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2-cyanoacrylate de méthyle, 2-cyanoacrylate d’éthyle

Fiche toxicologique n° 248

Sommaire de la fiche

Édition : 2004

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [1, 14]

    Le cyanoacrylate de méthyle est absorbé par la peau et le tractus gastro-intestinal, métabolisé principalement en formaldéhyde et cyanoacétate de méthyle et excrété dans l’urine et l’air expiré. Il n’y a pas de données pour le cyanoacrylate d’éthyle (ECA).​

    Chez l'animal
    Absorption

    Après ingestion chez le rat (100 g de 14C3- MCA polymère en poudre dans l'huile végé­tale), des molécules radiomarquées sont mesurées dans l'urine et les fèces pendant 4 jours. La radioactivité urinaire (15,9 %) repré­sente les métabolites absorbés, la radioacti­vité fécale (17,8 %) le polymère non absorbé. Le taux de dégradation du MCA polymère formé après application de monomère sur la muqueuse orale du rat est similaire à celui du polymère implanté au même endroit (env. 1 % par jour apparaît dans les urines).

    L'absorption pendant 6 jours de monomère MCA radiomarqué, ou du polymère, est plus faible par la peau intacte que par la peau abrasée (moins de molécules radiomarquées dans l'urine des animaux). Il semble que ce mono­mère, qui polymérise relativement lentement, soit mieux absorbé par la peau que ses homo­logues plus élevés. Contrairement aux mono­mères, les polymères sont faiblement solubles dans les lipides ; la dégradation du polymère sur la peau intacte peut être facilitée par l'ac­tion de la sueur, du sébum, de l'eau, de la tem­pérature corporelle et des bactéries. Les pro­duits de dégradation sont solubles dans l'eau.

    La toxicocinétique du cyanoacrylate de méthyle (MCA) a été étudiée chez l‘animal en particulier après implantation du polymère.

    Distribution

    Lorsque du 14C-MCA est appliqué sur des incisions dans la peau de rat, la radioactivité peut être mesurée dans le foie et d'autres organes; elle diminue avec le temps jusqu'à atteindre un taux légèrement supérieur à celui des témoins après 24 jours.

    Métabolisme

    Le polymère peut être hydrolysé pour former du formaldéhyde et du cyanoacétate d'alkyle ; ces deux composés sont potentiellement toxiques. Le mécanisme présumé implique une hydrolyse de l'ester en fractions de faible poids moléculaire, solubles dans l'eau.

    Une production de formaldéhyde a été mon­trée avec du MCA radiomarqué ; il entre dans le métabolisme des monocarbonés et apparaît dans l'urine sous forme d'urée ou dans l'air expiré sous forme de CO2. Environ 5 % des groupements cyanures sont libérés sous forme d'ions cyanates, convertis en thiocyanates et excrétés dans l'urine.

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë [14]

    Les cyanoacrylates de méthyle et d’éthyle ont une toxicité aiguë modérée par inhalation et faible par voie orale et cutanée ; ils sont irritants pour l’œil et le tractus respiratoire.

    Des expériences peu détaillées indiquent que le MCA monomère, administré par voie orale directement dans l'estomac où il polymé­rise, n'est pas toxique. La DL50 orale du cya­noacrylate de méthyle chez le rat est de 1,6­ à 3,2 g/kg. Par inhalation, la CL50 du MCA est de 101 ppm/6h chez le rat [3]. Chez le cobaye, la DL50 cutanée du MCA technique est > 10 ml/kg.

    Après une administration de MCA liquide, par gavage, à des rat mâles (5000 mg/kg), piloérection et léthargie sont observées jus­qu'à 6 jours après l'exposition. L'examen ana­tomo-pathologique montre la présence d'une grande masse indurée qui remplit l'estomac de chaque animal.

    Le gavage de rats avec de l'ECA liquide (5000 mg/kg) provoque la mort d'un animal et la même masse est observée dans l'estomac.

    Après exposition à l'ECA par inhalation (rat, aérosol, 21 000 mg/m3/1h), 70 % des animaux meurent dans les 4 premiers jours. L'examen histopathologique révèle une hémorragie pul­monaire, splénique et intestinale[1].

    Par voie cutanée, l'ECA liquide (2 000 mg/kg appliqué en semi-occlusif pendant 24 heures) n'induit ni mortalité ni toxicité systémique chez le lapin.

    Les implants de cyanoacrylates chez l'ani­mal et les cyanoacrylates ajoutés aux cellules en culture sont cytotoxiques, le MCA étant le plus toxique. Les implants provoquent, au site de contact, une inflammation sévère accompa­gnée de suppuration et de nécrose, ainsi qu'une inhibition de la croissance osseuse s'ils sont au contact de l'os ; ils empêchent aussi la production de collagène. Il y a une corrélation positive entre le degré d'absorption du poly­mère et l'intensité de l'inflammation locale pro­duite.

    Les facteurs responsables de l'histotoxicité sont :

    • la libération de métabolites : formaldéhyde, cyanoacétate et cyanures ;
    • l'augmentation de température associée à la polymérisation ;
    • la perte d'eau intra et extracellulaire vers le polymère ;
    • l'irritation mécanique provoquée par le polymère.

    La toxicité plus importante des chaînes courtes pourrait être due à une libération plus rapide de formaldéhyde et de cyanoacétate, à une plus forte proportion de groupements cya­nures, et à une réaction plus exothermique pro­duisant coagulation et nécrose.

    Les données animales montrent que le MCA et l'ECA, en vapeur ou aérosol, sont irritants pour les yeux et le tractus respiratoire. Sous forme liquide, ces deux substances sont irri­tantes pour les yeux mais non irritantes pour la peau. L'irritation oculaire diminue avec le temps et est réversible en 14 jours chez le lapin ; en revanche, le lavage de l'œil après application exacerbe l'irritation probablement par une augmentation de la polymérisation.

    Le MCA (0,2 %) ne semble pas être sensibili­sant pour le cobaye. Le MCA et l'ECA sont des irritants sensoriels puissants chez la souris; la RD50 est de 1,4 ppm pour le MCA et 0,7 ppm pour l'ECA [16].

    Toxicité subchronique, chronique

    Des rats exposés par inhalation (31,3 ppm, 6h/j, 5j/sem pendant 12 jours) présentent une légère baisse de la prise de poids, mais ni lésion nasale ou trachéale, ni toxicité systé­mique [17].

    Effets génotoxiques [1, 14, 17]

    Le cyanoacrylate de méthyle est mutagène in vitro pour une souche bactérienne ; le cyanoacrylate d’éthyle n’est pas mutagène. In vivo, les résultats obtenus avec le cyanoacrylate de méthyle sont négatifs.

    In vitro, l'ECA donne des résultats négatifs dans le test d'Ames avec et sans activation métabolique, alors que le MCA donne des résul­tats positifs, en fonction de la dose, uniquement sur la souche TA100 de Salmonella typhimurium ; de même, le MCA sous forme vapeur pro­voque l'apparition de révertants dans le Spot test, alors que l'ECA n'en induit pas. Il semble que, dans ces 2 tests, l'effet mutagène puisse être attribué au MCA monomère. En revanche, il n'induit pas la mutation de cellules de mammi­fère (cellules V79 de hamster syrien) avec ou sans activation métabolique.

    In vivo, le MCA n'est pas mutagène pour la drosophile, il n'induit pas la formation de micro­noyaux dans la moelle osseuse de souris (600 mg/kg d'une colle contenant 99 % de MCA en suspension dans de l'huile minérale, injection ip) ; les animaux présentent des signes de toxi­cité systémique et de la moelle osseuse. Aucune étude in vivo n'est retrouvée avec l'ECA.

    Effets cancérogènes [1, 14]

    Le MCA a été testé chez le rat, la souris et le chien en injection sous-cutanée ; seul le rat déve­loppe des fibrosarcomes au site d’injection.

    Chez le rat (1 injection de 0,1 ou 0,4 ml MCA monomère, observation 19,5 mois), une masse solide de polymère se développe dès la pre­mière minute et, en 24 heures, le site d'implanta­tion présente une réaction inflammatoire mar­quée qui subsiste 2 semaines au moins. La masse diminue en taille lentement et en fonc­tion de la dose (à 0,1 ml elle persiste chez 56 % animaux à 3 mois, 42 % à 6 mois et 14 % à 12 mois ; à 0,4 ml 100 % à 12 mois et 91 % à 15 mois). Des fibrosarcomes se développent au site d'implantation chez 12 % des animaux de la forte dose dont 2 avec métastases pulmonaires, la première tumeur est observée après 11 mois. À la faible dose, on observe métaplasie et proli­fération anaplasique focale des cellules du site d'injection chez 1 seul animal après 19,5 mois.

    Chez la souris (1 injection de 0,3 ml MCA monomère ou de colle MCA), il n'y a pas d'ap­parition de tumeur après 6 mois d'observation.

    Chez le chien (1 injection de 0,1 ou 0,4 ml MCA monomère), l'inflammation locale initiale persiste 2 à 3 semaines, il n'y a pas d'autre effet durant les 24 mois suivants. Après 6 à 8 mois, les masses palpables de MCA, présentes au site d'injection, ont disparu ; tous les organes sont histologiquement normaux.

  • Toxicité sur l’Homme

    L'exposition aiguë est responsable d'une irritation de la peau et des muqueuses : irritation nasale, toux chronique, syndrome obstructif ou œdème pulmonaire en cas d’inhalation ; risque de brûlure par contact cutané et de lésions cornéennes par projection. Un risque d’encollage de la peau et des muqueuses peut être noté en cas de contact. L'exposition répétée peut être à l'origine d’allergies (asthme, rhino-conjonctivite allergique, dermite de contact). De rares cas de dermatopolymyosites, dont l’imputabilité est difficile à déterminer, ont également été rapportés. Il n’a pas été rapporté d’effet cancérogène, génotoxique ou sur la reproduction et le développement chez l'homme.

    Toxicité aiguë

    Le MCA et l'ECA sont de puissants irri­tants pour la peau et toutes les muqueuses (nez, œil, poumon) [23], déclenchant rapide­ment des symptômes aigus en cas d'exposi­tion. Cette irritation est liée à la réaction exo­thermique lors de la polymérisation des colles cyanoacrylates.

    En cas de contact cutané, il est ressenti une sensation de chaleur, qui peut aller jusqu'à une brûlure chez les sujets sensibles.

    En cas de projection dans l'œil, des lésions cornéennes peuvent être constatées.

    En cas d'inhalation de fortes concentra­tions, une irritation cutanéo-muqueuse est décrite pouvant être à l'origine d'une sympto­matologie plus sévère (œdème pulmonaire). L'action irritante des cyanoacrylates sur les muqueuses joue certainement un rôle dans les manifestations des voies respiratoires rappor­tées chez les sujets exposés (toux chronique, syndrome obstructif, manifestation d'irritation nasale) [24].

    En cas d'ingestion, la polymérisation du cyanoacrylate de méthyle entraîne son adhé­sion aux tissus en contact et la formation d'une plaque de colle. Des effets systémiques n'ont pas été décrits.

    Du fait de leur rapidité à coller la peau et les muqueuses, toute manipulation de colles à base de cyanoacrylate(s) expose au risque d'encollage de la peau et/ou des muqueuses. De telles situations sont décrites dans la litté­rature [24] et sont à l'origine de douleurs, d'at­teintes cornéennes, de conjonctivites, d'exco­riations cutanées et de brûlures.

    Toxicité chronique

    Les propriétés sensibilisantes des cya­noacrylates sont les mieux connues. Des phé­nomènes allergiques ont été décrits, aussi bien chez les consommateurs que chez les tra­vailleurs exposés aux cyanoacrylates.

    En milieu professionnel, il s'agit d'asthmes, de rhino-conjonctivites allergiques [22, 24] et de dermites de contact [19]. Il a été rapporté un cas de bronchite à éosinophiles lors de l'emploi de colle à base de cyanoacry­late et de méthacrylate [24].

    Les asthmes aux colles à base de cyanoa­crylates sont une des causes les plus fré­quentes d'asthmes professionnels aux compo­sés acryliques ; c'est lors d'opérations de col­lage, dans différents secteurs industriels, que cet asthme a été le plus souvent décrit [24].

    Les cyanoacrylates, contenus dans les colles et les préparations d'ongles artificiels, bien qu'ils se lient immédiatement à la surface de la kératine, peuvent cependant être allergi­sants et le cyanoacrylate d'éthyle est le princi­pal allergène incriminé [19]. Ainsi, trois cas d'eczéma de contact ont été décrits chez 3 femmes exposées professionnellement (1 cas) ou utilisatrices de vernis à ongle (2 cas) renfermant du cyanoacrylate d'éthyle, avec la survenue d'une dermite chronique des pau­pières pour l'une d'entre elles [18]. Les patientes avaient des tests allergologiques positifs à la colle à base de cyanoacrylates. La manucure professionnelle a pu continuer à travailler avec le port de gants en polypropylène.

    L'étude d'une cohorte professionnelle portoricaine de 450 personnes, affectées à des postes de production d'adhésifs contenant des cyanoacrylates de méthyle et d'éthyle, n'a pas montré d'excès de risque de développer une obstruction bronchique (définie comme une baisse du VEMS/CV de plus de 30 %) chez les sujets exposés (suivis pendant 17 ans sur le plan respiratoire) comparés aux sujets non exposés, si l'on tient compte du tabagisme et de l'existence d'une rhinite ou d'une conjoncti­vite ; à noter que les concentrations atmosphé­riques en cyanoacrylates de méthyle et d'éthyle étaient faibles, inférieures à 0,5 ppm, avec des pics allant jusqu'à 1,5 ppm. Par contre, les cas d'irritation des voies aériennes supérieures et de conjonctivite étaient plus fréquents chez les sujets exposés et ce, d'autant plus que l'expo­sition cumulée à ces 2 produits chimiques était plus importante [21].

    Trois cas de dermatopolymyosites sévères ont été décrits chez des salariés exposés professionnellement à des colles à base de cyanoacrylates dans l'industrie de l'électronique ; chez 2 des 3 salariés les rechutes à la reprise du travail étaient consta­tées. Etant donné l'exposition concomitante à d'autres facteurs professionnels, il est difficile d'affirmer avec certitude qu'il existe une rela­tion de cause à effet entre ces dermatopoly­myosites et l'exposition aux colles cyanoacry­lates. A noter qu'aucun autre cas de ce type n'a été décrit dans la littérature [20].

    Effets cancérogènes

    Des effets cancérogènes ou génotoxiques n'ont pas été rapportés chez l'homme. Il en est de même des effets sur la reproduction et sur le développement.

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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