Accès rapides :

Vous êtes ici :

  1. Accueil
  2. Publications et outils
  3. Bases de données
  4. Fiches toxicologiques
  5. Sélénium et composés (FT 150) (rubrique sélectionnée)

Sélénium et composés

Fiche toxicologique n° 150

Sommaire de la fiche

Édition : Mise à jour 2011

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [4, 11, 12]

    Le sélénium est un micro-nutriment essentiel pour la majorité des espèces, y compris l'homme. Il fait partie de nombreux enzymes, en particulier l'hème oxydase et la glutathion peroxydase impliqués dans la défense cellulaire contre le stress oxydatif. De faibles doses de sélénium sont essentielles, de fortes doses sont toxiques. Il est absorbé par voie orale ou par inhalation ; les composés de sélénium sont métabo­lisés par deux voies majeures (réduction en sélénium élé­mentaire ou réduction en séléniure d’hydrogène, puis méthylation) et excrétés dans l’urine, les fèces, la sueur ou l’air expiré.

    Chez l'animal
    Absorption

    La biodisponibilité du sélénium dépend de sa forme chi­mique, du taux d'absorption et de l'état nutritionnel. Les séléniates et les sélénites de sodium sont les formes inor­ganiques les mieux absorbées.

    Chez l'animal (rat, souris ou chien), le taux d'absorption gastro-intestinale est meilleur après administration par gavage (> 80 %) que dans la nourriture (env. 50 %).

    Un aérosol de sélénium élémentaire inhalé se dépose, chez le chien, à 80 % dans les poumons et 15 % dans le tractus respiratoire supérieur, il est absorbé en 4heures (env. 57 ). L'acide sélénieux et l'oxychlorure de sélénium peuvent être absorbés par la peau.

    Le sélénium traverse la barrière placentaire (env. 13 % de la dose ingérée) et se concentre dans l'épithélium neuronal de l'embryon ou les yeux, le foie et le squelette du fœtus ; une quantité similaire passe dans le lait maternel.

    Chez l'homme, l'absorption gastro-intestinale lors de prise médicamenteuse de différents composés varie de 44 à 95 % de la dose ingérée. L'absorption est plus importante quand le composé est administré en solution et plus faible s'il est solide. Elle est plus efficace après une simple dose qu'après des doses journalières répétées.

    En milieu professionnel, la pénétration dans l'organisme se fait essentiellement par voies respiratoire (par le biais de l'inhalation de vapeurs et de poussières), digestive (par les mains souillées ou la déglutition de particules inha­lées) et plus accessoirement cutanée ; par inhalation, la rétention du sélénium dans le tractus respiratoire est de l'ordre de 40 à 60 %.

    Métabolisme et distribution

    Chez l'homme et chez l'animal, le sélénium est, après absorption, fixé aux érythrocytes, à l'albumine et aux glo­bulines plasmatiques. L'albumine semble être le récepteur immédiat et sert de transporteur vers les sites de fixation tissulaires, en particulier, le foie, les reins, la rate, le pan­créas, les os, les ongles et les cheveux. Chez l'animal, la demi-vie d'élimination est estimée à 40 jours dans le foie et 30 jours dans le sang, les poumons, les reins, la rate, et le cœur.

    Le passage transplacentaire a été montré in vitro sur pla­centa humain perfusé, le pic de concentration, dans la veine et l'artère fœtales, apparaît 120 - 150 minutes après celui de l'artère maternelle ; 47 % de la dose reste fixé dans le placenta.

    Les composés du sélénium sont métabolisés par deux voies majeures :

    • réduction en sélénium élémentaire, puis, soit incorpo­ration dans, ou fixation aux protéines après conversion en sélénocystéine, soit, après réaction avec des ions métal­liques, transformation en séléniures métalliques ;
    • réduction en séléniure d'hydrogène, puis méthylation en diméthylséléniure, diméthyldiséléniure ou en ion triméthylsélénonium.

    Les réactions de méthylation sont catalysées par les méthyltransférases localisées dans le cytosol des cellules hépatiques et rénales. La formation de triméthylsélénonium est saturable : en circonstances normales, le sélé­nium absorbé est métabolisé puis excrété sous la forme d'ion triméthylsélénonium, métabolite urinaire principal. De fortes concentrations saturent cette voie et du dimé­thylséléniure et du diméthyldiséléniure volatils sont for­més et excrétés par les poumons, donnant une odeur alliacée à l'haleine. Le sélénium peut aussi être excrété dans les fèces ou la sueur.

    Excrétion

    Chez le rat, l'excrétion est triphasique :

    • la 1re phase est caractérisée par une excrétion rapide dont le taux est fonction inverse de la dose administrée et de la concentration en sélénium alimentaire ; la demi-vie d'excrétion varie de 19,5 jours pour 0,1 ppm à 1,2 jours pour 1 ppm ;
    • la 2e phase est une période de transition, pendant laquelle le taux d'excrétion est intermédiaire entre les phases 1 et 3 ;
    • la 3e phase est une période longue d'excrétion faible et constante qui représente le renouvellement corporel à long-terme ; la demi-vie est de 103 jours. Le taux d'élimi­nation n'est plus influencé par la dose, mais il augmente avec le taux de sélénium alimentaire.

    Une dose de 1 ppm, administrée dans la nourriture du rat, est excrétée pour 67 % dans l'urine et 10 % dans les fèces ; l'élimination par voie respiratoire est inférieure à 10 %. Chez l'homme, l'élimination est essentiellement urinaire (50 à 70 %), principalement sous forme libre mais égale­ment de dérivés méthylés,et plus accessoirement fécale et pulmonaire. L'excrétion urinaire varie avec la dose et la fréquence d'administration ; après 9 jours, elle correspond à 41-54 % de 0,1 mg administré, 77 % de 1 mg et 36 % de 5x1 mg/j. La courbe d'élimination, comme chez l'animal, est triphasique avec des demi-vies de 1 jour, 8-10 jours et 115-116 jours. L'excrétion dans l'air expiré est très faible ; à très forte exposition (au-delà de 0,9 mg/kg), l'odeur d'ail dans l'haleine est significative du diméthylséléniure.

    Surveillance Biologique de l'exposition

    Le dosage du sélénium sanguin en fin de poste et celui du sélénium urinaire en fin de poste et fin de semaine peuvent être utiles pour apprécier l'intensité de l'exposi­tion en milieu professionnel. Le sélénium urinaire reflé­terait plutôt l'exposition récente (des 2 jours précédents) au sélénium, mais serait soumis à de larges variations individuelles (alimentation...).

    Il existe une valeur guide pour le sélénium urinaire (Voir Recommandations médicales).

  • Mode d'actions

    Le rôle principal du sélénium est une activité anti-oxy­dante sous forme de coenzyme de la glutathion-peroxy­dase, responsable de la détoxication des peroxydes. La toxicité du sélénium est attribuée à son interférence avec le métabolisme et la fonction des composés sulfurés. Il affecte les systèmes enzymatiques associés à la respira­tion cellulaire et remplace les groupements thiols (-SH) des déshydrogénases par des groupements (SeH) avec inhibition subséquente de l'enzyme.

  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë [4, 11, 12]

    La toxicité aiguë orale varie avec la solubilité du composé du sélénium ; les plus solubles, comme les sélénite de sodium et séléniate de sodium, sont les plus toxiques. Par inhalation, les composés du sélénium sont des irritants respiratoires sévères.

    Le tableau I indique les DL50 orales du sélénium et de quelques composés du sélénium.

    Les symptômes ou les modifications observés, après une exposition orale, sont localisés au niveau :

    • du système nerveux central : faiblesse musculaire, perte de la vigilance, irritabilité ;
    • du tractus respiratoire : congestion, hémorragies et œdèmes pulmonaires, provoquant des difficultés respira­toires jusqu'à des spasmes d'asphyxie et la mort par arrêt respiratoire ;
    • du foie et des reins : modification du fonctionnement ; à l'autopsie, on note une congestion et une nécrose hépa­tique et une congestion rénale accompagnée d'hémorra­gies;
    • de la peau et des poils : dermatite et perte de poils;
    • des paramètres sériques : augmentation du taux d'hé­moglobine et de l'hématocrite (chez le chien).

    Les composés du sélénium sont des irritants respiratoires sévères après exposition par inhalation. Les observations ont été plus approfondies pour les deux composés sui­vants :

    • Hexafluorure de sélénium : les expositions, pendant 8 h, supérieures à 10 ppm (80 mg/m3) sont létales chez la sou­ris, le rat, le lapin et le cobaye ; l'autopsie révèle des effets respiratoires sévères incluant œdème, hémorragie, pneu­monie interstitielle et des modifications dégénératives du foie, des reins et du cœur. Une exposition à 5 ppm (40 mg/m3) provoque un œdème pulmonaire réversible  alors qu'une exposition à 1 ppm (8 mg/m3) est sans effet observable. La CL50 est de 25 ppm/h.
    • Séléniure d'hydrogène : des expositions de 8 h à des concentrations égales ou supérieures à 0,3 ppm (1 mg/m3) sont létales pour le cobaye par pneumonie, lésions hépa­tique et splénique. Il n'y a pas de létalité pendant l'exposi­tion, mais 50 % des animaux meurent au cours du premier mois suivant l'exposition.

    Le sélénite de sodium est un irritant sévère pour l'œil du lapin, s'il est appliqué sur la cornée ou injecté dans le stroma cornéal.

    Composés

    Espèces

    DL50 orale

    Sélénium

    élémentaire

    Rat/cobaye

    6700 mg/kg

    Sélénite de sodium

    Rat/souris

    Lapin

    Cobaye

    7 mg/kg

    2,25 mg/kg

    5,06 mg/kg

    Séléniate de sodium

    Rat

    Lapin

    1,6 mg/kg

    2,25 mg/kg

    Sulfure de sélénium

    Souris

    Rat

    Lapin

    370 mg/kg

    38 mg/kg

    55 mg/kg

    Disulfure de sélénium

    Rat

    138 mg/kg

    Tableau I. DL50 du sélénium et quelques composés.
    Toxicité subchronique, chronique [4, 11, 12, 14, 15]

    En exposition subchronique ou chronique, le sélénium provoque, par voie orale, une déshydratation de l’animal et des lésions hépatiques, pancréatiques et spléniques, et par inhalation, une irritation respiratoire.

    La toxicité chronique du sélénium, chez l'animal, a surtout été étudiée avec le sélénite et le séléniate de sodium. Par voie orale, ces deux composés sont plus toxiques chez le rat que chez la souris. Ils provoquent une diminution de croissance, une baisse de la prise de poids, des lésions du foie (cirrhose, nécrose...), une hypertrophie du pancréas et de la rate, et une modification des paramètres biologiques sériques et urinaires qui serait due à une déshydratation provoquée par la baisse de consommation hydrique. Les doses sans effet toxique observé (NOAELs) sont résumées dans le tableau II.

    Par inhalation, le dioxyde de sélénium provoque, chez le rat, détresse respiratoire, perte de poids et anémie. Tous les animaux meurent entre le 8e et le 33jour d'exposition selon la concentration (0,006 à 0,03 mg/l/j) ; à l'autopsie, on observe des modifications dégénératives du foie et des tubules rénaux, une dystrophie du muscle cardiaque et une hypertrophie de la rate.

    Substance

    Voie orale

    Espèce

    NOAEL

     

    Sélénite

    Dans la

    Rat

    0,2mg/kg/j

    42j.

    de sodium

    nourriture

    Hamster

    0,61 mg/kg/j

    42j.

    Sélénite

    Dans l'eau

    Rat

    0,4 mg/kg/j 9

    90j.

    de sodium

    de boisson

    Souris

    0,9 mg/kg/j

    90j.

    Séléniate

    Dans l'eau

    Rat

    0,4 mg/kg/j

    90j.

    de sodium

    de boisson

    Souris

    0,8 mg/kg/j

    90j.

    Tableau II. NOAEL de composés du sélénium
    Effets génotoxiques

    L’effet génotoxique du sélénium et de ses composés est variable en fonction des composés.

    In vitro, le séléniate et le sélénite de sodium sont mutagènes, sans activation métabolique, dans le test d'Ames sur Sal­monella typhimurium (TA98, TA100, et TA1537) ; le sulfure de sélénium n'est mutagène que pour la souche TA97 et l'acide sélénique, pour TA1535. Le sélénite de sodium pro­voque des lésions de l’ADN chez Bacillus subtilis, alors que le séléniate n'a pas d'action. Le séléniure, le sélénite et le séléniate de sodium, dans un ordre décroissant d'activité, en présence ou non de glutathion, augmentent le taux de synthèse non programmée de l’ADN dans les cellules ova­riennes de hamster chinois (CHO) et l'acide sélénique dans les fibroblastes humains. Le sélénite de sodium, l'acide sélénieux, l'acide sélénique et l'oxyde de sélénium  augmentent le taux d'aberrations chromosomiques dans les lymphocytes humains en culture, alors que le séléniate de sodium est inactif ; le sélénium élémentaire, le dioxyde de sélénium, les séléniure et sélénite de sodium augmen­tent, en ordre décroissant d'activité, le taux d'échanges entre chromatides-sœurs dans les cultures de lymphocytes humain, ou de cellules V79 de hamster ; le séléniate de sodium n'est actif qu'en présence d'activateur métabo­lique [16].

    In vivo, le sélénite et le séléniate de sodium augmentent, en fonction de la dose administrée, dans les cellules de mœlle osseuse de souris, les aberrations chromosomiques et les perturbations du fuseau, mais pas les micronoyaux ; le sélénite est plus puissant que le séléniate [17]. Le sul­fure de sélénium augmente légèrement le taux de micro­noyaux dans la moelle osseuse de rat, sans effet sur les aberrations chromosomiques[18]; chez la souris, il pro­voque l'effet inverse [19].

    Effets cancérogènes [12, 20-22]

    Les composés du sélénium ont été testés chez la souris et le rat par voie orale. Bien que, dans une expérience chez le rat, le sélénium ait provoqué une augmentation du taux de tumeurs hépatiques, les données disponibles sont insuffi­santes pour permettre une évaluation de la cancérogénicité. En outre, la majorité des données indique un effet anti-néoplasique du sélénium.

    Les études en laboratoire n'ont pas montré de corrélation entre une exposition au sélénite ou au séléniate de sodium et une augmentation du taux des tumeurs induites chez le rat (0,43 mg/kg/j dans la nourriture pendant 25 mois ou 4 ppm dans l'eau de boisson pendant 2 ans) ou la souris (3 ppm dans l'eau de boisson, toute la vie).

    Au contraire, le mélange de sulfure et de disulfure de sélé­nium administré par gavage, 7 j/sem pendant 103 semaines à des rats (3 ou 5 mg/kg/j) et des souris (20 ou 100 mg/kg/j) provoque, à forte dose, une augmentation des carcinomes hépatocellulaires chez le rat des deux sexes et la souris femelle ; l'incidence des carcinomes et adénomes bronchoalvéolaires est augmentée chez la sou­ris femelle à forte dose.

    Les souris C3H, connues pour développer des adénocarci­nomes spontanés de la glande mammaire avec une inci­dence de 80-100 % à l'âge de 12-16 mois, voient ce taux baisser à 45 % si elles sont exposées à 0,45 ppm de dioxyde de sélénium dans la nourriture et à 10% si, en plus, l'eau de boisson contient 1 ppm de sélénium. Le temps de latence d'apparition des tumeurs est augmenté. À ces concentrations, le sélénium n'a pratiquement aucun effet toxique sur le poids ou la survie des souris.

    Mode d'action [20]

    Le sélénium semble agir par plusieurs mécanismes selon la dose, la forme chimique et la nature du stress cancéro­gène : il inhibe la formation d'adduits covalents à l’ADN, retarde le stress oxydatif sur l’ADN, les lipides et les protéines et module les évènements cellulaires et moléculaires critiques pour l'inhibition de la croissance cellulaire et le processus de cancérogenèse. L'effet protecteur n'est pas seulement attribuable à l'action de la glutathion peroxy­dase ; dans sa fonction protectrice majeure, le sélénium empêche la transformation maligne des cellules en agis­sant comme oxydoréducteur dans le processus d'activa­tion-inactivation des facteurs de croissance cellulaire et d'autres protéines, en inhibant la réplication des virus et l'activation des oncogènes et en agissant comme accep­teur de groupements méthyles [21].

    Effets sur la reproduction [4, 12]

    À forte dose, le sélénium diminue la fertilité des animaux, probablement en relation avec la déshydratation induite, et agit sur le développement des petits de façon variable selon le composé.

    Fertilité

    Une dégénérescence et une atrophie testiculaires signifi­catives sont observées chez la souris mâle (dioxyde de sélénium, 0,035 mg/kg/j en injections intrapéritonéales pendant 90 jours). Les effets toxiques sur les gonades du séléniate de sodium, administré dans l'eau de boisson, sont probablement liés à la déshydratation induite :

    • chez le rat mâle (16 ppm), il produit des lésions testicu­laires (œdème intra tubulaire, oligospermie, foyers épars de spermatides dégénérés) et des altérations de l'activité de certains enzymes dans les cellules testiculaires (baisse de l'activité sorbitol déshydrogénase, augmentation de l'activité gamma-glutamyl-transpeptidase et béta-glucuronidase) ;
    • chez la femelle, une exposition identique, avant, pen­dant ou après l'accouplement, augmente la durée du cycle œstral et de la gestation et induit une baisse du nombre de corps jaunes et d'implants par portée. Une telle expo­sition pendant la gestation provoque, en plus, une dimi­nution du nombre de fœtus vivants par portée, du poids fœtal, de la proportion de petits vivants à la naissance et de la survie pendant la lactation.
    Développement

    Le sélénite de sodium administré par gavage à des souris CD1 femelles (3,5 - 5 - 7 - 14 mg/kg/j du 6e au 13e jour de ges­tation) induit, à la forte dose uniquement, 44 % de morta­lité maternelle, 40 % de réduction de viabilité des portées, une baisse du poids à la naissance et une baisse de la prise de poids au 3e jour après la naissance.

    Chez le rat (0,15 - 3 - 4,5 ppm dans la nourriture, de 8 semaines avant l'accouplement jusqu'au 14e jour de gestation), il ne provoque aucun effet toxique sur les mères ou les fœtus. Dans une étude sur 3 générations chez la souris, le sélé­niate de sodium (0,42 mg/kg/j dans l'eau de boisson) n'a pas d'effet sur la reproduction alors que le sélénite de sodium, à la même dose, affecte la reproduction de 50 % des couples traités.

    Le sélénium est tératogène chez les oiseaux et les ani­maux domestiques (porcs, ovins, bovins) mais il a peu été étudié chez l'animal de laboratoire du fait de la forte toxi­cité maternelle. Les effets tératogènes ont été étudiés sur des embryons de rat en culture. Le sélénite et le séléniate de sodium sont embryolétaux in vitro, respectivement à 20 et 300 |iM ; il provoquent des déformations des cavités optiques et un gonflement du rhombencéphale chez les embryons viables.

    Le dioxyde de sélénium (0,002 mg, aux 1er, 5e et 9e jours d'incubation, dans le sac vitellin de l'œuf de poule) pro­voque des lésions macroscopiques (nanisme, orteils recourbés et contractés, becs craquelés et raccourcis, modifications de l'estomac, de l'intestin, du foie et, dans les cas les plus sévères, du cœur).

  • Toxicité sur l’Homme

    Les intoxications aiguës peuvent se traduire par une irritation des muqueuses digestives, respiratoires et oculaires, cette irritation est variable selon le composé et peut aller jusqu'à un effet corrosif sur la peau et les yeux. En cas d'ingestion, des signes neurologiques ont été rapportés. L'inhalation répétée de faibles concentrations peut provoquer une altération de l'état général et une irritation des muqueuses et de la peau. Les données sont insuffisantes pour évaluer l'existence d'un effet cancérogène du sélénium en milieu professionnel. Les études environnementales ne montrent pas d'effet du sélénium sur la fertilité ou le développement.

    Toxicité aiguë [2, 4, 23, 28]

    Quelques cas d'intoxications ont été décrits lors d'inges­tion de denrées issues de régions sélénifères, ou lors d'in­gestions accidentelles ou volontaires de suppléments diététiques ou de produits pour nettoyage de fusils ; les symptômes associent diversement des troubles digestifs (diarrhées) et des signes neurologiques (convulsions, coma).

    Lors d'expositions professionnelles au sélénium et à ses composés, les intoxications peuvent faire suite à une inha­lation massive de gaz, voire de vapeurs ou de poussières ou à une projection sur la peau. Les principaux symptômes décrits sont des signes d'irritation cutanée, oculaire ou respiratoire, variables en fonction des produits, la pigmen­tation rose des phanères et l'odeur alliacée de l'haleine étant caractéristiques de ce type d'intoxication.

    Le sélénium élémentaire peut entraîner, lors d'inhalation de fortes concentrations de poussières ou de fumées, des signes d'irritation nasale et pulmonaire avec toux, dysp­née voire douleur thoracique, une épistaxis voire une anosmie, le plus souvent réversibles après cessation de l'exposition.

    Quant au séléniure d'hydrogène, il peut être responsable de signes d'irritations pulmonaire et oculaire, voire d'un œdème pulmonaire lésionnel d'apparition retardée (latence de 2 à 8 heures) et d'évolution le plus souvent favorable bien que des séquelles fonctionnelles respiratoires soient possibles ; des troubles digestifs complètent sou­vent ce tableau.

    L'oxychlorure de sélénium peut être à l'origine de brûlures cutanées avec bulles et nécrose, et également d'atteinte pulmonaire moins sévère qu'avec le séléniure d'hydro­gène.

    Enfin, le dioxyde de sélénium est fortement irritant pour les voies aériennes supérieures, entraînant une toux par­fois accompagnée d'une dyspnée et d'un syndrome bron­chique, mais aussi pour les yeux (conjonctivite avec coloration rose de la paupière, blépharoconjonctivite) ; lors d'un contact avec la peau, peuvent apparaître des signes d'irritation cutanée associés parfois à une nécrose, mais aussi une dermite eczématiforme ou un rash urtica­rien, voire des douleurs unguéales avec périonyxis.

    Toxicité chronique [2, 4, 23, 25, 28]

    Les cas d'intoxication professionelle concernent des expo­sitions principalement par inhalation. Ils associent des symptômes non spécifiques : asthénie, irritabilité, perte de poids, tremblements, parfois anosmie (gênant la détec­tion olfactive) ; très fréquemment, des troubles gastro­intestinaux avec nausées, vomissements, diarrhées, dyspepsie, douleurs gastriques complètent le tableau ; des signes d'irritation cutanée (érythème, coloration rose...), nasale ou oculaire (conjonctivite, blépharite) sont souvent présents.

    D'autres symptômes seront plus évocateurs d'intoxication par le sélénium, comme l'odeur alliacée de l'haleine et de la sueur, le goût métallique dans la bouche, la sudation excessive ainsi que la coloration rose de la paupière, les modifications des phanères (ongles cassants, striés ou mous, alopécie, coloration rose des phanères, perte de cheveux), la pâleur ou l'ictère cutané. Ces symptômes sont le plus souvent réversibles en quelques semaines.

    Effets cancérogènes [2, 27, 28]

    Les données concernant un éventuel effet cancérogène du sélénium font l'objet de discussions. Plusieurs études épi­démiologiques réalisées dans la population générale non professionnellement exposée ont montré une relation inverse entre la quantité de sélénium absorbé par l'ali­mentation (ou le taux de sélénium sanguin) et l'incidence des cancers, dans les limites d'une ingestion alimentaire quotidienne de sélénium n'entraînant pas d'effets toxiques (< 400 µg/j).

    Aucune étude consacrée au risque cancérogène dans une population professionnellement exposée au sélénium et à ses composés n'a été retrouvée.

    Effets sur la reproduction [2, 23, 26, 28, 29]

    Un effet tératogène chez l'homme semble pouvoir être écarté.

    Une étude italienne réalisée dans la population générale (10 000 sujets) a recherché les effets sur la reproduction d'une exposition chronique à des concentrations de l'ordre de 7 à 9 µg/L de sélénium inorganique hexavalent dans l'eau de boisson (inférieures à la valeur réglementaire de 10 µg/L mais supérieures à celles de régions avoisinantes de 1 µg/L); aucun effet toxicologiquement significatif sur la reproduction (fausses couches , poids de naissance, fré­quence de malformations) n'a été mis en évidence. Les autres études, lors d'expositions environnementales à des composés du sélénium, sont également négatives.

    Seul un auteur a rapporté dans un laboratoire où du sélénite de sodium est utilisé, 4 cas de fausses couches et 1 cas de malformation pied-bot bilatéral parmi 5 femmes enceintes sur une période de 5 ans ; les données d'exposi­tion sont trop imprécises pour conclure à une relation de cause à effet.

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
EN SAVOIR PLUS SUR LES FICHES TOXICOLOGIQUES