 j ou 0,025 à 2,5 ppm, 6 h/j, 5 j/sem, 90 j) et le hamster (0,5 à 5 ppm, 6 h/j, 5 j/sem, 28 j). Il n'y a pas d'action sur la cavité nasale ou le tractus respiratoire inférieur. Des modifications sont notées dans la rate (splénomégalie avec hémosidérose et augmentation de l'hématopoïèse extramédullaire), le foie (chez la souris, augmentation du poids relatif et stase biliaire) et la moelle osseuse (chez le rat, hyperplasie médullaire à forte concentration). Il n'y a pas d'effet clinique mais des effets hématologiques sont observés. Ils sont identiques dans les 3 espèces, quelle que soit la durée de l'exposition : baisse significative du nombre d'érythrocytes, de la concentration en hémoglobine et de l'hématocrite, augmentation du volume globulaire moyen et du taux moyen d'hémoglobine globulaire, réticulocytose, anisocytose, poïkilocytose, fragments cellulaires et cellules fantômes (ou cellules sans noyau), leucocytose, augmentation du nombre de plaquettes.

    Une augmentation de l'activité ALA-déshydrogénase, en liaison avec l'augmentation du nombre d'érythrocytes immatures, conforte l'hypothèse de l'existence d'une réponse compensatoire régénératrice. La dose sans effet hématologique observé est fixée chez le rat et la souris à 0,08 mg/m3 pendant 90 jours [19].

    L'atteinte de la rate se manifeste également par une altération des populations cellulaires. La baisse de certains paramètres de résistance naturelle (baisse du nombre de cellules T spléniques, de lymphocytes NK et de la fonction cytotoxique des lymphocytes T) suggère que le trihydrure d'arsenic provoque une immunosuppression ; en dépit de ces modifications, la réponse à l'infection virale ou aux cellules tumorales n'est pas modifiée. La dose sans effet immunotoxique observé est fixée chez la souris à 0,5 ppm (env. 1,6 mg/m3, 14 j) [18, 19].

    Effets génotoxiques [20]

    Aucune donnée n’est disponible concernant les effets génotoxiques du trihydrure d'arsenic.

    In vitro, la majorité des tests de mutation génique sur bactéries, réalisés avec les composés inorganiques de l’arsenic, donne des résultats négatifs contrairement aux tests réalisés sur cellules de mammifères qui mettent en évidence des aberrations chromosomiques, des échanges de chromatides sœurs, ou des micronoyaux.

    In vivo, les composés trivalents et pentavalents de l’arsenic sont clastogènes par inhalation et par voie orale.

    Effets cancérogènes [21]

    Aucune donnée n’est disponible concernant la cancérogénicité du trihydrure d'arsenic chez l'animal.

    Même si aucune étude n’a été menée spécifiquement sur le trihydrure d’arsenic, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a déterminé que l'arsenic et les composés inorganiques de l'arsenic sont cancérogènes pour l'homme (groupe 1) sur la base des données humaines et animales, des informations sur les métabolites, des caractéristiques physico-chimiques et du mode d'action de la cancérogénicité. Le CIRC a estimé que les différents composés de l'arsenic partagent la même voie métabolique : arséniate – arsénite – méthylarsonate - diméthylarsénite.

    Par conséquent, le CIRC a conclu que, indépendamment des mécanismes de cancérogénicité, et indépendamment du métabolite considéré comme cancérogène ultime, les différentes espèces d'arsenic inorganique doivent être considérées comme cancérigènes.

    Effets sur la reproduction [22]

    Aucune donnée n’est disponible concernant les effets sur la fertilité. Dans une étude, le trihydrure d'arsenic n'a pas provoqué d'effet sur le développement malgré une toxicité maternelle.

    Une seule étude a été effectuée avec le trihydrure d'arsenic par inhalation (souris et rat, de 0,025 à 2,5 ppm, 6 h/j du 6e au 15e jour de gestation). La toxicité maternelle apparaît à la plus forte concentration testée (splénomégalie et modifications hématologiques) ; aucun effet sur le développement n'est noté, seule une augmentation du poids fœtal (à la concentration de 2,5 ppm) et de la quantité d'arsenic dans le sang maternel et le foie fœtal est observée. La dose sans effet toxique observé est de 0,5 ppm pour les mères et 2,5 ppm pour le fœtus.

  • Toxicité sur l’Homme

    L'exposition à de fortes concentrations est rapidement mortelle par hémolyse aiguë et ses complications rénale, hépatique, neurologique ou pulmonaire. Des séquelles neurologiques sont possibles. Les expositions répétées ne sont pas documentées et pourraient se traduire par une altération de l'état général et une atteinte hématologique et hépatique. Il n'y a pas de donnée sur d'éventuels effets génotoxiques, cancérogènes ou sur la reproduction de cette substance.

    Toxicité aiguë [23-26]

    Le trihydrure d'arsenic est un gaz extrême­ment toxique, à l'origine d'intoxications mor­telles. Il agit en se liant à l'hémoglobine et entraîne une lyse des globules rouges, une hémolyse intravasculaire et une anémie.

    Plusieurs cas d'intoxications aiguës acci­dentelles (certains mortels) par le trihydrure d'arsenic, secondaires à une inhalation ou une contamination cutanée ont été rapportés.

    La toxicité du trihydrure d'arsenic est princi­palement hématologique et rénale, mais aussi hépatique, neurologique et pulmonaire.

    Les premiers symptômes peuvent appa­raître avec une latence de plusieurs heures ; les symptômes et la latence varient en fonction de l'intensité de l'exposition. Une exposition à 250 ppm est rapidement fatale ; une exposition autour de 25 à 30 ppm pendant 30 minutes est fatale ainsi qu'à 10 ppm pendant une durée supérieure. Dès 0,5 ppm peuvent apparaître des symptômes non spécifiques.

    Dans les formes légères, liées à des exposi­tions prolongées à de faibles concentrations, peuvent s'associer asthénie, céphalées, fai­blesse musculaire ou courbatures, urines « porto », nausées, odeur alliacée de l'haleine.

    Dans les formes aiguës marquées, outre les céphalées, vertiges et frissons apparaissent des signes digestifs tels que nausées, vomis­sements, douleurs abdominales et muscu­laires. Les atteintes hématologiques avec ané­mie hémolytique (effondrement de l'haptoglo­bine, élévation de la bilirubine non conjuguée, hémoglobinurie) font toute la gravité du tableau. Une atteinte rénale, témoin également de la gravité de l'intoxication, peut compléter le tableau ; elle associe à des degrés divers hémoglobinurie et urines rouges, insuffisance rénale aiguë par néphropathie tubulo-intersticielle (avec oligurie puis anurie), voire nécrose tubulaire aiguë (urines porto) ; cette atteinte rénale est liée à un effet toxique direct du trihy­drure d'arsenic, ou à la précipitation intratubulaire de débris cellulaires, ou enfin à l'hypoxie. Peut également apparaître une atteinte hépa­tique vers le 2e ou 3e jour, avec élévation modé­rée des transaminases rapidement réversible ; une atteinte plus sévère à type d'hépatite mixte à prédominance cytolytique peut appa­raître 2 à 3 semaines après l'intoxication[26]. Des atteintes cardiovasculaires avec anoma­lies à l'électrocardiogramme (troubles de la conduction, grandes ondes T) et pulmonaires (œdème pulmonaire transitoire) peuvent éga­lement survenir.

    Des séquelles à type de neuropathies péri­phériques ou d'insuffisance rénale chronique sont parfois retrouvées.

    Dans les formes suraiguës, la mort survient par défaillance cardiaque (collapsus, asystolie liée à l'hyperkaliémie) et par anurie.

    Les concentrations sanguines d'arsenic permettent d'apprécier l'intensité de l'exposi­tion ; les concentrations urinaires ne pourront être mesurées qu'en l'absence d'insuffisance rénale.

    Toxicité chronique [23, 27]

    Les effets du trihydrure d'arsenic lors d'ex­positions répétées chez l'homme ont très rare­ment été décrits.

    Un homme jeune exposé de façon chronique à des vapeurs de trihydrure d'arsenic a présen­té des symptômes à type de nausées, cépha­lées, malaise, faiblesse musculaire et pares­thésies des extrémités, ainsi qu'une atteinte hépatique et hématologique (leucocytopénie), régressifs après traitement chélateur. Les concentrations d'arsenic urinaires étaient éle­vées. Cet homme travaillait au poste de net­toyage de cuves en aluminium ayant contenu des herbicides arsenicaux, cuves qu'il immer­geait dans des bains de détergents chauffés ; les symptômes sont apparus peu après l'intro­duction d'un nouveau détergent acide ; après analyse, ces bains pouvaient contenir jusqu'à 44 ppm d'arsenic et en milieu acide, étaient susceptibles d'émettre des vapeurs de trihy­drure d'arsenic dans l'air. Une intoxication chronique mixte à l'arsenic et au trihydrure d'arsenic est dans ce cas fort probable.

    Effets cancérogènes

    Il n'y a pas d'étude épidémiologique humai­ne concernant la cancérogénicité du trihydrure d'arsenic.

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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