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Solvants aliphatiques en C5-C9

Fiche toxicologique n° 322

Sommaire de la fiche

Édition : Avril 2020

Pathologie - Toxicologie

Les effets toxicologiques des solvants aliphatiques sont difficiles à appréhender car cette famille regroupe des mélanges d’un grand nombre de substances chimiques ; le pourcentage de chaque composé et leurs différentes propriétés physico-chimiques intrinsèques affectent fortement la toxicocinétique et la toxicologie. Les effets spécifiques de certains solvants aliphatiques ne seront pas présentés dans cette fiche (se référer directement aux fiches toxicologiques spécifiques comme par exemple : FT 113 pour le n-hexane,  FT 168 pour l'heptane).

  • Toxicocinétique - Métabolisme [4]

    Les solvants aliphatiques sont principalement absorbés par voies orale et inhalatoire. Une fois absorbés, ils se distribuent préférentiellement dans les tissus lipidiques avant d’être métabolisés dans le foie puis éliminés dans l’air expiré ou dans les urines.

    Chez l'animal
    Absorption

    Les composés saturés sont moins absorbés par le tractus respiratoire que les composés insaturés (alcènes), les chaînes ramifiées moins que les chaînes linéaires et les n-alcanes de faible taille moléculaire moins que ceux de plus grande taille [13, 14]. Il est estimé qu’environ 15 % des composés en C3-C5, 25 % des C6 et ≈ 50 % des autres composés sont absorbés par inhalation.

    Par voie orale, les solvants aliphatiques sont bien absorbés, leur absorption étant inversement proportionnelle au nombre d’atomes de carbone dans la molécule [15]. Ainsi, il a été estimé une absorption approximative de 92 % pour les solvants aliphatiques en C6 et de 70 % pour les solvants en C9 à C14.

    L’absorption percutanée des alcanes en C5 à C12 est faible et diminue avec le nombre d’atomes de carbone [15]

    Distribution

    Après une exposition par voie orale ou respiratoire, les solvants aliphatiques se distribuent préférentiellement dans les tissus lipidiques, quelle que soit leur structure (composés de C6 à C20) [15]. Les composés fortement volatils (C5 à C7) sont trans­portés en quelques minutes vers le système nerveux central. Les homologues à chaîne plus longue traversent également la membrane alvéolaire mais leur effet principal reste local.

    Métabolisme

    Les solvants aliphatiques sont généralement métabolisés dans le foie par le système des monooxygénases à cytochrome P450 en alcools puis en cétones correspondants. Ces métabolites peuvent ensuite être sulfo- ou glucuroconjugués [16].

    Excrétion

    En raison de leur forte tension de vapeur et de leur faible coef­ficient de partage sang/air, les composés aliphatiques de faible masse moléculaire sont principalement éliminés dans l'air expiré, sous forme métabolisée (CO2) ou inchangée [17]. Les demi-vies de ces constituants sont de l’ordre de quelques minutes [18].

    Les métabolites conjugués des composés de poids moléculaire plus important sont éliminés principalement par voie urinaire, avec des demi-vies de 12 heures [19].

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë

    Les solvants aliphatiques sont peu toxiques en exposition aiguë, leur cible principale est le système nerveux central. Après ingestion, une aspiration dans les poumons est possible, à l’origine de lésions pulmonaires sévères.

    Les solvants aliphatiques sont peu toxiques en exposition aiguë et ont pour cible principale le système nerveux central. Pour des mélanges de C5 à C7 (de compositions non connues), la DL50 par voie orale est supérieure à 5000 mg/kg pc (rat), la CL50 est supérieure à 5610 mg/m3 (rat, 4 h) et la DL50 par voie cutanée est supérieure à 2000 mg/kg pc (lapin, 24 h, occlusif). Pour un mélange de C7 à C9 (35 % de C7, 50 % de C8 et 15 % de C9), les valeurs sont respectivement supérieures à 5840 mg/kg pc (voie orale, rat), à 23300 mg/m3 (voie respiratoire, rat, 4 h) et à 2800 mg/kg pc (voie cutanée, rat, 24 h) [4].

    Les solvants aliphatiques à chaîne linéaire provoquent, à forte dose, un effet narco­tique (incoordination, prostration et coma pou­vant aller jusqu'à la mort). Les propriétés anal­gésiques diminuent avec l'augmentation de la longueur de la chaîne.

    Par voie orale, les composés liquides (jusqu’à C8) peuvent être aspirés dans les poumons occasionnant une pneumonie chimique [20]. Le risque d'aspiration est inversement proportionnel à la viscosité du composant : un composé de faible viscosité migrera vers la partie la plus profonde de l'arbre trachéobronchique.

     

    Irritation, sensibilisation [4]

    Selon leur composition (mélange de C7 à C9 avec 35 % de C7, 50 % de C8 et 15 % de C9, ou mélanges d’essence sans plomb), les mélanges d’hydrocarbures aliphatiques peuvent induire une irritation cuta­née légère à modérée (en conditions semi-occlusives), et une irritation oculaire très faible voire nulle. Les liquides les plus lourds (paraffines liquides) sont principalement des agents dégraissants.

    Les vapeurs des liquides les plus volatils (de C5 à C9) entrainent, aux fortes concentrations, une irritation des voies respiratoires [20].

    Aucun de ces mélanges n’est sensi­bilisant pour la peau.

    Toxicité subchronique, chronique [20]

    En exposition chronique, les solvants aliphatiques entraînent, aux plus fortes concentrations, une dépression du système nerveux central transitoire.

    La toxicité chronique des mélanges de solvants aliphatiques est faible, les NOAEC déterminées dans les études disponibles correspondant généralement à la concentration la plus élevée testée. Seule une dépression réversible du système nerveux central est rapportée. La NOAEC pour un mélange d’iso-alcanes en C7-C9 est de 1180 ppm chez le rat.

    Effets génotoxiques [4]

    Les tests réalisés in vitro et in vivo avec des solvants aliphatiques se sont révélés négatifs.

    In vitro

    Les mélanges de solvants testés (mélange en C7-C9 contenant 65 % de n- et iso-paraffines et 35 % de naphtènes et 0,01 % d’hydrocarbures aromatiques ou un mélange d’essences sans plomb) ont montré des résultats négatifs dans les tests standards bactériens (test d’Ames, avec et sans activation métabolique) ou cellulaires réalisés sur cellules lymphoblastoïdes humaines TK6 (mutation génique), sur hépatocytes de rat (aberrations chromosomiques) et sur cellules ovariennes de hamster chinois (cellules CHO, échange de chromatides sœurs).

    In vivo

    Un test du micronoyau chez le rat est disponible, réalisé avec un mélange d’essences sans plomb, et donne un résultat négatif (6 h/j, 5j/sem, 4 semaines, 0-2000-10000-20000 mg/m3).

    Effets cancérogènes

    Aucune donnée relative aux effets cancérogènes des solvants aliphatiques n’est disponible chez l’animal à la date de publication de cette fiche toxicologique.

    Effets sur la reproduction [4]

    Aucune donnée n’est disponible concernant les effets sur la fertilité de ces solvants. Concernant le développement, les quelques études publiées ne mettent en évidence aucun effet.

    Fertilité

    Aucune étude relative à la fertilité de ces mélanges n’est disponible chez l’animal.

    Toutefois, une étude sur 2 générations, menée chez le rat avec un mélange d’hydrocarbures aliphatiques de composition inconnue, ne met en évidence aucun effet sur la fertilité des animaux exposés 6 h/j, 7 j/sem à 0-5000-10000 ou 20000 mg/m3.

    Développement

    Des rats ont été exposés à un mélange d’hydrocarbures aliphatiques en C7 de composition inconnue (6 h/j, du 6e au 15e jour de gestation, 400 et 1200 ppm). Aucun effet sur le développement n’est rapporté.

    De même, suite à l’exposition de rats 6 h/j, du 6e au 15e jour de gestation à 2653 ou 23900 mg/m3 à un mélange d’hydrocarbures (79,5 % de paraffines, 2,3 % de naphtènes, 14,1 % d’alcènes et 4 % d’aromatiques), aucun effet sur les mères, la reproduction ou le développement n’est rapporté.

    Neurotoxicité [20]

    Les substances de cette famille ne produisent pas de métabolites neurotoxiques similaires à la 2,5-heptanedione, issue du métabolisme du n-heptane, et sont donc peu susceptibles de générer des effets neurotoxiques (autres que l’ébriété).

  • Toxicité sur l’Homme

    Les hydrocarbures aliphatiques en C5-C9 sont des mélanges dont il est difficile de déterminer des effets spécifiques sur la santé. Ils présentent des effets communs à la plupart des hydrocarbures pétroliers. Lors d’expositions aiguës, ils sont irritants pour la peau et les muqueuses et dépresseurs du système nerveux central ; en cas d’ingestion, une pneumopathie d’inhalation peut également survenir. L’exposition prolongée à de fortes concentrations d’hydrocarbures peut être responsable de troubles mentaux organiques. Un excès de risque de glomérulonéphrite et de sclérodermie est observé chez des travailleurs exposés à divers types de solvants organiques. Il n’y a pas de donnée disponible permettant d’évaluer spécifiquement la génotoxicité, la cancérogénicité et les effets sur la reproduction des hydrocarbures aliphatiques en C5-C9 chez l’Homme. Un excès de risque d’avortement spontané, d’accouchement prématuré et de petits poids de naissance est associé à l’exposition à des solvants pendant la grossesse.

    Toxicité aiguë [21, 22]

    L’inhalation de vapeurs ou d’aérosols d’hydrocarbures pétroliers peut entraîner une irritation des muqueuses respiratoires et une dépression du système nerveux central : sensation d’ébriété, céphalées, nausées, confusion, allongement des temps de réaction, troubles de la coordination, altération de la vigilance pouvant aller jusqu’au coma en cas de forte exposition. Ces effets neurotoxiques surviennent rapidement après le début de l’exposition et régressent généralement en quelques heures à l’arrêt de celle-ci.

    En cas de projection cutanée ou oculaire, une irritation locale et une conjonctivite de sévérité variable selon la durée de contact peuvent être observées, des signes d’intoxication systémique peuvent survenir à la suite d’une contamination cutanée étendue et prolongée.

    L’ingestion est suivie de troubles digestifs (sensation de brûlure pharyngée, rétrosternale, épigastrique, nausées, vomissements, puis diarrhée) et une dépression du système nerveux central (syndrome ébrio-narcotique voire coma en cas de prise massive). Le principal risque, même pour de faibles quantités ingérées, est la survenue d’une pneumopathie d’inhalation. Même si la toux ou la dyspnée qui suivent l’ingestion régressent souvent rapidement dans un premier temps, une radiographie thoracique doit être systématiquement réalisée. Les images radiologiques apparaissent de moins d’une heure à 8 heures après l’ingestion. Il s’agit d’opacités floconneuses mal limitées, touchant le plus souvent les lobes moyen et inférieur droits mais une atteinte diffuse des deux champs pulmonaires est possible en cas de prise massive. L’atteinte pulmonaire s’accompagne de fièvre, hyperleucocytose avec polynucléose neutrophile et hypocholestérolémie. Lorsqu’elle est limitée, l’évolution est généralement favorable en 48 à 72 heures, les images radiologiques disparaissant en 1 à 2 semaines.  La complication la plus fréquente est la surinfection bactérienne avec une atteinte parenchymateuse, une pleurésie ou on pyopneumothorax.

    L’injection sous-cutanée ou intramusculaire d’hydrocarbures entraîne une réaction inflammatoire et une nécrose tissulaire locales, parfois associées à des compressions vasculaires, nerveuses et tendineuses, particulièrement sévères en cas d’injection sous pression.

    Toxicité chronique [21, 22]
    • Effets cutanés

    L’exposition répétée aux hydrocarbures peut être responsable de dermatites d’irritation de contact (sécheresse de la peau, hyperkératose, crevasses, principalement au niveau des mains).

    • Effets neurologiques

    L’exposition prolongée (généralement supérieure à 10 ans) par voie respiratoire à des concentrations élevées d’hydrocarbures entraîne des troubles mentaux organiques. Le tableau clinique initial associe des symptômes subjectifs non spécifiques (fatigabilité accrue, difficultés mnésiques et de concentration, irritabilité, tendance dépressive, troubles du sommeil) réversibles à l’arrêt de l’exposition. Ces troubles s’aggravent en cas de poursuite de l’exposition : installation de troubles permanents de l’humeur et de la personnalité et une détérioration intellectuelle avec altération des performances aux tests psychométriques. Des troubles de la vision des couleurs, généralement discrets, peuvent être associés [23]. A un stade tardif, des signes neurologiques déficitaires (syndrome cérébelleux) sont également rapportés.

    D’autres effets neurologiques ont été attribués à l’exposition aux solvants (survenue de crises d’épilepsie, apnées du sommeil, sclérose en plaque) mais les données disponibles ne permettent pas de conclure à un lien causal.

    • Effets rénaux

    Une association entre exposition professionnelle aux hydrocarbures et excès de risque de glomérulonéphrite est observée dans plusieurs études cas-témoins. Certaines données sont en faveur d’une association entre exposition aux solvants organiques et progression de l’atteinte glomérulaire vers une insuffisance rénale chronique terminale [24, 25]. Un rôle initiateur dans l’atteinte rénale est toutefois également possible puisque plusieurs études transversales montrent, chez les travailleurs exposés à divers types de solvants organiques comparés à des sujets non professionnellement exposés, une augmentation du niveau d’albuminurie et de protéinurie de bas poids moléculaire, marqueurs respectivements d'atteintes glomérulaire et tubulaire.

    • Autres effets

    Plusieurs études cas-témoins retrouvent un excès de risque de sclérodermie chez des sujets professionnellement exposés aux solvants avec avec un risque relatif rapproché (odds ratio) de 2 dans les méta-analyses les plus récentes [26 à 28]. L’exposition est généralement mal caractérisée, tant de manière quantitative que qualitative, il est donc difficile d’identifier le rôle d’un ou plusieurs solvants en particulier. Un mécanisme pathogénique dysimmunitaire a été suggéré.

    Le rôle de l’exposition aux solvants organiques a été évoqué à l’origine de stéatose hépatique mais la plupart des études épidémiologiques ne montrent pas de modification des enzymes hépatiques chez des travailleurs exposés aux solvants, après prise en compte des facteurs de confusion extra-professionnels (consommation d’alcool, surpoids, syndrome métabolique, diabète non insulinodépendant, hépatites virales, prise médicamenteuse).

    Une hyperexcitabilité cardiaque (sensibilisation du myocarde à l’effet des catécholamines) à forte dose a été décrite pour certains hydrocarbures, dont des hydrocarbures aliphatiques en C5-C9 [29].

    Effets génotoxiques

    Il n’y a pas de donnée disponible permettant d’évaluer spécifiquement la génotoxicité des hydrocarbures aliphatiques en C5-C9 chez l’Homme.

    Effets cancérogènes

    Il n’y a pas de donnée disponible permettant d’évaluer spécifiquement la cancérogénicité des hydrocarbures aliphatiques en C5-C9 chez l’Homme.

    En 1989, certains solvants pétroliers ont été classés dans le groupe 3 du CIRC (agents inclassables quant à leur cancérogénicité). [30].

    Dans l’étude cas-témoins française ICARE (2276 cas et 2780 témoins entre 2001 et 2007), l'exposition professionnelle aux solvants organiques examinés n'apparaît pas associée au risque de  cancer broncho-pulmonaire [31].

    Effets sur la reproduction [21]

    Il n’y a pas de donnée disponible permettant d’évaluer spécifiquement les éventuels effets sur la reproduction des hydrocarbures aliphatiques en C5-C9 chez l’Homme.

    Des associations sont rapportées par certains auteurs : entre exposition masculine ou féminine aux solvants dans leur ensemble et allongement du délai nécessaire à concevoir ou entre exposition masculine et anomalies du sperme [32].

    Plusieurs études épidémiologiques mettent en évidence un excès de risque d’avortement spontané, d’accouchement prématuré et de petits poids de naissance associé à une exposition à des solvants pendant la grossesse. Ces effets sont considérés comme des effets à seuil.

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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