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Ethylène thiourée

Fiche toxicologique n° 316

Sommaire de la fiche

Édition : Juillet 2017

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [12]

    Chez l’animal, l’éthylène thiourée est absorbée par voies orale et cutanée. Sa distribution est relativement uniforme dans tous les organes mais elle est surtout retrouvée au niveau de la thyroïde ; elle traverse la barrière placentaire. Son élimination est quasi-totale, principalement dans les urines sous forme inchangée. Très peu d’informations sont disponibles chez l’Homme.

    Chez l'Homme

    Très peu d’informations sont disponibles chez l’Homme. Chez des volontaires ayant bu pendant 8 jours du vin contenant 8,8 µg/L d’éthylène thiourée, 48,3 % sont retrouvés sous forme inchangée dans les urines [15].

    Surveillance Biologique de l'exposition

    Le dosage de l'éthylène thiourée (ETU) urinaire en fin de poste et fin de semaine de travail pourrait être proposé pour apprécier l'exposition des salariés à l'éthylène thiourée mais il n’existe pas de donnée en milieu professionnel (les seules données disponibles concernent les sujets exposés aux fongicides de la famille des éthylène bis-dithiocarbamates). La moyenne des concentrations urinaires d'éthylène thiourée de la population générale est le plus souvent inférieure à 1,3 µg/g. de créatinine.

    Il n’existe pas de valeur biologique d’interprétation pour ce paramètre pour la population professionnellement exposée.

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë

    Par voies orale et cutanée chez le rat, la toxicité aiguë de l’éthylène thiourée est faible à modérée. De légères irritations oculaire et cutanée peuvent être observées et un faible potentiel sensibilisant cutané est mis en évidence.

    Chez le rat, les DL50 par voie orale sont comprises entre 545 et 1832 mg/kg ; les symptômes observés sont une salivation et une perte de poids. Les autopsies pratiquées chez les animaux morts révèlent la présence d’œdèmes pulmonaires [16].

    La DL50 cutanée est de 2250 mg/kg chez le rat ; une salivation excessive et une perte de poids sont rapportées [17].

    Aucune donnée n’est disponible par inhalation.

    Irritation, sensibilisation [18]

    Sous sa forme solide, l’éthylène thiourée n’entraîne aucune irritation cutanée chez le lapin.  L’instillation de 500 mg dans l’œil de lapin pendant 24 heures est à l’origine d’une légère irritation.

    L’application d’une solution aqueuse d’éthylène thiourée à 10 % sur la peau de cobaye pendant 24 heures, sous pansement occlusif, produit une légère irritation.

    Les résultats positifs obtenus au cours d’un test de Magnusson et Kligman indiquent que l’éthylène thiourée est un sensibilisant cutané léger à modéré [12]

    Toxicité subchronique, chronique [12]

    Par voies orale (rat, souris) et respiratoire (rat), la glande thyroïde est le principal organe cible, quelle que soit la durée de l’exposition. Plus rarement, des effets rénaux, hépatiques ou hypophysaires sont rapportés.

    Chez le rat mâle, à la suite de l’administration de 300 mg/L d’éthylène thiourée dans l’eau de boisson pendant 28 jours (i.e. 10,6 - 23,4 mg/kg pc/j), la sécrétion de thyroxine et triiodothyronine diminue alors que celle de thyréostimuline (ou TSH) est multipliée par 10. Des modifications histologiques sont observées dans la thyroïde et se caractérisent par une dilatation du réticulum endoplasmique granuleux et une vacuolisation des cellules épithéliales des follicules [19].

    Des rats ont été exposés à 50, 100, 500 ou 750 mg/kg pc/j d’éthylène thiourée pendant 30, 60, 90 ou 120 jours via la nourriture. Chez les animaux exposés aux deux plus fortes concentrations, une diminution du poids corporel et une hyperplasie de la thyroïde sont rapportées, pour toutes les durées d’exposition. Une baisse du niveau d’incorporation d’iode dans la thyroïde est aussi notée chez les animaux exposés à 100, 500 et 750 mg/kg pc/j, pour toutes les durées d’exposition [16]. A la suite d’une exposition des rats à 125 ou 625 mg/kg pc/j d’éthylène thiourée (dans la nourriture, pendant 90 jours), une diminution des taux sanguins de triiodothyronine (T3) et thyroxine (T4) est mesurée [20].

    Au cours d’une étude chronique (2 ans, mélange avec la nourriture) menée chez le rat, une augmentation des taux sanguins de T3 est détectée dès 0,4 mg/kg pc/j d’éthylène thiourée ; à cette même dose, une légère hyperplasie folliculaire est observée de même qu’une diminution de l’absorption d’iode [21]. A partir de 4-5 mg/kg pc/j, la concentration sanguine en T4 diminue, celle de TSH augmente et des changements histopathologiques de la thyroïde sont observés (hyperplasie, kystes hémorragiques). Pour des concentrations de l’ordre de 10-11 mg/kg pc/j, des carcinomes thyroïdiens apparaissent.

    Chez la souris, dans une étude sur 2 ans, par voie orale dans la nourriture, des effets similaires sont rapportés mais pour des concentrations supérieures : à partir de 47 mg/kg pc/j pour les effets sur la thyroïde et le foie, à partir de 143 mg/kg pc/j pour les effets sur l’hypophyse [12].

    Une étude récente a évalué les effets sur la thyroïde pour de très faibles doses. Des rates gestantes ont ainsi été exposées par gavage à 0-0,1-0,3 ou 1 mg/kg pc/j, pendant la gestation (du 7ème au 20ème jour de gestation) et la lactation. Chez les mères, des modifications histologiques de la thyroïde dose-dépendantes sont observées dès 0,1 mg/kg pc/j et aboutissent à la présence de follicules de petite taille, contenant moins de colloïde et avec un épithélium plus important. Les taux sériques d’hormones thyroïdiennes sont aussi modifiés avec une diminution significative des taux de T4 pour tous les groupes, des taux de T3 pour 0,1 mg/kg pc/j et des taux de TSH pour 0,3 mg/kg pc/j [22].   

     A la suite d’une exposition par inhalation (nez seul, 6 h/j, 5 j/sem, 28 jours), une NOEC de 11 mg/m3 a été déterminée chez le rat. Parmi les animaux exposés à 43 mg/m3, seules les femelles présentent une diminution des taux sanguins de T4 et des changements histologiques au niveau de la thyroïde (épaississement de l’épithélium folliculaire, diminution du colloïde, hyperplasie diffuse avec augmentation de la vascularisation). A la plus forte dose (197 mg/m3), les effets suivants sont rapportés dans les 2 sexes, en plus de ceux précédemment cités : dépilation, hyperkératose, diminution du nombre de réticulocytes et modifications histologiques au niveau de l’hypophyse et des glandes salivaires mandibulaires [12, 18].

    Effets génotoxiques [12]

    De très nombreuses études sont disponibles concernant la génotoxicité de l’éthylène thiourée mais les données sont difficilement interprétables compte tenu des faibles doses utilisées, des écarts méthodologiques ou de résultats insuffisamment rapportés. L’éthylène thiourée semble posséder un léger potentiel génotoxique in vitro après application de fortes concentrations mais n’est pas génotoxique in vivo, dans les tests classiques. Des tests réalisés sur cellules thyroïdiennes donnent, quant à eux, des résultats positifs. 

    In vitro

    Les tests d’Ames donnent des résultats différents en fonction des souches utilisées : en présence d’activation métabolique, des résultats faiblement positifs (substitutions de base) sont obtenus pour des fortes concentrations (> 1 mg/boite) avec les souches TA1535, TA1530, TA1950 ou TA98 alors qu’ils sont négatifs pour toutes les autres souches, classiquement utilisées. La grande majorité des tests réalisés sur E coli, avec des concentrations inférieures à 1 mg/boite, donne des résultats négatifs, avec ou sans activation métabolique (+/- S9) ; une seule étude, réalisée sur une souche spécifique et avec des concentrations comprises entre 2 et 200 µg/mL, retrouve une augmentation des mutations en présence de S9.

    Aucune augmentation de la fréquence des échanges de chromatides sœurs n’est mise en évidence sur des cellules ovariennes de hamsters, avec ou sans activation métabolique, et pour des concentrations allant de 100 µg/mL à 10 mg/mL. Des résultats négatifs ont été observés au cours de tests évaluant l’induction d’aberrations chromosomiques, d’hyperploïdie et d’aneuploïdie sur des fibroblastes pulmonaires de hamster (dose maximale 3,2 mg/mL) ou sur des cellules hépatiques de rat (dose maximale 200 µg/mL), sans activation métabolique. Toutefois, dans une étude, une augmentation de l’incidence des aberrations chromosomiques est observée sur des cellules ovariennes de hamster, avec ou sans activation métabolique et pour des concentrations comprises entre 1,67 et 5 mg/mL.

    Au cours d’un test sur des cellules de lymphome de souris, aucune induction de mutation génique n’est mise en évidence sans activation métabolique (concentration maximale 3,6 mg/mL) ; en présence de S9, la fréquence des mutations est doublée entre 3 et 3,6 mg/mL. Dans d’autres essais de mutations géniques de différents gènes (HPRT, TK ou ATPase), réalisés sur des cellules ovariennes de hamster, des résultats négatifs sont obtenus avec ou sans activation métabolique (dose maximale 2 mg/mL).

    Un test des comètes a été réalisé sur des cellules humaines thyroïdiennes : une augmentation légère mais significative de la fragmentation de l’ADN est observée à toutes les doses testées (1,25-2,5 et 5 mM) [23].

    In vivo

    Tous les tests réalisés in vivo donnent des résultats négatifs : mutations létales récessives ou recombinaisons chez la drosophile, morphologie des spermatozoïdes chez la souris (ip, 166 à 2655 mg/kg pc pendant 5 jours), échanges de chromatides sœurs chez la souris (ip, cellules de moelle osseuse et hépatique, 1000 mg/kg pc), aberrations chromosomiques chez le rat (cellules de moelle osseuse, dose unique de 200 ou 400 mg/kg pc, ou doses répétées pendant 5 jours de 50, 100 ou 400 mg/kg pc) ou micronoyaux chez la souris (différentes souches, ip ou gavage, de 150 à 1416 mg/kg pc dans du DMSO).

    Un test des comètes a été réalisé au cours duquel des rats ont reçu par gavage une dose unique de 916 mg/kg d’éthylène thiourée : une augmentation significative de la fragmentation de l’ADN dans les cellules de la thyroïde est observée [23].

    En présence de pH acide, l’éthylène thiourée réagit avec les nitrites pour former la N-nitrosoéthylène thiourée, métabolite fortement génotoxique aussi bien in vitro que in vivo

    Effets cancérogènes

    L’éthylène thiourée est cancérigène chez l’animal et provoque l’apparition d’adénomes et de carcinomes de la thyroïde chez les rongeurs. Chez le rat, des leucémies et des tumeurs de la glande de Zymbal sont aussi rapportées. Chez la souris, des tumeurs hépatiques et hypophysaires sont aussi observées. Le CIRC considère l'éthylène thiourée comme inclassable quant à sa cancérogénicité pour l'Homme, les effets cancérogènes observés chez l'animal n’étant pas extrapolables à  l'Homme.

    Un essai de transformation cellulaire, mené sur des fibroblastes de souris (dose maximale de 1 mg/mL), donne des résultats négatifs [12].

    A la suite d’une exposition de rats pendant 2 ans à l’éthylène thiourée, dans la nourriture (0-5-25-125-250-500 ppm), une hyperplasie de la thyroïde est observée dès 5 ppm (soit 0,3 mg/kg pc/j); les adénomes de la thyroïde apparaissent à partir de 250 ppm (17 mg/kg pc/j) et les carcinomes de la thyroïde sont observés à 250 et 500 ppm (33 mg/kg pc/j) [21].

    Des adénomes de l’hypophyse sont rapportés chez des rats mâles exposés à 125 ppm (9 mg/kg pc/j) d’éthylène thiourée pendant 2 ans via la nourriture ; à cette même dose, l’incidence des hyperplasies, des adénomes et des carcinomes de la thyroïde augmente chez les mâles et les femelles [12].

    Les études menées par le NTP chez le rat et la souris ont évalué les effets d’une exposition vie entière à l’éthylène thiourée [24]. Chez le rat, les animaux ont été exposés dans la nourriture à 0-9-30 ou 90 ppm (correspondant à 0–0,6–2 ou 6 mg/kg pc/j), pendant 2 ans. Une augmentation de l’incidence des hyperplasies et des adénomes folliculaires de la thyroïde est observée chez les mâles et les femelles dès 83 ppm alors que l’incidence des carcinomes de la thyroïde n’est augmentée qu’à la plus forte dose.

    Les souris ont été exposées à 0-100-330 ou 1000 ppm (correspondant à 0-14-47 ou 143 mg/kg pc/j), dans la nourriture pendant 2 ans. Au niveau de la glande thyroïde, sont rapportés une vacuolisation et une hyperplasie à  partir de 330 ppm, des adénomes folliculaires chez les mâles et les femelles exposés à 1000 ppm et des carcinomes uniquement chez les femelles exposées à 1000 ppm. Sont aussi observés des adénomes/carcinomes hépatocellulaires pour les mâles et les femelles exposés à 330 et 1000 ppm, des hépatoblastomes uniquement chez les mâles à 1000 ppm et des adénomes de l’hypophyse pour les 2 sexes à 1000 ppm.
    Chez le rat et la souris, l’exposition périnatale (exposition uniquement pendant la gestation et la lactation) n’a pas entrainé d’augmentation de l’incidence des cancers. L’exposition combinée périnatale puis vie entière est à l’origine chez le rat, en plus d’une augmentation de l’incidence des tumeurs de la thyroïde, d’une légère augmentation significative de l’incidence de leucémies à cellules mononucléaires et de tumeurs de la glande de Zymbal, aux plus fortes doses (F0 – 6 mg/kg pc/j, F1 – 17 mg/kg pc/j) [25].

    Malgré des indications suffisantes de cancérogénicité chez l'animal, l'éthylène thiourée a été considérée "inclassable quant à sa cancérogénicité pour l'Homme (groupe 3)" [19]. Selon ces experts, l'éthylène thiourée provoque des tumeurs de la thyroïde chez les souris et les rats par un mécanisme non génotoxique (interférence avec le fonctionnement de la peroxydase thyroïdienne entraînant une réduction de la concentration d'hormones thyroïdiennes circulantes et une augmentation de la sécrétion d'hormones stimulant la thyroïde). Par conséquent, l'éthylène thiourée ne devrait pas provoquer de cancer de la thyroïde chez l'homme exposé à des concentrations qui n'altèrent pas l'homéostasie de l'hormone thyroïdienne.

    Effets sur la reproduction [26]

    Les données existantes sont insuffisantes pour conclure quant aux effets de l’éthylène thiourée sur la fertilité. L’éthylène thiourée est embryotoxique, fœtotoxique et tératogène, en absence de toxicité maternelle, dans différentes espèces. Les effets sont dose-dépendants ; le système nerveux central, le squelette et l’appareil urogénital sont les principaux systèmes touchés. 

    Fertilité

    Très peu d’informations sont disponibles concernant spécifiquement les effets de l’éthylène thiourée sur la fertilité. Seule une étude sur une génération est disponible et ne montre aucun effet néfaste sur les paramètres de reproduction, le nombre et le poids des fœtus, chez des rats et des souris femelles exposées 2 semaines avant l’accouplement, pendant la gestation et la lactation (dans la nourriture, rat : 0-0,6-1,9-6,2-18,8 mg/kg pc/j ; souris : 0-5-15-49,5-150 mg/kg pc/j)[24].

    A la suite d’expositions par gavage, du 6ème au 20ème jour de gestation (0-15-25-35 mg/kg pc/j), aucune incidence sur le nombre d’implantations n’est observée [27].

    Chez les nouveau-nés, le développement des appareils reproducteurs mâle et femelle ou leur maturation sexuelle ne sont pas affectés, après une exposition pré et post natale à 0, 0,1 - 0,3 ou 1 mg/kg pc/j (gavage, du 7ème au 20ème jour de gestation puis descendance exposée jusqu’à la maturité sexuelle, correspondant au 60ème et 70ème jour, chez les mâles et femelles respectivement) [22].

    Développement

    Des rates gestantes ont été exposées par gavage à 0-0,1-0,3 ou 1 mg/kg pc/j, pendant la gestation (du 7ème au 20ème jour de gestation) et la lactation. Le traitement a entraîné des résorptions totales chez 1 des 15 et 14 femelles des groupes exposés respectivement aux doses de 0,1 et 0,3 mg/kg/j (soit 6,7 et 7 %), et 4 des 20 femelles exposées à la plus forte dose, ainsi qu’1 cas de dystocie (soit au total 25 %). Des écarts de croissance pondérale sont également visibles dans les groupes exposés à 0,1 et 0,3 mg/kg/j, alors que la prise alimentaire ne varie pas. Dans le groupe exposé à la plus forte dose, une diminution du nombre de petits vivants /portée est observée. Aucun effet sur la survie des petits au cours de la lactation n’est rapporté. Par contre, une précocité de l’éruption des incisives, du dépliement des oreilles et de l’ouverture des yeux est observée dans la plupart des groupes traités. Après le sevrage, les effets se limitent à des altérations histologiques de la thyroïde (diminution de la taille des follicules) et des modifications de la sécrétion de certaines hormones thyroïdiennes (T3 et T4) tout au long du développement post-natal (jusqu’au 60ème jour pour les mâles et 70ème pour les femelles). Aucun NOAEL ne peut être déterminé pour les effets sur le développement à partir de ces résultats [22].

    A la suite d’une exposition de rates du 6ème au 20ème jour de gestation (par gavage, 0-15-25 ou 35 mg/kg pc/j), aucun signe de toxicité maternelle n’est rapporté. Chez les animaux issus des femelles exposées à 25 et 35 mg/kg pc/j, une augmentation de l’incidence des dilatations ventriculaires du cerveau et des variations squelettiques (corps vertébraux bilobés ou en haltère et/ou ossification crânienne réduite) sont mises en évidence. A la plus forte dose, les petits présentent des malformations externes (méningocèle, méningorragie, sévères malformations des membres et de la queue) et des hydro-uretères ; par ailleurs à 35 mg/kg pc/j, le poids des fœtus est significativement réduit pour les 2 sexes. Un NOAEL de 35 mg/kg pc/j a été déterminé pour la toxicité maternelle et un NOAEL de 15 mg/kg/j pour les effets tératogènes [27].

    Au cours d’une étude sur le développement prénatal de rats (exposition avant et pendant la gestation, du 6ème au 15ème jour de gestation ou du 7ème au 20ème, par gavage, 0-5-10-20-40 ou 80 mg/kg pc/j), aucune toxicité maternelle n’a été rapportée par les auteurs à 40 mg/kg pc/j (forte mortalité à 80 mg/kg pc/j). Les effets sur le développement ont été observés de manière identique, indépendamment de la durée du traitement. Dans les groupes des femelles exposées à 10 mg/kg pc/j, les fœtus présentent des exencéphalies et des dilatations des ventricules. A partir de 20 mg/kg pc/j, les auteurs décrivent des hydrocéphales, des encéphalocèles, des méningocèles, des micrognathies et des anomalies de la queue. A partir 40 mg/kg pc/j, les effets suivants sont rapportés : une baisse de poids des fœtus, des retards d’ossification du crâne, des têtes bombées et, à la plus forte dose également, des fentes palatines, des lésions rénales, des syndactylies et plusieurs types d’anomalies du squelette. Les auteurs ont déterminé une dose sans effet sur la toxicité maternelle de 40 mg/kg pc/j et une dose sans effet sur le développement de 5 mg/kg pc/j [28].

    L’ensemble de ces études montrent aussi une diminution du poids des fœtus, une augmentation du nombre de  résorptions et de fœtus morts par portée et/ou une diminution de la survie des petits après la naissance.

    Chez la souris, aucun effet sur le développement prénatal ou la croissance des fœtus n’est observé, y compris à la plus forte dose testée (gavage, 0-200-400-800 mg/kg pc/j, GD 7-15) [29].

    Par voie cutanée, à la suite de l’application sur la peau de rates de 50 mg/kg pc d’éthylène thiourée (en solution dans du DMSO) au 12ème et 13ème jour de gestation, la totalité des fœtus présente des malformations (encéphalocèle, queue raccourcie ou totalement absente, absence d’os au niveau des pattes, mâchoire raccourcie, côtes fusionnées….) [17].

    Effets pertubateurs endocriniens

    Chez les mères et leur descendance, un hypothyroïdisme est observé, même pour de faibles doses. L’éthylène thiourée interfère dans la biosynthèse des hormones thyroïdiennes (inhibition de l’activité de la peroxydase thyroïdienne). 

    Une étude récente de développement pré/post natal a évalué les effets sur la thyroïde à la suite d’une exposition à de très faibles doses d’éthylène thiourée. Des rates gestantes ont ainsi été exposées par gavage à 0-0,1-0,3 ou 1 mg/kg pc/j, pendant la gestation (du 7ème au 20ème jour de gestation) et la lactation ; leur descendance a ensuite été exposée aux mêmes doses par gavage jusqu’à la maturité sexuelle (soit 60 jours pour les mâles et 70 jours pour les femelles). Chez les mères et les petits, des modifications histologiques de la thyroïde (présence de follicules de petite taille, contenant moins de colloïde et avec un épithélium plus important) et une diminution des taux sériques d’hormones thyroïdiennes (T3, T4) sont observées dès 0,1 mg/kg pc/j et sont caractéristiques d’une hypothyroïdie. Chez les mères se rajoute une augmentation du poids relatif de la thyroïde. Des résorptions totales sont respectivement observées chez 6,7 – 7 et 25 % des femelles exposées aux différentes doses ; la durée de la gestation est réduite dans tous les groupes traités (de 13 à 64 % selon la dose), par comparaison au groupe témoin. Chez les nouveau-nés, une précocité de l’éruption des incisives pour tous les groupes exposés, du dépliement du lobe de l’oreille et de l’ouverture des yeux est rapportée à 0,1 et 0,3 mg/kg pc/j. L’ensemble des autres effets traduit un hypothyroïdisme présent dès la plus faible dose  d’exposition : diminution de la taille des follicules et de leur contenu en colloïde, baisse des taux sériques de T3 et T4, altération des cycles œstraux (augmentation de leur durée, baisse de leur nombre) [22]

  • Toxicité sur l’Homme

    Les données sur la toxicité aiguë de l’éthylène thiourée chez l’Homme sont limitées. Seuls quelques cas de sensibilisation cutanée ont été publiés. En cas d’exposition chronique, des effets à type d’hypothyroïdie et de nodules thyroïdiens sont suspectés mais doivent être confirmés. Les données disponibles sont insuffisantes pour évaluer d’éventuels effets cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction chez l’Homme.

    Toxicité aiguë [30-34]

    Quelques cas de sensibilisation cutanée à l’éthylène thiourée ont été publiés, principalement dans le cadre d’expositions à des accélérateurs de vulcanisation  utilisés lors de la production d’articles en caoutchouc, ainsi qu’à des fongicides de la famille des éthylène bis-dithiocarbamates.

    Toxicité chronique [19, 30, 35]

    Une légère augmentation des taux sériques de TSH sans modification des taux de T4, par rapport à des témoins non exposés, a été mise en évidence chez des travailleurs exposés à l’éthylène thiourée lors de la pulvérisation de pesticides, notamment du mancozèbe, sur des plants de tomates, et n’utilisant aucun équipement de protection individuelle. La responsabilité de l’éthylène thiourée dans la survenue de cet effet ne peut être affirmée avec certitude en raison de l’existence de nombreuses co-expositions. Il est par ailleurs à noter que les valeurs des taux sériques de TSH de l’ensemble des travailleurs se trouvent toutes dans la gamme des valeurs normales du laboratoire [36].

    Dans une étude anglaise réalisée dans l’industrie du caoutchouc, une diminution de la moyenne des taux sériques de T4 (de l’ordre de 20 % par rapport à des témoins non exposés) a été mise en évidence chez 5 travailleurs exposés à l’éthylène thiourée, entre 1977 et 1981, lors de la manipulation de cette substance sous forme pulvérulente. Ces résultats concernaient l’ensemble des employés affectés aux opérations de mélange de l’éthylène thiourée avec le monomère de caoutchouc. A l’exception de l’un d’entre eux, qui présentait par ailleurs un taux sérique de TSH particulièrement élevé (10 fois la normale) associé à des signes cliniques en faveur d’un myxœdème, aucun de ces travailleurs ne présentait d’hypothyroïdie clinique et/ou biologique. Le faible effectif des travailleurs exposés limite la portée des résultats de cette étude [37].

    Dans une étude plus récente de 2004, réalisée aux Philippines dans 4 bananeraies, une élévation des taux sériques de TSH a été mise en évidence chez les travailleurs directement ou indirectement exposés à différents fongicides, notamment des éthylène bis-dithiocarbamates, par rapport à des témoins non exposés. Toutefois, les taux sériques de TSH chez les sujets exposés étaient dans la gamme des valeurs normales du laboratoire et la différence entre les différents groupes d’exposition (exposition directe ou indirecte, témoins) n’était pas statistiquement significative. Par ailleurs, 9 des 88 travailleurs exposés présentaient des nodules thyroïdiens à l'échographie (versus 3 dans le groupe témoin), avec une bonne corrélation entre la taille des nodules et les concentrations sanguines d’éthylène thiourée [35].

    Dans les 3 études citées précédemment, les potentiels effets hépatiques et rénaux n’ont pas été évalués.

    Effets génotoxiques [19, 30]

    Deux études ont mis en évidence une augmentation significative, par rapport à des témoins non exposés, de la fréquence des échanges de chromatides sœurs et des aberrations chromosomiques au niveau des lymphocytes périphériques de travailleurs indirectement exposés à l’éthylène thiourée, en tant que métabolite d’un fongicide de type éthylène bis-dithiocarbamate, lors de la production et de l’utilisation de mancozèbe [36, 38]. Toutefois, la responsabilité de l’éthylène thiourée dans la survenue de ces effets est impossible à déterminer en raison notamment de l’existence de co-expositions.

    Effets cancérogènes [19]

    Parmi 1929 travailleurs employés en Angleterre dans une usine de production d’éthylène thiourée, ainsi que dans diverses entreprises du secteur de la production de caoutchouc où est utilisée cette substance, le registre régional des cancers de Birmingham ne rapporte aucun cas de cancer de la thyroïde pour la période située entre 1957 et 1971. Le manque d’information sur la méthodologie ainsi que sur le nombre de cas attendus rend difficile l’évaluation des données. Par ailleurs, les risques de cancers autres que ceux de la thyroïde n’ont pas été évalués [39].

    Bien que les travailleurs de l’industrie du caoutchouc et ceux chargés de l’application des pesticides puissent être exposés à l’éthylène thiourée, aucune étude épidémiologique relative au risque de cancer ne fait mention de cette substance.

    Effets sur la reproduction [19, 26, 30]

    Dans le cadre d’une étude rétrospective réalisée entre 1963 et 1971 chez 699 femmes en âge de procréer et employées dans une usine de fabrication de caoutchouc contenant de l’éthylène thiourée, 255 mères ont été comptabilisées, ayant donné naissance à 420 enfants. Parmi ces femmes, 59 étaient employées dans l’usine au cours de leur première grossesse et aucune n’a donné naissance à un enfant malformé. Sur les 420 enfants, 11 étaient porteurs de malformations. Trois d’entre eux étaient nés avant l’emploi de leur mère dans l’usine, et 8, plus d’un an après que leur mère ait quitté son emploi. Aucune association entre exposition à l’éthylène thiourée et l’existence de malformations chez les enfants de mères exposées n’a pu être déduite à partir de cette étude [39].

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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