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p-Phénylènediamine

Fiche toxicologique n° 263

Sommaire de la fiche

Édition : 2006

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme

    La p-phénylènediamine est absorbée par toutes les voies d’administration et largement distribuée dans tout l’orga­nisme. Elle est métabolisée principalement sous forme de dérivés N-acétylés excrétés dans les urines.

    Chez l'animal
    Absorption

    D'après les études de toxicité, la PPD est absorbée par les voies orale, cutanée et respiratoire.

    Son absorption par voie orale est importante (90 %) chez la souris et le rat[17].

    Par voie cutanée, l'absorption est beaucoup plus limitée : elle varie entre 0,08 et 2,5 % de la dose appliquée, selon les études chez le singe et le porc, ou encore chez l'homme lorsqu'elle est appliquée sur le cuir chevelu de celui-ci [15, 27].

    Distribution

    Chez le rat, la souris et le lapin, la substance est distribuée dans tout l'organisme, de façon assez uniforme[17].

    Métabolisme

    La détoxification repose essentiellement sur la N-acétylation de la molécule, permettant l'élimination urinaire. Les principales enzymes catalysant cette réaction sont les N-acétyltransférases 1 et 2. La NAT2 est surtout hépatique et gastro-intestinale, alors que la NAT1 est retrouvée dans le foie, la vessie, l'épiderme et quelques autres organes. Des expériences réalisées avec des cytosols extraits de peau humaine suggèrent en effet que la PPD est acétylée dans la peau par la NAT1 [18].

    Lors d'une application cutanée chez des rats (50 mg/kg), la totalité de la substance paraît être métabolisée dans la peau, puisque seule la forme diacétylée est observée dans le plasma, 4 heures après l'exposition [12, 17]. La N-acétyl- PPD et la N,N'-diacétyl-PPD sont les deux métabolites majeurs retrouvés dans l'urine.

    La métabolisation de la PPD est rapide : un pic plasma­tique de PPD (et des quantités importantes de ses deux métabolites majeurs acétylés) est mesuré 1,5 h après l'in­gestion de PPD (14 et 21 mg/kg) par des lapins [28].

    Comme les autres amines aromatiques, la PPD pourrait être oxydée en espèces potentiellement réactives respon­sables de certains effets toxiques. Les voies d'oxydation ne sont cependant pas identifiées in vitro [26]. Par contre, l'oxydation par les enzymes mitochondriales mus­culaires, efficace in vitro, pourrait expliquer l'action myotoxique de la PPD [22].

    Les intermédiaires oxydés peuvent être O-glucuronés et ainsi éliminés dans l'urine.

    La PPD pourrait subir les mêmes transformations méta­boliques que d'autres amines aromatiques dans les conditions légèrement acides de la vessie. Leurs métaboli­tes hydroxylés peuvent être en partie hydrolysés, régéné­rant la N-hydroxylamine, qui est alors O-acétylée par les N-acétyl-transférases de la vessie. Il se forme alors un dérivé N-acétoxy, mais également la N-hydroxylamine protonée, formes instables se décomposant en ion nitrénium, capables de créer des adduits sur l'ADN des cellules épithéliales de la vessie [20]. Il n'existe cependant pas d'é­tudes publiées mettant en évidence ces processus après exposition à la PPD.

    Excrétion

    Chez le rat et la souris, l'excrétion est surtout urinaire à forte dose (à 90 % après ingestion de 65 mg/kg chez la souris), elle est urinaire et biliaire à dose modérée ou fai­ble (jusqu'à 60 % biliaire, après ingestion de 0,65 mg/kg) [17]. Elle est rapide : 24 heures après l'ingestion, la majo­rité de la substance (86 %) est éliminée dans les urines, on en retrouve 10 % dans les fèces et une faible proportion dans le sang (4%) [28]. Après une injection intraveineuse (i.v.) chez le rat, 95 % de la dose est éliminée dans les 24 heures, essentiellement sous forme conjuguée.

    Chez l'Homme

    Les métabolites acétylés sont majoritaires parmi les produits d'élimination urinaire (cf. « Elimination »).

    L'application sur le cuir chevelu de 1,6 g de PPD marquée, dans un produit de coloration capillaire, permet de déterminer un pic plasmatique à 2 h et une demi-vie plasmatique de 8 h. L'élimination urinaire est presque totale après 48 h alors que l'excrétion dans les fèces est négligeable [15, 27].

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë

    La p-phénylènediamine a une forte toxicité par ingestion ou par inhalation. Elle provoque une irritation modérée de la peau et des yeux en cas d’exposition unique. C’est un sensibilisant majeur.

    Les études portant sur la toxicité aiguë de la p-phénylènediamine (PPD) sont rares chez l'animal.

    Les valeurs de DL50 sont comprises entre 80 mg/kg et 250 mg/kg lors d'une administration orale chez le rat et le lapin, respectivement. La CL50 chez le rat est de 920 mg/m3 pour une exposition de 4 h (poudre). Les doses létales par d'autres voies d'administration sont rappor­tées dans le tableau 1 [2, 5, 10, 14].

    L'ingestion d'une forte dose chez l'animal se manifeste par des signes de léthargie, une hypersalivation, une ataxie, des tremblements, des difficultés respiratoires, une augmentation du rythme cardiaque et une diminu­tion de la température. Ce tableau peut être suivi par des vomissements, une rhabdomyolyse, une myoglobinurie et une atteinte rénale.

    Un œdème facial est fréquemment observé après injec­tion intra-péritonéale (i.p.) ou sous-cutanée (s.c.), à des doses proches de la DL50, chez différentes espèces ani­males (rat, chat, lapin, cochon d'Inde) ; celui-ci apparaît au bout de 1 à 4 heures. L'injection sous-cutanée de PPD (3 mg/kg) provoque des lésions musculaires chez le rat, caractérisées par une rhabdomyolyse[10].

    L'action myotoxique de la PPD reposerait sur un décou­plage de la phosphorylation oxydative mitochondriale dans les muscles, dû à une forme benzoquinone diimine, et provoquant la nécrose des muscles cardiaques et squelettiques [14]. Le métabolite 2-méthoxy-PPD est égale­ment proposé pour expliquer la toxicité musculaire. D'autres données évoquent un rôle direct de la PPD accé­lérant le relargage du calcium des fibres musculaires [30].

    Des cas de methémoglobinémie ont été observés (MetHB de 12,9 % 5 heures après injection i.p. de 10,8 mg/kg chez le rat). L'injection i.v. de 50 à 200 mg/kg peut induire un collapsus cardio-vasculaire chez le rat.

    Voie

    Espèce

    DL50 ou CL50

    Orale

    Rat

    80 - 180 mg/kg

    Lapin

    250 mg/kg

    Inhalation

    Rat

    0,920 mg/L/4 h

    Intrapéritonéale (i.p.)

    Rat

    37 mg/kg

    Sous-cutanée (s.c.)

    Rat

    170 mg/kg

    Lapin

    200 mg/kg

    Tableau 1 - Toxicité aiguë de la PPD chez l'animal.

    Irritation

    • de la peau

    L'irritation provoquée par l'application cutanée de PPD varie selon les espèces testées (lapin, cochon d'Inde, sou­ris, chien...), de non irritante à modérément irritante. Le lapin serait l'espèce la plus sensible[5].

    Lorsque le rat est exposé pendant 1, 3, 5 ou 7 jours à une solution à 1 % de PPD, une irritation cutanée apparaît (hyperkératose et infiltration du derme par les cellules inflammatoires) et persiste pendant 7 jours. La sévérité des effets est corrélée au temps d'exposition [21].

    • des yeux

    La PPD est modérément irritante pour les yeux, lorsqu'elle est testée chez le lapin. L'inflammation conjonctivale disparaît dans les 24 heures [10].

    Sensibilisation

    La PPD est un sensibilisant cutané plus puissant que ses isomères méta et ortho, chez le rat et le cochon d'Inde, à partir de 0,01 % [14, 30].

    Une sensibilisation par voie respiratoire n'est pas à exclure, puisqu'une étude chez le cochon d'Inde montre une infiltration massive d'éosinophiles dans les bronches après injection intrapulmonaire d'une solution à 1 %. La réaction est cependant limitée à la zone exposée [10].

    Des sensibilisations croisées sont possibles d'une part avec d'autres substances chimiques benzéniques substi­tuées en para : p-toluènediamine, p-aminophénol, p-aminoazobenzène, Soudan III [29] et d'autre part avec les isomères méta- et ortho-PPD [14].

    Certains métabolites de la PPD, la base de Bandrowski ou la benzoquinone, sont susceptibles d'être à l'origine de la sensibilisation [19, 25].

    Toxicité subchronique, chronique

    La p-phénylènediamine présente une très faible toxicité en cas d’expositions répétées.

    La croissance du rat est ralentie, lorsque son alimentation est supplémentée en PPD (0,005 à 0,4 %) pendant 12 semaines; l'atteinte du foie et du rein est limitée à une augmentation de leurs poids[16].

    L'atteinte du myocarde, caractérisée par l'observation his­tologique, est observée dans une étude chez le lapin, exposé soit à 20 mg/kg par voie orale pendant 13 jours, soit à 10 mg/kg pendant 90 jours.

    L'administration de PPD par voie intra-musculaire chez la souris (67,7 mg/kg pendant 20 jours) provoque une hépato-toxicité modérée, mise en évidence par l'augmen­tation de l'activité des catalases hépatiques [10].

    Appliquée sur la peau dans une formulation dosée de 1 à 4 %, mélangée au peroxyde d'hydrogène, à raison de 1 mL (soit 40 µg)/kg, 2 fois par semaine pendant 13 semaines, la PPD ne provoque aucun signe de toxicité chez le lapin [10]. Une autre étude chez le lapin montre que l'applica­tion cutanée de PPD à 1,2 %, à raison de 1 g/kg/j pendant 13 semaines provoque une desquamation et des fissures de l'épiderme. Quelques cas d'acanthose et de fibrose sont observés[10].

    À l'exception de légères baisses de poids, aucun effet toxique n'a été mis en évidence dans les études chro­niques chez le rat ou la souris, au cours desquelles la PPD est administrée par voie orale ou cutanée, à des concen­trations voisines de celles utilisées dans les produits commerciaux (10 à 40 g/L), avec ou sans peroxyde d'hydrogène [10, 23].

    Effets génotoxiques

    Une mutagénicité douteuse: la p-phénylènediamine n’a pas été classée mutagène au niveau européen.

    De nombreux tests ont évalué le caractère mutagène de la PPD. La substance n'est pas mutagène dans les tests suivants[15, 23] :

    • Test de réparation de l'ADN chez E. coli.
    • Test UDS sur hépatocytes de rat.
    • Test du lymphome de souris in vitro, avec ou sans acti­vation métabolique.
    • Test du dominant létal lié au sexe chez la Drosophile.
    • Elle n'est pas clastogène dans le test du micronoyau in vivo.

    Cependant, bien que l'ensemble des résultats soit peu reproductible, les tests suivants se sont au moins une fois révélés positifs :

    • Test d'Ames, avec activation métabolique. La mutagé­nicité de la substance semble liée à son oxydation, puisque des tests réalisés en présence de peroxyde d'hy­drogène sont positifs [13]. D'autres études négatives dans le test d'Ames sont également rapportées [14].
    • Test du lymphome de souris, avec et sans activation métabolique.
    • Test d'aberration chromosomique sur cellules CHO, avec et sans activation métabolique.
    • Test d'échange de chromatides sœurs sur cellules CHO, avec et sans activation métabolique.
    • Test de mutation somatique chez Drosophila melanogaster.
    • Test d'inhibition de la synthèse d'ADN dans les testicu­les de souris.

    Les trois isomères méta et para de la phénylènediamine présentent ce type de résultats, assez variables. Les tests positifs sont assez nombreux in vitro. Les tests in vivo le sont plus rarement et sont souvent équivoques. La positi­vité de certains tests pourrait être liée à des dérivés nitrés formés dans certaines conditions peu reproductibles [14]. L'évaluation européenne de la substance a conclu à un résultat négatif.

    Effets cancérogènes

    Sur la base des données disponibles, aucune classification cancérogène n’a été attribuée à la p-phénylènediamine au niveau communautaire. Le CIRC a placé cette substance dans le groupe 3 des agents inclassables quant à leur cancérogénicité pour l’homme.

    Plusieurs études ont porté sur le potentiel cancérogène de la PPD par les voies orale, cutanée et sous-cutanée, chez le rat et la souris. Le chlorhydrate de para-phénylènediamine n'est cancérogène ni chez le rat ni chez la souris exposés pendant 2 ans à la PPD dans leur nourriture (dose non précisée). Le CIRC juge l'ensemble des données insuf­fisantes, bien que généralement négatives, pour permet­tre de conclure sur la cancérogénicité de la substance : cet organisme classe donc la PPD dans le groupe 3 (l'agent est inclassable quant à sa cancérogénicité pour l'homme) [11, 14].

    Effets sur la reproduction

    Pas d’effets connus de la p-phénylènediamine sur le déve­loppement mais une seule espèce a été testée; la fertilité n’a pas été étudiée.

    Aucune malformation ou anomalie du développement n'est observée après administration à des rates gestantes que ce soit par gavage (5 à 30 mg/kg du 6e au 15e jour de gestation) [24] ou par voie cutanée en mélange avec du peroxyde d'hydrogène (20 à 80 mg/kg, du 1er au 19e jour de gestation) [10].

  • Toxicité sur l’Homme

    L’exposition aiguë par ingestion peut entraîner une détresse respiratoire, une rhabdomyolyse parfois compliquée d’une insuffisance rénale et conduire au décès. Des séquelles sont possibles. Il s’agit par ailleurs d’un puissant sensibilisant cutané (eczémas de contact, rares réactions anaphylactiques). L’exposition répétée est responsable d’atteintes rénales et cutanées. Des atteintes hépatiques, respiratoires, digestives et du système nerveux ont également été rapportées. Aucune donnée n’existe sur les effets mutagènes, cancérogènes ou toxiques sur la reproduction chez l’homme. 

    Toxicité aiguë

    Plusieurs cas d'autolyse par ingestion ont été publiés. Des œdèmes sévères du carrefour oro-pharyngien, pouvant entraîner détresse respiratoire et nécessité de trachéoto­mie, ont été observés. Il peut s'y associer une rhabdomyo­lyse, parfois compliquée d'une insuffisance rénale aiguë, pouvant conduire à une issue fatale. Des vomissements peuvent accompagner cette symptomatologie. Une publi­cation rapporte le cas d'un homme présentant une atro­phie des nerfs optiques, persistant 6 mois après ingestion de para-phénylènediamine[7, 31].

    Allergie cutanée

    Des eczémas de contact à la para-phénylènediamine (PPD) ont été décrits, que ce soit chez les utilisateurs ou les coiffeurs, lors d'utilisation de coloration capillaire, ainsi que dans d'autres milieux professionnels [32 à 34]. Chez les coiffeurs, l'eczéma siège souvent au niveau des trois premiers doigts et en péri-unguéal. Cette topographie cor­respond à certains gestes professionnels. Chez les utilisa­teurs, il siège principalement au niveau du cuir chevelu, derrière les oreilles ou à la nuque. Il peut être présent à d'autres endroits du visage, notamment au niveau des paupières [35]. L'utilisation de tatouages éphémères contenant cette substance a également entraîné ce type d'atteintes [36].

    Kligmann a utilisé le test de maximisation qui consiste à sensibiliser une personne avec une substance et à la remettre en contact à des concentrations différentes. 24 volontaires ont été testés, tous ont été sensibilisés [37].

    De nombreuses études épidémiologiques rapportent des résultats de populations ayant subi des tests épicutanés à la PPD. De 2,5 % à 28,6 % des personnes étaient sensibi­lisées.

    Chez les coiffeurs, le pourcentage de personnes sensibili­sées à la PPD parmi celles présentant une allergie cutanée est encore plus important.

    Par ailleurs, un certain nombre de publications rapportent des sensibilisations croisées entre la PPD et d'autres molé­cules (para-toluènediamine, para-aminophénol, dichlorhydrate de PPD...) [32].

    Des réactions anaphylactiques suite à l'application cuta­née de produit à base de PPD n'ont qu'exceptionnellement été rapportées [38].

    Autres pathologies cutanées

    Deux publications rapportent 5 cas de lésions achromiantes ou de leucodermies après utilisation de PPD lors de colorations capillaires [39, 40]. De très rares cas d'érup­tions lichéniformes ont également été publiés dans les mêmes circonstances [42]. Dans tous les cas, les faits rap­portés ne permettent cependant pas d'incriminer avec certitude la PPD.

    Toxicité chronique

    Une publication rapporte deux cas de décès par insuffi­sance rénale chronique après application cutanée de pro­duits à base de PPD. Ces cas sont critiquables, d'une part concernant le diagnostic médical - il s'agit plus de glomé­rulonéphrites d'évolution rapide - et l'étiologie - le rôle de la PPD est purement hypothétique. Rien dans la publica­tion ne permet de l'affirmer[42].

    Au début du XXe siècle, de nombreuses publications rap­portent des cas d'eczémas, d'asthme, de diarrhées et d'œ­dèmes du visage dans les teintureries utilisant des colorants, notamment à base de PPD. Ces publications rapportent également des atteintes du foie, du rein et du système nerveux. Ces articles n'ont pas pu être analysés. Il est donc difficile de se prononcer sur ces effets ne connaissant pas les conditions réelles d'utilisation et le rôle d'autres polluants éventuels [7, 31, 43].

    Effets génotoxiques

    Il n'existe aucune donnée humaine publiée.

    Effets cancérogènes

    Il n'existe aucune donnée humaine publiée.

    Effets sur la reproduction

    Il n'existe aucune donnée humaine publiée.

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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